mardi 29 octobre 2013

Top Ten Tuesday #20


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 couvertures les plus effrayantes

Je n’ai pas forcément lu tous les livres nommés (enfin, cela vaut pour 3), il faut dire que certaines couvertures ne me donnent pas vraiment envie de me plonger dedans, mais elles sont toutes plus ou moins dérangeantes, voire pour l’une d’entre elles réaliste.

1) "Hannibal les origines du mal" de Thomas Harris


2) "Le chuchoteur" de Donato Carrisi


3) "Ca" Tome 1 de Stephen King


4) "Ca" Tome 3 de Stephen King


5) "Le démon des morts" de Graham Masterton


6) "Si c'est un homme" de Primo Levi


7) "Le livre de la mort" Anonyme


8) "Birdman" de Mo Hayder


9) "Le cauchemar d'Innsmouth" de HP Lovecraft


10) "Shining" de Stephen King

lundi 28 octobre 2013

Le syndrome Olivier Martinez

D’en avoir reparlé dimanche m’a fait penser qu’il était temps d’écrire sur le syndrome Olivier Martinez (et non, je ne prends pas mon blog pour le canapé d’un psy sur lequel évacuer toutes mes frustrations, entre autres), dont je suis victime (et sans doute pas la seule).




Tout d’abord, Olivier Martinez c’est qui ?
Un beau brun ténébreux ayant fait de la publicité pour un parfum, oui mais pas que.
Un beau brun ténébreux faisant surtout parler de lui pour sa vie people, entre Mira Sorvino, Kylie Minogue et plus récemment Halle Berry, il a enchaîné les conquêtes de femmes connues (et je suis au courant de tout cela sans même avoir lu des magazines people, c’est dire s’il fait parler de lui par ses frasques amoureuses). Et là encore, pas que.
Le beau brun ténébreux qui incarnait le colonel Angelo Pardi dans "Le hussard sur le toit" de Jean-Paul Rappeneau, et donc oui, quand monsieur ne se parfume pas ou n’alimente pas la presse people il est acteur.
Ai-je dit qu’il était un beau brun ténébreux ?


Le syndrome Olivier Martinez, de quoi s’agit-il exactement ?
Désormais, le terme de "syndrome Olivier Martinez" est rentré dans tout bon manuel cinématographique qui se respecte et sert à désigner un acteur avec un énorme potentiel qui finalement ne confirme pas derrière et a du mal à percer.
Olivier Martinez, c’était le colonel Angelo Pardi, LA révélation du "Hussard sur le toit", LE comédien de la nouvelle génération qui grimpait en flèche et à qui je prédisais, et je n’étais pas la seule, un merveilleux avenir dans le monde du cinéma.
Pour vous remettre dans le contexte, lorsque j’ai vu au cinéma "Le hussard sur le toit" ça a été une révélation, je suis tombée amoureuse d’Olivier Martinez et/ou du colonel Angelo Pardi (voire des deux à la fois), mon cadeau de Noël cette année-là a été le livre que j’ai dévoré, depuis je n’ai même pas rouvert un Jean Giono par peur d’être déçue ou de ne pas retrouver toute la beauté de son écriture (enfin, je vais prochainement y remédier) et pour aller jusqu’au bout de mon raisonnement ma folie, je n’ai même jamais réussi à lire les autres livres du cycle du Hussard par peur d’être déçue (oui parce que là aussi je me suis amourachée du couple littéraire improbable, l’un des drames de ma vie).
Donc, pour en revenir au syndrome Olivier Martinez, j’ai pensé, naïvement, après avoir vu ce film, que c’était un acteur à suivre qui avait une belle carrière devant lui.
J’ai même gardé le numéro de Studio de l’époque avec en couverture Olivier Martinez et Alain Delon et une interview croisée très intéressante des deux acteurs.
Olivier Martinez était à ce moment-là présenté comme le nouvel Alain Delon, avec la bénédiction de ce dernier (non mais ça venait d’Alain Delon himself !).


Au final, qu’a fait Olivier Martinez ?
Je l’ai vu dans "La femme de chambre du Titanic" de Bigas Luna, j’ai ouï dire qu’il tournait de temps en temps par-ci par-là mais rien, pas de grand film, pas de rôle notable.
Quel gâchis pour un acteur si prometteur, auréolé du Prix Jean Gabin et d’un César du meilleur espoir masculin.
Et plus généralement, quelle perte pour le cinéma.
Car au-delà de tout ce que j’ai pu dire et broder sur cet acteur, il faut reconnaître ce qu’il est : il a de la gueule, de la prestance et un jeu remarquable.
Alors je ne comprends pas comment il a pu se fourvoyer à ce point, à moins qu’il n’ait jamais eu de propositions intéressantes après son interprétation du colonel Pardi dans "Le hussard sur le toit" et qu’il ait été victime de son succès trop jeune et d’avoir crevé l’écran trop tôt, c’est déjà arrivé par le passé.
A moins que ça ne soit de famille, car son frère Vincent Martinez est lui aussi victime de ce syndrome, à la différence qu’il n’a même pas un rôle notable où il aurait crevé l’écran à inscrire à son palmarès ni de people à mettre à son tableau de chasse.
En attendant, il ne me reste plus, pour me consoler, qu’à regarder "Le hussard sur le toit", faute d’un autre grand film avec cet acteur et à garder espoir qu’un jour … oui un jour peut-être il reviendra … .

dimanche 27 octobre 2013

A tombeau ouvert, Cinq histoires du corps des Marines de William Styron


«Parfois, mon esprit vagabonde et je me rappelle la monotonie de cette vie, la torture de l’attente puis la précipitation obscène, la nourriture ignoble, la sueur et les insectes, le salaire de misère, l’anxiété et la peur, le bavardage stérile, le bruit assourdissant des coups de fusil, le célibat dégradant, les amitiés brèves et superficielles, le caractère humiliant d’un système de castes conçu pour cultiver les formes les plus mesquines de la vanité humaine. Je suis capable de ressasser de telles choses avec une obstination masochiste, comme on peut revivre en pensée une épreuve difficile que l’on a traversée avec succès.» 
Cinq nouvelles sur le corps des Marines, entre Seconde Guerre mondiale et guerre de Corée : William Styron s’inspire de son expérience personnelle pour questionner le mélange d’héroïsme et d’absurdité qui fait la vie militaire. (Folio)

