mercredi 27 février 2019

La fille qui avait bu la lune de Kelly Barnhill


Chaque année, les habitants du Protectorat abandonnent un bébé en sacrifice à la redoutée sorcière des bois. Ils espèrent ainsi détourner sa colère de leur ville prospère. Chaque année, Xan, la sorcière des bois, se voit contrainte de sauver un bébé que les fous du Protectorat abandonnent sans qu’elle ait jamais compris pourquoi. Elle s’emploie à faire adopter ces enfants par des familles accueillantes dans les royaumes voisins. Mais cette année, le bébé en question est différent des autres : la petite a un lien étrange avec la lune et un potentiel magique sans précédent. Contre son gré, Xan se voit obligée de la ramener chez elle et de persuader ses amis réticents d’élever cette enfant pas comme les autres. Ils la baptiseront Luna et ne tarderont pas à en devenir gâteux. Xan a trouvé comment contenir la magie qui grandit à l’intérieur de la petite, mais bientôt approche son treizième anniversaire, et ses pouvoirs vont se révéler. (Anne Carrière Editions)

Voilà un roman jeunesse qui a conquis l'Amérique et dont j'ai failli arrêter la lecture.
Parce que je trouvais que l'histoire mettait du temps à démarrer, que je ne voyais pas l'interaction des personnages entre eux et aussi parce que j'avais du mal à entrer dans l'ambiance.
Heureusement que j'ai continué car finalement l'histoire se met en place et se révèle plutôt jolie et porteuse d'espoir.
Les premières dizaines de pages ont été difficiles, je trouvais l'histoire plate et j'avais du mal à comprendre l'engouement suscité par le livre.
Et puis l'ambiance qui règne au Protectorat est particulièrement sombre, là aussi j'avais du mal à entrer dans l'intrigue parce qu'il me manquait des clés de compréhension qui venaient par la suite.
Au final j'ai beaucoup aimé cette histoire qui mêle magie, amour, espoir, courage, mais aussi haine, tristesse, chagrin, sacrifice.
Certains personnages sont particulièrement attachants (j'ai adoré le dragon), en fait ce sont même les êtres vivants autres que les humains qui m'ont le plus touchée.
Je trouve toutefois que ce roman est un peu trop court, manque de descriptions et que la fin est un peu trop brutale, laissant quelque peu le lecteur sur sa fin.
Par contre j'ai trouvé sa construction plutôt maligne, les chapitres alternent entre les personnages et des légendes distillées par une mère à son enfant, le tout prenant bien évidemment un sens lors de la révélation finale.
Pour le reste, je l'ai trouvé visuel et poétique, il semblerait qu'un projet d'adaptation en dessin animé soit en cours, et bien c'est une bonne chose car j'aurai sans doute plus apprécié l'histoire en la voyant sur un écran, j'aurai mis moins de temps à entrer dans l'intrigue en tout cas.

"La fille qui avait bu la lune" est un beau conte au long cours qui séduira un public de jeunes lecteurs, il a en tout cas le mérite de se démarquer d'autres livres du même genre et possède de nombreuses qualités.

lundi 25 février 2019

Avez-vous lu les classiques de la littérature ? de Soledad Bravi et Pascale Frey


Vous n’avez pas encore lu Gatsby le Magnifique ? Vous avez oublié comment se termine Au Bonheur des Dames et ne savez plus de combien de volumes se compose À la recherche du temps perdu ?…Pas de panique, ce recueil est fait pour vous ! Pascale Frey et Soledad Bravi résument en quelques pages de bulles malicieuses vingt grands classiques de la littérature. (Rue de Sèvres)

Alors ça, j'adore !
Déjà parce que je n'ai pas lu tous les classiques, et que je ne compte pas tous les lire, mais quand c'est fait avec une dose d'humour et un travail pas si simple de synthèse je dis oui.
Ce sont vingt grands classiques de la littérature qui sont ici résumés en quelques pages sous la forme de bulles malicieuses :


Avec au début une présentation de l'oeuvre et de l'auteur :


