vendredi 30 novembre 2012

Salon du livre et de la presse jeunesse - 30 novembre 2012


Tous les ans à la même époque, il y a le Beaujolais et juste après le Salon du livre et de la presse jeunesse, comme pour nous mettre en appétit et nous faire patienter avant le Salon du livre de Paris en mars ... ou pas, car au fil des années ce salon s'est largement développé et il est aujourd'hui incontournable et nationalement reconnu (voire même au-delà de nos frontières car ça n'y parlait pas que français aujourd'hui).

Je me souviens des débuts de ce salon, à la mairie de Montreuil, sur la place, dans une grande tente montée pour l'occasion.
Déjà à cette époque il attirait du monde, mais plus les années passaient et plus il manquait de place.
Il a donc pris ses quartiers dans un bâtiment en dur plus grand.
J'y étais allée il y a quelques années et j'avais déjà constaté le changement et l'agrandissement de ce salon.
Exit les quelques stands bibliothèques rose et verte, Ecole des Loisirs, Bayard Jeunesse, les maisons d'édition y étaient plus présentes et plus diversifiées, avec notamment l'explosion du manga en France, et les débuts de la littérature dite Young Adult (pour adolescent).
Mais aujourd'hui j'ai pu constater que ce salon avait encore grandi, il est désormais sur deux étages et demi, et il y a tout ou presque dans ce qui se fait de maisons d'édition : les premières qui étaient là au commencement, les nouvelles, les petites, les indépendantes, celles qui débutent mais font déjà parler d'elles, bref c'est un véritable salon du livre dédié à la jeunesse (et aux moins jeunes mais qui le sont toujours dans leur tête).
Cette année, le thème du Salon, c'est l'aventure dans toutes ses formes : graphique, littéraire, historique, imaginaire ...; et outre ce thème il y a sept pôles artistiques.
Je ne reprocherai qu'une chose : le manque de lumière naturelle dans le bâtiment, particulièrement pour l'exposition 28°W au sous-sol qui est beaucoup trop sombre et mettrait presque le bourdon au lieu d'être une invitation à l'aventure.

Ce soir j'ai donc replongé dans l'univers de la jeunesse, je me suis extasiée devant la multitude d'ouvrages qui désormais existent et sont là pour donner le goût de la lecture aux plus jeunes et c'est une bonne chose, devant la foultitude de maisons d'édition et c'est tant mieux, preuve que le livre papier est loin d'être mort voire même moribond, j'ai feuilleté des albums pour les enfants (et alors ?), j'ai flâné dans les allées, assez agréables car même s'il y a du monde cela reste moins la cohue que pour celui de Paris.
J'ai trouvé l'album "Madame le Lapin Blanc" de Gilles Bachelet très réussi, et j'ai bien rigolé en le feuilletant, c'est non seulement bien dessiné mais très drôle; il y avait beaucoup de choix sur les stands mais je suis repartie sans aucun livre.

Comment ça ? Je ne suis pas crédible une seconde ni même une micro-seconde ?

D'accord, je le reconnais, j'ai fait quelques emplettes.

- "Noire lagune" de Charlotte Bousquet aux éditions Gulf Stream : l'intrigue se passe à Venise, je me suis dit que ça irait à merveille avec le challenge "Il Viaggio" et j'ai découvert cette maison d'édition avec "Le passage des Lumières" et "L'oracle du vent" et je trouve qu'elle propose des livres de qualité;
- Le cycle 1 du "Grimoire au rubis" de Béatrice Bottet (3 livres) : j'ai eu l'occasion il y a quelques mois de lire l'intégrale du cycle 2 et j'avais beaucoup aimé, c'était donc l'occasion de lire le premier cycle;
- "La petite fille du Vel d'Hiv" d'Annette Müller : c'était la surprise au stand du Livre de Poche, pour moi ce livre n'était édité que par le CERCIL et difficilement trouvable en librairie générale, en fait il a été réédité par Hachette à l'occasion des 70 ans de la rafle du Vel d'Hiv, autant dire que ce livre m'intéressait depuis un moment, je n'ai pas hésité.

Voilà, le Salon du livre et de la presse jeunesse c'est fini pour cette année, rendez-vous au Salon du livre de Paris en mars 2013 !

A travers les champs bleus de Claire Keegan


« Plus tôt, les femmes étaient venues avec des fleurs, chacune d’une nuance de rouge plus foncée. Dans la chapelle, où ils attendaient, leur parfum était fort. L’organiste a lentement joué la toccata de Bach, mais un frémissement de doute se répandait sur les bancs. » Dès l’initiale de la nouvelle titre, avec ce « frémissement de doute », Claire Keegan parvient à suggérer un trouble, que confirmeront les premiers balbutiements du prêtre au moment de célébrer le mariage. Les huit nouvelles de ce recueil, pour l’essentiel enracinées dans la terre d’Irlande, évoquent le pouvoir dévastateur des mots (La Mort lente et douloureuse), les relations des pères et de leurs filles (Le Cadeau d’adieu, La Fille du forestier), les amours impossibles (À travers les champs bleus, Chevaux noirs, La Nuit des sorbiers), la force des préjugés (Près du bord de l’eau) ou le poids des traditions (Renoncement). Tout comme dans L’Antarctique (2010) et Les Trois Lumières (2011), le regard acéré et les phrases ciselées de l’écrivain en imposent. Sans jamais rien affirmer, Claire Keegan parvient, dans ses textes d’une beauté lapidaire, à susciter d’inoubliables émotions de lecture. (Sabine Wespieser Editeur)

Le titre le laissait présager mais ce livre va bien conduire le lecteur à traverser un champ et frôler les épis de blé ou de maïs.
Il va caresser les histoires, n'en avoir que ce l'auteur a bien voulu esquisser avec sa plume, pour le reste, il va devoir laisser courir son imagination.
C'est sans doute la plus grande force de ce livre et ce qui en fait sa beauté.
J'ai été portée par cette lecture, surprise et intriguée par le style de l'auteur qui arrive à exprimer des choses dures de façon très pudique et juste esquissée comme il le faut, notamment quand elle aborde l'inceste d'un père sur sa fille.
Les huit nouvelles qui composent "A travers les champs bleus" n'offrent pas vraiment une vision optimiste et belle du monde, mais elles traitent de sujets variés comme les relations familiales, les amours impossibles, la force des préjugés.
Les personnages principaux sont quasi exclusivement féminins et malgré les épreuves de la vie qu'ils ont subies ils font preuve d'une force de caractère impressionnante : "Quelqu'un te demande si ça va - question tellement idiote -, mais tu ne pleures pas avant d'avoir ouvert et refermé une autre porte, avant de t'être bien verrouillée à l'intérieur de la cabine.".
Les hommes n'ont pas le beau rôle et sont plutôt décrits sous un jour sombre et s'attirent peu la compassion du lecteur de par leurs actes et leurs paroles.
L'auteur analyse également de façon très fine les choses de la vie de tous les jours, comme le mariage : "Un homme perd sa fille au profit d'un homme plus jeune. Une femme voit son précieux fils s'unir à une femme qui ne le vaut pas. C'est quelque chose qu'ils croient en partie. Il y a les frais, la sentimentalité, le point de non-retour. Chaque fois que des promesses sont faites en public, les gens pleurent.", et sans jamais chercher à s'imposer elle finit par rallier à sa perception des choses le lecteur.
J'ai également apprécié l'ancrage de ces nouvelles en Irlande et dans le folklore irlandais, cela résonne comme un écho au titre avec son côté surnaturel.
Les nouvelles s'enchaînent sans lien avec la précédente, elles sont de taille différente, certaines étant longues d'autres très courtes, elles sont intemporelles si bien que certaines peuvent se situer à notre époque comme d'autres il y a cinquante ans, mais étrangement cette absence de repère spatio-temporel ne m'a pas gênée dans ma lecture, tout comme ce non équilibre de taille entre les histoires.
Et s'il y a un point commun à toutes ces nouvelles, c'est la couleur bleu, présente dans chacune des nouvelles à un moment donné.

"A travers les champs bleus" est un recueil de nouvelles lapidaires et sombres éclairées par la beauté et la force du style narratif de Claire Keegan.
Sans chercher à s'imposer ni à imposer son point de vue, Claire Keegan a une plume de toute beauté qui fait d'elle une écrivaine de talent qui continuera à coup sûr de faire parler d'elle dans les années à venir.
Et pour preuve que la blogosphère a du bon, j'ai découvert ce roman et cette auteur sur un blog littéraire et je ne regrette absolument pas ma lecture, je vais même tâcher de lire les autres oeuvres de cette auteur très prometteuse.

Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre K


lundi 26 novembre 2012

Bilbo le Hobbit Livre 1 de J.R.R Tolkien, David Wenzel, Charles Dixon


Lorsque le respectable Bilbo Sacquet entendit frapper à la porte de son confortable trou de hobbit, sous la colline, il ne se doutait pas qu'il allait ouvrir au magicien Gandalf, accompagné d'une ribambelle de nains barbus lancés sur les traces du trésor de leurs ancêtres. Il n'imaginait pas non plus que son aventure allait constituer le prologue indissociable du " Seigneur des Anneaux ", roman qui allait conquérir des dizaines de millions de lecteurs sur plusieurs générations. Avec le premier tome de cette adaptation en bande dessinée respectueuse du texte original, voici l'occasion de revisiter les Terres du Milieu, avec l'émerveillement d'un regard neuf... (Vents d'Ouest)

"Dans un trou dans le sol vivait un hobbit.".
Les hobbits sont des êtres plus petits que les nains, ils ne portent pas de chaussures car leurs pieds possèdent leur propre semelle, ils aiment fumer la pipe, en somme, ils se définissent eux-même : "Nous sommes des gens paisibles et nous n'avons pas besoin d'aventures.".
Mais voilà, Gandalf le magicien en a décidé autrement et il a choisi Bilbo Sacquet pour mener à bien une entreprise périlleuse : aider un groupe de nains à remettre la main sur leur trésor jalousement gardé par le terrible dragon Smaug.

Bilbo Sacquet ne voulait pas d'aventure, il va être servi !
Son chemin va croiser celui de trolls, d'elfes, de gobelins, de wargs, la majorité étant des créatures malveillantes, mais aussi d'un être visqueux et torturé, lui proposant une folle partie de devinettes, Gollum : "Je ne sais d'où il venait, ni qui ou qu'est-ce qu'il était. Il était Gollum. Un nom dû à l'horrible bruit de déglutition qu'il faisait dans sa gorge, bien qu'il se nommât lui-même "mon trésor"".
Au passage, Bilbo va sans le savoir chiper à Gollum son "trésor" : "C'est alors que la main de Bilbo rencontra un objet de métal froid dans les ténèbres.", un petit anneau insignifiant qui ne permet que de devenir invisible lorsqu'on le passe à son doigt et qui déclenchera le réveil et la quête de son premier propriétaire : Sauron, mais ceci est une autre histoire.
Le lecteur en tout cas voulait de l'aventure et est servi copieusement dans ce premier tome.

L'adaptation de l'oeuvre de J.R.R Tolkien par Charles Dixon me paraît relativement bien fidèle, en fonction des souvenirs de ma lecture qui remonte à quelques années maintenant.
Il a respecté la trame de l'histoire, n'a pas cherché à en rajouter, il a su extraire les éléments importants du roman pour les transcrire dans le format de la bande dessinée.
L'alternance entre les dialogues et les descriptions est bien proportionnée, il n'y a pas des pages entières de récit sans dialogue.
Quant aux dessins de David Wenzel, je les trouve globalement réussis mais j'ai toutefois quelques réserves sur certains aspects graphiques, par exemple les nez de certains personnages (Gandalf, Bilbo) qui ressemblent un peu trop à celui de Roberto Rastapopoulos dans Tintin ou la représentation des elfes qui ne sont pas assez féeriques ni impressionnants par leur majesté.
Les monstres sont globalement réussis et la mise en couleur est mesurée : ni trop vive ni trop sombre, cependant, je dois reconnaître que ces dessins n'ont pas la classe ni la beauté de ceux de John Howe, ils sont toutefois acceptables pour ce format de bande dessinée.

"Bilbo le Hobbit livre 1" est une adaptation assez fidèle et globalement réussie de l'oeuvre originale de J.R.R Tolkien qui se lit avec plaisir.
La suite des aventures de Bilbo dans le prochain tome !

Livre lu dans le cadre du club de lecture Babelio de Novembre 2012

samedi 24 novembre 2012

Une vie inachevée de Mark Spragg


Dans un ranch délabré d'Ishawooa, Wyoming, le vieil Einar vit reclus dans une tranquille solitude depuis la mort de son fils, dix ans plus tôt. Aussi voit-il d'un mauvais œil resurgir sa belle-fille, Jean, qu’il tient pour responsable de l’accident de voiture qui a coûté la vie à Griffin. Fuyant son compagnon violent, la jeune femme vient se réfugier chez lui. Einar découvre alors l'existence de sa petite-fille Griff, âgée de neuf ans. Le tempérament bien trempé de l'enfant et la fascination qu'exerce sur elle la vie au ranch ne laissent pas le vieil homme indifférent. Mais tandis qu'un équilibre fragile semble s’instaurer, l'ex-amant de Jean débarque en ville. Cette flamboyante histoire d'amour, d'amitié et de rédemption est une véritable ode aux espaces de l’Ouest américain. Une vie inachevée a été porté à l'écran avec Robert Redford dans le rôle d'Einar. (Gallneister)

"Chaque être humain a une mère qui possède un don particulier. La sienne a le don de se trouver le même homme, où qu'elle soit.", et pour la jeune Griff, sa mère ne se trouve que des hommes violents qui la maltraitent, hormis son père Griffin qu'elle n'a jamais connu et qui est mort dans un accident de voiture alors que Jean conduisait.
Le dernier homme en date, c'est Roy.
Il habite dans une caravane et a une drôle de conception de la femme et d'une relation amoureuse : "C'est la femme qu'il aime. Il l'a laissée se sentir supérieure, parce que de toute façon c'est ce qu'elle voulait. Lui dire de se faire chauffer sa soupe, ça suffit pas, loin de là, pour qu'il sorte de ses gonds. Mais s'il y a une chose qui lui tape sur le système, c'est quand elle se met à aboyer, à énumérer toutes les petites conneries qui sont arrivées et à les lui balancer dans la tronche. Qu'est-ce qu'il y peut ?", aussi, après avoir pris des coups au visage la veille au soir, Jean se décide enfin, poussée par sa fille, à s'enfuir et à s'éloigner de cet homme.
Parce que sa voiture tombe en panne et qu'elle n'a plus beaucoup d'argent, elle décide de retourner dans le Wyoming, à Ishawooa, la ville dont elle est originaire, dans laquelle habite Einar, son beau-père, qui ne sait même pas qu'il a une petite fille de neuf ans.

Ishawooa, c'est à la fois une ville où des personnes paumées dans la vie se retrouvent mais également où des personnes découvrent qu'ils ont de la famille, et que, peut-être, ils pourraient bien s'entendre avec cette famille, se mettre à aimer les gens et où finalement tout le monde pourrait vivre dans une forme de bonheur, un bonheur construit jour après jour, après avoir mis de côté les rancoeurs et la haine et appris à pardonner.
Ishawooa, c'est la ville où tout a commencé et où l'espoir renaît.
Dans ce récit, l'espoir est porté par une petite fille qui va réussir à se faire aimer de son grand-père et de son meilleur ami, mais également à réconcilier sa mère avec ce grand-père qu'elle vient de découvrir et qu'elle n'a plus envie de quitter, parce que pour la première fois de sa vie, elle a vraiment un "chez elle".
Et même si les morts sont présents : "Les morts, ce n'est pas comme s'ils vous avaient dit qu'ils ne supportaient plus le Wyoming et qu'ils étaient partis à Tucson, pourtant ça fait cet effet-là. Comme s'ils étaient très loin, qu'ils ne téléphonaient et n'écrivaient plus, comme s'ils l'avaient abandonné.", ils apparaissent dans le récit de façon apaisée.

Ce livre se distingue par bien des aspects, tout d'abord par des personnages forts et charismatiques qui portent le récit sur leurs épaules, qu'il s'agisse d'Einar, un vieil homme touchant, de Mitch, son vieil ami quasi mourant suite à une grave blessure causée par un ours, de Griff, cette petite fille si sage et si réfléchie; mais également par des personnages plus faibles que le lecteur apprend à découvrir et à apprécier, notamment Jean, cette trentenaire complètement paumée dans sa vie sentimentale et dans la vie de façon générale, qui peut agacer au début par une forme de légèreté et d'inconséquence mais qui se révèle au final plus forte que frêle et pas si mauvaise tout bien considéré.
Ce qui m'a également frappée au cours de ma lecture, c'est le côté très pudique de l'histoire, où les personnages n'expriment jamais leurs sentiments pourtant bien présents, où ils ont peu de geste d'affection les uns envers les autres pourtant ils s'aiment avec force.
D'ailleurs, il n'y aucune discussion superflue ou inutile entre les personnages, ils n'ont pas besoin d'échanger de paroles pour se comprendre et le lecteur n'a pas non plus besoin de pages de dialogues pour saisir la profondeur des sentiments entre eux.
Ainsi, j'ai trouvé la fin du récit particulièrement touchante et émouvante, avec Mitch qui espère depuis le début que Griff reste sans trop y croire pourtant : "Elle voulait dire vivre ici, tu crois ?", et où Einar au moment de lui répondre ne cherche plus à s'en convaincre car il en a désormais la certitude : "Je crois que c'est exactement ce qu'elle voulait dire.".
Le titre est également bien choisi, il peut s'appliquer aussi bien aux morts dont la vie restera à jamais inachevée, particulièrement celle de Griffin, le fils d'Einar mort jeune dans des conditions tragiques; mais aussi aux vivants, aux personnages qui sont jeunes et qui ne font finalement que débuter leur vie mais aussi à ceux plus âgés pour qui la vie aurait été inachevée sans cette rencontre, notamment Einar qui n'aurait jamais connu sa petite fille et la puissance du lien qui existe entre eux..
Et puis, il y la nature sauvage en toile de fond de l'histoire, avec des descriptions du Wyoming qui invitent au voyage et font travailler l'imagination du lecteur.
Les personnages sont à l'image de cet état de l'Ouest américain : à la fois sauvages et forts.