William Styron a fait parti du corps des Marines à la fin de la Seconde Guerre Mondiale et c'est de son expérience qu'il s'est inspiré pour écrire ces cinq nouvelles ayant pour personnage principal le corps des Marines entre la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre de Corée.
Il ressort de ces nouvelles que William Styron était un pacifiste, son engagement militaire devenant alors mystérieux, d'autant plus qu'il aborde également cet aspect du recrutement non pas fait sur un coup de tête mais sans raison apparente, sans vraiment prendre le temps de la réflexion pour mesurer l'impact de cet engagement : "Mais les guerres sanglantes et la puissance des nations, comme l'a remarqué Bismarck, sont fondées sur ce type de consentement irréfléchi.".
Il traite surtout à travers ces cinq nouvelles du mélange subtil d'héroïsme et d'absurdité de l'armée, des raisons qui peuvent pousser des hommes à devenir des machines à tuer : "A n'en pas douter, la famine sexuelle est un élément essentiel pour comprendre la nature de la mystique militaire : un soldat privé de respirer l'odeur d'une femme au point d'en éprouver une véritable rage est le candidat parfait pour s'emparer d'une baïonnette et éviscérer sans états d'âme un représentant de l'Ennemi.", tout en livrant une description précise de la machine à broyer qu'est l'armée et des transformations qu'elle peut opérer sur les gens : "Sa sensibilité n'avait pas été écrasée par la botte impitoyable de cette organisation dont les membres devaient faire preuve de virilité et d'une culture stérile, philistine, voire inexistante.".
J'ai eu le sentiment au fil de ma lecture que l'auteur cherchait surtout à travers ces nouvelles à mener une thérapie sur son histoire personnelle : il a été membre de cette armée alors que cela allait à l'encontre de ses pensées.
Certaines nouvelles sont vraiment très belles et très réussies, comme "Blankenship" ou "Marriott le marine" ou "A tombeau ouvert", celle qui achève ce recueil tient plus de la micro-nouvelle mais a également une certaine forme de beauté; tandis que "La maison de mon père" est non seulement la nouvelle la plus longue mais également celle que j'ai trouvé la plus bancale dans sa construction et paradoxalement reflétant bien l'état d'esprit de l'auteur lorsqu'il l'a écrite.
Cette histoire aurait mérité d'être traitée dans un roman plutôt que sous forme de nouvelle tant le fond était riche, les allers-retours de l'auteur entre le passé et le présent n'aidant pas à stabiliser la narration et pouvant perdre le lecteur.
D'une façon générale, le style de William Styron est intéressant, bien qu'il s'inspire d'autres auteurs américains comme William Faulkner et qu'il l'assume, mais je trouve que ces nouvelles manquent cruellement de dimension émotionnelle.
L'auteur a sans doute trop cherché à décortiquer sa façon de penser et toute l’ambiguïté du monde militaire en oubliant le côté émotionnel qui aurait pu rendre ces nouvelles vraiment captivantes et d'une certaine façon plus humaines.
Par contre, j'ai trouvé intéressant le traitement qu'il fait de ses début d'auteur, de ses doutes et de ses tâtonnements, comme une forme d'apprentissage du métier d'auteur alors que dans le même temps il ré-apprend l'armée et sa discipline.
Et finalement, du pays le lecteur n'en verra pas tant que cela puisque l'auteur n'a pas évoqué la Guerre de Corée, par contre il aura l'occasion de déambuler avec le narrateur dans les rues de New York, une ville en forme de parenthèse par rapport à la vie militaire et où tout semble permis, à commencer par l'amour mais qui illustre surtout la liberté.

"A tombeau ouvert, Cinq histoires du corps des Marines" de William Styron est plus un plaidoyer pacifiste qu'une déclaration d'amour au corps des Marines qui n'en ressort pas forcément grandi, un recueil de nouvelles que j'ai plus perçu comme un exutoire pour l'auteur afin de livrer sur papier sa culpabilité d'avoir été un Marine alors que cela était en opposition avec ses pensées.
William Styron a du style, et bien que je reproche l'absence d'émotions dans ce recueil de nouvelles ce n'est pas pour autant que j'abandonnerai cet auteur, bien au contraire, je pense même que ce recueil est une bonne façon de mieux le connaître et de saisir son oeuvre par la suite.

Je remercie Babelio et les éditions Folio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.


Que vous aimiez Sherlock Holmes ou Harry Potter à l'école des sorciers, Mrs Dalloway ou Mort sur le Nil, Babelio vous invite toute l’année à découvrir des livres en ligne sur le premier réseau social littéraire en allant sur Babelio.com

Livre lu dans le cadre du challenge New York en littérature.


Hate List de Jennifer Brown


Lorsque Valérie franchit le seuil du lycée, elle sait que rien ne sera plus jamais pareil. Cinq mois plus tôt, Nick, son petit ami, a ouvert le feu dans la cafétéria de l’école, tuant une dizaine d’élèves avant de se suicider. Des élèves agaçants, pénibles et arrogants qui figuraient sur la liste que Valérie et Nick ont tenue pour se défouler. Pourquoi ce qui n’était qu’un jeu est devenu un drame ? Comment va-t-on accueillir son retour au lycée ? Est-elle aussi coupable que Nick ? (Albin Michel Jeunesse)

Tout le monde ou presque a entendu parler au moins une fois des tueries en milieu scolaire, l'une des plus célèbres, ou tout du moins des plus évoquées au cinéma, étant celle de Columbine.
La fusillade scolaire est une partie de ce roman, l'autre s'attachant particulièrement au retour de Valérie au lycée pour sa dernière année et aux émotions qui habitent ce personnage et son entourage.
C'est par le biais d'articles de presse et des souvenirs de Valérie que le lecteur découvre ce qui s'est passé ce matin du 2 mai 2008 lorsque Nick, le petit ami de Valérie, a ouvert le feu sur les personnes présentes dans la cafétéria, plus particulièrement sur celles figurant dans leur liste de la haine.
La liste de la haine, c'est tout simplement les noms des personnes qu'ils ne supportent pas, celles qui se moquent d'eux parce qu'ils sont différents, qui prennent un malin plaisir à les ridiculiser en public ou à les ignorer.
Je ne fais pas l'apologie du principe d'une liste de la haine, mais c'est quelque chose que chacun pourrait faire à un moment donné de sa vie, sans pour autant mettre à exécution un tel plan meurtrier.
Cela fait-il de Valérie une coupable, au même titre que Nick, même si elle n'a tiré sur personne ? Cela doit-il la rendre mauvaise aux yeux de tous, à commencer par ceux de ses propres parents qui n'ont plus aucune confiance en elle, voire même ont envie de la rayer de leur existence ?
Valérie est rejetée par son père et coupable aux yeux de sa mère :  "Parce que c'était moi la méchante. Quoi que je dise, quoi que je fasse, jamais je ne changerais aux yeux de ma mère.".
Elle a l'impression que personne ne la comprend, ses anciens amis ne lui adressent plus la parole et chose encore plus surprenante, c'est une de ses anciennes ennemies qui désormais souhaite être son amie.
Aux yeux de Valérie, la seule personne qui la comprenait, c'était Nick, avec qui elle vivait une relation fusionnelle, sans doute trop : "Toi et moi contre le monde entier. Juste nous deux.".
C'est également par le biais de la voix de Valérie que le lecteur découvre la vie actuelle de cette jeune fille, ce qu'elle ressent et comment elle vit son retour au lycée, sa vie familiale, ses relations avec les autres : "En réalité, la plupart du temps, j'avais beau prendre sur moi, j'étais incapable d'éprouver de la reconnaissance. Et j'aurais été incapable de dire dans quel état je me sentais : triste, parfois, ou soulagée, ou alors confuse, ou incomprise. Mais très souvent, en colère.".
Ce roman pose beaucoup de questions mais au final n'y répond pas vraiment, ou plutôt, de manière simplifiée.
Le personnage de Valérie est très complexe, que la narration se fasse à la première personne du singulier était une évidence, maintenant je suis plus partagée sur la fin de ce roman qui résout un peu trop facilement certains points tout en laissant une porte ouverte, comme si l'auteur s'était ménagée la possibilité d'écrire une suite.
Après avoir lu tant de noirceur, de colère, de douleur, je ne m'attendais pas à ce type de fin et je ne suis pas persuadée qu'il fallait à tout prix délivrer un message d'espoir.
Il y a des passages très beaux, très forts en émotion, de la justesse dans le récit et la réaction des personnages, mais il y a aussi, malheureusement, quelques clichés (par exemple une professeur d'art décalée) qui font que cette lecture, bien qu'étant intéressante, ne me laissera pas non plus un souvenir indélébile.
Jennifer Brown a su se placer dans la tête d'une adolescente de dix-sept ans, elle pose bien souvent des questions justes, notamment sur la façon dont Valérie appréhende son retour au lycée ou la réaction des autres personnes vis-à-vis de ce qui s'est passé quelques mois plus tôt, elle a construit des dialogues intelligents entre Valérie et ses parents, mais elle tombe aussi dans la facilité, notamment par rapport à la relation entre Valérie et son psychothérapeute, je doute qu'une seule année suffise pour régler tous les traumatismes de Valérie, c'est peu crédible; et manque parfois de noirceur et d'une certaine forme de maturité dans la trame de son histoire.
Finalement, la violence n'est présente que par le jeu des flashbacks, comme si l'auteur n'avait pas voulu s'y risquer alors que pour ce type de roman c'est au contraire ce que j'attends : une prise de risque dans la narration des faits, ne pas chercher à épargner le lecteur, la mise en place d'une atmosphère oppressante, autant d'aspects que je n'ai pas trouvés au cours de ma lecture.

