dimanche 11 mars 2012
Après le tremblement de terre de Haruki Murakami
Un recueil à la construction originale, puisque chacune des nouvelles saisit un moment de bascule dans les vies qu'elles traversent. Elles sont aussi liées par une unité de temps - " L'Après... " - à la manière dont Jim Jarmusch a composé plusieurs de ses films.
Murakami est un observateur attentif des chaos intimes de ses personnages, avec un sens de l'humour et une tendresse jamais en défaut.
Sa description nuancée du mal de vivre de l'époque, son style dépouillé, l'universalité de ses propos et de ses personnages le rendent plus proche que jamais de l'auteur américain qu'il considère comme son maître, Raymond Carver. (10/18)
Le point de départ de ce recueil de nouvelles de Haruki Murakami est l'après tremblement de terre à Kobe de 1995 qui a marqué de loin chacun des personnages dont il est question dans ces nouvelles.
Finalement, de ce tremblement de terre, il n'en sera toujours question qu'indirectement, par le biais de la télévision ou au détour d'une conversation, mais il résonnera comme un séisme intérieur pour chacun des personnages.
Toutes ces nouvelles n'apparaissent pas de prime abord de même qualité, j'ai trouvé que plus j'avançais dans le livre plus elles se bonifiaient et finalement, j'ai réalisé qu'elles avaient toutes des thèmes communs qui étaient abordés différemment par l'auteur.
La somme de toutes ces nouvelles finit par créer une union assez intéressante et c'est là que réside tout l'art de l'auteur : réussir à aborder des thèmes généraux (le mal être essentiellement) dans des situations différentes les unes des autres.
En effet, il peut s'agir de burlesque, ou alors de science-fiction ("Crapaudin sauve Tokyo" met en scène un crapaud qui sauvera Tokyo en combattant Lelombric dans les entrailles de la ville).
J'ai trouvé trois thèmes récurrents dans ces nouvelles : le vide, la mort, le sommeil.
Le vide, car chacun des personnages principaux reconnaît qu'il est une coquille vide, ou alors qu'il y a un vide dans leur vie : "Oui, vide, creux, je n'ai pas de contenu." ("Un ovni a atterri à Kushiro"), "Je suis vide." ("Paysage avec fer").
D'ailleurs, dans "Un ovni a atterri à Kushiro", Mlle Shimao émet l'hypothèse que la boîte transportée par Komura contient justement le contenu de cet homme : "C'est parce que dans cette boîte, dit Mlle Shimao d'une voix calme, il y avait ton contenu."
La mort, car c'est un thème sous-jacent avec le tremblement de terre, mais également au coeur des préoccupations des personnages : dans "Paysage de fer", Miyake propose à Junko de mourir avec lui, ce à quoi Junko répond par l'affirmative : "Je ne pourrai sans doute pas vivre avec lui, songea Junko; Parce que je ne crois pas que je pourrais pénétrer dans son coeur. Mais mourir avec lui, ça, je peux peut-être le faire."
Le sommeil, car il est la source de délivrance des personnages : "Puis il ferma les yeux et sombra dans un sommeil paisible, sans rêve." ("Crapaudin sauve Tokyo"), "Oui, voilà ce que je dois faire. Dormir. Et attendre le rêve." ("Thaïlande").
Outre le caractère métaphorique de ce livre, son autre point fort est les personnages qui sont tous très attachants.
Qu'il s'agisse d'un homme abandonné par sa femme, d'une jeune femme un peu perdue amie avec un peintre marginal, d'une femme médecin divorcée sans enfant, ou d'un homme transi d'amour pour une femme qui a épousé son meilleur ami, ils portent tous en eux un petit quelque chose de nous-mêmes, ce qui les rend proches de nous.
Enfin, le style d'écriture de Haruki Murakami est très agréable tout en étant simple.
J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre à la construction originale avec une forte portée métaphorique et des personnages particulièrement attachants.
Haruki Murakami m'a donc conquise et je continuerai de découvrir ses livres avec grand plaisir.
Bel avis ! Encore un Murakami qu'il me reste à lire.
RépondreSupprimer@Lili : merci ! J'ai découvert cet auteur il y a peu et j'accroche bien. Après avoir lu des nouvelles je testerai bien un roman.
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