"Une vie inachevée" est un très beau roman de Mark Spragg qui parle d'amour, d'amitié, de pardon, de rédemption, des drames de la vie mais aussi de ses joies, avec en toile de fond la nature sauvage et indomptée de l'Ouest américain, à l'image des personnages donnant vie à cette histoire.

Je remercie Babelio et les éditions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


Valérian Tome 4 Bienvenue sur Alflolol de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Mézières et Christin ont été parmi les tout premiers à aborder ce que l'on n'appelait pas encore l'écologie politique. Bienvenue sur Alflolol, publié en 1972, est l'album où ils posent le plus directement des questions encore aujourd'hui d'une actualité brûlante : jusqu'où peut-on mettre en péril une planète au nom de la rentabilité industrielle ? L'obsession productiviste ne détruit-elle pas la civilisation ? Le travail est-il une nécessité, une fatalité, une absurdité ? Tout cela dans la bonne humeur iconoclaste, car ces espèces de clochards célestes que sont Argol et les siens flanquent évidemment la pagaille dans le camp des technocrates terriens. Quant à leur animal familier, le formidable Goumoun, il a pour fâcheuse habitude de bousiller tour ce qu'il n'aime pas. Très vite la situation devient joyeusement (mais pas pour tout le monde) inextricable ! (Dargaud)

Alors que Valérian et Laureline sont sur le point de quitter la planète Technorog, riche en métaux précieux et exploitée de façon industrielle au profit de Galaxity, ils viennent en secours à un vaisseau en difficulté tandis que Laureline tombe dans une forme de coma et est auto-guidée jusqu'à un vaisseau : "Cette fille a l'art de se mettre dans des situations incroyables !".
Sans le savoir, ils viennent de rencontrer les Alflololiens, premiers habitants d'Alflolol, l'actuelle Technorog.
Valérian alerte aussitôt Technorog : "Les anciens habitants de Technorog sont de retour !! [...] Les Alflololiens, c'est ainsi qu'ils s'appellent, sont partis faire un tour, voilà tout !", ils sont partis pour un voyage de quelques milliers d'années et au retour, ils retrouvent une planète totalement chamboulée.

Ce quatrième volume des aventures de Valérian et Laureline, agents spatio-temporel, continue à prendre le virage amorcé dans le précédent opus.
Il n'est plus seulement question de politique, car les terriens de Technorog ne sont pas décidés à respecter le code galactique et à laisser la planète à ses habitants originels, bien trop intéressés par les richesses du sous-sol de la planète, mais aussi d'écologie, car les Alflololiens retrouvent une planète qu'ils ne reconnaissent plus,  défigurée par les technologies pour extraire les métaux précieux et par l'industrialisation excessive qui s'y est développée.
Les Alflololiens sont un peuple pacifique, mais ils ne sont pas non plus trop portés sur le travail, contrairement aux terriens présents sur Technorog qui ne jurent que par le travail acharné.
Leurs territoires ont été saccagés, ils se retrouvent parqués dans l'endroit le plus hostile de la planète, leur écosystème a bien changé et leurs territoires de chasse n'existent plus.
Voilà un propos en avance son temps lorsqu'on le replace à l'époque où a été écrite la bande dessinée mais qui est de nos jours d'actualité.
Ce quatrième opus soulève pour chaque lecteur des questions qui sont aujourd'hui d'une actualité brûlante : quel est le sens du travail et quel sens veut-on lui donner ? Faut-il massacrer les écosystèmes pour assouvir notre soif de production et de rentabilité industrielle ? Quel droit avons-nous de déplacer des populations et de s'approprier leurs territoires car ceux-ci renferment des richesses dans leur sous-sol ?
La fin n'est d'ailleurs pas surprenante, déçus et dépités les Alflololiens préfèrent abandonner leur planète dans laquelle ils ne se retrouvent plus : "Libres sur Alflolol ! Libres sur une planète pareille ! Décidément mon pauvre Valérian, tu n'as rien compris ! Ils sont tous partis parce qu'ils n'en veulent plus de leur planète et si nous sommes restés c'est parce qu'Argol et les siens n'ont plus de vaisseau ... [...] A ta manière tu as fait ce que tu pouvais ... mais c'était la mauvaise manière, voilà tout ...".
Et dans ce quatrième volume, Valérian est systématiquement à côté de la plaque, il prend les mauvaises décisions à tel point qu'il finit par s'attirer l'indifférence de Laureline : "Tu le connais toi celui là mon goumoun ?", qui lui préfère la compagnie d'Argol et de sa famille, et surtout de leur animal de compagnie, le goumoun : "Nous on est en pleine forme, hein, mon goumoun adoré ? Hein, mon gros sauveur ? ...".
Il faut bien reconnaître que le goumoun est mignon et fort sympathique, si ce n'est qu'il n'a tendance à détruire tout ce qui ne lui plaît pas. Il arrive même à rendre jaloux Valérian : "Décidément, elle m'énerve avec son goumoun !", ce qui donne une petite touche d'humour à l'ensemble.
L'humour est aussi apporté par l'opposition entre Valérian et Laureline, celle-ci ayant une forte propension dans cette aventure à s'attirer la compagnie des monstres : "Incroyable ! Elle va encore se faire embarquer par un monstre ! Ca devient une habitude !", avec toujours le côté féministe du personnage de Laureline : "Oui ! N'empêche que c'est encore moi qui ai écopé ! Pourquoi pas toi, hein ? ...Même la faune de l'espace est mysogine ...".
Et puis la famille d'Argol est joyeuse et insouciante, ce qui contraste avec le sérieux des terriens sur Technorog et donne lieu à des scènes joyeusement drôles et enlevées.

"Bienvenue sur Alflolol", quatrième volume de la série Valérian et Laureline, est toujours constitué d'un bon scénario et de très beaux dessins, mais ce que j'ai sans doute le plus apprécié, c'est la dimension d'écologie politique que les auteurs ont donné au scénario et les questions soulevées, d'autant qu'elles sont actuellement au coeur de l'actualité et qu'elles ne laissent personne indifférent, que ce soit de nos jours ou entre nos agents spatio-temporel préférés : Valérian et Laureline.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes Dessinées de l'Imaginaire de Babelio


vendredi 23 novembre 2012

Valérian Tome 3 Le pays sans étoile de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Alors qu'ils sont en tournée d'adieux sur un lointain système solaire, Valérian et Laureline découvrent qu'une planète plongeant du fond de l'espace s'apprête à tout détruire sur son passage. Ils partent à sa rencontre et s'aperçoivent qu'il s'agit en fait d'une planète creuse, à l'intérieur de laquelle une civilisation se livre à une guerre des sexes inexpiable. Face à face, deux cités belliqueuses aussi raffinées que cruelles. Malka, la ville-citadelle des amazones menées par l'impresionnante reine Klopka. Valsennar, le palais-jardin placé sour la coupe quelque peu décadente de l'empereur Alzafrar. Au milieu, le misérable peuple Lemm qui extrait des flogums explosifs permettant à la guerre de se poursuivre... et à la planète Zahir de courir à sa perte. Seuls Valérian et Laureline sont conscients de l'imminence du danger. (Dargaud)

Pour cette nouvelle aventure de Valérian et Laureline, direction une tournée d'adieux sur des planètes qui se termine par la découverte d'une planète creuse qui menace d'en détruire une autre car elle est instable du fait d'un conflit perpétuel entre les deux peuples l'habitant.