"Hate List" est un bon roman pour un lecteur adolescent, moins pour un lecteur adulte, en tout cas un roman qui ne me laissera pas un souvenir impérissable bien que l'idée de départ soit bonne et que certaines questions soulevées sonnent justes.
Il s'agissait là du premier roman de Jennifer Brown, une auteur qui à mon avis à un avenir dans cette tranche littéraire mais qui doit encore acquérir de la maturité dans son style et la maîtrise de ses histoires.

Walking Dead Tome 1 Passé décomposé de Robert Kirkman, Tony Moore, Charlie Adlard


Le monde tel que nous le connaissions n’existe plus. La Terre, ravagée par une mystérieuse épidémie, est devenue un cimetière à ciel ouvert. Pire, les morts ne meurent plus et errent à la recherche des derniers humains pour s’en repaître. Parmi les survivants, Rick, policier, se réveille d’un long coma pour découvrir ce que son monde est devenu. Le choc passé, il doit désormais apprendre à survivre… (Delcourt)

Quand Rick se réveille d'un long coma après avoir été blessé en service, il est seul dans l'hôpital.
Il découvre alors un monde complètement bouleversé, peuplé de zombies errant dans les bâtiments et dans les lieux à la recherche de chair fraîche, un monde où les lois n'ont plus cours, où seul survivre est essentiel : "Ca ne sera plus jamais pareil. On ne retrouvera jamais une existence normale ...".
Rick doit tout apprendre de ce qui s'est passé pendant son "absence", et surtout, essayer de retrouver sa femme et son fils, partis sans doute pour Atlanta.

Il y a du désespoir dans cette série, les morts ne sont pas vraiment morts puisqu'ils errent à la recherche de vivants pour mieux les dévorer, les vivants essayent de survivre dans ce chaos, souvent en ayant vu mourir tous leurs proches ou presque et es espérant une hypothétique aide du gouvernement, enfin, s'il y a encore un gouvernement quelque part : "Le gouvernement a essayé de regrouper tout le monde en ville pour nous protéger plus facilement. Au final, ça a surtout mis toute la nourriture au même endroit. Chaque fois qu'un de ces trucs tue l'un d'entre nous, il devient l'un d'entre eux. En une semaine, toute la ville y est passée. Depuis ... on ne sait rien. Personne ne peut entrer ni sortir.".
Il y a également du chaos, énormément, l'Apocalypse n'est pas très loin et la survie, à mon sens, ne peut être que temporaire.
Si se retrouver dans un petit groupe de survivants permet de s'organiser et de ressentir un pseudo sentiment de sécurité, tout comme la possession d'armes à feu, cela ne peut être que temporaire et c'est dans une quête permanente de sécurité que va se lancer le petit groupe dans lequel Rick a échoué, un peu par hasard mais avec beaucoup de chance : "Si on va dans un endroit plus sûr, peut-être qu'on aura plus besoin d'être secourus. Je préfère passer une bonne nuit de sommeil plutôt que me retourner toute la nuit à espérer que le gouvernement soit encore en état de nous trouver.".
Il y a surtout beaucoup d'illusions dans cette histoire : celle de pouvoir trouver un endroit sûr où la nourriture ne manquera pas, celle d'être secouru par le gouvernement, celle que cette épidémie s'arrête d'une façon ou d'une autre, celle lorsqu'un proche passe de vie à trépas qu'il sera possible de le raisonner quand il se réveillera en mort-vivant, celle que la vie pourra un jour redevenir comme elle était avant, et surtout, celle qu'il est possible de finir par créer une cohésion de groupe et que tout le monde arrive à s'entendre.
En cela, le scénario de Robert Kirkman est savamment construit, il revisite le mythe archi connu du mort-vivant et en propose une version quelque peu différente, inspirée de plusieurs courants littéraires ou cinématographiques; mais également celui de la survie des humains après une catastrophe, en analysant finement la psychologie de chacun : les leaders, les suiveurs, les rebelles, et les réactions toujours très humaines que chacun peut avoir en de telles circonstances.
Il ne faut pas se fier aux apparences et s'arrêter à une énième histoire de morts-vivants, sous couvert de ce genre littéraire c'est une oeuvre plus complexe qu'a créée Robert Kirkman.
Je regrette toutefois que cette histoire soit limitée à un petit secteur des Etats-Unis, le lecteur comprend que cela est sans doute général au pays, mais qu'en est-il pour le reste du monde ?
Il est vrai qu'il est difficile de le savoir sans moyen de communication, j'espère que cet aspect sera abordé par la suite.
Quant aux dessins de Tony Moore et Charlie Adlard, je les trouve très réussis, contribuant à renforcer cette atmosphère étouffante de fin du monde où le chaos règne et où la discipline et l'ordre ne sont plus que de lointains souvenirs.
Enfin, le parti pris des auteurs d'une trame en noir, blanc et niveaux de gris va très bien à l'histoire et à l'atmosphère que les auteurs ont voulu créer.