J'y ai redécouvert certains classiques lus dans ma jeunesse, dans le cadre scolaire ou plus tard, et d'autres dont je connaissais bien évidemment le nom et l'histoire mais que je n'avais pas lu pour autant, et que je ne tiens pas forcément à lire soit-dit en passant.
J'aime beaucoup le style et la présentation, c'est drôle et malicieux, ça dépoussière la littérature dite classique, ça peut sans doute donner envie à certains de découvrir l'oeuvre dans son intégralité, et mine de rien ça n'st pas si simple de résumer en quatre à six pages des romans qui font plus de cinq cents pages, je pense notamment à "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust ou encore de transcrire en image le roman épistolaire "Les liaisons dangereuses".
Soledad Bravi a fait à une autre publication dans cette maison d'édition pour retracer "L'Iliade et l'Odyssée" et bien j'ai envie de découvrir de quoi il en retourne.

Certains pourraient crier au scandale face à un tel ouvrage, pour ma part j'ai beaucoup aimé et j'ai passé quelques moments délicieux à découvrir ou redécouvrir des histoires classiques de la littérature.

vendredi 22 février 2019

Le ruban rouge de Lucy Adlington


Ella, quatorze ans, est couturière. Pour son premier jour de travail, elle plonge dans ce monde de rubans, d’étoffes et de soie qu’elle aime tant. Mais son atelier n’est pas ordinaire, et ses clients le sont encore moins. Ella est prisonnière du camp de Birchwood, où elle confectionne les vêtements des officiers. Dans ce terrible quotidien où tout n’est qu’affaire de survie, la couture lui redonnera-t-elle espoir ? (PKJ)

Aborder le thème de la Shoah et plus particulièrement des camps de concentration et d'extermination dans la littérature jeunesse est un exercice périlleux pas toujours réussi.
Lucy Adlington s'en tire plutôt bien, avec ses deux héroïnes Ella et Lily qui font connaissance à Birchwood, à l'atelier de confection.
Pour qui est jeune et ne connaît pas, Birchwood ne parlera peut-être pas, c'est le nom que donne l'auteur au terrible camp d'Auschwitz-Birkenau (terme anglais pour désigner la forêt de bouleau).
Il y a peu d'indices qui permettent à qui ne connaît pas bien l'Histoire de comprendre de quoi parle l'auteur, d'autant qu'elle reste quasi muette sur tous les à-côtés du camp, bien qu'elle évoque parfois les cheminées qui fument nuit et jour.
Je comprends cette forme d'ellipse et le non-recours à des termes directs puisque le roman peut s'adresser à un public jeune, mais je pense aussi que cette crainte à trop en dire ou être trop directe ne perde quelque peu un public jeune (pour tout dire j'ai trouvé un mot dans le roman en guise de commentaire dans le cadre du club de lecture jeunesse de la bibliothèque qui qualifiait le roman de bien mais un peu trop fantaisiste).
A trop vouloir bien faire l'auteur peut passer pour fantaisiste pour quelqu'un qui ne connaîtrait pas bien l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, ou alors pour quelqu'un qui la connaît plutôt bien car malheureusement il y a quelques situations trop invraisemblables qui permettent aux personnages de s'en sortir plutôt bien.
Je pinaille, car dans l'ensemble ce roman est vraiment bien écrit et bien conçu, il a le mérite de montrer les différents visages des personnes : Ella c'est celle qui comprend que pour survivre il ne faut pas hésiter à faire des actes contre ses principes, Lily c'est la rêveuse qui croit encore en la gentillesse et en la bonté, Marta c'est celle qui a aussi compris comment survivre dans cet enfer en masquant tout sentiment et toute sensibilité.
Autant de facettes de l'âme humaine qui se révèlent dans de telles circonstances et véritable reflet de ce qu'ont été les réactions des uns et des autres dans cet enfer.
C'est là le point fort de ce roman à mes yeux, outre des personnages qui finissent tous par être attachants à leur manière.
Les quelques pages en fin de roman pour retracer la déportation et les conditions de vie sont utiles, elles apportent quelques précisions sur des lieux désignés par des termes imagés (le Grand Magasin pour désigner le Canada par exemple) et permettent d'amorcer un désir d'en apprendre plus sur cette page de l'histoire et sur le lieu où l'auteur a fait se dérouler sa fiction, ainsi qu'un dialogue autour de l'Holocauste.
Et en cette période de regain de haine et de violence, le message de ce roman est surtout un appel à la tolérance et à la paix, des valeurs qui auraient bien besoin d'être plus présentes dans notre quotidien car certains mots font mal et rappellent des pages sombres de l'histoire de l'Europe.

