Jeune paysanne innocente placée dans une famille, Tess est séduite puis abandonnée par Alec d'Urberville, un de ses jeunes maîtres. L'enfant qu'elle met au monde meurt en naissant. Dans la puritaine société anglaise de la fin du XIXe siècle, c'est là une faute irrémissible, que la jeune fille aura le tort de ne pas vouloir dissimuler. Dès lors, son destin est une descente aux enfers de la honte et de la déchéance. (Le Livre de Poche)
"On a péché contre vous plus que vous n’avez péché
vous-même. ", là réside sans doute la synthèse du personnage de Tess,
jeune héroïne de Thomas Hardy au destin tragique.
Jeune paysanne du Wessex ayant reçu une éducation, Tess
oscillera toute sa vie entre deux mondes, celui des paysans et de la terre dont
elle est issue : "Pour elle, le monde était le val de Blackmoor et
les races, ses habitants.", et celui d’une bourgeoisie victorienne dans
lequel elle ne se fera jamais une place ;
Inconsciente de sa beauté et de la sensualité qu’elle
dégage, elle attirera deux hommes que tout oppose : Alec d’Urberville qui
ne l’utilisera que pour son bon plaisir et Angel Clare qui l’idéalisera et la
rejettera, une fois sa faute avouée.
Si l’un est un parasite, l’autre est un dilettante, mais ils
se rejoignent en ce que ni l’un ni l’autre ne saura apprécier Tess à sa juste
valeur : "Tess n’était pas une créature insignifiante dont on pouvait
se jouer, quitte à la rejeter ensuite, mais une femme, vivant sa vie précieuse,
de proportions aussi imposantes pour elle que l’est pour le plus puissant
monarque la sienne propre.".
Sous-titré "Une femme pure", Tess l’est sûrement,
bien qu’elle n’ait pas été épargnée par la vie et surtout qu’elle se soit
laissée abuser dans ses amours : "Si Tess avait deviné la portée de
cette rencontre, elle eût pu demander pourquoi la fatalité voulait qu’elle fût
aperçue et convoitée ce jour-là par l’homme qui n’était pas fait pour elle, et
non par quelque autre, par celui qui eût été désirable à tous égards, autant
que l’humanité peut en fournir de ce genre ; et cependant, parmi ceux qu’elle
avait rencontrés, l’homme qui se serait rapproché le plus de cet idéal ne
conservait d’elle qu’une impression passagère, à demi oubliée.".
Thomas Hardy dresse-là le portrait d’une jeune femme entre
deux époques, partagée entre son éducation religieuse et son côté païen, entre
le monde de la campagne et celui de la bourgeoisie.
Il est extrêmement difficile de ne pas s’attacher à Tess,
bien au contraire.
Le lecteur s’y attache d’autant plus facilement que Thomas
Hardy a tout fait pour ne pas charger son héroïne.
Même Angel Clare est de cet avis pendant un temps : "La
distinction ne consiste pas dans l’habitude facile d’un tas de conventions
méprisables, mais dans l’assurance d’être au nombre de celles qui sont loyales,
honnêtes, justes, pures, gracieuses et de bonne renommée … comme vous, chère
Tess !", avant de se rétracter et de revenir sur ses propos, pour de
nouveau revenir sur sa décision quand il comprend et accepte enfin toute la
noblesse d’âme de Tess : "Elle aurait donné sa vie pour vous. Je ne
pourrais pas faire plus.".
Quant à Alec d’Urberville, c’est un homme infect à tout
point de vue qui use et abuse de sa puissance et de sa force de conviction pour
satisfaire son plaisir égoïste : "J’ai été une fois votre
maître ; je serai encore votre maître. Si vous êtes la femme de quelqu’un,
vous êtes la mienne !".
Mais "Tess d’Urberville" est aussi un roman
résolument moderne sur son époque, avec une Tess fille-mère ce qui n’était pas
si courant à l’époque, sans parler du concubinage dans lequel elle va vivre.
J’ai d’ailleurs été surprise par l’aspect osé de certaines
situations de l’héroïne en les remettant dans le contexte de l’époque.
C’est une histoire dure et triste, plus d’une fois j’ai eu
mal au cœur pour Tess et j’ai limite maudit Angel Clare pour son attitude,
mettant en lumière la société anglaise puritaine du XIXème siècle.
De plus, le récit contient beaucoup de notes pour expliquer
les textes ou coutumes auxquels Thomas Hardy fait référence tout au long de son
récit.
Le style n’est pas forcément très abordable tout de suite,
la petite taille des caractères n’aidant pas, mais il devient très vite beau et
les difficultés s’estompent.
Je conseille de le lire d’abord en français avant de se
lancer dans la version originale qui pour le coup est complexe et pourrait en
refroidir plus d’un, ce qui fut mon cas il y a quelques années.
Quant au découpage de l’histoire, il est fait en fonction
des périodes charnières de la vie de Tess et donne du rythme au récit.
Au cours de la lecture, je revoyais des images du film de
Roman Polanski et une fois la lecture achevée, j’ai envie de revoir ce film vu
il y a plusieurs années et dont il ne me reste que des souvenirs.
"Tess d’Urberville" est un roman incontournable à
plus d’un titre, reflétant l’univers social de l’Angleterre du XIXème siècle à
travers le personnage d’une jeune fille pure qui sera pourtant mal aimée tout
au long de sa vie.
Livre lu dans le cadre du Prix des lectrices
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