Ce troisième tome des aventures des agents spatio-temporels Valérian et Laureline amène de la nouveauté dans cette série.
L'humour y est beaucoup plus présent que dans les précédents, avec une Laureline essayant de raisonner un Valérian ivre : "Par l'espace ! Je comprends tes petites disparitions successives ! Tu es ivre-mort !!!", ce qui donne lieu à quelques scènes drôles au début du volume.
Et comme à son habitude, Valérian ne manquera pas de faire son macho, mais un macho sur un ton humoristique : "Le matriarcat, je ne suis pas contre ... La preuve : c'est toi qui vas nous conduire jusqu'à Galaxity ! ... Et que ça saute !".
C'est aussi la première fois qu'il est question d'un conflit et de la guerre, et que cela soit montré par les dessins et non pas seulement évoqué.
Le côté féministe de la série est également plus accentué que dans les précédents, avec là aussi une petite touche humoristique car sur cette planète instable, ce sont les femmes qui dirigent, occupent les postes les plus importants, font la guerre : "Chez nous, ici, les femmes elles défendent la civilisation ..."; tandis que les hommes sont cantonnés aux basses tâches :  "Les mâles c'est inférieurs, tout le monde sait ça ! On est tout juste bons à charrier des flogums qui nous pètent au nez, à soigner les gosses ou à nettoyer la ville.".
Autant dire que les auteurs étaient en avance sur leur temps et que j'y ai vu une façon de mettre les femmes à l'honneur, toujours dans l'esprit que Laureline est un personnage qui a permis le développement et la création de personnages féminins dans l'univers de la bande dessinée de science-fiction.
Cet aspect de l'histoire est d'autant plus renforcée que la guerre qui a lieu sur cette planète creuse est tout bonnement une guerre des sexes et rien d'autre.
C'est en quelque sorte une façon de dire qu'à force de trop se bagarrer entre homme et femme cela ne génère que du chaos, c'est la première fois que je trouve une morale sous-jacente à l'histoire dans cette série.
L'autre aspect innovant et quelque peu déroutant, c'est le fait que les héros sont séparés et se retrouvent chacun dans un camp : Valérian doit défendre sa reine, Klopka, tandis que Laureline doit protéger son souverain, l'empereur Alzafrar.
Mais les deux personnages vont se prendre au jeu à tel point que Laureline va manquer de peu de tuer Valérian : "Me voici donc favorite pour avoir sauvé la vie de l'empereur !! Mais quand je pense que ça a failli me coûter celle de Valérian, j'en suis malade !", ce qui renforce au final l'attachement entre ces deux personnages.

"Le pays sans étoile" est une très bonne bande dessinée, que j'ai beaucoup apprécié de par les aspects innovants du scénario et de la dynamique de l'histoire, tout en y trouvant, comme d'habitude dans cette série, des graphismes de belle facture.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes Dessinées de l'Imaginaire de Babelio


dimanche 18 novembre 2012

De flammes et d'argile de Mark Spragg


Au coeur d'une nature saisissante, Ishawooa, dans le Wyoming, est de ces villes dont l'âme marque au fer rouge le quotidien de ses habitants. Depuis l'eau glacée d'Owl Creek jusqu'aux vastes étendues du ranch d'Einar Gilkyson, les destinées de plusieurs familles s'entremêlent. Il y a Kenneth, le gamin épris des grands espaces, partagé entre son père et l'homme qui lui a appris à aimer la terre où il vit. Griff, la jeune femme passionnée de sculpture, prête à renoncer à ses études pour rester auprès de son grand-père. Et le shérif Carlson qui découvre un cadavre dans un laboratoire clandestin de méthamphétamine pendant que sa femme Jean s'adonne aux plaisirs du bourbon sans même remarquer la maladie qui le frappe. 
Entre drames, vérités inaudibles et apaisements difficiles, Mark Spragg a l'art de faire surgir des instants de drôlerie, de tendresse et de beauté. Dans la lignée des romans de Jim Harrison ou Kent Haruf, De flammes et d'argile est à la mesure des espaces grandioses de l'Ouest. (Gallmeister)

"Des vies de désespoir, de beauté, d'honnêteté, de charité, les corps consumés les uns après les autres par le feu.", cette phrase résume assez bien l'esprit de ce roman et des personnages qui le peuplent.
Il y a tout d'abord Einar, un vieil homme rattrapé par la vieillesse qui profite de ses derniers moments dans la nature qu'il aime tant auprès des gens qu'il aime : "La pluie sifflait sur les flammes, l'air s'animait d'étincelles, et il se demanda combien de fois il avait déjà été un vieillard assis devant un feu la nuit, sous les yeux d'un cheval, dans une pluie sombre.", Griff, sa petite fille, sur le point de renoncer à ses études pour s'occuper de son grand-père et de son ranch et dont la passion pour la fabrication de squelettes en argile donne le titre au roman : "Elle entendit les flammes se précipiter à travers toutes ces pièces d'argile et elle songea à la cendre volante qui, en se déposant sur les surfaces, allait produire des variations de couleur inattendues, cacao, ocre et terracotta.", McEban le voisin avec son fils Kenneth qui n'est pas vraiment son fils, Jean, la mère de Griff qui se noie dans l'alcool sans se rendre compte que son mari, le shérif, est frappé par une terrible maladie.

"De flammes et d'argile" est à la fois un roman humain grâce à sa galerie de personnages tous plus touchants les uns que les autres et dont les histoires se mêlent et s'entremêlent, donnant ainsi une dynamique au récit; et un roman sur la nature, sur ce Wyoming si sauvage qui donne tant de beauté, de grâce et de poésie à l'histoire : "Il n'y avait pas de vent, rien que le bruit de leur respiration. Ils semblaient flotter, comme on flotte dans un rêve.".
L'auteur, en choisissant d'alterner chacun des chapitres sur un personnage, a créé une dynamique dans sa trame narrative qui fait que le lecteur est d'emblée plongé au coeur de l'histoire et se laisse prendre par celle-ci.
De plus, j'ai trouvé tous ces personnages touchants et attachants, même ceux qui n'ont pas le beau rôle, comme Jean ou la femme de McEban.
Einar représente le grand-père idéal en ce qu'il concentre en lui toutes les qualités que l'on attend d'une personne de son âge, et j'ai été touchée par l'amour qu'il y a entre lui et sa petite-fille ainsi que leur complicité.
L'autre belle relation est celle entre McEban et Kenneth, même s'ils ne sont pas liés par les liens du sang, ils sont aussi proches et complices que peuvent l'être un père et son fils et ils tiennent autant l'un à l'autre, d'autant plus que Kenneth est une forme de double masculin de Griff en ce sens qu'il éprouve un amour réel et puissant du Wyoming et de la ville d'Ishawooa où se déroule l'action.
Le point fort de l'auteur, c'est de réussir à écrire sur une palette aussi large d'émotions.
Il passe de moments drôles à des moments tristes, de la joie à l'abattement, du drame au bonheur, de secrets à des vérités avouées, de la colère à l'apaisement, en somme, tous ces moments qui jalonnent la vie d'un être humain.
Et que dire de la nature si présente dans ce roman, elle est à elle seule un personnage à part entière du roman.
Les descriptions ne sont pas omni-présentes ni trop détaillées, mais elles sont suffisamment précises pour permettre au lecteur d'imaginer les lieux et les paysages, tout en lui conservant une part propre à son imagination.
Mark Spragg est né dans le Wyoming et cela se ressent dans son écriture, rien n'est forcé et c'est une forme d'amour et d'hommage à cet état qu'il rend à travers son livre.
Son style littéraire est d'ailleurs très fluide et la traduction me semble assez fidèle, j'ai été tout de suite prise par l'histoire et il m'était difficile de m'arrêter tant la continuité de l'histoire se fait à chaque chapitre alors que les personnages alternent.
Mark Spragg m'a en tout cas permis de m'évader et de vivre cette histoire dans la nature sauvage au milieu de sa galerie de personnages si humains et proches de chacun.

"De flammes et d'argile" est une belle découverte de cette rentrée littéraire 2012 et la maison d'édition Gallmeister me séduit de plus en plus avec sa collection Nature Writing.
C'est un très beau livre rempli d'émotions, qui passe de la tristesse à la tendresse, du rire aux larmes, avec en toile de fond le côté sauvage des verts pâturages du Wyoming, en somme une représentation littéraire fidèle aux grands espaces de l'Ouest américain.

Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre S


Valérian Tome 2 L'empire des mille planètes de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Valérian, le plus grand space-opéra publié par des auteurs français, nous entraîne dans un monde et un futur lointains. Le duo est constitué d'agents spatio-temporels : Valérian et Laureline. C'est à bord d'un vaisseau affrété par Galaxity, capitale de l'Empire Terrien, qu'ils se déplacent pour vivre des aventures hautes en couleur. Les scénarios font d'habiles clins d'oeil à notre époque, mettant en scène tyrans et dictateurs, souvent bien proches de ceux de notre 20ème siècle. Le dessin est classique mais doué d'une fantaisie qui donne une saveur rarement égalée aux créatures monstrueuses ou sympathiques que croise Valérian. Grâce à des histoires formidablement inventives, les auteurs de Valérian ont su séduire le public le plus large possible depuis 1967, année de création de cette série pour l'hebdomadaire PILOTE. (Dargaud)

Drôle de voyage pour Valérian et Laureline que celui sur Syrte-la-Magnifique, capitale de l'empire des mille planètes.
Capitale cosmopolite, elle est sous l'emprise des connaisseurs dont personne ne connaît le véritable visage, ni même leurs motivations, hormis que "Jamais les connaisseurs ne parlent d'eux-mêmes à des gens du peuple...".
Il se trouve qu'à cause d'une montre que Valérian va offrir à Laureline ils vont être la cible des connaisseurs qui n'aiment vraiment pas les terriens : "Taisez-vous ! Je reconnais bien là les terriens, leur orgueil, leur entêtement, leur folie ! Race maudite ! Notre vengeance sera effroyable !!!".