"Le ruban rouge" est un bon roman à destination des jeunes adultes pour aborder l'Holocauste et les camps de concentration et d'extermination, mais dont la lecture doit être suivie à mon avis d'une discussion pour bien expliquer le contexte historique et la dure réalité.

mercredi 20 février 2019

The Hate U Give (La haine qu'on donne) d'Angie Thomas


Starr a seize ans, elle est noire et vit dans un quartier difficile, rythmé par les guerres entre gangs, la drogue et les descentes de police. Tous les jours, elle rejoint son lycée blanc situé dans une banlieue chic ; tous les jours, elle fait le grand écart entre ses deux vies, ses deux mondes. Mais tout vole en éclats le soir où son ami d’enfance Khalil est tué. Sous ses yeux, de trois balles dans le dos. Par un policier trop nerveux. Starr est la seule témoin. Et tandis que son quartier s’embrase, tandis que la police cherche à enterrer l’affaire, tandis que les gangs font pression sur elle pour qu’elle se taise, Starr va apprendre à surmonter son deuil et sa colère ; et à redresser la tête. (Nathan)

En empruntant ce livre il me disait quelque chose, mais quoi ?
C'est en prenant le métro le lendemain que j'ai trouvé, le titre était le même qu'un film qui venait de sortir.
Et pour cause, puisque le film est l'adaptation de ce roman, premier d'Angie Thomas et déjà une belle renommée : finaliste du National Book Award et récompensé par le Printz Honor et William C. Morris Award.
Ce livre est un beau petit pavé de près de cinq cents pages mais se lit très facilement et très vite.
La raison ?
Une héroïne particulièrement attachante, une histoire révoltante et l'envie de savoir ce qui va lui arriver, comment elle va mener son combat.
Et surtout, une histoire qui ne tombe pas dans le pathos ni dans les clichés, mais qui offre au contraire la vision de personnages qui veulent s'en sortir, qui même s'ils habitent dans des quartiers difficiles ont des valeurs, des parents qui cherchent à ce que leurs enfants s'en sortent, et tout particulièrement un père qui a été membre d'un gang et qui désormais refuse le système et se bat pour que ses enfants aient une vie meilleure, en tout cas avec des choix, un luxe qu'il n'a pas connu.
J'ai trouvé que ce roman avait une résonance toute particulière après le film "BlackKklansman" de Spike Lee et les récentes affaires de bavures policières aux Etats-Unis à l'encontre de jeunes noirs qui ont eu la malchance d'être au mauvais endroit au mauvais moment.
C'est ce qui arrive à Khalil, face à un flic trop nerveux qui croit voir des choses il se retrouve tué de trois balles dans le dos, sous les yeux de son amie d'enfance Starr.
Au début, Starr ne va pas trop vouloir en parler, et puis elle va décider de raconter ce qu'elle a vécu pour que le policier soit sanctionné, mais là encore il s'en sort alors Starr va s'affirmer dans un combat pour que justice soit faite et pour qu'il n'y ait plus de nouveaux Khalil.
C'est aussi l'occasion de découvrir le véritable visage de certaines personnes qui l'entourent et qu'elle pensait des ami(e)s mais aussi que d'autres liens soient renforcés.
J'ai beaucoup aimé le personnage de Starr et son histoire, j'ai été touchée par son combat et la façon dont elle le mène.
J'ai également apprécié le style d'Angie Thomas, chapeau à la traductrice Nathalie Bru qui a su retranscrire les termes d'argot, ce qui n'était pas gagné car le style oral est plutôt typique et pas toujours évident à traduire ou tout du moins à trouver une concordance.
Il y a un rythme dans le roman et plus le lecteur avance dans sa lecture plus le temps se resserre à mesure que la rage monte en Starr et la pousse à mener un combat qu'elle pense et sait juste.

