dimanche 31 janvier 2016

Carol de Todd Haynes


Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d'un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle. (AlloCiné)


De Todd Haynes, je me rappelle encore le sublime "Loin du paradis", dans lequel il était là aussi question d'une histoire d'amour impossible dans l'Amérique des années 50, sauf qu'il ne s'agissait pas de deux femmes mais d'une femme de la bourgeoisie avec son jardinier Noir.
Et que dire de son adaptation en téléfilm du remarquable "Mildred Pierce", avec la fabuleuse Kate Winslet.
En somme, le nom de Todd Haynes est forcément gage de réussite, d'une histoire magnifique sur fond de noirceur, se situant bien souvent dans l'Amérique des années 50.


Le film s'ouvre sur deux femmes attablées, l'une est de dos, l'autre est de face, elles se parlent, semblent proches, jusqu'à ce qu'un homme les interrompe.
L'intimité entre les deux femmes est alors cassée, l'une reste tandis que l'autre s'en va et se remémore leur histoire en regardant défiler les rues de New York derrière la vitre du taxi.
Cette scène d'ouverture est tout simplement sublime et confirme dès à présent que ce film va être magique.
Carol (Cate Blanchett) et Therese (Rooney Mara) n'avaient rien en commun pour se rencontrer, si ce n'est que Therese est vendeuse dans un grand magasin et que Carol, une élégante bourgeoise, vient lui demander conseil pour un cadeau de Noël pour sa fille.
Carol oublie ses gants, Therese va les lui renvoyer par la poste, Carol va alors l'inviter à déjeuner pour la remercier, puis à venir passer le dimanche chez elle et l'attraction entre les deux femmes va petit à petit s'instaurer, jusqu'à déboucher sur un amour sincère, profond.
Mais voilà, cette histoire se passe dans l'Amérique des années 50, où une relation d'amour entre deux individus de même sexe n'était pas admissible.
Carol risque gros, malheureuse dans son mariage elle est en instance de divorce, et son mari va utiliser tous les moyens possibles pour lui retirer la garde de sa fille.
Tout cela est parfaitement reconstitué à l'image, l'ambiance de l'Amérique des années 50 est là, Cate Blanchett campe une sublime femme de la bourgeoisie, élégante jusqu'au bout des ongles (il faut dire que le costume va admirablement à Cate Blanchett qui a tout du mannequin haute couture chic et glamour, ce qui était déjà le cas dans "Blue Jasmine" mais qui est ici encore plus mis en valeur), avec des tics dans ses gestes, comme cette main qu'elle se passe régulièrement dans les cheveux.
Il se dégage du jeu de l'actrice une réelle sensualité qui crève l'écran, et le spectateur comprend que Therese soit subjuguée par le charme de cette femme qui vit dans un monde bien différent du sien.
Si le jeu de Cate Blanchett est irréprochable, il en est de même de celui de Rooney Mara.
Todd Haynes a joué avec le physique de ses deux actrices, si Rooney Mara est la plus lumineuse pendant la première partie du film, il utilise la blancheur de son teint (avec de subtiles touches de rouge sur ses joues) pour marquer la différence avec la bourgeoise Cate Blanchett, plus renfermée et sombre, en permanence au bord de la dépression.
Puis dans la deuxième partie c'est l'inverse qui se produit, Cate Blanchett campe une Carol plus souriante, plus heureuse, car enfin en harmonie avec elle-même, tandis que le personnage de Rooney Mara est rongé à l'intérieur, triste et en a perdu son sourire, et d'une certaine manière son innocence.
La mise en scène de Todd Haynes est parfaite : il utilise des couleurs chaudes, des mouvements lents de caméra pour renforcer le sentiment de mélancolie qui se dégage de Therese lorsqu'elle évoque sa vie au cours de ces derniers mois et sa rencontre avec Carol.
Il se dégage de ce film au premier abord beaucoup de tendresse et de beauté, mais il y a aussi un fond de noirceur qui le rend tout simplement sublime.
Il me tarde de découvrir l'oeuvre de Patricia Highsmith dont le film a été tiré, car avant d'être l'une des reines du thriller elle a publié ce roman, sous le pseudonyme de Claire Morgan, parce que dans l'Amérique des années 50 s'il n'était pas bien vu de vivre une histoire d'amour avec une personne de même sexe il en était de même d'écrire une telle histoire.


Serait-ce possible que j'ai vu dès le mois de janvier le plus beau film de l'année 2016 ?
"Carol" est en tout point sublime, proche de la perfection, une pure merveille.


     
     

     
     


Libération de Sándor Márai


En avril 1945, Budapest est libérée par l’armée russe au terme d’un siège implacable. Cet épisode historique, que Sándor Márai évoquera vingt-cinq ans plus tard dans ses Mémoires de Hongrie, lui inspire, à chaud, ce roman qu’il achève en quelques mois. Pendant les dernières semaines du siège, une centaine de réfugiés se terrent dans les caves d’un immeuble, attendant l’issue d’un combat incertain. Autour de la jeune Élisabeth, fille d’un savant renommé, résistant au nazisme, se rassemblent toutes sortes de gens. Au fil des jours, dans l’atmosphère oppressante de ce huis clos, les caractères se révèlent, les masques tombent. (Le Livre de Poche)

Est-ce parce que je suis allée à Budapest que j'ai autant aimé ce roman ?
Ou bien est-ce parce que j'avais tellement envie de lire, plusieurs mois après y être allée, un auteur Hongrois tel que Sándor Márai ?
Ou alors est-ce parce que le sujet traité se passe pendant la Seconde Guerre Mondiale, une période de l'Histoire qui m'intéresse tout particulièrement ?
Sans doute tout cela, et bien d'autres choses.
Quoiqu'il en soit, je pense que ce roman conservera à jamais une saveur toute particulière, parce que je me suis trouvée à le lire à un moment particulier de ma vie qui m'a apporté une forme de libération, tout comme le titre et le sentiment qu'éprouve Elizabeth, fille d'un savant renommé, qui se terre dans la cave d'un immeuble avec d'autres personnes en attendant fébrilement l'arrivée de l'armée Soviétique synonyme de défaite du Nazisme, et de libération pour la ville de Budapest.