Ce deuxième tome des aventures de Valérian et Laureline, agents spatio-temporels, est aussi explosif que le premier et ne connaît aucun temps mort dans l'histoire.
Elle se met en place dès le début et il n'y a pas besoin d'un temps d'adaptation pour le lecteur, c'est comme s'il avait quitté les deux agents la veille et qu'ils les retrouvaient pour une nouvelle mission.
L'imaginaire de la science-fiction est sans limite, aussi Pierre Christin s'en donne-t-il à coeur joie dans son scénario, tout comme Jean-Claude Mézières pour la partie dessin et création de créatures.
Les deux personnages principaux, Valérian et Laureline, sont extrêmement attachants et ce duo fonctionne bien, chacun étant le complément de l'autre.
Il pourrait y avoir une petite ambiguïté sur la nature de leur relation, mais dans ce tome-ci elle prend effectivement une autre dimension, mais cela se fait discrètement et sera, à mon avis, développé dans d'autres volumes.
Je commence à penser que cette série a tendance à faire la part belle aux femmes, les hommes y sont présentés comme des êtres mous et sans volonté, en tout cas c'est le cas de certains habitants de cet empire, à commencer par l'empereur : "Qu'on en finisse ! Tous ces cris me fatiguent ! Laissez repartir le prisonnier en paix avec cette fille ! J'ai promis ... gardes ! Veillez à les escorter jusqu'à la sortie ! Et qu'on ne m'ennuie plus avec tout cela ! J'ai la grande fête des fleurs de l'espace à préparer pour ce soir moi ...", tandis que d'autres, des commerçants, se lancent dans des mouvements de résistance pour faire chuter le régime politique en place.
A côté de ces hommes, Laureline est toujours égale à elle-même et prend le temps de réfléchir posément aux choses.
Les graphismes sont réussis et les dessins ne font pas dépassés, la mise en couleur ne vieillit pas et colle bien avec l'univers de science-fiction de cette série.

Valérian et Laureline se pose en valeur sûre de la bande dessinée space-opéra de science-fiction et c'est avec plaisir que je découvre enfin leurs aventures, ces deux personnages étant très attachants.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes Dessinées de l'Imaginaire de Babelio


samedi 17 novembre 2012

Parfums de Philippe Claudel


"En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent, ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus : car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. Alors la tête nous tourne délicieusement." (Stock)

"Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit le mieux."
Ainsi, si chaque lecteur fait corps avec un livre, "Parfums" permet à son auteur, Philippe Claudel, de revenir sur les parfums qui le bercent depuis son enfance et qui font de lui l'homme qu'il est aujourd'hui, et de partager tous ces parfums avec le lecteur qui lui-même replonge dans ses souvenirs.
Voyage littéraire olfactif, "Parfums" s'intéresse à tout, du plus important au plus insignifiant, ne se limitant pas à des parfums de fruits ou de fleurs, mais également à celui attaché à un lieu, comme une chambre d'hôtel : "Son parfum véritable, c'est celui de notre brièveté et de notre inconsistance.", avec un arrière-fond de mélancolie par rapport au temps qui passe et qui n'épargne rien ni personne : "Le temps ferme les portes et dépend les enseignes sans placarder nulle part d'avis de décès.".


Philippe Claudel est Lorrain, et son livre, outre le fait de rendre hommage aux parfums qui ont bercé son enfance, son adolescence et sa vie d'adulte, est aussi une ode à cette région de France.
En le lisant, il suffit de fermer les yeux pour voir les paysages et de respirer pour sentir les odeurs décrites, ainsi lorsqu'il est question de l'odeur de l'alambic il n'est pas possible de la dissocier de l'alcool de mirabelle et d'imaginer l'arbre couvert de fruits : "Sans doute au ciel s'enivre-t-on de ces vapeurs, mais sur terre, nous, qui ne sommes plus des anges et pas encore des démons, devenons grâce à elles des faunes hébétés zigzaguant à vélo, riant pour rien, heureux, ivres de cette brise d'alcool et ivres de la vie.".


Je ne qualifierai pas "Parfums" de roman autobiographique, je trouve au contraire que ce livre a une portée universelle car il renvoie chacun à sa vie, à ses souvenirs, à des personnes ou des lieux qui aujourd'hui n'existent plus et qui pourtant restent gravés dans la mémoire : "Chaque lettre a une odeur, chaque verbe, un parfum. Chaque mot diffuse dans la mémoire un lieu et ses effluves. Et le texte qui peu à peu se tisse, aux hasards conjugués de l'alphabet et de la remembrance, devient alors le fleuve merveilleux, mille fois ramifié et odorant, de notre vie rêvée, de notre vie vécue, de notre vie à venir, qui tour à tour nous emporte et nous dévoile.".
Je me suis retrouvée dans certains des écrits de l'auteur et cette lecture m'a amenée à repenser à des personnes ou à des lieux sans tristesse.
Comme l'auteur, chaque lecteur est finalement amené à se promener sur le chemin de sa vie, et c'est cette promenade des plus agréables que nous propose Philippe Claudel à travers son livre.
Il s'agit d'un recueil de nouvelles, la lecture en est donc rapide et sans lassitude, d'autant que l'auteur jongle habilement entre les parfums, ne respectant pas d'ordre chronologique.
Chaque nouvelle se présente donc comme une photographie d'un moment passé, qui pourrait resurgir à n'importe quel moment, dans n'importe quel endroit, juste parce qu'une odeur, un paysage ou une personne déclenche un souvenir.
Le style littéraire de Philippe Claudel est net et précis, son écriture est fluide et il arrive parfaitement à véhiculer des émotions avec les mots employés.
Je tiens également à souligner que la couverture est particulièrement soignée et belle, elle illustre d'ailleurs assez bien la proximité entre l'auteur, son écrit et le lecteur, et le moment de partage qui se déroulera au cours de cette lecture.

Philippe Claudel, auteur/dramaturge/cinéaste plutôt discret, livre avec "Parfums" un bijou magnifique dans un écrin d'émotions qui trouve un écho en chaque lecteur et s'affirme encore plus comme une des plus belles plumes de la littérature d'aujourd'hui.

Si je devais mettre une note à ce livre : 19/20

J'ai lu "Parfums" de Philippe Claudel dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2012 organisés par Price Minister.

Je remercie Oliver de Price Minister et les éditions Stock pour l'envoi de ce livre.



Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre C


Valérian Tome 1 La cité des eaux mouvantes de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin



Galaxity, métropole du futur et capitale de l'Empire terrien.
New-York 1986 envahie par les eaux, ravagée par un cataclysme d'origine nucléaire.
Entre les deux, Valérian et Laureline, projetés dans une ville en perdition, contrôlée par des gangsters musiciens et hantée par d'étranges robots. 
La Cité des Eaux mouvantes est le premier grand récit, paru en 1968, de la saga Valérian, celui où l'on découvre le prototype d'une machine à voyager dans l'espace-temps.
Depuis, en 1986, il y a réellement eu une catastrophe nucléaire : Tchernobyl.
Mais New-York est toujours là et Valérian et Laureline continuent à vivre leurs prodigieuses aventures spatio-temporelles dans tout l'univers. (Dargaud)

Valérian et Laureline, c'est une bande dessinée de science-fiction, mais c'est sans doute le plus grand space-opéra créé en bande dessinée.
Valérian et sa compagne Laureline sont des agents du service spatio-temporel de Galaxity, mégalopole du 28ème siècle : "Galaxity, métropole du futur et capitale de l'empire galactique terrien.".
La Terre a changé du fait de catastrophes nucléaires et la technologie a fortement progressé, le voyage dans le temps (passé ou futur) étant désormais possible, mais c'est aussi un monde prospère et quelque peu oisif qui a vu le jour : "L'âge des loisirs est définitivement venu, mais le service des agents spatio-temporels - service dont font partie Valérian et Laureline - fait preuve d'une activité incessante.".

