A Casablanca, entre le passé et le présent, cinq destinées sont reliées sans le savoir. Différents visages, différentes trajectoires, différentes luttes mais une même quête de liberté. Et le bruit d’une révolte qui monte.
Face à l'excellent "Much loved" le nouveau film de Nabil Ayouch a de quoi surprendre, dans le bon sens du terme, et au final on devine une passerelle entre ce film et le précédent.
Le précédent film de Nabil Ayouch avait déclenché une vive polémique à sa sortie, au point d'être interdit au Maroc, alors qu'il ne faisait que montrer et parler de la réalité des prostituées au Maroc (je vous invite également à lire l'excellent "Sexe et mensonges La vie sexuelle au Maroc" de Leïla Slimani qui consacre d'ailleurs un chapitre au film et à son réalisateur).
Ce film-ci se passe sur deux époques (début des années 1980 et 2015), suit le parcours de plusieurs personnages, dont des femmes, et se conclut sur une montée de violence dans ce pays dû justement aux réformes entreprises au début des années 80 qui ont en quelque sorte anéanti l'esprit critique.
Cette vision du Maroc est sans concession et loin, bien loin, du cliché des plages, de la mer, du soleil, des vacances sous le signe de la détente et du farniente.
Car la population souffre : les jeunes n'arrivent pas à trouver du travail, même bardés de diplômes, les femmes sont critiquées, jugées, insultées si elles ne se conforment pas à la règle (formidable scène lorsque le personnage de Salima se promène en robe courte et qu'elle se fait insulter, elle relève encore plus sa jupe, pas pour provoquer mais pour montrer qu'elle est libre), d'un côté il y a toute une partie de la population de Casablanca qui vit misérablement et de l'autre il y a une population aisée, où les jeunes vivent dans des maisons luxueuses, rêvent à l'amour, regardent les pop-stars tout en respectant la religion.
Là encore le contraste est fort, entre une jeune fille aisée qui rêve à l'amour et aux relations sexuelles tout en profitant du confort et de l'argent face à une autre du même âge qui travaille comme servante et se réjouit d'épouser un homme deux fois plus âgé qu'elle parce qu'il va lui offrir sa forme de vie rêvée.
"I want to break free", c'est sans doute l'un des messages de ce film scandé en chanson par l'un des personnages qui ne jure que par Freddie Mercury et Queen.
Ce jeune homme qui n'arrive pas à s'en sortir et à vivre de sa passion pour la musique m'a évidemment touchée, mais c'est vraiment le personnage de Salima qui m'a le plus interpellée.
Complexe, c'est une femme moderne qui rejette les conventions et veut vivre comme elle l'entend, quitte à finir seule si c'est ainsi qu'elle peut accéder à sa liberté.
C'est une révolte moins violente que prône ce personnage, mais comme les autres elle va finir par acquérir son indépendance.
Il y a une violence latente pendant le film qui monte crescendo et finit par exploser dans des scènes finales quasi hallucinantes tant le déchaînement est incontrôlé et résultant d'une cocotte trop pleine qui a fini par exploser.
Maryam Touzani a écrit le scénario avec Nabil Ayouch, c'est la première fois qu'elle est comédienne et cela ne se ressent pas.
Elle est aussi la compagne du réalisateur et la fiction a rejoint la réalité car elle a appris qu'elle était enceinte pendant le tournage, tandis que le personnage qu'elle incarne cherchait au début à avorter notamment via un massage traditionnel, cette nouvelle est même tombé juste avant de tourner cette scène.
Mais Nabil Ayouch a voulu dire beaucoup de choses dans son film, sans doute trop car il perd parfois le spectateur qui finit par être confus face à tous les messages que le réalisateur a voulu transmettre.
Ainsi, cette vois narrative m'a gênée car elle n'apporte pas grand chose de plus au film et elle aurait à mon sens être pu supprimer au montage.
Il manque parfois un fil entre les deux époques de l'histoire, disons que l'un des fils est laissé trop longtemps de côté avant de revenir vers la fin.
C'est un peu dommage car j'ai senti que le réalisateur avait envie de dire beaucoup de choses, malheureusement ce n'était peut-être pas possible en un seul film tant les sujets sont complexes et méritent de s'y intéresser.
C'est le léger bémol que j'apporterai à l'ensemble, pour le reste j'ai bel et bien inscrit Nabil Ayouch dans ma liste de réalisateurs à suivre.
D'ailleurs j'aimerai beaucoup participer à un échange avec ce réalisateur après une projection car pour les deux films vus jusqu'à présent je trouve qu'une projection seule ne suffit pas et que le débat mérite d'être continué ensuite.
"Razzia" est un film fort et engagé d'un réalisateur qui a beaucoup de choses à dire et qui devrait continuer à ouvrir les yeux sur la réalité de la vie au Maroc, un film qui marque et fait réfléchir encore plusieurs jours après l'avoir vu.
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