Depuis le temps que j'entendais parler de ces comics et de la série télévisée qui en a été tirée, il était temps que je commence à me pencher sur ce phénomène.
"Passé décomposé" est un très bon premier tome qui plante le décors et l'histoire d'une série qui selon moi n'est pas prête de se finir et qui offrira au lecteur de nombreux rebondissements.
Essayer "Walking Dead", c'est l'adopter.

mardi 22 octobre 2013

Top Ten Tuesday #19


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 noms de personnages préférés ou les 10 personnages les plus inhabituels

1) Les Shingouz dans "Valérian et Laureline" : totalement improbables mais 100% formidables, je les adore ;
2) Le transmuteur de ? dans "Valérian et Laureline" : bien pratique cette petite bestiole ;
3) Milou, dans le sens où Hergé lui donne une forme de parole ;
4) Mark Darcy : parce que Mark Darcy ;
5) Jane Eyre : j’adore tout simplement cette héroïne ;
6) Catherine (hauts hurlevent) : une héroïne forte, sombre, torturée, qui figure d’ailleurs dans la chanson de Kate Bush "Wuthering Heights" ;
7) Cyann du "Cycle de Cyann" de François Bourgeon : un prénom peu banal évoquant plus une couleur qu’une héroïne ;
8) Isabeau de la série "Les passagers du vent" de François Bourgeon : j’aime le décalage entre ce prénom sonnant Moyen-âgeux et la modernité de pensée et d’attitude de l’héroïne ;
9) Stephanie Plum créée par Janet Evanovich : un personnage très drôle et que j’aime à retrouver pour une lecture détente ;
10) Arria Marcella de la nouvelle du même nom de Théophile Gautier : une femme morte à Pompéi lors de l’éruption de 79 après Jésus Christ et dont s’amourache Octavien, un personnage à la fois fantôme, troublant, ensorcelant, et mortel. 

lundi 21 octobre 2013

Fleur de tonnerre de Jean teulé


Hélène Jégado a tué des dizaines de ses contemporains sans aucune raison apparente. Quels secrets renfermait cette tête qui, le 26 février 1852, sur le Champ de mars de Rennes, roula dans la corbeille de la guillotine ? (Julliard)

Hélène Jégado a été une enfant adorable, enfin, jusqu'à l'âge de sept ans où sa mère lui a donné le surnom de Fleur de tonnerre et surtout où elle a essayé, pour la première fois et malheureusement pas la dernière, d'empoisonner une autre fillette de son âge.
Il faut dire qu'Hélène a aussi eu la tête farcie par sa mère de toutes les légendes bretonnes, particulièrement celle de l'Ankou :  "Il n'y a rien de pire que l'Ankou ! Se promenant en Bretagne avec sa charrette, il la charge de corps, frappés d'une puissance invisible, de toutes celles, ceux, qu'il fauche sans distinction.", à tel point qu'Hélène a fini par s'identifier à l'Ankou, ne faisant plus q'un avec cette légende et ce, pour le restant de sa vie : "Dehors, le lampion de la bergère Emilie, courant sur la lande, projette, à travers le vitrail, un autre rayon de lumière qui tourne. Il étire l'ombre de l'Ankou qui se déplace pour venir se fondre en Fleur de tonnerre. L'ombre de l'Ouvrier de la Mort paraît maintenant porter une coiffe d'enfant bretonne. Ô le cerveau de petite fille qu'un tel prodige affole ! Ainsi que l'Ankou, elle lève un bras comme si elle tenait une faux.".
Après un empoisonnement raté, elle réussira tous les suivants et commencera alors à arpenter la Bretagne, semant derrière elle la mort sans distinction aucune : homme, femme, enfant, et sans raison particulière :  "Ne faisant aucune distinction, elle empoisonne comme par distraction ainsi que si elle lançait des graines aux pigeons.".
Et quand elle ne peut pas tuer, ça la rend mauvaise la Jégado, elle a ça dans le sang, pire qu'une drogue, elle n'a aucune conscience ni notion du bien ou du mal, a fort mauvais caractère, et se croit indestructible et intouchable : "Aucune avanie ne me jettera par terre, aucun écueil ne me fera sombrer, aucun marteau ne m'écrasera. Je suis indémolissable !".

Jean Teulé a le chic pour bâtir ses récits à partir de faits véridiques ou de personnages ayant existé.
Ici, il s'attache à Hélène Jégado, une femme tueur en série ayant sévi en Bretagne durant la première moitié du 19ème siècle.
Avant la publication de ce livre, je n'en avais pas entendu parler.
Comme d'ordinaire, la base est réelle mais l'auteur brode autour et se permet de prendre des libertés.
Ainsi, il attribue à Hélène des forfaits dont on ne soit pas sûr qu'ils soient bien de son fait, l'assassinat de sa mère par exemple.
Il présente aussi Hélène Jégado comme la plus grande tueuse en série de tous les temps, je ne sais si cette affirmation est vraie, mais il faut bien dire qu'au cours de chaque chapitre il y a au moins un mort.
Jean Teulé a un style que je trouve agréable, il mêle modernité et parler ancien, il y a des petites touches d'humour dans son récit, si bien que le dramatique passe facilement.
Je qualifierai cette lecture de "page turner", j'ai lu ce roman très rapidement, les chapitres sont rapides et s'enchaînent facilement les uns derrière les autres.
La base de l'histoire est intéressante, j'aime le style d'écriture de Jean Teulé ainsi que son don pour dénicher des personnages plus ou moins connus et leur donner vie sous sa plume.
Mais Jean Teulé a parfois tendance à grossir le trait, ce qui vient quelque peu discréditer son histoire.
Ici, c'est le nombre de forfaits qu'il impute à Hélène Jégado, mais également la présence durant tout le récit de deux normands venus faire fortune en collectant les cheveux en Bretagne et à qui il arrivera moultes péripéties.
Je n'ai pas vraiment compris la raison d'être de ces deux personnages, ça donne un côté gag à l'histoire qui n'était pas nécessaire, d'autant plus qu'ils n'auront que très peu d'interaction avec Hélène Jégado alors qu'ils suivent son parcours d'empoisonneuse.
Et puis a contrario, il y a de très beaux passages, comme celui où Hélène tombe amoureuse ainsi que son procès à la fin.

"Fleur de tonnerre" est un divertissement littéraire agréable servi par Jean Teulé qui, sans être inoubliable, permet au lecteur de passer un bon moment et de découvrir le portrait de cette femme hors norme dont je ne suis prête à manger sa soupe aux herbes et encore moins son gâteau à l'angélique, le tout avec en toile de fond la Bretagne, magnifique région qui justifie à elle seule (ou presque) la lecture de ce roman.

dimanche 20 octobre 2013

Adèle Blanc-Sec Tome 3 Le savant fou de Jacques Tardi


Janvier 1912. Paris frissonne sous la neige, mais la capitale ignore encore que dans quelques jours c'est de peur qu'elle tremblera. Amenée à assister à la “résurrection” d'un homme préhistorique, Adèle Blanc-Sec est entraînée dans une des ses plus mystérieuses aventures, remplie d'étranges disparitions, de tentatives de meurtres et d'esprits invoqués. (Casterman)

