dimanche 25 octobre 2015
Père et fils de Larry Brown
Après trois ans derrière les barreaux, Glen sort tout juste de prison. Il rentre chez lui, dans ce Sud écrasé par la chaleur où son père, son frère, sa petite amie et le fils qu’elle a eu de lui, l’attendent. Quarante-huit heures plus tard, Glen a déjà commis un double meurtre. Aucun indice ne peut mener jusqu’à lui. Mais tout va conduire à faire rejaillir à la surface les secrets enfouis depuis deux générations, les démons qui hantent les âmes en peine de cette famille aux prises avec son destin. (Gallmeister)
Parfois, certaines personnes feraient mieux de rester derrière les barreaux, ou de ne jamais revenir chez eux.
Parce que tout ce qu'ils savent faire, c'est le mal, le désespoir, la violence sur les personnes qu'ils disent aimer et qui elles, les aiment sincèrement.
C'est le cas de Glen que trois années en prison n'ont pas assagi, loin de là.
Il rentre chez lui, dans le Sud, répond méchamment à son frère, refuse quasiment de voir son père Virgil, refuse d'écouter ce qu'a à lui dire Jewel, sa petite amie, qui a eu de lui un petit garçon qu'elle élève seule.
Et ça, ce n'est que le début, car pas plus tard que quarante-huit heures après être revenu, il a déjà commis un double meurtre, mais pour lesquels les indices sont minces et ne peuvent le conduire jusqu'à lui.
Glen est un salopard, il n'y a pas d'autre mot pour le désigner.
C'est un personnage détestable ne provoquant aucun sentiment d'empathie chez le lecteur et qui paradoxalement ne peut pas non plus s'en faire détester.
Sans doute parce que l'auteur a pris soin de travailler la psychologie de ce personnage dans le détail.
Il est détestable dans ses paroles et ses actes, il a un gros problème mental remontant à l'enfance, il souffre d'un sentiment de persécution : "Il fallait qu'il y ait toujours quelqu'un qui vienne lui faire des crasses et il en avait marre. Il en avait jusque-là ! Il ne pouvait quand même pas laisser les gens le piétiner !", de non compréhension de la part d'autrui, et s'imagine être le seul à détenir la vérité : "Toute sa vie il n'avait eu autour de lui qu'une sinistre bande de salopards.", enfin la sienne.
Si je n'ai pas apprécié ce personnage pour son attitude, je ne l'ai pas pour autant détesté, ce qui est une réussite de la part de l'auteur car tout était réuni pour me le rendre insupportable, et par ricochet ma lecture.
Son attitude envers Jewel est plus que pitoyable : content de la revoir et de pouvoir re-coucher avec elle, il refuse d'accorder ne serait-ce qu'un regard à l'enfant qui est pourtant de lui.
Et bien entendu, pas question qu'il l'épouse ou quoi que ce soit d'autre, il n'envisage que de l'utiliser pour son bon plaisir, sauf que Jewel a changé et que sa vie personnelle n'est plus tout à fait pareille, mais même ça, Glen en prend ombrage : "Il comprenait à présent ce qu'elle avait voulu lui faire savoir quand elle lui avait dit au café que les choses avaient changé. Sans doute voulait-elle dire qu'elles avaient changé pour elle, seulement, parce que chez lui il y avait longtemps que son cœur s'assombrissait et durcissait dans sa poitrine.".
Il est comme il est, c'est même le cœur de l'histoire de la relation qu'il entretient avec son père, dans la vie réelle je ne pourrai pas supporter un tel individu, mais en littérature et de la façon dont Larry Brown le traite cela passe sans souci.
Le père, Virgil, est lui aussi intéressant à étudier et à regarder évoluer. Il sait comment est son fils, il ne cesse de le dire, pourtant personne ne semble vraiment l'écouter et malgré une attitude lasse, voire même il a baissé les bras et a fini de croire qu'il y avait quelque chose de bon à tirer de son fils, il souffre de toute cette situation : "De toute façon, personne ne l'écoutait, personne ne l'avait jamais écouté. Tout cela était aussi dur pour lui que pour eux. Peut-être même plus dur.".
C'est un roman à la fois lent, contemplatif, avec de l'action et de la violence, un mélange plutôt détonnant et qui s'accorde pourtant à merveille.
L'ambiance du Sud des Etats-Unis est très présente, il y a ici toute sa chaleur, sa lourdeur et un relent de racisme.
Qu'importe qu'il y ait des meurtres et que le lecteur ne sache pas le fin mot de l'histoire, ce qui compte ici, ce sont les personnages : aucun n'est parfait, ils ont tous quelque chose de plus ou moins important sur la conscience, ils font comme ils peuvent pour accorder leur vie à leurs idéaux, ce sont des êtres humains tout simplement.
Et quelle belle surprise de découvrir à la fin une lueur d'espoir parmi tant de noirceur.
"Père et fils" de Larry Brown est une oeuvre noire dans la veine des auteurs du Sud des Etats-Unis, une très belle découverte pour ma part que je ne peux que vous conseiller.
Je remercie Babelio et les Editions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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