"The Hate U Give" est un très bon roman destiné prioritairement aux adolescents qui a su me toucher par le fond et le personnage brillant de Starr, je suis curieuse de voir ce que donne son adaptation en film.

mardi 19 février 2019

Grâce à dieu de François Ozon

       
     

Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi. Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne. (AlloCiné)


Un film de François Ozon est pour ma part toujours un événement.
Je n’imaginais donc pas ne pas voir celui-ci, encore moins lorsqu’il a été annoncé en avant-première dans le cinéma que je fréquente et, cerise sur le gâteau, suivi d’un débat en présence de François Ozon (là aussi une première).
Autant le dire tout de suite, ce nouveau François Ozon est bel et bien un événement, ne serait-ce que par le sujet du film.
Le film est centré sur la création du collectif La parole libérée et sur le combat d’anciens scouts Lyonnais pour dénoncer les attouchements du père Bernard Preynat dont ils ont été victimes ainsi que le silence et la non-action de la hiérarchie ecclésiastique qui savait toutes ces années.
Au début, François Ozon n’envisageait pas un film mais de réaliser son premier documentaire, il a changé d’avis face à la réaction des membres du collectif et a bâti son film à partir des entretiens qu’il a eus, des témoignages publiés ainsi que des échanges épistolaires (tous ces documents sont disponibles sur le site du collectif).


Comme d’habitude chez François Ozon, et sans doute encore plus cette fois-ci, la mise en scène est particulièrement travaillée.
Ici, elle est bâtie de façon à dérouler l’histoire en suivant trois personnes différentes pour finir par faire un lien entre elles, l’exercice était tout sauf évident.
Car Alexandre est présent pendant les 45 premières minutes du film puis laisse la place à François, qui lui-même cède la sienne à Emmanuel avant que les trois protagonistes ne se rencontrent.
Cela fonctionne très bien à l’écran, il n’y a pas de temps mort et la trame se déroule comme une bobine de film, c’est tout à fait remarquable.
Ces trois personnages sont issus de milieux différents : Alexandre c’est la bourgeoisie, François la classe moyenne et Emmanuel c’est celui qui survit, qui a vu sa vie foutue en l’air par ce qu’il a vécu et qui souffre de problèmes médicaux liés à son traumatisme, preuve que la pédophilie touche n’importe qui dans n’importe quel milieu (et pour le poster de "Spotlight" dans le commissariat c’est réel, le film venait de sortir peu de temps auparavant au cinéma et était affiché sur le mur).
François Ozon c’est aussi un réalisateur qui a pour habitude de mettre en scène des personnages féminins forts, cette fois-ci ils sont masculins mais là aussi ce changement de genre convient très bien au réalisateur.
Et puis il s’entoure de comédiens tous plus excellents les uns que les autres : pour la troisième fois il fait appel au (rare) Melvil Poupaud, mais aussi à Denis Ménochet et Swann Arlaud pour les autres comédiens en tête d’affiche.
Pour résumer, le casting est excellent, et que dire des comédiens qui tiennent les rôles peu évidents du père Preynat et du cardinal Barbarin.


Ce film est un grand moment d’émotions, difficile de ne pas être révoltée face à cette histoire, à ce silence, à ces agissements qui ont perduré pendant des années et qui ont irrémédiablement marqué la vie et le psychisme des victimes.
C’est un film qui interroge beaucoup, sur la foi, sur sa propre foi lorsque l’on est croyant, sur l’attitude que l’on aurait : face à des victimes, face à de tels agissements ; en somme c’est un peu le miroir de l’âme de tout un chacun.
Pour avoir eu le privilège de voir le film en avant-première suivie d’un débat, les échanges m’ont apportée un nouvel éclairage sur le film, sur sa construction, le cheminement du réalisateur mais aussi des comédiens, sur les réactions qu’il a déclenché avant même de sortir en salle, sur la frilosité de certains face à un tel sujet (pour la première fois Canal + ne finance pas un film de François Ozon, c’est dire le courage de certains producteurs …), mais ce que je retiendrai surtout c’est l’émotion ressentie en entendant le témoignage de certaines personnes dans la salle, des mercis qui sont revenus plusieurs fois : merci d’avoir parlé, merci d’avoir créé un collectif parce que l’on aurait aimé que cela existe lorsque l’on s’est retrouvé confronté à ce problème, merci d’avoir retranscrit ce que l’on vit aussi justement dans votre film, mais aussi des excusez-moi parce que les personnes se mettaient à pleurer(alors qu’elles n’avaient certainement pas à s’excuser), et alors se dire que la vie peut être dure mais aussi belle, que l’Humain est fait de telle façon qu’il arrive à se reconstruire tout en ayant vécu des situations douloureuses, et que sa propre vie est loin, très loin d’être triste ou ratée ou terrible face aux parcours écorchés de certains qui chaque jour luttent pour se reconstruire.