Les mois passent mais les expériences les plus folles continuent, après avoir ramené à la vie un ptérodactyle (paix à son âme), le démon Pazuzu (disparu de la circulation après avoir été interprété avec brio par Clara Benhardt), c'est désormais au tour d'un homme-singe préhistorique : un pithécanthrope, d'être ramené à la vie.
Et comme de bien entendu, Adèle Blanc-Sec est toujours mêlée de près ou de loin à ces expériences les plus folles, et toujours la cible d'attaques visant à la faire passer de vie à trépas : "Je rencontre Espérandieu, j'assiste à une séance de spiritisme, on ramène à la vie sous mes yeux un pithécanthrope âgé de 400 mille ans, ensuite on essaye de m'assassiner ... Ca suffit comme ça. Aujourd'hui, je ne sors pas.".
Effectivement, certains jours cela vaudrait mieux de rester au lit, ou alors momifié tel la momie qu'Adèle a dans son salon et a qui d'ailleurs elle ne parle pas toujours correctement (m'est avis que cette momie va finir par elle aussi revenir à la vie un de ces quatre) : "Et si à coups de décharges électriques dans ton cerveau desséché on réussissait à te ramener à la vie, ça te plairait ? Que penses-tu de tout ça, vieille peau ?".
C'est qu'elle a du caractère la demoiselle Blanc-Sec et qu'elle sait ce qu'elle veut, outre le fait qu'elle soit moderne par rapport à son époque.
La bonne nouvelle de ce troisième tome, c'est que l'inspecteur Caponi est de retour et réserve de belles surprises au lecteur et à notre héroïne : "Remarquez, j'ai toujours pensé que la différence entre le flic et le malfrat n'était pas très marquée. D'un côté comme de l'autre, c'est à peu de chose près le même genre d'individus. Un jour on est d'un côté, le lendemain de l'autre, c'est selon."; à moins que ça ne soit le retour de Pazuzu pour accomplir sa vengeance; ou alors la présence de savants qui en lieu et place de perdre l'esprit pour Adèle le perdent plutôt au cours de leurs expériences; ou tout simplement le retour d'Adèle Blanc-Sec, une héroïne très attachante et qui vit toujours des aventures palpitantes et extraordinaires.
J'aime toujours autant le coup de crayon de Jacques Tardi ainsi que son scénario, la façon qu'il a de s'adresser au lecteur via une voix narrative qui j'imagine aisément, et surtout l'humour très présent qui donne un côté non sérieux à toute cette histoire et permet au lecteur de passer un très bon moment.
Ceci est encore plus vrai dans ce troisième volume qui est à ce jour mon préféré dans la série.
J'avais déjà remarqué les jeux de mots dans les noms de famille, mais il y en a d'autres dans cet album qui ne sont pas piqués des vers, je vous en livre un qui m'a valu un fou rire de cinq bonnes minutes avant de pouvoir continuer ma lecture : "Un jour la vengeance de Pazuzu sera accomplie ! Alors tu seras morte Adèle !".

"Le savant fou" est un album riche en rebondissements et en humour, dans la parfaite lignée de la série des "Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec" créée par Jacques Tardi, dont je prends énormément de plaisir à découvrir et que je ne peux que vous recommander.

Découvertes musicales d'octobre 2013

Voilà, il suffit que j'arrête de faire la chanson du mois pour faute d'inspiration sur août et septembre pour que je dégote de nouvelles pépites musicales fin septembre/début octobre.
Plutôt que de ré-instaurer la chanson du mois, je vous parlerai de temps en temps de mes découvertes musicales.
Ca me prend de temps en temps mais il y a une dizaine de jours je suis ressortie de chez le disquaire avec 3 CD.

Pour le premier, il s'agit du premier opus d'Agnes Obel à petit prix, la demoiselle vient de sortir un nouvel album, je n'avais jamais eu l'occasion de l'entendre jusqu'à présent (et non, je n'ai pas vécu dans une grotte tout ce temps), autant commencer avec le premier avant d'attaquer le deuxième (il a fallu que j'explique au caissier pourquoi il ne voyait pas le titre phare sur l'album ... que là, c'était le premier opus et qu'elle venait d'en sortir un nouveau, bref il a conclu en me disant qu'il adorait ce qu'elle faisait).
De ce que j'ai pu entendre, j'avoue que ça a de la classe et que ça sort de l'ordinaire.



Extrait de son nouvel album :


Pour le deuxième, il s'agit d'une découverte grâce à Alcaline, le nouveau magazine musical sur France 2 (et dire que je râlais de la suppression de Taratata qui permettait de découvrir de nouveaux talents) : HollySiz.
Le titre "Come back to me" bougeait bien, j'ai creusé pour découvrir ... que sous le pseudonyme de HollySiz se cache une tête connue : l'actrice Cécile Cassel.
Donc elle ne sait pas que jouer mais aussi chanter et son premier album "My name is" est une très belle découverte qui n'est pas sans me rappeler l'album de Lou Doillon l'an passé, dans un autre registre mais le talent est là.


Enfin pour le troisième, c'est un peu pris au petit bonheur, parce que j'ai entendu parler de ce groupe dans les Inrocks que j'achète de temps en temps quand il y a un CD compilation des titres/nouveautés du moment et parce que le clip regardé m'a plu : London Grammar.
Contrairement à ce que le nom du groupe laisserait penser, il ne s'agit pas de leçons de grammaire, par contre le groupe est bien anglais.
Je vous laisse découvrir, c'est un premier album et à mon avis une valeur sûre dont on devrait entendre parler de plus en plus.




Sinon, j'ai découvert il y a quelques mois, grâce aux Inrocks, Arman Méliès que je ne connaissais jusque là ni d'Eve ni d'Adam.
J'ai flashé sur sa très belle chanson "Pompéi" :

Je teste une liseuse

Grâce à ma bibliothèque qui s'est lancée depuis quelques temps dans le prêt de liseuses, j'en ai récupéré une hier et ce, pour une durée de trois semaines.
Je vais donc pouvoir tester le principe d'une liseuse, après que plusieurs personnes m'en aient parlé en bien, voire peut-être prolonger l'expérience si affinités par l'acquisition d'une de ces bestioles électroniques.
A l'issue de ce prêt, je dois également remettre aux bibliothécaires un questionnaire, cela leur permet de voir le ressenti des personnes ayant emprunté une liseuse et surtout s'ils doivent poursuivre sur cette voie.

Le catalogue proposé comporte des titres de 2012 et de 2013, il y en a pour tous les goûts, j'ai donc l'embarras du choix dans les lectures.
J'ai débuté par un roman catalogué en jeunesse mais qui à mon sens peut se lire à tout âge : "Hate List" de Jennifer Brown.
Quant à la liseuse, il s'agit d'une Cybook Odyssey, très facile à prendre en main et à utiliser, en voici d'ailleurs un aperçu.


Durant cette période, mes lectures numériques seront signalées par ce logo :


A dans trois semaines pour un bilan sur mon expérience de lecture sur liseuse !

Bilan de la liseuse le 09/11/2013

Les trois semaines ont filé vite et voilà que j'ai rapporté la liseuse cet après-midi à ma bibliothèque, en ayant pris soin de remplir consciencieusement le questionnaire qui l’accompagnait.