Pour cette première aventure, Valérian est envoyé à New-York en 1986, ville envahie par les eaux, ravagée par un cataclysme d'origine nucléaire où il ne reste que peu de survivants, à la recherche de Xombul, un dangereux prisonnier politique qui vient de s'évader, de voler un astronef spatio-temporel et dont le but est de modifier le passé pour devenir le dictateur de la société.
Il sera rejoint très vite par Laureline et c'est plutôt tant mieux pour lui, car ils sont sur bien des aspects l'opposé de l'un et de l'autre.
Valérian a un petit côté macho :  "Au fond, j'ai toujours pensé que le service devrait être exclusivement réservé aux hommes, vous êtes trop malignes pour nous ...", il est sûr de lui et agit sans trop réfléchir aux conséquences.
A contrario, Laureline est plus posée, plus calme, elle réfléchit plus avant d'agir, ce qui lui permet de sauver Valérian quand il a foncé tête baissée quelque part sans réfléchir.
Mais attention, la demoiselle a aussi son caractère et est l'équivalent féminin de Valérian et non pas son faire-valoir, ainsi venant d'être miniaturisée par Xombul elle trouve encore le moyen de se disputer avec Valérian : "Mais je te parle idiot ! Je ne peux pas crier plus fort !!! Fais quelque chose pour moi ! J'en ai assez, c'est toujours aux filles qu'il arrive des choses pareilles !".
Ces deux personnages fonctionnent très bien ensemble et sont aussi attachants l'un que l'autre, il est d'ailleurs difficile d'imaginer Valérian sans Laureline alors qu'à l'origine Laureline ne devait pas apparaître dans les autres volumes.
Edité en album pour la première fois en 1970, l'histoire se posait véritablement comme de la science-fiction en ayant fait subir à la Terre des cataclysmes nucléaires.
Depuis, il y a eu l'accident de Tchernobyl en 1986 et d'autres incidents dans des centrales nucléaires, pourtant la Terre est toujours là, tout comme la ville de New-York.
Cette ville est un personnage à part entière pour ce premier volume des aventures de Valérian et Laureline, et même si elle est sous les eaux, quasiment inhabitée, ses bâtiments et ses gratte-ciels se reconnaissent très bien.
Les dessins de Jean-Claude Mézières sont de toute beauté, retranscrivent très bien l'atmosphère et l'univers de la science-fiction, et n'apparaissent pas comme dépassés ou démodés.
Le scénario de Pierre Christin ne connaît pas de temps mort, il prend le temps de présenter les personnages et de mettre en place l'action, si bien que le lecteur arrive tout de suite à s'imprégner de l'histoire et à entrer dedans.

Je connaissais de nom la saga Valérian et Laureline, agents spatio-temporels, mais je n'avais pas encore lu un seul volume de cette série.
Désormais c'est chose faite, j'ai été séduite par les personnages et par l'imaginaire de science-fiction développé, cette série mérite vraiment d'être découverte, aujourd'hui je me demande même pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes Dessinées de l'Imaginaire de Babelio


Livre lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2013


dimanche 11 novembre 2012

La mer, le matin de Margaret Mazzantini


Deux mères et deux fils que la Méditerranée sépare. Deux rives, deux pays, deux histoires que l'Histoire avec un grand H relie pourtant. (Robert Laffont)

D'un côté, il y a cette femme et son fils Farid, qui fuient la Libye de Mouammar Kadhafi, une Libye qui est en train d'exploser durant le "Printemps arabe"; de l'autre il y a Angelina et son fils Vito, sur le point de partir pour mieux se trouver et vivre sa vie sur les conseils de sa mère : "Sa mère lui a dit il faut que tu trouves un lieu, à l'intérieur de toi, autour de toi. Un lieu qui te corresponde au moins en partie.".
Aucun rapport entre ces deux femmes ?
Et bien pourtant si, et c'est là le tour de force réalisé par Margaret Mazzantini dans ce court roman percutant.

Ces deux femmes que tout oppose et qui jamais ne se rencontreront se trouvent pourtant liées d'une étrange façon par l'Histoire, encore un de ces coups du sort qui fait se rejoindre la petite et la grande histoire.
L'une fuit son pays en proie à la révolte et au sang qui coule pour l'Italie, tandis que l'autre a dû fuir son pays d'adoption avec ses parents pour retrouver leur pays natal, l'Italie, car ils en étaient chassés par ce même dictateur qui aujourd'hui est sur le point de tomber.
Ces deux femmes ont, pour une raison et à une époque différentes, rejoint l'Italie, sauf que pour l'une la destination sera selon toute vraisemblance fatale et elle ne verra jamais le sol italien vivante, tandis que l'autre a fini par y construire sa vie.

Hymne à la liberté et à la fraternité, ce livre revêt également un souhait profond d'égalité pour tous : "Mais ici-bas personne n'est un saint. Et le monde ne devrait pas avoir besoin de martyrs, seulement d'une plus grande égalité.", et est une invitation à la Paix dans le monde et à l'abolition de toute dictature : "Elle sait comment finissent les dictateurs. Quand leur corps devient un mannequin que l'on traîne par terre. Le déchaînement insensé de la colère posthume. Pas la moindre joie, rien qu'un macabre trophée qui salit les vivants. La mémoire est une couche de chaux sur les trottoirs du sang.".
Le pari était plutôt risqué d'écrire aussi peu de temps après les évènements sur la chute du régime libyen et ces milliers de personnes qui, sur des embarcations de fortune, fuyaient le pays pour gagner un ailleurs meilleur.
Au final, c'est une réussite et un sans faute, il n'y a aucun côté voyeuriste ni moralisateur, au contraire, Margaret Mazzantini fait même preuve d'une justesse de vision et prend le recul nécessaire pour émettre son opinion sur notre propre civilisation occidentale : "Sous les fondations de toutes les civilisations occidentales, il y a une blessure, une faute collective.".
Il n'y a aucune palabre inutile, le roman est court et percutant, l'auteur s'est attachée à l'essentiel et c'est dans un très beau style narratif qu'elle narre le destin de ces deux femmes et de leurs fils, avec pudeur et avec calme, en contraste avec la situation politique en Libye et le déchaînement de la mer qui malmène les embarcations.
Le choix de la couverture est d'ailleurs des plus réussi et reflète assez fidèlement le contenu du livre.

"La mer, le matin" est un livre petit par la taille mais qui a tout d'un grand et qui m'a séduite par la beauté de l'histoire et la plume hautement évocatrice de Margaret Mazzantini, en conclusion, une belle rencontre littéraire.

Livre lu dans le cadre du challenge de Babelio de la rentrée littéraire 2012


Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


Les amoureux de Sylvia d'Elizabeth Gaskell


1796. La guerre contre la France révolutionnaire fait rage et ses répercussions ébranlent les provinces anglaises les plus lointaines. Le petit port baleinier de Monkshaven (Yorkshire) paie un lourd tribut en hommes valides, que les sergents recruteurs, haïs par la population, kidnappent de force pour servir le Roi. L’héroïne, Sylvia Robson, seize ans, fille unique de fermiers locaux, est une jolie sauvageonne, follement aimée par son terne cousin, Philip Hepburn. Arrive un harponneur audacieux et généreux, qui tombe amoureux d’elle et chavire son coeur. Hélas, les recruteurs vont bouleverser ces vies… Le caractère de Sylvia, fait pour l’insouciance et la légèreté, se trempe et prend une envergure dont personne ne l’aurait crue capable. Dans ce grand roman victorien, Elizabeth Gaskell montre les passions à l’oeuvre chez des gens ordinaires, et décline sur plusieurs tons le thème de l’amour frustré. Plongés dans une tourmente qui les dépasse, les personnages sont livrés à la violence de leurs sentiments, qui fait écho à celle de l’Histoire. (Fayard)

Sylvia Robson a seize ans, elle est belle et a un côté sauvageonne, elle est insouciante et est d'abord présentée comme écervelée et frivole : "Ah, tu vas pas me faire la morale ! J'aime pas les sermons qu'on accroche à tous les mots, comme sur les portemanteaux. Je vais avoir un nouveau manteau, ma fille, et je ferme les oreilles si tu me vais la morale. Alors de te laisse toute la jugeotte et moi, je prendrai le manteau.", pour finir par surprendre tout le monde avec une force de caractère jusque là insoupçonnée : "Quand j'aime, j'aime et quand je déteste, je déteste. Quant à celui qui me fait du mal, à moi ou aux miens, peut-être que je m'abstiendrai de le frapper ou de le tuer, mais jamais je lui pardonnerai.".
C'est l'une des raisons pour lesquelles je qualifierai ce livre d'étude des caractères humains, car c'est le coeur même du livre et tout tourne autour des personnalités.
De ce point de vue-là, je n'ai rien à reprocher, c'est fait de façon minutieuse et l'auteur sait pertinemment de quoi elle parle, rendant ainsi cette étude des caractères et des moeurs intéressante pour le lecteur.
Ainsi, le terne et sage Philip, éperdument amoureux de sa cousine Sylvia en arrivera à lui cacher la vérité pour parvenir à ses fins, lui qui jusque là de sa vie n'avait jamais proféré un mensonge : "C'est aussi bien : une promesse donnée est une entrave à celui qui l'a faite. Mais une promesse qui n'a pas été entendue est une promesse non donnée.", tandis que Sylvia prendra une dimension inattendue au fur et à mesure qu'elle mûrira à cause des aléas de sa vie.
Le personnage de Sylvia est un très beau personnage littéraire, fort et passionné, qui englobe à lui seul la violence des sentiments et de la passion amoureuse et la dureté de la vie avec les coups funestes du destin qui forgent les personnalités.
Sylvia est le moteur de ce livre, elle est à ce titre quasi omni-présente du début à la fin.
L'auteur porte aussi un regard juste sur la vie de ces gens ordinaires : "Mais les gens frustres, à l'instruction limitée, voire insuffisante, ont tendance à se comporter de façon vaine comme l'autruche bien connue.", sans jamais tomber dans la caricature et la leçon de morale.