Le siège de Budapest a été particulièrement rude et sanglant, il a d'ailleurs été comparé du point de vue du nombre de morts aux sièges de Berlin et de Stalingrad, une grande partie de Pest a été détruite, tout comme les ponts sur le Danube reliant cette partie de la ville à Buda qui aura été un peu plus épargnée.
A l'époque où se situe l'histoire, les militaires Hongrois et Allemands se sont retranchés à Buda et l'Armée rouge va entrer dans Pest et continuer les combats jusqu'à la reddition de ces derniers.
Les Juifs de Budapest ont été déportés tardivement au printemps et à l'été 1944, ceux ayant échappé aux déportations vivent dans deux ghettos ils sont aussi des cibles privilégiés pour les Croix fléchées.
Voici le contexte dans lequel se déroule cette histoire, les habitants de Budapest sont a cran, ils savent que leur délivrance est proche mais certains continuent encore à dénoncer des Juifs ou des opposants politiques se cachant : "C'était comme si, dans les ultimes instants de péril, toute une société perdait ce qui lui restait de dignité humaine : les gens dénonçaient en masse, écrivaient des lettres, anonymes ou non; se déplaçaient, en personne, pour donner le nom d'un malheureux qui, dans ce dernier tourbillon de folie meurtrière, s'était traîné, à bout de souffle, dans le coin le plus reculé d'un refuge.".
Les Budapestois sont pour la plupart déshumanisés et cela est parfaitement et lucidement retranscris dans ce récit.
Elizabeth a fait cacher son père dans l'immeuble en face du sien, il est désormais reclus avec d'autres personnes dans une cave emmurée pour assurer au maximum leur protection.
Budapest, un personnage à part entière, attend la délivrance telle une princesse attendant le baiser de son prince pour se réveiller de son long sommeil : "Tout est prêt, les soldats, les canons, les chars, les mines antichars, la gens, la ville toute entière dans ses caves et ses immeubles sans éclairage, tout le monde attend, sans rien pouvoir faire; car enfin, ça y est, ce qui était en gestation est arrivé à terme.".
Elizabeth, quant à elle, a trouvé refuge dans une cave et partage son quotidien avec des inconnus.
Mais un beau jour la soupape de la cocotte-minute explose, événement inévitable dans un tel huis-clos, et les langues se délient, les masques tombent : "C'est comme si les habitants de la cave étaient devenus fous, qu'ils se déshabillaient, brûlés par une chaleur insupportable, comme si un incendie latent embrasait soudain les profondeurs de l'immeuble, comme si on ne pouvait plus attendre ou se préparer; il faut parler, dire ce qu'on a tu, pas seulement la veille, et les dix-huit jours et nuit précédents, mais depuis plus longtemps, pendant des années, pendant toutes les périodes d'infinie souffrance de la vie.".
J'ai particulièrement apprécié l'ambiance qui règne tout au long du récit, Sándor Márai a réussi à retranscrire très justement le côté oppressant et sombre de ces heures terrées sous terre à attendre quelque chose qui va changer l'avenir, mais dans un sens que nul ne sait encore.
Il décrit formidablement la ville de Budapest et lui donne vie de façon spectaculaire, grandiose.
J'y étais, je me revoyais à la fois dans la ville, ses rues, ses ponts, ses places, mais à une autre époque, celle de 1945.
Budapest est un personnage en toile de fond du récit, quasiment un personnage majeur, presque autant que peut l'être celui d'Elizabeth.
Voilà un personnage littéraire fort intéressant, elle raconte sa ville, elle se raconte elle, mais elle parle aussi de ces inconnus qui l'entourent, qui l'ont croisée à un moment donné et dont certains vont jouer un rôle dans sa survie.
Elizabeth s'oublie, sa vie compte finalement moins que celle de son père, elle fait preuve d'une abnégation comme seul l'amour filial peut le faire.
Et que j'aime la façon dont elle envisage l'avenir, elle l'attend, s'interroge sur ce qu'il lui réserve, subit des coups durs et malgré cela elle arrive à puiser la force en elle de recommencer à croire pour continuer, avancer.
Elle illumine de sa force, qui la rend encore plus belle aux yeux du lecteur.
Il y a une forme de folie et d'égarement qui habite la plupart des personnages, à l'image de cette femme dans la cave qui se met à raconter à Elizabeth l'enfer qu'elle a connu, elle parle et ne s'arrête plus, sans se soucier d'être écoutée ni de choquer son auditoire par ce qu'elle raconte; ou encore de ces habitants qui se dispersent tandis qu'Elizabeth choisit de rester dans cette cave auprès d'un infirme.
Ce sont des êtres et une ville qui se cherchent, la comparaison à un accouchement est d'ailleurs très juste, c'est une nouvelle vie qui va voir le jour après des mois de gestation, de douleur, de sang et de larmes.
J'ai aimé la force de la plume de Sándor Márai, pour une première lecture j'ai été conquise par cet auteur et je ne vais certainement pas m'arrêter-là dans son oeuvre.

"Libération" est un roman né du chaos et du désespoir de la Seconde Guerre Mondiale et qui pourtant brille grâce à une étoile nommée espoir, un diamant littéraire pur.

samedi 30 janvier 2016

Mrs. Bridge d'Evan S. Connell


Mrs. Bridge et son pendant, Mr. Bridge, forment une oeuvre en diptyque fondatrice de la littérature américaine d'après-guerre, adulée par des générations entières de romanciers. Portée par une écriture d'une précision redoutable, un ton à l'élégance distanciée et une construction virtuose, une redécouverte à la hauteur de celle d'un Richard Yates avec La Fenêtre panoramique ou d'un John Williams avec Stoner. (Belfond Vintage)

Il est des livres dont on n'entend jamais parler, jusqu'à un beau jour où ils sont réédités et où le lecteur découvre un roman mythique d'une génération, fondateur d'une littérature.
C'est le cas avec "Mrs. Bridge" d'Evan S. Connell, auteur précurseur d'un Richard Yates dont j'apprécie énormément la plume.
Publié en 1959, "Mrs. Bridge" présente en 117 brefs épisodes l'histoire d'une famille bourgeoise de la classe moyenne Américaine dans l'entre-deux guerres dans la ville de Kansas City.
Cette tranche de vie est racontée du point de vue d'India Bridge, l'épouse et mère de trois enfants qui va devoir s'adapter à sa vie de bourgeoise de la classe moyenne et aux changements d'époque et générationnel à travers ses trois enfants.

Mrs. Bridge, c'est une femme d'une autre époque que la nôtre, elle a épousé par amour un homme qui l'aime aussi en retour et qui pourtant n'est pas démonstratif : "Son mari n'avait jamais été démonstratif, même aux premiers temps de leur mariage. Elle n'attendait donc pas trop de lui, mais il y avait des moments où elle se sentait envahie par un besoin terrifiant, indicible.", l'auteur se contente même de le faire apparaître dans l'histoire sous la forme d'une apparition qui ne dira pas plus de quelques mots.
Il faut dire que cette oeuvre est en réalité un diptyque et que son pendant, "Mr. Bridge", vient d'être réédité et raconte la même histoire mais du point de vue de l'époux. Avant de referme cette parenthèse je tiens d'ailleurs à dire que je suis désormais très curieuse de lire cette histoire de son point de vue tant il est quasi absent ici, j'ai hâte de découvrir son point de vue et ses réflexions sur les mêmes situations après avoir eus ceux de madame.
Mrs. Bridge, c'est une femme qui se retrouve vite mère de trois enfants différents les uns des autres et surtout d'elle-même, à l'exception de sa cadette, sans emploi bien évidemment car son mari se tue au travail pour ramener de l'argent et leur permettre de vivre dans un beau confort, une insouciance et une forme d'oisiveté qui finissent par peser sur Mrs. Bridge, sans qu'elle ose jamais le dire à son mari : "Comment lui expliquer que son désœuvrement - cette exquise oisiveté qu'il avait provoquée, lui procurant le nécessaire et le superflu - la rendait folle ?".
C'est donc une femme qui connaît une forme d'ennui récurrent dans sa vie mais qui pressent aussi un certain nombre de changements lorsqu'elle laisse ses pensées vagabonder : "Tout allait bien, semblait-il. Les jours, les semaines, les pois passaient, plus rapidement que dans l'enfance, mais sans qu'elle ressentît la moindre nervosité. Parfois, cependant, au cœur de la nuit, tandis qu'ils dormaient enlacés comme pour se rassurer l'un l'autre dans l'attente de l'aube, puis d'un autre jour, puis d'une autre nuit qui peut-être leur donnerait l'immortalité, Mrs. Bridge s'éveillait. Alors, elle contemplait le plafond, ou le visage de son mari auquel le sommeil enlevait de sa force, et son expression se faisait inquiète, comme si elle prévoyait, pressentait quelque chose des grandes années à venir.".
Mine de rien, derrière le style léger et les courts chapitres se cache un portrait cinglant de cette femme qui passe littéralement à côté de sa vie et de ses envies.
Il y a elle, entité distincte, et le train de la vie qui circule en parallèle et dans lequel jamais elle n'arrivera à monter.
C'est à la fois terrible et cruel, cette Mrs. Bridge est une femme qui ne réfléchit pas par elle-même, qui est dénuée d'imagination, qu'un rien ne choque, qui ne cesse sa vie durant de se conformer à l'image qu'elle doit refléter en société ou dans son propre foyer et qui a tellement peur de passer à côté de sa vie que c'est sans doute ce qu'elle finit par faire.
D'ailleurs, l'une de ses filles le lui fait justement remarquer à l'occasion d'un échange : "Ecoute, maman, aucun homme, jamais, ne me fera marcher comme papa le fait avec toi.", de tels mots venant de la bouche d'un de ses enfants est sans doute le revers le plus cruel que la vie peut infliger à une mère.
Dans tout le roman, il n'y a qu'un personnage féminin qui lutte contre sa condition et essaye de s'en affranchir, en vain malheureusement, celui de Grace Barron.
Cette femme est à l'opposé, ou presque, de Mrs. Bridge, mais là encore l'auteur n'est pas tendre avec elle et elle aura beau faire, elle sera perpétuellement habitée par une forme de dépression latente qui ne lui permettra pas d'atteindre son but : la liberté, la vraie.
Evan S. Connell est certes dur avec sa Mrs. Bridge, il n'en demeure pas moins qu'il éprouve à son égard une forme de tendresse et que jamais il ne la présente comme une pauvre victime quémandant la sympathie du lecteur.
En fait, il réussit même à la rendre proche de celui-ci, ce qui est un remarquable tour de force.
Pour ma part, j'ai réussi à parfaitement saisir l'essence de cette personne, ce qui n'était pas chose gagnée de par la forme du récit : de courts chapitres sur un événement bien précis.
Ce roman se démarque également par toute l'ironie qu'il recèle, c'est d'ailleurs l'une de ses marques de fabrication, et permet ainsi à l'auteur de dépeindre sans concession le portrait d'une Amérique bourgeoise de l'entre-deux guerres.
D'ailleurs, le conflit de 1939-1945 n'est qu'esquissé dans le récit, tout au plus contraint-il le couple Bridge à écourter leur voyage en Europe et encore, la guerre n'est pas encore déclarée à ce moment-là.
Ensuite plus rien, le lecteur n'en entend plus parler, tout cela se passe bien loin du quartier bourgeois de Kansas City et de la vie de Mrs. Bridge.
Il y a également beaucoup d'humour dedans et certaines anecdotes sont vraiment savoureuses.
J'ai beaucoup apprécié cette lecture qui fut une très belle découverte, notamment parce que j'ai retrouvé dans ce roman un thème qui m'est cher : la vie bourgeoise de la middle-class Américaine, ainsi que le ton pour le décrire : une certaine ironie sans concession envers les personnages, comme je peux le lire chez Richard Yates.
Dans le même temps j'ai découvert la collection Vintage chez Belfond et j'ai grandement apprécié la présentation et la mise en page du roman.
Il me reste désormais à découvrir, outre "Mr. Bridge", l'adaptation cinématographique faite par James Ivory en 1990.

