vendredi 20 mai 2016

Envoyée spéciale de Jean Echenoz


Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l’empêcher d’accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n’est pas toujours très bien organisé. 'Les éditions de minuit)

Constance est mariée mais ne vit plus trop avec son mari, elle est oisive et déambule au gré des rues de Paris histoire de se promener, et quand un homme plutôt charmant lui demande son chemin Constance n'hésite pas un seul instant, lui répond et se propose même de l'emmener, parce qu'elle est comme ça Constance : "C'est qu'elle ne peut jamais se retenir, Constance, d'avoir ce genre d'idées, nous avons bien compris qu'amoureusement elle est insatisfaite.".
Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle a été choisie pour une mission très particulière : "C'est très simple, a répondu le général, vous allez déstabiliser la Corée du Nord.", et qu'avant de l'envoyer sur le terrain il va falloir la préparer, la conditionner dans une ferme isolée de la Creuse : "Ce qu'il faudrait avant tout, voyez-vous, c'est lui faire subir une sorte de purge une fois que nous l'aurons trouvée. La mettre entièrement hors-circuit quelque temps avant qu'elle intervienne. Une sorte de bonne cure d'isolement, si vous voulez. La personnalité se modifie dans ce cas-là. Je ne dis pas que ça détruit le caractère, mais ça crée des réactions mieux adaptées, ça rend le sujet plus ductile.".
Mais bon, l'encadrement de Constance n'est pas très organisé et c'est là que les problèmes vont commencer.

De Jean Echenoz, j'ai lu "14" au style épuré avec une histoire allant droit au but, la plume de cet auteur ne m'était donc pas inconnu.
Ce fut un plaisir de le retrouver dans ce "Envoyée spéciale" si rafraîchissant et quelque peu inattendu.
Inattendu tout d'abord de par sa taille, Jean Echenoz ne m'avait pas habitué à écrire un roman aussi long, mais également par l'histoire qui est loufoque mais sans devenir guignolesque.
Je vais être franche, cette histoire c'est du grand n'importe quoi orchestré par on ne sait qui n'importe comment, mais la recette fonctionne et c'est là l'essentiel.
Il y a une douce ironie légèrement amère sous la plume de Jean Echenoz, il se pose en narrateur distancié de l'histoire et la raconte presque à la manière d'un journaliste et pourtant le lecteur est captivé du début à la fin par cette histoire plus qu'improbable d'une inconnue ramassée au hasard (ou presque) dans la rue et envoyée en Corée du Nord pour déstabiliser le régime.
Fort heureusement, dans la réalité les services secrets n'agissent pas ainsi, et tant mieux pour nous ai-je envie de dire, mais nous sommes en littérature et on peut tout se permettre, ou presque, et Jean Echenoz y arrive de manière fort habile.
L'auteur alterne les points de vue, se plaçant par moment du côté de Constance, de l'autre des personnes orchestrant cette mission d'infiltration politique, ou encore du mari de Constance ancienne gloire de la musique qui ne bouge pas franchement le petit doigt pour venir au secours de sa femme après une demande de rançon.
Il suffit de bien mélanger le tout et la vinaigrette non seulement prend mais s'accorde très bien avec les différents plats proposés.
C'est un livre très drôle, et mine de rien très bien écrit, j'aime décidément beaucoup le style de Jean Echenoz.
C'est une charmante fantaisie littéraire qui m'a divertie et je n'en dirai pas plus dessus, je vous laisse le soin et le plaisir de la découvrir par vous-même.

"Envoyée spéciale" n'est pas que le titre d'une émission de télévision mais s'avère ici être un vrai-faux roman d'espionnage tout à fait réjouissant et sacrément drôle, une lecture rafraîchissante.

Livre lu dans le cadre du Prix Relay 2016

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