Et s'il est beaucoup question de l'amour frustré dans ce livre, ce n'est absolument pas un roman d'amour, bien au contraire, c'est un roman extrêmement triste et pessimiste où il n'y a aucun instant de bonheur, même fugace.
C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles j'ai eu tant de mal à avancer dans ma lecture, en plus d'un style d'écriture allant au fond de chaque détail, ce qui rend la lecture quelque peu laborieuse alors qu'a contrario les dialogues sont très bien faits et j'ai pris beaucoup de plaisir à les lire.
Je n'ai rien contre les descriptions mais là j'ai trouvé qu'elles étaient poussées à l'extrême et ce de façon systématique tout en étant entremêlées d'explications de l'auteur sur le contexte historique et politique.
Ces dernières sont intéressantes, d'autant que cela concerne une partie plutôt méconnue de l'histoire anglaise,  avec la guerre menée par les anglais contre les révolutionnaires français.
Pour en revenir au thème principal du récit, l'amour frustré, il est ici abordé sous tous les prismes possibles : le jeune homme dont la flamme reste vaine pour sa cousine, l'amour de sa cousine envers un harponneur qui disparaîtra mystérieusement, l'amour muet non payé en retour de la douce Hester Rose envers Philip et la flamme de William Coulson envers Hester qui finalement trouvera son bonheur avec une autre.
Finalement, personne n'arrive à être avec la personne de son coeur et tout le monde est globalement bien malheureux, voici une vision bien pessimiste de l'amour, bien que je pense qu'elle soit aussi réaliste en replaçant l'histoire dans son contexte et dans son époque.

Il semblerait que "Les amoureux de Sylvia" soit l'un des romans les plus noirs d'Elizabeth Gaskell, elle a d'ailleurs dit en parlant de ce livre : "the saddest story I ever wrote", et ce n'était sans doute pas une bonne idée de commencer ma découverte de cette auteur par ce livre.
J'ai éprouvé des moments de lassitude lors de ma lecture, j'avais du mal à avancer, tandis qu'à d'autres la lecture devenait plus fluide et coulait plus facilement, d'autant que tout au long de ma lecture je me rendais bien compte de l'écriture soignée et perspicace d'Elizabeth Gaskell.
Au final, je suis mitigée par rapport à cette lecture et, au risque de me répéter, je pense que ce n'était pas le bon livre à choisir pour débuter avec cette auteur, néanmoins j'ai bien envie de lire ses autres oeuvres car je lui reconnais de grandes qualités littéraires.
"Les amoureux de Sylvia" ne sont donc pas à mettre entre toutes les mains, ce livre est à mon avis réservé aux personnes ayant déjà lu du Elizabeth Gaskell et n'ayant pas peur de passer un peu plus de 500 pages avec une histoire triste au possible et où le bonheur n'a pas lieu d'être.

samedi 10 novembre 2012

Dans la maison de François Ozon



Un garçon de 16 ans s'immisce dans la maison d'un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l'enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d'évènements incontrôlables. (AlloCiné)


Claude a 16 ans, il va à l’école à reculons, n’a pas une vie facile avec un père handicapé et au fond, rien ne l’intéresse vraiment, sauf qu’en ce début d’année, il va se lier avec Rapha, un garçon de sa classe, et réaliser son rêve pour ne pas dire fantasme : pénétrer dans la maison de ce dernier.
Jusque là il n’y a rien de troublant, là où le problème apparaît, c’est que Claude va faire le récit de cette immiscion dans ses rédactions à son professeur de français.


Ce film de François Ozon est multi-facettes, il traite à la fois de littérature, plus particulièrement du processus créatif, d'art, du fantasme, de la limite entre le rêve et la réalité, le tout dans une ambiance, il faut bien le reconnaître, particulièrement malsaine.
Claude ne se contente pas de rêver de pénétrer dans la maison, il l'écrit, et poussé par son professeur de français, il va retravailler ses textes, bâtir une histoire et des personnages, et c'est là que le réalisateur également scénariste décide d'égarer volontairement le spectateur.
En effet, ce dernier n'arrive plus à faire la part des choses entre la réalité : les évènements qui se sont vraiment passés ainsi que les phrases réellement prononcées, et l'imagination : les dialogues inventés, les situations provoquées pour permettre à l'histoire de prendre corps ainsi qu'un sens.
Ainsi, il est difficile de définir si le personnage de Claude est plutôt ange ou plutôt démon, pour ma part je le perçois comme définitivement démon et manipulateur.
J'ai beaucoup aimé le thème principal de ce film, avec son côté voyeur et malsain par moment, sans doute parce que j'aime, comme beaucoup de monde, observer ce qui se passe à côté de chez moi par la fenêtre.
De plus, le film montre de façon intelligente et sous forme de clin d'oeil la façon dont se bâtit une histoire et les orientations qui sont prises par l'auteur, et quand cela conduit à une impasse on recommence pour orienter différemment l'histoire.
Le scénario a été adapté à partir d'une pièce de théâtre mais il ne subsiste pas grand chose à l'écran de la pièce, en tout cas l'action n'est pas enfermée dans un lieu unique et elle vit tout au long du récit.


Du point de vue des personnages, ils sont tous très fouillés psychologiquement et ont tous une personnalité qui s'exprime à un moment donné de l'histoire.
Ainsi, Claude a beau avoir une gueule d'ange il est loin d'en avoir les qualités, Rapha n'est pas aussi benêt (dans le sens bonne poire) qu'il en a l'air, quant au professeur de français, c'est sans doute lui qui va subir le plus de changements au cours de l'histoire.
D'ailleurs, de manipulateur au début il finit victime : victime de sa propre création en quelque sorte, en greffant sur Claude son envie d'écrire un livre et surtout que celui-ci soit reconnu à sa juste valeur.
Il partage quelques points communs avec Claude au début du film : lui aussi est désabusé, il enseigne le français mais sans réel plaisir, sachant à l'avance qu'il aura devant lui une classe non intéressée par ces sujets.

L'ironie est également présente tout au long du film, par le biais du personnage de Claude, et c'est aussi l'un des aspects que j'ai énormément appréciés.
Claude ne se contente pas de vouloir pénétrer dans la maison, ni de raconter lorsqu'il le fait, mais il porte un regard hautement ironique sur les occupants de la maison, désignant la maîtresse de maison, Esther, comme "une femme de la classe moyenne" et s'en moquant ouvertement.
Par la suite, il change de point de vue quand il apprend à la connaître, elle devient ainsi "la femme qui s'ennuie le plus au monde".
C'est la personne pour laquelle il ressent le plus de sentiment et d'émotion, et pour laquelle il finit par adoucir son jugement et sa perception.


Quant à Rapha père et fils, il n'est pas tendre non plus.
L'ironie est également présente dans le scénario, à travers le couple formé par Germain, professeur de français plutôt terre à terre, et Jeanne, dirigeant une galerie d'art contemporain.
Ces deux personnages sont en opposition, à tel point que l'on se demande à un moment donné comment leur couple tient depuis autant d'années.


J'en arrive aux acteurs, et là, comme d'habitude avec François Ozon, le casting est un sans faute.
Il y a bien entendu Fabrice Luchini, excellent, Kristin Scott Thomas, dont le jeu est toujours aussi bon, Emmanuelle Seigner qui campe à merveille cette femme au foyer de la classe moyenne éveillant un fantasme sexuel chez l'ami de son fils et tout en fragilité, et puis il y a la révélation : Ernst Umhauer, campant un Claude machiavélique sous un air angélique.
Je ne sais pas d'où il sort, mais il incarne en tout cas de façon très juste ce personnage difficilement abordable.
Découverte aussi de Denis Ménochet dans le rôle de Rapha père.
De plus, l'alchimie entre les acteurs fonctionnent à merveille, et j'ai bien aimé également les scènes où un tiers personnage intervient, en observateur (ou en voyeur, au choix) pour dire ce qui ne va pas ou non dans la route prise par l'histoire.
Encore une fois, François Ozon se permet des libertés dans la façon de filmer ses acteurs et fait mouche.


Un dernier mot sur la musique originale de Philippe Rombi, particulièrement réussie et collant très bien aux images.
Là aussi du point de vue musical François Ozon ne laisse rien au hasard et soigne toujours la bande musicale de ses films.

François Ozon est un réalisateur que je suis depuis de nombreuses années avec toujours le même plaisir, il sort environ un film par an et se renouvelle à chaque fois, ne se laissant jamais enfermer dans une histoire ou dans une façon de filmer ses personnages.
C'est à mon avis l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération et c'est toujours avec plaisir que je vais voir l'un de ses films, "Dans la maison" n'est pas une exception : ce film hautement intrigant est réussi et vouloir pénétrer dans la maison d'inconnus n'a jamais été aussi alléchant.