"Mrs. Bridge" est un roman au charme suranné porté par une plume impitoyable, une fort belle découverte et un livre qui va rejoindre sur mes étagères d'autres petits bijoux du même genre de la littérature Américaine.

Je remercie Babelio et les Editions Belfond Vintage pour l'envoi de ce livre.

mardi 26 janvier 2016

Top Ten Tuesday #137


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 couvertures VO pour lesquelles vous seriez prêts à vendre vos reins pour les posséder

Je préfère annoncer tout de suite la couleur : je ne vendrai pas mes reins pour des couvertures de livres. Ni pour quoi que ce soit d'autres liés aux livres.

1) "Bird Box" de Josh Malerman


2) Les sept tomes de "Harry Potter de J. K Rowlings


3) "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell


4) "Sur la route" de Jack Kerouac


5) "Le Hobbit" de J.R.R Tolkien


6) "Jane Eyre" de Charlotte Brontë


7) "Les hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë


8) "Miss Peregrine et les enfants particuliers" de Ransom Riggs


9) "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury


10) "Rebecca" de Daphné du Maurier

dimanche 24 janvier 2016

Prendre Gloria de Marie Neuser


Le 12 septembre 1993, dans la petite commune italienne de P., Gloria Prats quitte son amie Elena pour un rendez-vous furtif. Elle franchit le perron de l’église de la Miséricorde. 
Mais les minutes deviennent des heures, et Gloria ne ressort pas. Une fugue ? Un enlèvement ? Pire encore ? 
Tous les regards se tournent vers Damiano, étrange jeune homme aux déviances notoires, connu pour collectionner les mèches de cheveux des jeunes filles... 
Une enquête s’ouvre, sans corps, sans explication. Dans la petite communauté municipale, la colère et l’indignation grondent. L’ombre des magistrats menace. 
Chaque pierre se met bientôt à vibrer du silence de la disparue. L’histoire retiendra que ce 12 septembre 1993, à P., les minutes sont devenues des heures. Et le temps, un bourreau. (Fleuve Noir)

"Il y a des mystères tragiques qui secouent des pays entiers tout aussi brutalement que des bouleversements politiques.".
Chaque pays a une ou plusieurs histoires sombres d'enlèvements, de disparitions, de meurtres, où le mystère n'a jamais été résolu, ou pas encore.
En Italie, c'est l'affaire Gloria Prats (les noms des protagonistes ont été modifiés) qui a secoué le pays et qui continue encore à le faire.
Dans la commune de P. le 12 septembre 1993 Gloria quitte son amie Elena pour se rendre à un rendez-vous rapide dans l'église de la Miséricorde avec Damiano Solivo, elle n'en ressortira pas.
Évaporée, disparue, il n'y a plus de Gloria Prats.
Pour certaines personnes de la police c'est une fugue, pas pour la famille, ni Elena.
Pour la famille Solivo, le coupable ne peut être que ce jeune Albanais qui tournait autour de Gloria.
Car Gloria n'est pas le genre de jeune fille à fuguer, ni à disparaître sur un coup de tête dans donner signe de vie.
Pour sa mère, ses frères, Elena, quelques policiers, le coupable ne peut être que Damiano Solivo, le collectionneur de mèches de cheveux, un garçon mou et suant n'inspirant que peu de sympathie et dont certaines mœurs ont fait l'objet de plainte auprès des forces de l'ordre.
Pendant dix-sept ans il se passera beaucoup de choses, "Et Gloria Prats dans tout ça ? Gloria ? On l'a cherchée partout, on ne l'a pas trouvée. Il n'y a pas de corps. Gloria n'a pas de corps. Elle est sûrement quelque part, on est toujours quelque part.".
Jusqu'à un beau jour de 2010 où un ouvrier monte dans les combles de l'église pour une inspection et découvre un cadavre, celui de Gloria.

Pourquoi en dix-sept ans personne n'a trouvé Gloria ?
Comme certaines personnes l'ont dit et clamé haut et fort : Gloria n'avait effectivement jamais quitté l'église de la Miséricorde, ce lieu de culte aura été son tombeau.
Et je ne vous dévoilerai rien en vous disant que bien évidemment, le coupable était Damiano Solivo.
Parce que quelques années plus tôt Damiano Solivo est parti d'Italie, il réside alors en Grande-Bretagne, où il a bien entendu continué à se livrer à ses jeux malsains de collection de mèches de cheveux, et surtout où il a de nouveau tué.
Au moment où le corps de Gloria a été retrouvé Damiano était derrière les verrous, et les enquêteurs Italiens et Anglais n'ont pas tardé à faire le lien entre ces deux meurtres, même si dans le cas de Gloria il a fallu se battre pour démontrer par une analyse scientifique que le coupable était bel et bien Damiano Solivo.
Pourquoi une telle protection autour de Damiano Solivo ?
Parce que pour son père, son cher bambin ne pouvait être qu'innocent : "Rien ne me fera changer d'avis, jamais. Damiano est totalement étranger à cette terrible histoire. Je ne dis pas qu'il n'a pas quelques défauts comme tout le monde, quelques petits travers dus à la jeunesse, mais je ne saurais jamais mettre en doute l'intégrité du cœur, de l'âme, de Damiano.", mais surtout, ce père qui a si mal aimé son fils qui réclamait son attention et est responsable en grande partie de son déséquilibre psychologique fait partie de la mafia.
Alors une magistrate a été convaincue de défendre Damiano sinon ..., des témoins ont été achetés pour dire qu'ils avaient vu Gloria après l'heure de sa disparition, ces mêmes témoins ont fini par disparaître dans des accidents.
Tout cela vous semble trop énorme pour être vrai ? Et pourtant .... .
Marie Neuser s'est intéressée de très près à cet épisode judiciaire Italien, elle a collecté tous les documents qu'elle a pu trouver, les coupures de presse, les émissions de la BBC suite à l'arrestation du véritable Damiano, et a aussi bénéficié du fait que tous les procès en Italie sont publics, les pièces et les informations sont donc disponibles pour tout un chacun (par contre pour le secret de l'instruction on repassera) ainsi que de l'émission "Chi l'ha visto ?", rebaptisée "Où es-tu ?", qui présente chaque semaine à la télévision une affaire de disparition.
Elle a construit son oeuvre sous forme de diptyque, le premier tome "Prendre Lily" est paru avant celui-ci et s'intéresse à l'enquête en Grande-Bretagne, je ne l'ai pas encore lu mais je ne vais pas tarder à le faire.
Le diptyque n'est donc pas paru dans l'ordre chronologique, un choix de l'éditeur, et finalement ce n'est peut-être pas plus mal car il est ici question de la genèse du "monstre", comment ce garçon a-t-il pu devenir un collectionneur de mèches et un tueur, qu'est-ce qui contribue à transformer une personne en monstre, où se trouve la ou les origine(s) du mal; c'est plutôt bienvenu après un premier récit sous forme de thriller.
Le roman est construit sous forme de puzzle, rien n'est ordonné mais tout est daté, car Marie Neuser a souhaité conserver l’apparition des différentes pièces du dossier.
Car des rebondissements, des lapins sortis du chapeau, il va y en avoir au cours de ces dix-sept années, pour être tout à fait honnête cette affaire n'est à ce jour pas vraiment close et comporte encore de nombreuses zones d'ombre.
Par contre le meurtrier lui est identifié dès le début, ce récit n'a pas pour but de le démasquer.
Marie Neuser a romancé certains détails mais la grande majorité de son récit n'est que faits réels, ce qui est d'autant plus glaçant, voire révoltant, lorsque l'on découvre l'attitude de certaines personnes qui n'hésitent pas à mentir et à ainsi empêcher la vérité d'éclater et à une famille de faire le deuil de leur enfant ou sœur.
J'ai tout de suite été prise dans ce jeu de pistes, il n'y a pas de héros mais une multitude de personnages qui interviennent, c'est une véritable chorale qui dévoile au fur et à mesure sa partition jusqu'au point d'orgue final.
Je trouve que ce roman est une forme d'hommage posthume à Gloria dont la disparition a eu le mérite de faire évoluer un aspect du système judiciaire Italien : désormais lorsqu'une personne s'évapore mystérieusement elle n'est plus considérée comme simple fugueuse mais comme une disparition.
J'ai senti dès le début que l'histoire se déroulait dans le Sud de l'Italie, car j'y ai reconnu ses particularités, il y a un véritable écart entre l'Italie du Nord et celle du Sud, en tout cas l'ambiance se ressent très bien à travers les mots de l'auteur.
J'ai bien entendu été touchée par le personnage de Gloria, un fantôme qui hante le récit, mais aussi par sa famille, particulièrement sa mère qui s'est battue pour que la lumière soit enfin faite sur la disparition de sa fille, ainsi que son amie Elena qui a été traînée dans la boue alors qu'elle ne faisait que dire la vérité.
Marie Neuser a été intelligente dans son approche de Damiano Solivo, elle aurait pu le rendre détestable, elle fait le choix de ne jamais le faire parler à la première personne et arrive à le rendre compréhensible pour le lecteur, notamment en mettant en avant son aspect quelque peu rebutant de garçon rond et suant, une sorte d'anguille qui sans cesse glisse des mains de la personne venant de l'attraper et retourne se vautrer dans la vase.
A aucun moment elle ne l'excuse ni ne justifie ses actes, elle dresse le parcours d'un monstre ordinaire, une personne que n'importe qui pourrait malheureusement croiser n'importe quand.
Il y a une forme d'injustice car le coupable est protégé et s'en sort toujours, les innocents sont traités et considérés comme des menteurs et l'on a que faire de la détresse d'une famille, j'avoue avoir bouilli par moment au cours de ma lecture.
Je me suis longtemps demandée comment une telle chose avait pu se produire, aujourd'hui cette lecture a fortement éveillé mon intérêt sur cette histoire et je ne manquerai pas à l'occasion de lire des articles ou voir des émissions qui lui seront consacrés.

