«Un gars de l'Ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais avec lui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi comme copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais des ailes. Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare.» (Gallimard)
Sal Paradise vient de se séparer de sa femme lorsqu'il rencontre Dean Moriarty qui exercera sur lui dès les premiers instants une fascination dont il mettra beaucoup de temps à se séparer : "A la première impression, Dean me fit l'effet de Gene Autry en jeune - coquet, les hanches étroites, les yeux bleux et le véritable accent de l'Oklahoma -, un héros à rouflaquettes sorti des neiges de l'Ouest."
Dean Moriarty est sans aucun doute fascinant : "Un gars de l'Ouest, de la race solaire, tel était Dean." mais il est aussi dangereux, destructeur, et particulièrement dérangé psychologiquement.
Aucune personne qui a eu affaire à lui ne s'en est sortie indemne, c'est notamment le cas des femmes qui le côtoient, à commencer par Marylou.
"Sur la route" est un roman quasi autobiographique de ce qu'a vécu Jack Kerouac a une période de sa vie.
A travers ce roman, fondateur de la "Beat Generation", Sal fera vivre au lecteur trois traversées des Etats-Unis, les deux premières d'est en ouest et la troisième au Mexique, étalées sur un peu plus de trois années.
Pour bien situer le contexte, voici une carte des trois voyages effectués dans "Sur la route" :
Rouge 1947
Bleu 1949
Vert 1950
Autant le dire, ces voyages sont particulièrement excitants et la quête profonde de ce livre est de vivre de nouvelles expériences pour ces jeunes gens, à la recherche d'une forme d'idéal qu'eux-mêmes ne savent trop comment définir.
Mon périple préféré est sans nul doute celui de 1949, à mes yeux le plus riche en émotion et le plus déjanté également dans les expériences vécues.
De sexe, de drogue et de jazz, il en est énormément question dans ce livre, et si les relations que Dean entretient avec les femmes sont plus qu'étranges (il a la particularité de se mettre avec ses anciennes femmes, s'entendant mieux avec elles après avoir divorcé et pris du recul), il y a des moments extrêmement forts dans ce livre qui m'ont fait vibrer.
Je pense particulièrement à une scène avec des musiciens de jazz où Sal et Dean sont à la recherche d'une sorte d'orgasme musical, visuellement à lire et à imaginer cette scène est d'une puissance rare et finit par emporter le lecteur dans la folie des personnages.
Et puis les différents personnages croisés dans le roman sont tous très particuliers, qu'il s'agisse de Old Bull Lee ou de Carlo qui cherche à amener les gens à comprendre le Roc : "Vous épinglez un dragon à votre chapeau, nous disait-il, et vous êtes au grenier avec les araignées qui vous courent au plafond."
J'ai eu un petit coup de coeur pour Marylou, c'est un personnage féminin plus complexe qu'il n'apparaît au premier abord et il dégage une forme de fragilité et de force à la fois qui développe une forte empathie chez le lecteur. Elle souffrira énormément de Dean mais c'est aussi ce qui la rendra plus forte et lui donnera la force de s'échapper à son emprise.
Et puis, ces voyages sur les routes, ce sont aussi l'école de la vie : les vols et les chapardages quand il n'y a plus assez d'argent, la solidarité, des amours brèves mais intenses et sincères, des rencontres fulgurantes de personnes qui pour certaines marqueront les esprits avec en toile de fond l'improbable quête de Dean de retrouver son père.
Et que dire du style d'écriture de Jack Kerouac, hormis qu'il est unique, qu'il dégage une fièvre qui s'empare aussitôt du lecteur et qu'il n'est pas sans rappeler une improvisation de jazz, partant dans des trips totalement incongrus mais livrant les plus beaux moments de ce livre.
A force d'entendre parler de ce livre comme culte et fondateur de la Beat Generation je me suis décidée à le lire et bien je ne regrette absolument pas cette lecture.
Une fois refermé il m'a encore marqué et j'ai mis un certain temps à le digérer avant de pouvoir en parler.
C'est par moment complètement barré mais le personnage de Dean exerce sur le lecteur comme sur Sal une fascination avec son côté destructeur qui finit par rendre cette lecture attachante et impossible à abandonner avant d'avoir atteint le fin de la route et du voyage.
C'est un livre qui secoue et qui ne laisse pas indifférent, qu'il soit culte et fascine autant depuis plusieurs générations est une évidence.
Ravie que ce roman t'ait plu ! C'est ma grande découverte de 2012 ! :)
RépondreSupprimer@ Lili : dire que je suis passée à côté depuis si longtemps ! On est en juillet j'ai déjà du mal à envisager mon "top ten" de lectures 2012 tant j'ai fait des découvertes ...
RépondreSupprimerje sens que je vais me dépecher de le lire car là pour le coup je retrouve "la ballade sauvage " comme je l'ai dit pour le film
RépondreSupprimer@ Marie : les vacances arrivent et le livre a été réédité avec le film (version retravaillée, celle que j'ai lu, ou rouleau original, c'est-à-dire l'histoire écrite d'une seule traite sans chapitre ni interruption).
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