"Grâce à dieu" est un très beau film rendant hommage au courage des victimes et à leur famille, sans doute le meilleur à ce jour de François Ozon, vous savez donc ce qu’il vous reste à faire ?
(Le film sortira bien dans les salles le 20 février, et au passage il est reparti avec l’Ours d’Argent du festival de Berlin)

jeudi 14 février 2019

Glass de M. Night Shyamalan

       
     

Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn - l’homme incassable - poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes. (AlloCiné) 


M. Night Shyamalan est capable du pire comme du meilleur, de signer des films géniaux ("Sixième sens" pour n’en citer un) et d’autres de facture nettement inférieure ("Le village" est bien, j’avais juste découvert le twist longtemps avant la fin).
Ce réalisateur a même failli disparaître des écrans après plusieurs échecs cuisants, cela aurait été dommage car j’ai toujours trouvé qu’il avait de bonnes idées même lorsque ses films étaient ratés ("Phénomènes" par exemple), c’est avec peu de moyens qu’il est revenu sur le devant de la scène en signant le formidable "Split", dont la scène finale annonçait du lourd, du très lourd, et laissait le spectateur pantois, en faisant le parallèle avec un film réalisé plus de dix ans auparavant : "Incassable", film que j’avais apprécié moyennement lors de sa sortie en salle.
Aujourd’hui je comprends mieux l’impression ressentie en sortant de la salle de cinéma à l’époque, il manquait "Split" et "Glass" pour boucler la boucle comme on dit et donner toute sa dimension au film.


Petit rappel, dans "Incassable" David Dunn était révélé à lui-même comme un super-héros, un homme incassable résistant à tout (à l’époque il était le seul survivant d’une catastrophe ferroviaire), enfin aidé dans cette révélation par Elijah Price, alias Mr Glass, le vilain à l’origine notamment du déraillement de train et qui n’attendait qu’un signe pour tester sa théorie comme quoi les super-héros existent réellement ; dans "Split" le spectateur faisait la connaissance de Kevin Crumb, capable d’endosser 23 personnalités différentes dont l’une était particulièrement attendue : La Bête, raison pour laquelle Kevin et ses multiples personnalités kidnappaient des jeunes filles, Casey étant la seule à avoir été laissée vivante par La Bête.
Glass est dans la continuité immédiate de Split, David Dunn a entrepris de traquer La Bête, aidé de son fils pour toute la partie technologie et dans la confidence de la réelle nature de son père depuis plusieurs années, tandis que La Bête continue de kidnapper des jeunes filles et de faire parler d’elle.
Ça, c’est la première partie du film, où les personnages évoluent en extérieur et sont encore libres de leur mouvement, avec une formidable scène d’affrontement entre David et La Bête.
Et puis le film bascule dans sa deuxième partie, où David et Kevin sont enfermés dans un asile psychiatrique et y retrouvent Elijah, tous trois font face à une psychiatre qui tentent de les convaincre qu’ils n’ont pas de super-pouvoirs, ainsi que le spectateur.