"Prendre Gloria" de Marie Neuser a été une double découverte, à la fois de cette affaire qui a agité l'Italie pendant dix-sept ans et l'Angleterre mais aussi de l'auteur dont j'ai beaucoup apprécié lé style et la sincérité dans sa démarche qui l'a menée à écrire un roman sur la disparition et le meurtre d'Elisa Claps, la véritable Gloria.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'affaire Elisa Claps :
- La page Wikipédia consacrée à ce meurtre (en Italien)
- La page de l'émission Chi l'ha visto ? consacrée à l'affaire (en Italien)
- Un reportage de la BBC "Crimewatch - How they caught : Danilo Restivo"

Je remercie Babelio et les Editions Fleuve Noir pour l'envoi de ce roman ainsi que pour l'organisation de la rencontre avec Marie Neuser le 15 janvier 2016 dont le compte-rendu est disponible ici.

Le problème Spinoza d'Irvin Yalom


Le 10 mai 1940, les troupes nazies d’Hitler envahissent les Pays-Bas. Dès février 1941, à la tête du corps expéditionnaire chargé du pillage, le Reichsleiter Rosenberg se rue à Amsterdam et confisque la bibliothèque de Spinoza conservée dans la maison de Rijnsburg. Quelle fascination Spinoza peut-il exercer, trois siècles plus tard, sur l’idéologue nazi Rosenberg ? L’œuvre du philosophe juif met-elle en péril ses convictions antisémites ? Qui était donc cet homme excommunié en 1656 par la communauté juive d’Amsterdam et banni de sa propre famille ? Nourri de son expérience de psychothérapeute, Irvin Yalom explore la vie intérieure de Spinoza, dont on connaît si peu, ce philosophe au destin solitaire qui inventa une éthique de la joie, influençant ainsi des générations de penseurs. Parallèlement, l’écrivain cherche à comprendre quel fut le développement personnel d’Alfred Rosenberg qui joua, aux côtés d’Hitler, un rôle décisif dans l’extermination des juifs d’Europe. (Galaade)

Lire un roman d'Irvin Yalom, c'est s'assurer un retour à l'époque du baccalauréat où l'on découvrait la philosophie, les hommes et les œuvres ayant marqué cette discipline.
C'est donc une lecture exigeante, qui demande de la concentration et de la réflexion, mais qui a surtout le mérite d'offrir un moment de réflexion à un âge plus avancé et avec plus d'expériences de la vie.
Ici, l'auteur décide d'aborder le problème Spinoza à travers le prisme de deux personnages ayant réellement  existé : le philosophe Bento Spinoza, homme excommunié de sa communauté ayant vécu en Hollande au dix-septième siècle, et Alfred Rosenberg, un idéologue nazi ayant vécu dans l'ombre de Hitler.
Jusque là aucun lien entre ces deux personnes, et pourtant.
Alfred Rosenberg sera toute sa vie durant profondément antisémite, c'est notamment lui qui façonnera l'idéologie anti-juive de Hitler, et malgré cela il ne cessera de vouer une admiration sans borne au philosophe Spinoza qui pourtant était Juif.
D'où le fameux problème Spinoza.

Après mûres réflexions, Alfred Rosenberg en arrivera à la conclusion suivante, une qui l'arrange : "Les preuves sont accablantes : Bento Spinoza n'est pas un juif, il est un anti-juif.", mais rien ne peut être aussi facile.
Tout comme il serait réducteur de dire "A chaque seconde sur terre un imbécile voit le jour." et qu'Alfred Rosenberg est un fieffé imbécile.
Non, Alfred Rosenberg est un personnage complexe, loin d'être bête il a une solide culture philosophique, mais il souffre aussi d'un besoin permanent de reconnaissance.
Comme un chien cherche la caresse, le regard et l'amour de son maître il ne cessera d'attendre cela de la part de Hitler, quitte à s'en rendre malade et à devenir fou.
Alfred Rosenberg est un homme en quête d'amour et de l'approbation d'autrui, il a souffert d'un vide affectif dans sa jeunesse et cela se ressent à l'âge adulte.
Je ne cherche pas d'excuses à ce personnage, mais c'est avec une certaine curiosité que j'ai suivi son évolution, voir jusqu'où il était prêt à aller et se fourvoyer.
Finalement, grand admirateur de Spinoza il n'aura jamais compris sa philosophie et se sera fourvoyé toute sa vie durant.
Pour Spinoza : "Je ne crois pas que le questionnement soit une maladie. L'obéissance aveugle sans questionnement est la maladie.", c'est la grande maladie dont souffrira toute sa vie Rosenberg sans réussir à mettre le doigt dessus.
Quant à Spinoza, mes souvenirs de ce philosophe et de son idéologie étaient bien lointains, c'est avec plaisir, et là aussi curiosité, que j'ai suivi le parcours atypique de cet homme qui aura révolutionné, à sa manière, la pensée philosophique du dix-septième siècle.
Comme Rosenberg il n'a pas eu une vie facile, d'autant plus qu'il se retrouve excommunié à vie de sa communauté, avec interdiction à quiconque de l'approcher, y compris sa propre famille, mais sa réclusion forcée va lui être bénéfique et lui permettre de coucher sur papier son cheminement intellectuel qui ne cessera d'évoluer sa vie durant.
Isolé, Spinoza ne va pas chercher désespérément l'amour et l'approbation de son prochain, contrairement à Rosenberg, il va au contraire se lancer dans la quête de la vérité, car plus que tout c'est ce terme, liberté, qui l'anime, le motive et le conduit à se transcender : "Comment pourrais-je, en tant que philosophe, ne pas vouloir chercher la vérité ?".
Au-delà des réflexions de psychanalyse de ce roman, j'ai finalement beaucoup apprécié le parallèle entre ces deux hommes, renforcé par la construction du récit avec une alternance des chapitres entre Spinoza et Rosenberg.
Si Spinoza m'a intéressée par ses réflexions et ses questionnements, en somme comment il a mis à profit sa situation de banni pour créer sa propre pensée et se construire; j'ai plus été intéressée par l'aspect monstre ordinaire de Rosenberg, à savoir comment cet homme profondément et irrévocablement antisémite a pu forger les opinions de Hitler (comprendre : les ordonner pour rendre le personnage présentable et attractif aux yeux de tous) tout en restant toujours dans l'ombre en étant considéré comme quantité négligeable, hormis au moment de son procès, le seul moment de "gloire" de sa vie.
La dualité entre ces deux personnages est particulièrement bien traitée et mise en avant.
Evidemment, Irvin Yalom étant, entre autres, psychothérapeute, il est forcément question à un moment donné du récit d'analyse, ici c'est le personnage de Rosenberg qui sera psychanalysé par son seul ami et dernier lien avec son enfance, malheureusement sans succès.
Néanmoins, je souhaite apporter un bémol à l'ensemble car le problème Spinoza n'a été à mon sens qu'effleuré et traité en surface, j'attendais une analyse plus poussée, voire une véritable réponse, finalement je n'ai obtenu que quelques pistes de réflexion, ce qui m'a laissée sur ma faim à ce sujet.
C'est quelque peu dommage étant donné que c'est cet aspect philosophique qui donne son nom au roman.