J'ai lu trois livres sur liseuse, en plus de mes autres lectures papier du moment :
- "Hate List" de Jennifer Brown
- "La pluie, avant qu'elle tombe" de Jonathan Coe
- "Les vampires de Londres" de Fabrice Colin

Je n'ai pas eu de mal à maîtriser la bête, c'est facile d'utilisation et les fonctions proposées sont utiles, comme les annotations que j'ai utilisées en lieu et place de mes post-it, ainsi que les signets.
Le seul bémol que j'apporterais sur ce modèle est au niveau du bouton d'alimentation, la tirette ripe facilement et j'ai dû m'y reprendre à deux fois bien souvent pour allumer la liseuse.
Je n'ai pas testé le rétro-éclairage, n'ayant pas cherché à lire dans le noir, mais la qualité de l'encre électronique est agréable à lire et ne fatigue pas les yeux, j'ai réussi à lire sur liseuse comme en version papier, à savoir sans mettre de lunettes et sans fatiguer mes yeux (i.e je n'avais pas des yeux rouges de lapin ni des larmes qui coulaient à flot), quant à la possibilité de régler la taille des caractères, c'est un plus intéressant.
L'autre avantage de la liseuse, c'est son format et son poids, ça se tient très bien d'une seule main et ça ne prend pas beaucoup de place.
J'ai utilisé le catalogue présent dans la liseuse pour lire des romans que je n'aurais pas forcément lu en version papier, d'ailleurs j'ai fait une très belle découverte avec Jonathan Coe et les nombreux éloges de cet auteur qui m'ont été faits me poussent à lire d'autres œuvres de lui.
Au final, je suis satisfaite de cette découverte et la liseuse ne m'a pas empêchée de lire en parallèle des livres en version papier.
J'y vois des avantages, sans pour autant renier le livre papier, c'est donc pourquoi je songe à acquérir prochainement une liseuse (et par la même occasion je ré-utiliserai le logo pour signaler les lectures faites sur liseuse).

Jeanne de Jacqueline de Romilly


En 1977, dans l’année qui suit la mort de sa mère, Jacqueline de Romilly écrit ce texte, en fait imprimer quelques exemplaires, destinés aux amis. Mais, par pudeur, parce qu'il y a quelque chose de vulgaire à dévoiler ce que l’on a de plus intime, elle ne souhaite pas que ce livre soit publié de son vivant et charge son éditeur et ami Bernard de Fallois de le faire après sa mort. Jeanne, c’est le portrait d'une femme aux dons multiples, travailleuse infatigable, qui fit preuve pendant trente ans d'un talent d'écrivain reconnu. Veuve dès le début de la guerre de 1914, elle choisit de vivre dans l'ombre de sa fille, tissant ainsi un lien indissoluble entre elles deux. Ce récit nous en apprend beaucoup sur Jacqueline de Romilly, et l’on comprend d’autant plus l’admiration et l’affection que ses lecteurs, même s'ils ne l'avaient jamais rencontrée, ont éprouvées en apprenant sa disparition. (Le Livre de Poche)

Delphine de Vigan l'a si bien écrit dans "Rien ne s'oppose à la nuit" : "Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence.", une phrase qui m'avait renvoyée dans ma propre famille et son histoire.
Il en a été de même ici dès les premières phrases du livre de Jacqueline de Romilly consacrée à sa mère, Jeanne.
L'auteur se fait la réflexion, et éprouve des regrets, sur le fait de ne pas avoir interrogé plus sa mère sur son frère mort durant la Première Guerre Mondiale, un frère qui avait compté pour sa mère et que l'auteur n'a pas connu.
Cette entrée en matière dès les premières pages m'a interpellée, je n'ai pas connu mes grand-parents ni la majorité de mes oncles et tantes du côté de mon père, ils étaient déjà morts et je me rends compte que je n'ai jamais trop posé de questions sur eux, ce n'est pas non plus un sujet de discussion, sans éprouver de regrets je le perçois plus comme de la pudeur et une non volonté d'en parler, ce que je respecte.
A ce stade, je me suis dit que si tout le livre était de cet acabit, sa lecture n'en serait pas facile tant elle serait une forme de miroir qui me renverrait à ma propre histoire.
Finalement, comme avec le roman de Delphine de Vigan, j'ai fini par prendre du recul et, dernier point commun et référence que je ferais à ce roman, là aussi l'auteur parle de sa mère en l'appelant par son prénom, à mon sens une façon de prendre du recul sur les événements et de ne pas laisser sa plume prendre le pas sur les sentiments.

Jacqueline de Romilly a écrit une véritable ode à sa mère, un grand cri d'amour, et, sans avoir lu  ses œuvres hellénistes, je me dis que si elles sont écrites avec autant de passion et d'amour elles doivent être d'une profonde richesse.
C'est avec précision sans toutefois pouvoir être parfaitement exacte que Jacqueline de Romilly parle de sa mère et retrace son parcours.
Jeanne était une femme en avance sur son temps, ouverte d'esprit et sans crainte de choquer les gens bien pensants : "Jeanne au bracelet d'argent était, je le sais, beaucoup plus rebelle, et audacieuse, et passionnée, que ne sont nos filles en blue-jeans.".
A la lecture de ce roman, j'ai éprouvé une forme d'admiration pour cette femme qui se sera mariée une seule fois dans sa vie, aura connu la vie et le bonheur conjugal que quelques courtes années avant que son mari ne soit tué durant la Première Guerre Mondiale, se sera consacrée à sa fille dans une forme d'amour et d'exclusivité rare et que seul l'amour maternel peut expliquer, tout en travaillant et devenant une écrivain reconnue, en tout cas pendant un temps.
Une femme de caractère mais également une belle personne qui a, sa vie durant, tenu à honorer le sens qu'elle donnait au mot "amour" et est toujours restée tournée vers les autres, rompant ainsi l'impression bourgeoise qu'elle dégageait au premier abord : "Indépendante et fière, elle cessait par là même de se confondre avec les bourgeois. Intelligente, elle comprenait les autres et ils le sentaient.".
Jeanne était de ces personnes qui aiment et donnent sans compter, sans rien attendre en retour, et qui savent prendre la vie comme elle vient, ironisant dans les moments difficiles et arrivant ainsi toujours à relativiser les événements, à les rendre plus agréables pour les autres.
Ainsi, c'est tout naturellement qu'elle se dévoue pendant la Seconde Guerre Mondiale à sa fille et à son gendre, forcés de se cacher pour échapper aux rafles de Juifs.
A la lecture de ce roman, je me dis que la vie devait être bien douce aux côtés d'une personne comme Jeanne, et qu'elle fait partie de ces personnes qui auraient mérité d'être connues et reconnues, mais par-dessus tout, de ces personnes qu'il est si facile d'aimer et d'apprécier : "On aimait Jeanne, je crois, pour sa fragilité, pour son courage. On l'aimait pour ce qui survivait en elle de la Jeanne pleine d'histoires, comprenant tout à demi-mot, confiante et ironique, et soucieuse encore de plaire. Mais on l'aimait aussi pour le reflet de cette tendresse sans mesure qu'elle ne cachait pas de me porter. On était gentil pour elle à cause de moi, mais aussi pour moi à cause d'elle.".

C'est dans un style simple mais pudique que Jacqueline de Romilly livre dans "Jeanne" le portrait de sa mère, une femme battante, courageuse et infatigable, qui permet également au lecteur de voir au-delà de ce portrait celui de Jacqueline de Romilly, une femme dont j'ai désormais envie de découvrir l'oeuvre helléniste, tout comme les romans et les pièces de sa mère.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

mardi 15 octobre 2013

Top Ten Tuesday #18


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 raisons qui vous poussent à faire des rendez-vous livresques (C’est lundi, Top Ten Tuesday, IMM ? etc.)

J’ai quelque peu séché sur ce thème.