C’est assez culotté de proposer ce qui apparaît comme un film d’action en le faisant se dérouler en grande partie dans un lieu clos (et donc au final ce n’est pas un film d’action).
Mais cette deuxième partie a une dimension psychologique forte : à l’image des personnages, le spectateur doute.
Doute de la réelle nature des personnages, mais aussi de ce que le réalisateur a voulu lui montrer depuis deux films.
Mais en étant un petit peu attentif vous pourrez avoir la puce à l’oreille, ce fut le cas pour moi même si j’étais loin d’avoir deviné l’ampleur de la révélation finale. M. Night Shyamalan continue sa réflexion entamée il y a plus de quinze ans sur les pouvoirs et les super-héros, dans un film à l’encontre des codes de ce genre et bien loin des effets spéciaux et/ou des personnages détenant leurs pouvoirs suite à des accidents ou des origines extra-terrestres.
Voilà un éclairage nouveau sur ce thème, une vision que je trouve véritablement fascinante et qui fait toute la puissance de cette désormais trilogie.
C’est extrêmement malin de la part du réalisateur, j’aime énormément toute la philosophie qui se dégage du film ainsi que les questions qu’il soulève, notamment celle de ce qui nous façonne, de ce qui détermine notre force et notre esprit.
Par contre, je tiens à préciser qu’il me paraît essentiel d’avoir vu "Incassable" et "Split" avant "Glass", certes ce dernier comporte de nombreuses références et pourrait se voir sans les deux autres mais ce serait passer à côté de beaucoup de subtilités et pour le coup moins bien comprendre l’œuvre dans son ensemble.
Et pour conclure, parlons de la performance des acteurs. James McAvoy livre, dans "Split" comme dans "Glass", une performance éblouissante, endossant 23 personnalités auxquelles il arrive à donner vie (d’ailleurs il serait inutile qu’il précise à chaque changement de personnalité, le spectateur finit par les reconnaître et n’est pas complètement crétin, et tant pis s’il n’a pas vu l’opus précédent pour mieux savoir les reconnaître).
Je me doutais que c’était un grand comédien, sa prestation le prouve ici complètement.
Quant à Bruce Willis, le voilà ressuscité après des années d’errance, un peu à l’image du réalisateur il était perdu pour la cause si j’ose dire, et là, la magie opère : il ré-endosse l’imperméable de David Dunn et rappelle à tout un chacun que oui, il sait jouer, oui c’est un comédien, tant mieux car on avait par l’oublier ces dernières années.
Mention spéciale également à Spencer Treat Clark interprétant Joseph Dunn, le réalisateur a été assez malin pour reprendre le comédien qui l’incarnait dans "Incassable".
Belle performance également de Samuel L. Jackson, ainsi que de Sarah Paulson, inquiétante à souhait avec ses cols roulés, et de la jeune Anya Taylor-Joy.
Visuellement, le film est très réussi, bien que réalisé avec des moyens modestes, j’ai tout particulièrement apprécié le jeu de couleurs ainsi que les mises en scène.
J’espère qu’un coffret sortira avec les trois films, il me tarde de pouvoir les revoir à la suite car ce sont des films que l’on peut voir plusieurs fois car tout n’est pas visible au premier visionnage.


"Glass" est un film qui ne laisse pas de glace, il clôt de façon intelligente la trilogie entamée avec "Incassable" et continuée avec "Spilt", en proposant un film sur les super-héros bien loin des franchises Marvel et tut le tintouin, et re-propulse M. Night Shyamalan sur le devant de la scène, rappelant à tous ceux qui avaient pu l’oublier et/ou le critiquer à quel point ce réalisateur est génial.

mardi 12 février 2019

Le château de Cagliostro de Hayao Miyazaki

       
     

Le célèbre Lupin dévalise un casino mais s’aperçoit que les billets volés sont des faux. En compagnie de son acolyte Jigen, Lupin enquête sur cette fausse monnaie qui le conduit au château de Cagliostro. Ils apprennent alors qu’une princesse, enfermée dans le château, détiendrait la clé d’un fabuleux trésor. (AlloCiné) 