"Le problème Spinoza" d'Irvin Yalom est un récit intéressant et particulièrement bien documenté qui a le grand mérite de nous faire réfléchir, ou tout du moins nous offre des pistes de réflexion.
A lire toutefois avec attention et concentration, deux qualités que requiert le sujet traité.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

mardi 19 janvier 2016

Top Ten Tuesday #136


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 romans à lire avant de mourir

1) "Orgueil et préjugés" de Jane Austen
2) "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee
3) "Les raisins de la colère" de John Steibeck
4) "Hamlet" de William Shakespeare
5) "La case de l'oncle Tom" de Harriet Beecher Stowe
6) "Les grandes espérances" de Charles Dickens
7) "Guerre et paix" de Léon Tolstoï
8) "Mrs Dalloway" de Virginia Woolf
9) "Le bruit et la fureur" de William Faulkner
10) "Docteur Jivago" de Boris Pasternak

samedi 16 janvier 2016

Les Huit Salopards (The Hateful Eight) de Quentin Tarentino


Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie… (AlloCiné)


Tout commence par un paysage enneigé, où le blizzard souffle et où le froid se ressent même de l'autre côté de l'écran.
Gros plan sur une croix sculptée où le Christ n'est plus agonisant, il est déjà mort.
Et le spectateur commence à se dire que pour lui non plus tout ne va pas bien se passer, et que même si ça se trouve il ne va pas passer la nuit dans cet enfer glacial.
Et puis la musique commence, superbe thème qui va crescendo, qui commence à tordre les boyaux et les esprits.
Inutile de voir le nom s'afficher à l'écran, tu sais déjà que c'est signé Ennio Morricone, le maître de la bande originale des westerns.
Dans le lointain de ce désert blanc infini, il y a un point noir qui avance, qui se rapproche, qui finit par passer juste à côté et poursuit son chemin.
Bienvenue dans le huitième film de Quentin Tarentino !


Quand j'ai vu la durée du film, j'ai eu un peu peur l'espace d'un instant.
Presque trois heures à garder mes fesses posées sur un fauteuil, il a intérêt à être bien le scénario, tout comme le jeu des acteurs, et j'espère qu'il y a de l'action parce que sinon ça peut être très long tout ce temps dans une salle obscure à regarder le reboot de western proposé par Quentin Tarentino.
Fort heureusement, Quentin Tarentino a eu la riche idée de diviser son film en chapitre (cinq en tout), ce qui permet déjà de couper le scénario et la durée du film, et surtout, s'il n'y a pas de l'action au sens pur du terme le jeu des acteurs et les rebondissements sont suffisants pour tenir en haleine le spectateur.
Ça plus la formidable musique d'Ennio Morricone.
Si les deux premiers chapitres - "Last Stage to Red Rock" (Dernière escale à Red Rock) et "Son of a Gun" (Fils de flingue) -  prennent place essentiellement dans la diligence et un peu à l'extérieur (au passage je salue les merveilleux paysages enneigés des Rocheuses au Colorado), les trois suivants - "Minnie's" (Chez Minnie), "The Four Passengers" (Les quatre passagers), "Black Night, White Hell" (Nuit noire, enfer blanc) - se passent chez Minnie, où tout ce joyeux petit monde se retrouve.
Et ça en fait du monde chez Minnie, comme quoi le hasard et le blizzard font bien les choses ... ou pas.
Parce qu'au début, ça ne devait être que John Ruth (Kurt Russell), dit Le Bourreau, et sa charmante prisonnière (surtout avec son œil au beurre noir), Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), qu'il emmène se faire pendre à Red Rock.
Sa tête vaut 10 000 dollars, autant dire qu'il tient à empocher le pactole.
Et puis ils ont croisé le chemin du Commandant Warren (Samuel L. Jackson), de Chris Mannix (Walton Goggins), le soi-disant nouveau shérif de Red Rock.
Et chez Minnie ils ont trouvé Joe Gage (Michael Madsen), Oswaldo Mobray (Tim Roth), Bob Le Mexicain (Demian Bichir), et le Général Sandy Smithers (Bruce Dern).
En somme, chez Minnie c'est comme dans un huis-clos d'Agatha Christie sauf qu'il n'y a ni Hercule Poirot ni Miss Marple pour deviner qui est qui.
Car bien évidemment, John Ruth est persuadé qu'au moins une des personnes présentes n'est pas qui elle prétend être, et qu'il y a au moins un complice à Daisy Domergue qui est là pour la libérer.
Ça bavarde beaucoup dans le film, c'est même sans doute ce qui pourra lui être reproché par certaines personnes, mais pour ma part j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre ces dialogues qui mettent à chaque fois un personnage en avant.
Mais d'un autre côté, impossible de ne pas y retrouver la patte de Quentin Tarentino, il y a bien évidemment des bains de sang au programme, l'hémoglobine va fuser mais Quentin Tarentino ne se prend jamais vraiment au sérieux en le faisant, ou alors c'est l'impression qu'il donne, et cela permet à ces scènes de violence de se fondre parfaitement dans l'ensemble du film.
Ça ressemble fortement à du western, j'ai même envie de dire que Quentin Tarentino a depuis "Django Unchained" remis au goût du jour ce genre cinématographique, et pourtant il y a un petit quelque chose en plus qui rend vraiment ce film très attachant, et réussi.
La musique sans aucun doute, le jeu des acteurs, là aussi sans aucun doute, et les répliques.
Les dialogues sont vraiment savoureux et donnent tout son caractère au film.
J'avoue avoir une préférence pour le personnage de Daisy Domergue, et pour l'excellente prestation de Jennifer Jason Leigh, car si elle n'a pas beaucoup de dialogue tout est dans les mimiques de l'actrice et l'insolence de ce personnage.
Sérieusement, si j'étais actrice j'adorerai avoir un rôle comme cela, ça doit être le pied total à interpréter une telle pourriture qui trouve encore le moyen de ramener sa fraise et faire son intéressante malgré les coups qu'elle se ramasse.
Maintenant, là où le bât blesse quelque peu, c'est qu'il manque un quelque chose à l'ensemble pour être grandiose.
Je ne sais pas trop mais une petite touche finale sous forme de morale par exemple, ou alors de philosophie, une raison d'être pour tout ce qui s'est passé précédemment.
Mais il n'y a pas, alors la faute à quoi ?
Au scénario ?
Dont la première version a fuité et qui a obligé Quentin Tarentino à réécrire la fin (à ce sujet je serai bien curieuse de savoir quelle était la première fin envisagée par Quentin Tarentino).
Au fait que l'histoire soit présentée sous forme de film alors qu'elle aurait pu faire l'objet d'une pièce de théâtre ?
Ce dernier point restera le mystère de ce huitième film de Quentin Tarentino, mystère que je n'ai pas encore totalement résolu.
Restera aussi un petit regret, celui de n'avoir pas pu voir le film dans le format dans lequel il a été tourné, l'Ultra Panavision 70 mm, dans sa version longue (quelques minutes de plus, le film dépassant ainsi les trois heures).
Car là aussi, Quentin Tarentino, comme quelques autres réalisateurs, fait le choix d'utiliser d'anciens formats pour lutter contre l'avancée du format digital au tournage et à la projection.