1) La curiosité, ce n’est que depuis très récemment que je participe à un rendez-vous livresque ;
2) Pour faire un point sur l’état de mes lectures en cours et à venir ;
3) Pour prendre du recul sur mes lectures passées ;
4) Pour découvrir ce que lisent d’autres personnes et y piocher des idées ;
5) Pouvoir préparer des articles sur le blog et le faire vivre même sans pouvoir y accéder plusieurs jours ;
6) Pour me décider à faire sortir de ma PAL certains livres. 

lundi 14 octobre 2013

Délivrance de James Dickey


Avant que la rivière reliant la petite ville d'Oree à celle d'Aintry ne disparaisse sous un immense lac artificiel, quatre trentenaires décident de s'offrir une virée en canoë pour tromper l'ennui de leur vie citadine. Gagnés par l’enthousiasme du charismatique Lewis et bien que peu expérimentés, Bobby, Ed et Drew se laissent emporter au gré du courant et des rapides, au cœur des paysages somptueux de Géorgie. Mais la nature sauvage est un cadre où la bestialité des hommes se réveille. Une mauvaise rencontre et l'expédition se transforme en cauchemar : les quatre amis comprennent vite qu'ils ont pénétré dans un monde où les lois n’ont pas cours. Dès lors, une seule règle demeure : survivre. (Gallmeister)

Pour rompre la monotonie de leur existence et vivre des sensations fortes, quatre hommes décident de s'offrir une virée de trois jours en canoë sur une rivière vouée à disparaître sous un lac artificiel.
Ils pensent être prêts et vivre un moment franche camaraderie en communion avec la nature, c'est tout autre chose qui les attend, une nature à l'état sauvage dans laquelle toute la bestialité humaine se réveille et prend forme.
Dès lors, une seule règle s'impose à eux : survivre, à n'importe quel prix et par n'importe quel moyen : "J'en suis arrivé à la conclusion que la clé de la survie ne se trouvait pas dans les rivets et le métal, dans les doubles portes blindées et les billes de dames chinoises. Elle se trouvait en moi. Elle ne dépendait plus que de l'homme et de ce qu'il était capable de faire. Le corps est la seule chose qu'on ne puisse feindre; il doit être là, c'est tout.".
Ils sont maîtres de leur destin : "Le droit, ici, c'est nous.", sans doute pour la première fois de leur vie, mais ils vont devoir vivre et commettre l'inacceptable : "C'est lui ou nous. On a tué un homme. Lui aussi. Pour savoir qui s'en sortira vivant, il faut savoir qui tuera qui. C'est aussi simple que ça.".
Ce roman est dur et violent, certaines scènes sont à la limite du soutenable, mais c'est écrit formidablement, avec un suspens de chaque instant qui plonge le lecteur dans l'incertitude la plus totale.
James Dickey livre-là une analyse détaillée du caractère humain : ces quatre hommes blasés par leur vie quotidienne et leur petit confort partaient avec insouciance, ils vont vivre l'enfer et essayer de s'en sortir.
C'est un jeu terrible et cruel dans lequel l'auteur les a plongés, narré par la plume d'Ed Gentry, l'un des quatre hommes de cette expédition.
Eux qui trouvaient leur vie quotidienne intolérables vont finir par l'apprécier à sa juste valeur, mais par combien d'épreuves il aura fallu pour en arriver là.
Et puis, il y a aussi un autre personnage omniprésent : la rivière qui relie la petite ville d'Oree à celle d'Aintry, cette rivière qui va finir par faire corps avec le personnage d'Ed : "Je contemplais la rivière dans son puits de brillance glacée, dans sa rumeur et son indifférence lointaines, en bas, dans son ample boucle et dans ses minuscules éclats de lune, dans son long tracé sinueux, dans sa prégnance ébahie.", jusqu'à le hanter pour le restant de ses jours mais lorsqu'elle n'existera plus.
J'ai trouvé cet aspect de communion spirituelle entre la rivière et le personnage d'Ed très intéressant, cela donnant une dimension un peu mystique à tout ce récit et à ce qui s'en dégage.
Je n'ai pas vu l'adaptation cinématographique de John Boorman, il faut dire que j'ai été influencée par ce que j'en ai entendu dire : un film violent avec des des scènes crues, et que par ricochet, je tournais les pages au fil de ma lecture en me demandant ce qui allait se passer.
Après cette lecture, je suis désormais curieuse de voir l'adaptation qui en a été faite, j'ai en quelque sorte vaincu ma peur née de tout ce qui se dit autour de ce film.

"Délivrance" est un roman brutal qui ne laisse indemne ni les personnages ni le lecteur, décrivant une nature dans l'état le plus brut qui soit ainsi que le réveil du côté bestial de l'Homme qui peut en découler.
Un roman à découvrir qui s'inscrit dans la lignée éditoriale des éditions Gallmeister qui décidément publient des livres d'une qualité à chaque fois rare et en un sens unique.

dimanche 13 octobre 2013

Adèle Blanc-Sec Tome 2 Le démon de la tour Eiffel de Jacques Tardi


En ce mois de décembre 1911, Paris est secouée par la brusque réapparition de la peste et par une mystérieuse vague de disparitions sur le Pont-Neuf. Adèle, déterminée à venger la mort de son ami Lucien Ripol, mène l'enquête, persuadée qu'un lien existe entre ces trois affaires. Affrontant tour à tour Albert, son ancien complice, et une redoutable secte d'adorateurs du démon Pazuzu, arrivera-t-elle à échapper aux différentes menaces qui planent sur elle ? (Casterman)

La dernière fois que nous avions quitté Adèle, elle était bien décidée à venger la mort de Lucien Ripol, ainsi que d'en découdre avec Albert, son ancien complice qui l'a lâchement trahie, alors que dans le même temps le ptérodactyle mourait du fusil de Justin de St Hubert, ainsi que le savant à l'origine de sa naissance.
Faire revivre un ptérodactyle était déjà un exploit, cette fois-ci Adèle Blanc-Sec se trouve aux prises avec une secte d'adorateurs particulièrement allumés du démon Pazuzu : "Pazuzu est de retour. Les impurs qui ont eu l'outrecuidance de le souiller de leurs mains détestables ont péri ! Justice leur a été faite, mais bien d'autres impurs de pareille sorte restent à sauver, qu'ils aient ou non posé leurs mains sur Pazuzu ! Ce rituel a déjà commencé, mais il va maintenant entrer dans une phase décisive !".
Comme le dit si bien Adèle, et je ne la contredirai pas sur ce point : "Il y a des jours où on a intérêt à se coucher tôt !", d'autant plus que dans cette nouvelle aventure cela sent le roussi pour elle : "Cette fois, Adèle, je crois que tu es fichue.".

Toujours aussi drôle et tournant à la dérision bien des scènes et des personnages, ce deuxième tome est dans la continuité du premier et c'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé Adèle pour la suivre dans ses nouvelles aventures extraordinaires.
Ce nouveau volume amène de nouveaux personnages, comme l'actrice Clara Benhardt, jalouse d'Adèle, et quelques autres du précédent volume, comme des savants ayant perdu l'esprit.
A noter que les expériences bizarres continuent : après un ptérodactyle ramené à la vie, c'est au tour d'un Tarbosaurus, autant dire que cela promet pour le prochain volume.
Le lecteur en apprend également un peu plus sur la personnalité d'Adèle Blanc-Sec : outre son amour des bains pour réfléchir, la demoiselle fume et ne refuse pas un verre, elle a aussi des principes, comme celui d'être contre la peine de mort : "J'ai toujours été contre la peine de mort !", elle est également dotée d'un humour à toute épreuve et si elle a le chic de se fourrer dans des situations étranges elle bénéficie toujours d'une aide miraculeuse pour s'en sortir.
L'univers créé par Jacques Tardi, mélange de réel et d'imaginaire, est un véritable régal pour les yeux, tout comme son souci du détail pour faire revivre le Paris de 1911.
J'aime les touches d'humour qu'il distille dans son histoire, ses personnages inspirés de personnages ayant réellement existé ou bien les noms de famille sous forme de jeux de mots.