Ce premier film d’animation de Hayao Miyazaki (ô vénérable maître de l’animation) était resté inédit jusqu’alors sur les écrans Français.
J’ai eu l’occasion de le voir début janvier, en avant-première, et j’ai fait le choix d’aller le voir dans les salles obscures plutôt que d’attendre un passage à la télévision ou de bénéficier d’un DVD pour le voir (car s’il était inédit sur la toile il était disponible en support visuel).
Cette œuvre est inspirée d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc, le personnage principal est un voleur gentleman au grand cœur, et les références à l’œuvre de Maurice Leblanc ne s’arrêtent pas là.
On y retrouve des thèmes chers à Miyazaki : une ville engloutie, des références à un passé dramatique subi par l’un des personnages et qui va finir par s’en souvenir, et évidemment la présence d’engins volants (des avions ici), un incontournable dans l’univers de Hayao Miyazaki.
On sent clairement les inspirations de Hayao Miyazaki qui vont précéder ses autres œuvres, même si d’un point de vue graphique je dirai que ce film d’animation est une ébauche de ce que seront les autres.
J’ai eu la sensation que le réalisateur cherchait encore un peu son style graphique, ou alors c’était le style des années 70, ce n’est pas que je n’ai pas aimé mais c’est un cran en-dessous de ses autres œuvres pour ma part (et cela peut un peu dérouter au premier abord).
L’autre surprise du film c’est l’humour, il est drôle du début à la fin, de par les personnages mais aussi les situations (certaines sont franchement rocambolesques), et ça c’est quelque chose que je n’ai plus retrouvé, ou peu, par la suite dans les films d’animation de Hayao Miyazaki (au contraire, les thèmes abordés sont graves, à l’image du réalisateur qui prend de l’âge et mûrit).
La musique a également un rôle important, avec une belle chanson de générique, un classique chez Hayao Miyazaki.


"Le château de Cagliostro" est une première œuvre fort intéressante de Hayao Miyazaki, mêlant humour et aventure, un joli film d’animation qui ravira petits et grands.

lundi 11 février 2019

Rétro cinéma 2018 – Portrait chinois

Et si je ne devais retenir que quelques films de 2018 ?
Et si je ne répondais pas à la question ?
Il m’est toujours difficile de trier et de faire un choix, en 2018 j’ai vu beaucoup de films (dont certains tardent un peu à être chroniqués mais patience)

Comme l'an passé, je me livre à l'exercice du portrait chinois pour revenir sur 2018.

Ma plus belle chevauchée : "The Rider" de Chloé Zhao


Ma plus grande vengeance : "Three billboards, les panneaux de la vengeance" de Martin McDonagh


Ma plus grande révolte : "BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan" de Spike Lee


Ma plus grande émotion : "Girl" de Lukas Dhont


Ma plus grande rêverie : "La forme de l’eau" de Guillermo del Toro


Ma plus belle larme : "A Star is born" de Bradley Cooper


Ma plus belle chanson : "Le retour de Mary Poppins" de Rob Marshall


Ma meilleure réunion : "Une affaire de famille" de Hirokazu Kore-eda


Ma plus belle tenue : "Phantom Thread" de Paul Thomas Anderson


Ma meilleure adaptation : "Ready Player One" de Steven Spielberg


Ma plus grande mélancolie : "Mektoub my love : Canto Uno" d’Abdellatif Kechiche


J'aurai pu également parler de "Les frères Sisters" de Jacques Audiard, "Leave no trace" de Debra Granik, "First man" de Damien Chazelle, "Pentagon papers" de Steven Spielberg (2 films en 2018 tout de même), "The Disaster artist" de James Franco, "La douleur" d’Emmanuel Finkiel, "Call me by your name" de Luca Guadagnino, malheureusement il faut bien faire un choix et ne retenir que les films m'ayant marquée le plus et durablement.

Et je vais également aborder les déceptions de 2018.

Ma baignade la moins convaincante : "Le grand bain" de Gilles Lellouche


Ma perplexité devant une première réalisation : "Wildlife – Une saison ardente" de Paul Dano


Ma perplexité devant la mise en scène la plus foutraque : "Don’t worry he won’t get far on foot" de Gus Van Sant


Ma griffe la plus cinglante : "Les animaux fantastiques 2 – Les crimes de Grindelwald" de David Yates


Bonne année 2019 de cinéma !