Hommage aux séries western des années 60, ce huitième film de Quentin Tarentino, "Les Huit Salopards", offre un moment de grand spectacle cinématographique dont on ne peut que regretter qu'il lui manque un petit quelque chose pour en faire un film grandiose.


mardi 12 janvier 2016

Top Ten Tuesday #135


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 livres dont la fin vous a laissé bouche-bée

1) "Le livre de Dina" de Herbjørg Wassmo
2) "Le meurtre de Roger Ackroyd" d'Agatha Christie
3) "Ne le dis à personne" de Harlan Coben
4) "Shutter Island" de Dennis Lehane
5) "Dix petits nègres" d'Agatha Christie
6) "Je suis une légende" de Richard Matheson
7) "Le crime de l'Orient-Express" d'Agatha Christie
8) "Les rivières pourpres" de Jean-Christophe Grangé
9) "W ou le souvenir d'enfance" de Georges Pérec
10) "La planète des singes" de Pierre Boulle (pas lu mais comme j'ai vu le film j'imagine que le livre contient a minima le twist final de ce dernier)

samedi 9 janvier 2016

Après un an de "diète", une descente en librairie a eu lieu cet après-midi



Ma dernière descente en librairie remonte à presque un an, déjà.
Après une quasi année de diète j'ai décidé de recommencer, parce que finalement ça n'a pas servi à grand chose de ne plus acheter de livres : je n'ai pas gagné de place chez moi, j'ai peut-être lu plus de livres de ma PAL, et limite un collègue lisant lui aussi beaucoup m'a demandé si je n'étais pas malade d'avoir pris la décision de ne plus acheter de livres.
Et après réflexion, je ne lui donne pas tort, quand on aime ça pourquoi s'arrêter ? Ça rime à quoi de ne plus acheter de livres ?
Comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, me voici partie en ce bel après-midi direction Paris avec ma liste (qui a pu faire peur aux personnes l'ayant vue, n'ayez crainte, non seulement je n'ai pas tout trouvé mais elle me re-servira à l'occasion.

Au final, j'ai été plutôt sage et je me suis contentée de ce qui me tentait vraiment, à savoir de la littérature Hongroise.
Après avoir écumé Gibert Jeune (qui s'est étendu : le tourisme, la jeunesse et les BD sont désormais dans 2 magasins côté pair du Boulevard Saint Michel), Boulinier et Gibert Joseph, j'ai fait chou blanc pour trouver les 2 guides de voyage dont j'ai besoin et que je cherchais d'occasion.
Résultat des courses : j'ai dû les acheter au tarif plein, ce qui fait que j'en ai autant avec ces deux-là qu'avec les six romans d'occasion.
Si comme moi vous voulez aller en Pologne (plus précisément à Cracovie et ses alentours), et bien sachez que les guides de voyage sur ce pays ne courent pas les rues, et il est inutile d'en chercher un se limitant à une ville (Cracovie ou Varsovie), ça n'existe apparemment pas.
Je ne sais même pas s'il existe un Lonely Planet en Français, si oui il était absent de tous les rayons de tourisme des magasins Gibert, en tout cas celui en Anglais même d'occasion n'était pas vendu avec le dos de la cuillère.
Pour Lisbonne, là aussi aucune occasion.
J'avais déjà fait le constat qu'il valait mieux venir en septembre/octobre pour trouver des guides d'occasion, cette période-ci n'est pas propice pour en trouver, en tout cas pour les pays Européens.


J'ai farfouillé ensuite à Boulinier sans trouver mon bonheur, je suis passée chez Gibert Jospeh et là, pêche miraculeuse (je me suis même payée le luxe d'en reposer quelques-uns de ma liste, me disant qu'ils étaient un peu abîmés et que je trouverai peut-être des occasions de meilleure qualité à Gibert Jeune. Mauvais calcul).
J'ai pris 4 livres de Sándor Márai, seul auteur Hongrois dont j'ai trouvé des livres d'occasion de très belle qualité, pour les autres soit le livre était abîmé soit il n'y avait point d'occasion :
- "L'héritage d'Esther"
- "Les braises"
- "Libération"
- "Métamorphoses d'un mariage"
Ensuite, je souhaitais lire du Patricia Highsmith, j'ai trouvé "L'inconnu du Nord Express", je cherchais également "Carol" adapté au cinéma mais point d'occasion (une prochaine fois); puis "Une vie entre deux océans" de M.L. Stedman, là aussi adapté au cinéma (date de sortie en France inconnue à ce jour).
Puis je suis redescendue à Gibert Jeune et là le drame, ou presque.
Toute la disposition a changé, je regrette beaucoup les livres au format poche situés auparavant au dernier étage, là ils sont moins bien rangés dans le sens où les étagères sont moins plaisantes, beaucoup de livres sont en hauteur et je n'ai pas vu de petit escabeau pour les atteindre, bref, je suis trouve ce rangement moins efficace que précédemment et nettement plus bazar.
Et puis il n'y avait pas tant d'occasion que cela, et ça m'a surpris car d'ordinaire c'est l'inverse : beaucoup à Gibert Jeune et moins à Gibert Joseph.
Autant vous dire que les 2/3 livres que j'avais pris le luxe de reposer n'étaient pas disponibles en occasion voire pas du tout.
Cela sera un prétexte pour y retourner dans quelques temps.


J'ai donc été plutôt raisonnable, j'ai quelques belles lectures en perspective et qui sait, peut-être que je proposerai un ou plusieurs livre(s) de cette descente au prochain Club des Lectrices.
Ou peut-être pas ... fin du suspens dimanche prochain.

mercredi 6 janvier 2016

Littérature - 2015 dans le rétro


Faisons un peu dans l'original, pour mettre en avant les lectures qui ont marqué l'année 2015 j'ai fait une sorte de portrait Chinois.

"22/11/63" de Stephen King et "1945" de Keiko Ichiguri
A comme "L'ambulance 13" d'Alain Mounier et Patrick Cothias (Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4) ou "D'acier" de Silvia Avallone ou "Amours" de Léonor de Récondo
B comme "Bird Box" de Josh Malerman
C comme "Cette nuit, je l'ai vue" de Drago Jančar ou "La colline des potences" de Dorothy Marie Johnson ou "Constellation" d'Adrien Bosc ou "La confusion des sentiments" de Stefan Zweig
D comme "Délivrances" de Toni Morrison ou "Un dernier verre avant la guerre" de Dennis Lehane
E comme "Ellen Foster" de Kaye Gibbons ou "Et tu n'es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivens
F comme "Le fils" de Philipp Meyer ou "Les feux de l'automne" d'Irène Némirovsky
L comme "Long week-end" de Joyce Maynard
N comme "Les notes de la mousson" de Fanny Saintenoy
O comme "Un océan d'amour" de Grégory Panaccione et Wilfrid Lupano
P comme "Persepolis" de Marjane Satrapi (Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4) ou "Père et fils" de Larry Brown ou "La pluie de néon" de James Lee Burke
R comme "Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal ou "Rouge Brésil" de Jean-Christophe Rufin
S comme "Sweet Sixteen" d'Annelise Heurtier
T comme "Transperceneige" de Jean-Marc Rochette, Jacques Lob, et Olivier Bocquet (ici et )ou "Tous les démons sont ici" de Craig Johnson
W comme "Walking Dead" de Robert Kirkman et Charlie Adlard
Z comme "Zone de non-droit" d'Alex Berg

Voilà les lectures, romans et bandes dessinées, que je retiens de l'année 2015.
Si le cœur vous en dit, n'hésitez pas à piocher dedans vos prochaines idées de lecture.

Je conclurai cet article avec ma bonne résolution de l'année 2016, trouvée sur Twitter :


Sérieux, vous y avez cru ?

mardi 5 janvier 2016

Top Ten Tuesday #134


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 livres de votre PAL à lire absolument en 2016

1) "La poupée et autre nousvelles" de Daphné du Maurier
2) "Frankie et Johnnie" de Meyer Levin
3) "Fils de la providence" de Herbjørg Wassmo
4) "A l'ouest rien de nouveau" d'Erich Maria Remarque
5) "Les ignorants" d'Etienne Davodeau
6) "Infidélités" de Vita Sackville West
7) "Orgueil et préjugés" de Jane Austen
8) "Noire lagune" de Charlotte Bousquet
9) "Une vie bouleversée" d'Etty Hillesum
10) "Adèle Blanc-Sec Tome 6" de Jacques Tardi

lundi 4 janvier 2016

Cinéma - 2015 dans le rétro

En 2015, j'ai été voir quelques films au cinéma, il est temps de regarder en arrière et de sélectionner les 10 films qui m'ont marquée cette année.