W.E.S.T Tome 6 Seth Cycle 3 : 1903 de Xavier Dorison, Fabien Nury et Christian Rossi


Revenue à la vie, Megan, la fille de Morton Chapel, est maintenant possédée par Seth, un démon. Morton a déjà vécu cette épreuve, des années plus tôt, avec la propre mère de Megan. Il sait donc que sa fille est en grand danger et que le seul moyen de tuer ce démon est de la sacrifier… Un dilemme terrible qui le pousse à revenir dans la ville de Valeria, dans la région des Appalaches, où Seth est apparu pour la première fois. Morton est décidé à mettre fin à cette malédiction à quelque prix que ce soit, mais il est également poursuivi par les membres de WEST qui obéissent à Clayton ainsi qu’à un puissant homme d’affaires, un certain Verhagen. Ce même Verhagen dont il avait épousé – et tué – la fille ! Aujourd’hui Verhagen entend se venger et utiliser la force prodigieuse – mais maléfique – de Seth. Malgré une grave blessure, Morton gagne Valeria, suivi de près par les membres de WEST. Acculé, il va devoir affronter Seth, sa fille et, bien entendu, son propre passé… (Dargaud)

Ce dernier tome de la série W.E.S.T. est consacré à Seth, le démon vivant avec Megan et auparavant sa mère (et auparavant sa propre mère).
Si le précédent tome montrait au lecteur le côté pervers et diabolique de ce démon, ce volume permet d'en prendre la pleine mesure et de découvrir enfin quelles sont ses motivations : "Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Tu dois me donner la force de te protéger, Megan. Offre-moi un corps, offre-moi la vie ... et plus rien ni personne ne pourra nous séparer.".

Et si finalement cette série n'était pas en réalité la quête de la vie ?
Qu'il s'agisse du personnage de Morton qui chercher à retrouver vivante sa fille et fonder avec elle une vraie famille : "Une famille, c'est tout ce dont un homme a besoin.", ou de celui de Bart Rumble qui finira par quitter la W.E.S.T. complètement désabusé : "Je suis rentré dans W.E.S.T. parce que j'y avais des amis. L'un est mort, l'autre traîne quelque part dans cette ville, avec une main en moins ... et pour quoi ? Pour sauver une petite furie qui tue des gens comme elle respire ? Ou pour aider son propre père à mettre fin à ses crimes ? Non, très peu pour moi ! Je vous souhaite bien du bonheur, à tous les deux, le docteur et ses théories, vous et vos fantômes ... vous êtes faits pour vous entendre !", tous ces personnages n'aspirent finalement qu'à une vie calme, tranquille et heureuse.

Je trouve qu'il se dégage de ces deux derniers volumes une dimension philosophique qui n'était qu'effleurée dans les précédents tomes et ceci au détriment de l'action et de l'aventure.
L'histoire, tout en étant intéressante, manque d'aventure et de réelle tension, ceci étant sans doute lié au fait que l'action se concentre autour du personnage principal et de sa fille, alors que précédemment dans les cycles 1 et 2, elle touchait des personnes inconnues et extérieures à l'unité W.E.S.T.
A mon sens, l'intérêt principal de ce troisième cycle réside dans l'opposition entre croyance spirituelle et médecine, certains personnages croyant réellement en l'existence du démon, tandis que le personnage de Kathryn Lennox croit fermement à la médecine, plus particulièrement à la psychiatrie, pour expliquer l'état de Megan : "Je ne crois pas aux démons ... mais je crois au pouvoir de l'esprit ! Je crois même que ce pouvoir est sans limites ... Megan en est la preuve vivante.".
Au final, je ne saurai dire qui a raison, mais les dernières images laissent à penser que c'est le domaine de la psychiatrie qui l'emporte sur le spirituel et le démoniaque.
Quant aux personnages, je leur fais le même reproche que dans le précédent volume, certains ont pris un virage à 180° dans leur attitude et je ne suis pas sûre d'apprécier totalement l'orientation choisie par les auteurs, d'autant plus que ce tome clôt de façon définitive la série, avec la dissolution du W.E.S.T.
Par contre, du point de vue des dessins et de la mise en couleur, c'est visuellement très beau et agréable à regarder, d'autant que par moment cela tient plus de l'aquarelle que du dessin précis et académique.

"Seth" clôt définitivement la série W.E.S.T., série qui dans son intégralité mérite d'être lue et découverte pour ses histoires à rebondissements conçues intelligemment par les auteurs et servies par un très beau graphisme.
Néanmoins, je trouve que ce troisième cycle est plus en demi-teinte par rapport aux deux précédents, l'histoire qui y est développée n'en a pas la puissance narrative et les personnages sont moins en osmose entre eux.

mercredi 7 novembre 2012

Books in London


Qui dit séjour à Londres dit musées, Buckingham Palace, Westminster, thé, shopping et livres !

Car Londres est une ville merveilleuse pour les amateurs de livres, elle regorge de librairies en tout genre et a même son marché du livre d’occasion.

Donc quand je n’étais pas à courir les musées, les lieux historiques ou arpenter les rues et les parcs (je ne raconte pas mon planning de visites, à chaque fois que j’en parle on me regarde avec des yeux ronds en me disant « je ne te suivrai pas, heureusement que tu voyages seule »), j’ai pris un peu de temps pour aller fureter dans les librairies.

J’ai évidemment fait les librairies les plus importantes de Charing Cross Road (LA rue des libraires) : Foyles, Quinto Bookshop, Any Amount of Books, et c’est finalement dans une petite librairie de cette rue que j’ai trouvé mon bonheur.
Plutôt que d’acheter des livres d’occasion où rien ne me tentait vraiment (d’autant plus que les librairies sont extrêmement diversifiées, il y a tous les sujets : peinture, architecture, art, poésie, musique etc.), cette librairie proposait des livres neufs à tout petit prix (1£99, allez-y, détestez moi) et je suis donc ressortie (pour une bouchée de pain) avec :
- Alice in Wonderland and Through the Looking Glass de Lewis Carroll


- The Waves de Virginia Woolf


- The Diamond as Big as the Ritz and other stories de Francis Scott Fitzegrald.


 Si vous êtes intéressé, la maison d’édition est Wordsworth Edition.

Par contre, ne cherchez pas la librairie au 84 (celle du livre de Helene Hanff), elle n’existe malheureusement plus.

Quant au marché pour les livres d’occasion, il s’agit du Southbank Book Market, tous les jours sous le pont de Waterloo, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente.
Même si je n’y ai pas trouvé mon bonheur (mais je ne cherchais pas non plus quelque chose en particulier), j’ai pris du plaisir à regarder les livres proposés sur les étals.


J’ai aussi fait les librairies des musées (Natural History Museum, Victoria & Albert Museum, British Museum, National Gallery, National Portrait Gallery, Imperial War Museum, Museum of London, Tate Britain – oui, j’ai visité tous ces musées, voilà une des raisons pour lesquelles il n’y a pas grand monde à me suivre)  et je suis donc repartie avec plusieurs livres : le guide du musée et/ou des livres sur les peintures ou sur un peintre en particulier ou une période ou sur les plus belles pièces du musée (le British Museum étant immense et comportant beaucoup de collections c’est un bon compromis).

Ainsi, ont donc notamment rejoint ma bibliothèque : 




mardi 6 novembre 2012

Challenge New-York en littérature 2013

L'année dernière je me lançais dans le challenge New-York en littérature lancé par Emily du blog Enlivrons-nous.

Bilan de ce challenge : 18 lectures, de très belles découvertes (Dorothy Parler, Richard Yates, Edith Wharton) et pour le reste de belles découvertes.
En fait, ma seule déception serait "Bal de givre à New-York", sinon j'ai cherché pour diversifier les lectures et trouver des bandes dessinées se passant à New-York.

Aujourd'hui, ce challenge est relancé pour une année par Emily.

Je n'ai bien entendu pas fini de faire le tour de New-York en littérature, j'ai en attente Rona Jaffe, Colum McCann et last but not least : Paul Auster.
J'ai également pour projet d'aller voir la Big Apple en 2013, raison de plus pour continuer à découvrir cette ville par les livres.

C'est pourquoi je me réinscris à ce challenge pour une nouvelle année.

Le but de ce challenge est de lire le plus de livres permettant de découvrir New-York, 5 étant un bon chiffre.
Ce challenge prend fin le 1er novembre 2013.

So now, let's go to New-York !

- Valérian tome 1 La cité des eaux mouvantes de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin
- Valérian tome 10 Brooklyn station terminus Cosmos de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin
- La fenêtre panoramique de Richard Yates
- Park Avenue de Cristina Alger
- New York Mi Amor de Jacques Tardi, Benjamin Legrand, Dominique Grange
- Histoire du tableau de Pierrette Fleutiaux
- Le temps de l'innocence d'Edith Wharton
- Rien n'est trop beau de Rona Jaffe
- Gossip Girl tome 6 You're the one that I want de Cecily von Ziegesar
- La nuit éternelle de Guillermo del Toro et Chuck Hogan
- John l'Enfer de Didier Decoin
- Noir dehors de Valérie Tong Cuong
- A tombeau ouvert - Cinq histoires du corps des Marines de William Styron