A noter une accélération des films vus en deuxième partie d'année 2015, la raison : l'ouverture du nouveau cinéma dans ma ville, qui est passé de trois à six salles, permettant ainsi de diversifier les films projetés et les séances (mon objectif pour 2016 : assister à au moins un événement organisé par le cinéma, par exemple une rencontre avec un réalisateur).

Afin de faire durer le suspens, je vais faire un classement à rebours.

- 10 -

En 10ème position, deux films aux antipodes l'un de l'autre : "Star Wars - Le réveil de la force" de J. J. Abrams et "Au-delà des montagnes" de Zhang-ke Jia.



Pourquoi ces deux films très différents ?
Parce que je tenais à les faire figurer dans mon palmarès 2015 et il s'avère qu'il y avait en tout 11 films, plutôt que d'en éjecter un j'ai choisi de les garder tous les deux.
Le premier parce que j'ai passé un bon moment de cinéma et que c'est un plaisir de retrouver l'univers de Star Wars; le deuxième parce qu'il propose une vision très intéressante et émouvante de la vie d'une femme sur un quart de siècle.
Finalement, il y a une forme de lien entre ces deux films, puisque "Au-delà des montagnes" propose une vision futuriste de 2025, c'est un peu de la science-fiction, comme Star Wars donc.
Cela donne aussi le ton pour mon classement, il va y avoir de tout !

- 9 -

En 9ème position, "Le pont des espions" de Steven Spielberg.


Je me suis posée la question de savoir si je le conservais ou non dans mon classement, la faute au réalisateur qui n'a révélé qu'une partie de la vérité historique, et ça a eu le don de quelque peu me chiffonner.
J'ai réfléchi, je ne peux pas nier que le film soit réussi, bien interprété et bien réalisé, c'est pourquoi j'ai décidé de le conserver.

- 8 -

En 8ème position, "Avril et le monde truqué" de Frank Ekinci et Christian Desmares.


J'ai choisi ce dessin animé Français parce que je l'ai trouvé très bien fait, avec un scénario certes prévisible mais riche et rendant hommage à l'univers graphique de Jacques Tardi, un dessinateur que j'apprécie beaucoup.
J'ai rêvé avec ce dessin animé, et je crois qu'il est essentiel que le cinéma nous fasse rêver, d'où la présence de ce film dans mon classement.

- 7 - 

En 7ème position, "Mon roi" de Maïwenn.


Maïwenn j'aime beaucoup, et j'ai été saisie par cette histoire d'amour qu'elle décortique à l'écran, par cette femme envoûtée par cet homme qui pourtant la blesse (psychologiquement), lui fait mal et auquel elle s'accroche.
Même moi j'étais sous le charme de Georgio, j'avais du mal à détacher mon regard de cet être à la fois solaire et nocif.
Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel sont ici au sommet de leur art en terme d'interprétation

- 6 - 

En 6ème position, "Much Loved" de Nabil Ayouch.


Que je les aime ces prostituées Marocaines, à la fois si fragiles et si fortes qui revendiquent haut et fort leur droit à exister dans un pays qui les rejette et pourtant les utilise.
J'ai longuement hésité à mettre ce film ex-aequo avec celui qui figure en 5ème position, finalement je me suis dit que ce film méritait une place à lui tout seul.
J'ai aimé la façon dont l'histoire m'a interpellée, remuée et bouleversée (allez, mange-toi un uppercut dans le ventre), c'est un très beau film de femmes que j'ai souhaité mettre à l'honneur dans mon classement, d'autant plus quand on connaît la polémique qui s'est créée autour de celui-ci au Maroc et les violences subies par son actrice principale, Loubna Abidar.

- 5 - 

En 5ème position, "La loi du marché" de Stéphane Brizé.


Oh ce n'est ni glamour ni joyeux, mais alors quel film réaliste ! Comme tout le monde (ou presque) j'ai été bluffée par la performance d'acteur de Vincent Lindon, récompensé d'ailleurs pour la première fois de sa longue carrière, mais j'ai aussi été bluffée par la réalité et la vérité qui se dégagent de ce film.
Oui, c'est une véritable et véridique plongée dans le monde de l'entreprise actuelle, ici à travers le commerce et les grandes surfaces, où les ressources humaines s'illustrent par leur déshumanité.
J'aime que le cinéma soit engagé et véridique, qu'il soit fort et à l'image de ce film.

- 4 - 

En 4ème position, "Birdman" d'Alejandro González Iñárritu.


C'est fou, c'est beau, c'est magique, c'est la renaissance d'un acteur quasi disparu des écrans, "Birdman" a fait partie de mes belles surprises cinématographiques du début de l'année 2015.
C'est un formidable film qui met en abyme le spectateur dans le milieu du show-business, avec un acteur oublié qui essaye de revenir à la une en montant une pièce de théâtre.
Je savais depuis plusieurs mois déjà que ce film figurerait en bonne place de mon palmarès cinématographique 2015.

- 3 - 

En 3ème position, "Vice-Versa" de Pete Docter.


Et oui, cette année il y a deux dessins animés dans mon classement.
Celui-ci est tout simplement formidable, bourré d'émotions (dans tous les sens du terme), à la fois drôle, joyeux, nostalgique et triste, avec un graphisme des plus jolis, il était donc évident qu'il figure parmi mes trois meilleurs films de l'année 2015.
C'est bien simple, ce dessin animé frôle la perfection et cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant rêvé au cinéma (avec un dessin animé, que l'on s'entende bien).

- 2 - 

En 2ème position, "Dheepan" de Jacques Audiard.


Oui, évidemment, Jacques Audiard et son "Dheepan" figurent en très bonne place de mon classement.
Ce n'est peut-être pas le meilleur film de Jacques Audiard mais il est d'un réalisme à couper le souffle et là aussi il envoie un sacré coup-de-poing dans le ventre.
J'ai tout aimé dans ce film : la justesse de propos, le choix d'acteurs non professionnels pour interpréter les personnages principaux, le message qu'il véhicule et la vérité qu'il raconte.
Apparemment il a été boudé par les spectateurs, c'est bien dommage, c'est un peu la raison pour laquelle j'ai aussi choisi de le faire figurer à une très bonne place dans mon classement.


Le suspens est à son comble ... quel va être le film n° 1 de l'année 2015 ?
Réponse après la pub !
Oups, je suis sur un blog sans publicité, donc réponse maintenant !

- 1 - 

En 1ère position, "Le fils de Saul" de László Nemes.


Vous vous y attendiez à celle-là ?
Je crois bien être la seule personne jusqu'à présent et parmi tous les classements cinématographiques 2015 que j'ai pu lire à placer non seulement ce film dans mon "Top Ten 2015" mais à l'y faire figurer en première position.
Et promis, ça n'est pas parce que j'ai été en Hongrie en 2015 qu'il figure en première position.
Du cinéma, je n'attends pas que des belles images et de l'émotion mais aussi d'être secouée, remuée, interpellée (ce n'est pas le hasard s'il y a 3 films que je qualifierai de "coup-de-poing" parmi les cinq premiers du classement).
Non seulement je trouve que le film est maîtrisé dans sa réalisation, d'autant plus remarquable quand on sait qu'il s'agit d'un premier film, mais il m'a remué tripes et boyaux et je n'en suis pas ressortie indemne.
A mes yeux c'est la meilleure fiction cinématographique faite à ce jour sur la Shoah, notamment parce qu'elle a su éviter de tomber dans les pièges et les écueils de ce sujet, et aussi parce qu'elle aborde la Shoah à travers un membre des Sonderkommandos, un sujet rare en littérature et inexistant jusqu'à présent au cinéma.
C'est une oeuvre audacieuse et ambitieuse comme j'aime à en voir, voilà pourquoi elle est, et de loin, placée en numéro 1.

dimanche 3 janvier 2016

Au-delà des montagnes de Zhang-ke Jia




Chine, fin 1999. Tao, une jeune fille de Fenyang est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zang et Lianzi. Zang, propriétaire d'une station-service, se destine à un avenir prometteur tandis que Liang travaille dans une mine de charbon. Le cœur entre les deux hommes, Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie et de celle de son futur fils, Dollar. Sur un quart de siècle, entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, les espoirs, les amours et les désillusions de ces personnages face à leur destin. (AlloCiné)


Le film s'ouvre avec la chanson "Go West" des Pet Shop Boys, des jeunes gens qui dansent dessus, emmenés par une jeune fille souriante, heureuse de vivre.
Elle, c'est Tao (Zhao Tao), derrière il y a Liangzi (Jing Dong Liang) son ami, amoureux d'elle.
Mais dehors, il y a aussi Zhang Jinsheng (Zhang Yi), lui aussi amoureux d'elle.
Nous sommes en 1999, à l'aube d'un nouveau siècle, et Tao va devoir faire un choix entre ses deux amis d'enfance : Liangzi travaille dans une mine de charbon, Zhang est propriétaire d'une station-service et envisage de racheter des mines de charbon.
Tao va faire un choix qui va sceller son destin, et la vie de son fils à venir, un garçon que son père prénommera Dollar, c'st dire toute l'ambition de fortune de celui-ci.
Tao s'est-elle trompée ou non ?
Le film n'est pas là pour répondre à cette question, il est là pour s'intéresser à l'évolution de ces trois personnages à travers les époques et une Chine qui évolue, c'est d'ailleurs un point que j'ai beaucoup apprécié dans ce film, comment le traditionnel se heurte au moderne.
Après une ouverture assez longue qui prend le temps de poser le contexte et les personnages, c'est un bond de quinze ans en avant qui est fait.
Le spectateur retrouve Tao, Liangzi et Zhang dans leur nouvel univers, celui qu'ils se sont créés en fonction de leur choix.
Et puis il y a un troisième bond en avant, en 2025. Cette fois-ci l'action se passe en Australie, l'eldorado de la classe Chinoise riche, et s'intéresse à Dollar devenu jeune adulte et ayant quasiment oublié ses racines Chinoises.
Retracer le destin de trois personnages sur un quart de siècle était une idée à la fois originale et ambitieuse et le réalisateur s'en sort plutôt bien.
Il joue avec la taille de l'écran, passant du carré au scope, pour souligner l'évolution des personnages mais aussi des époques.
J'ai également beaucoup apprécié tous les petits détails qui se voient à l'écran (l'évolution de la ville de Fenyang par exemple), ainsi que l'utilisation qu'il fait de l'ellipse.
Si j'ai beaucoup apprécié le jeu de Zhao Tao, formidable aux trois époques de la vie de son personnage, je suis un peu plus partagée quant au jeu des deux acteurs campant ses amis d'enfance.
Ils font presque ternes par rapport à l'actrice principale qui arrive à communiquer sa joie de vivre, son sourire.
Face à elle, ils ressemblent bien trop souvent à des clowns tristes rongés par leur rivalité sur le soleil que représente Tao.
Au final, je retiens surtout que cette histoire montre à quel point les relations humaines sont en train de se détériorer : le modernisme pousse les gens à s'éloigner les uns des autres et à oublier tous les sentiments que l'on peut éprouver les uns envers les autres.
Il n'y a qu'à voir ce jeune Dollar assailli par les bouffées de nostalgie d'un passé dont il ne se souvient que par bribes et qui pour le combler prend pour maîtresse sa professeur de Chinois, une femme-maîtresse-maman, elle-même Chinoise, qui va le guider et le remettre, sans doute, sur les rails de son passé qu'il a complètement oublié.
C'est en tout cas à espérer.
Tao elle ne baisse jamais les bras et à su marier le moderne avec le traditionnel, mais elle se retrouve bien seule, et pourtant elle garde espoir.
Belle leçon de vie de la part de cette femme qui s'est endurcie au fil des années.
Le film se referme avec la chanson "Go West" des Pet Shop Boys et une Tao plus âgée qui danse toujours sur cette musique, mais seule cette fois-ci, et pourtant toujours souriante et heureuse de vivre.
La boucle est bouclée, la suite appartient à l'imagination du spectateur.


"Au-delà des montagnes" est une fresque ambitieuse plutôt bien réussie dans son ensemble, une oeuvre visuelle qui donne à la fois le tournis et le frisson, un beau spectacle cinématographique en cette fin d'année/début de la nouvelle.



Walking Dead Tome 16 Un vaste monde de Robert Kirkman et Charlie Adlard


La vie reprend doucement son cours pour les habitants de la communauté. Mais le danger n'est jamais très loin... Morts et vivants rôdent. Lorsqu'Abraham et Michonne découvrent l'existence d'un homme avec de fortes aptitudes pour se battre et ne semblant pas éprouver la peur, les souvenirs du Gouverneur resurgissent. Rick et les siens voient leur confiance en l'humain une nouvelle fois mise à l'épreuve. (Delcourt)

Rick, c'est un peu Martin Luther King, il a un rêve : "Je vois un monde sans rôdeurs. Un monde où les enfants jouent dans les champs. Un monde où on n'a plus de raison d'avoir peur.", un monde sûr, sans zombie, où les enfants pourront grandir dans la paix et les adultes vivre la main dans la main.
Après une période d'abattement, il est de nouveau plein d'espoir : "On va pouvoir arrêter de survivre et commencer à vivre.", alors il galvanise ses troupes dans ce sens.
Sauf qu'il va y avoir un petit hic dans toute cette euphorie, en la personne de Paul Monroe, surnommé Jésus, un habitant d'une autre communauté baptisée "La colline" et qui vient rendre visite à la communauté d'Alexandria : "Hé, les gars. Vous croyez que vous êtes les seuls survivants ou quoi ?", pour leur proposer un marché : munitions contre nourriture.
Rick et toute sa joyeuse bande sont un peu sous le choc, à trop vivre derrière les clôtures de leur domaine ils en ont oublié qu'il y a d'autres personnes dehors : "On est en sécurité derrière ces murs, mais on a perdu de vue ce qu'il y a de l'autre côté. Un vaste monde.", et pas que des rôdeurs mais aussi des humains dont certains ne sont pas remplis des meilleures intentions.
Rick et un petit groupe, dont Andrea, Glenn et Michonne, partent donc avec Jésus rencontrer sa communauté.
Bon, il s'avère que Jésus a omis de leur parler de quelques petits détails, dont le plus important : "La colline a des ennemis.".
Mais comme le groupe de Rick a le cœur sur la main, et qu'ils ont compris l’intérêt d'échanger avec d'autres personnes, ils vont se proposer pour résoudre le problème représenté par Negan et son groupe, "les sauveurs".
Et à mon avis ça réserve de belles scènes de bataille dans les prochains épisodes.

Après l’accalmie le temps est revenu pour introduire un nouvel arc narratif dans la longue saga de "Walking Dead".
Une nouvelle fois je n'ai pas été déçue par ce dix-huitième tome, il tient toutes ses promesses et offre une histoire riche en rebondissements à venir.
Il faut une bonne dose d'imagination à Robert Kirkman pour continuer à développer son histoire et faire évoluer ses personnages.
Il s'en sort brillamment, il propose sans cesse de nouvelles choses, ne se répète jamais et son imagination semble sans limite pour introduire e la terreur et des méchants dans l'histoire.
Car rappelons-le, le danger ne vient pas des rôdeurs (juste un peu) mais bien plus des vivants, dont certains ont profité du chaos pour développer un certaine perversité (dois-je vous rappeler le sinistre gouverneur ?).
Il a aussi su faire évoluer ses personnages, je pense notamment à Glenn, Maggie, Michonne, Andrea, mais surtout Rick qui après des hésitations et des interrogations dans le tome précédent retrouve ici de sa superbe : "Ça fait un bout de temps que ça dure, mais j'ai enfin compris pourquoi on a fait de moi un chef. Pour ma façon de voir les choses.", se pose en leader incontesté de son groupe et n'hésite pas à se faire remarquer auprès des membres de la colline.
J'espère par la suite que le scénario se concentrera un peu moins ce personnage pour offrir de nouveau un rôle au premier plan à d'autres personnages tout aussi intéressants qui sont à ce jour un peu plus en retrait.
Après avoir travaillé sur un groupe d'individus, puis une communauté, je trouve malin de la confronter à une autre qui semble tout aussi bien organisée.
Cela permet aussi d'introduire de nouvelles têtes, de nouvelles perspectives pour les personnages et d'agrandir le cercle des survivants pour continuer à innover dans cet univers post-apocalyptique.
Charlie Adlard se fait plaisir au dessin et offre de très belles planches avec des scènes vigoureuses, de l'action et une bonne occupation de la mise en page.
Je trouve à chaque fois formidable qu'une bande dessinée en noir et blanc arrive à être aussi expressive dans son graphisme et dans sa mise en scène.
Visuellement c'est une franche réussite et cela contribue pour beaucoup au succès de cette série.

"Un vaste monde" est un excellent seizième tome à la série "Walking Dead" qui ne cesse de proposer une oeuvre de qualité, il me tarde de découvrir ce que les auteurs réservent à leurs personnages dans la suite de cette aventure palpitante.