Si Notre-Dame de Paris avait Quasimodo créé par Victor Hugo, Jacques Tardi a quant à lui créé un démon pour la Tour Eiffel et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur qui se laisse une fois de plus entraîner par les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, une héroïne moderne et attachante à découvrir sans tarder.

samedi 12 octobre 2013

Adèle Blanc-Sec Tome 1 Adèle et la bête de Jacques Tardi


Dans ce premier épisode des AVENTURES EXTRAORDINAIRES D'ADÈLE BLANC-SEC, nous faisons connaissance avec la célèbre héroïne de Tardi. Dotée d'une personnalité hors du commun, Adèle nous entraîne dans un univers mystérieux (dans lequel Paris occupe une place de choix), peuplé de monstres et d'êtres étranges, qui fera le succès de cette série. (Casterman)

Adèle Blanc-Sec n'est pas une jeune femme ordinaire : elle sourit peu, il faut dire que les circonstances ne s'y prêtent pas, et puis elle est amenée à vivre des aventures extraordinaires, comme sauver de l'exécution un prisonnier avec l'aide de la machine mise au point par les Rabatjoie.
Pour cela, elle s'est entourée d'Albert et de Joseph, a kidnappé Edith Rabatjoie, mais malgré tout la chance n'est pas de son côté : "On tente de me livrer en pâture aux crocodiles. Joseph se fait défoncer le crâne et Albert me trahit, libérant Edith ma monnaie d'échange pour obtenir l'engin des Rabatjoie. Il est évident que je ne contrôle plus la situation ...".
Qu'importe ! Quand Adèle ne maîtrise plus la situation, elle se fait couler un bain pour réfléchir calmement.
Dans le même temps, Boutardieu, un scientifique doté de pouvoirs surnaturels, a réussi l'impensable : faire éclore un œuf de ptérodactyle au Muséum d'Histoire Naturelle du Jardin des Plantes de Paris.
Le petit hic, c'est qu'il contrôle à distance la bête par le seul biais de sa concentration, et que cela ne lui est pas toujours facile : "Ca me demande une concentration extrême, au-dessus de mes forces, pour garder le contrôle de son cerveau. Lorsque je le perds, il tue. C'est normal, il attaque tout ce qui bouge. C'est dans sa nature.".
Donc, nous avons d'un côté Adèle qui cherche à sauver un innocent de la mort, ses ex-complices qui tentent de la doubler pour mettre la main sur un trésor caché par le-dit innocent, et un ptérodactyle qui terrorise la belle ville de Paris, enfin plus pour très longtemps puisque le Président a ordonné que soit mis sur l'affaire la fine fleur de la police ainsi que Justin de St Hubert, un grand chasseur de fauves imbu de sa personne : "N'oublions pas que la tâche qui m'a été confiée est fort dangereuse. Le monstre semble féroce et je n'aurai assez de ma carabine à lunette chargée de balles explosives. Le monstre aura sa chance, moi de même. Messieurs, ce sera beau !".

Jacques Tardi ne se prend pas au sérieux dans son histoire et ce, pour le plus grand bonheur des lecteurs.
C'est peu crédible (la naissance d'un ptérodactyle), les mises en scène sont dignes du théâtre de boulevard, tout comme certaines répliques, quant aux dernières bulles elles s'adressent directement au lecteur en lui soumettant des questions et le mystère de l'album à venir, et c'est justement ce qui me plaît tant dans cette série.
C'est drôle, il y a de la dérision et parfois de l'ironie, Adèle Blanc-Sec est une héroïne très attachante qui a une propension inquiétante à côtoyer des criminels ou des savants plus ou moins fous, elle se laisse embarquer dans des histoires rocambolesques, ce qui lui permet par la suite de les écrire et de vivre ainsi de sa plume.
J'aime beaucoup le trait de crayon de Jacques Tardi de plus, ses histoires sont bien construites tant sur le plan narratif qu'historique.
Avec ces aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Jacques Tardi offre au lecteur un panorama de Paris en 1911, avec les lieux et les costumes d'époque, avec un souci du détail extrêmement plaisant.

"Adèle et la bête" est une entrée en matière relevée qui plante le décors et l'héroïne de cette série amusante et addictive créée par Jacques Tardi, dont j'ai, bien entendu, commencé à lire la suite.

jeudi 10 octobre 2013

La malédiction des colombes de Louise Erdrich


Depuis toujours, la petite ville de Pluto, Dakota du Nord, vit sous "la malédiction des colombes" : les oiseaux dévorent ses maigres récoltes comme le passé dévore le présent. Nous sommes en 1966 et le souvenir de quatre innocents lynchés cinquante ans auparavant hante toujours les esprits. En écoutant les récits de son grand-père indien qui fut témoin du drame, Evelina, une adolescente pleine d’insouciance, prend conscience de la réalité et de l’injustice… (Albin Michel)

Premier livre que je lisais dans le cadre du Challenge Romancières américaines que j'organise et énorme déception.
Pour tout dire, j'ai même arrêté de lire ce livre arrivée à sa moitié, j'ai fini par le feuilleter et lire les parties qui m'intéressaient le plus, cela m'arrive tellement peu souvent (une fois tous les 4/5 ans) que c'est à noter.
Je reproche à ce livre et à cette auteur ce qui partout ailleurs est mis en avant comme sa qualité : une chorale narrative, une multitude de voix pour raconter une histoire qui se déroule petit à petit.
D'ordinaire, j'aime assez ce principe, mais là, les voix narratives sont inégales et seule celle d'Evelina a su capter mon attention, un peu moins celle du juge, quant aux autres je les ai trouvées sans aucun intérêt.
L'histoire est trop emberlificotée : il est question au début du roman de la présence de colombes vécue comme une malédiction, voilà qui a éveillé ma curiosité, et bien il n'en est plus question pendant quelques centaines de pages et il faut attendre la fin du roman pour qu'il en soit de nouveau question; ensuite il y a la scène d'ouverture qui est mystérieuse et prenante, puis l'histoire du lynchage d'un jeune indien par d'autres hommes, apparemment en rapport avec cette scène d'ouverture, mais tout cela est d'un compliqué que les changements de voix de personnage et les aller-retour dans le passé n'aident pas à rendre plus clair pour le lecteur.
En fait, toutes les parties qui m'intéressaient réellement ne sont à chaque fois qu'effleurées et il faut attendre des pages et des pages pour apprendre la suite. J'aime bien le suspens, mais à dose raisonnable, ici cela a eu raison de ma patience.
Le traitement des Indiens est en filigrane de tout le roman, leur intégration dans la société ou bien leur rejet et l'incompréhension des autres personnes face à leur mode de vie et à leurs croyances, c'est un aspect intéressant bien que développé de façon succincte, mais c'est l'une des rares qualités de ce livre que je retiendrai.
Ils ont appris à vivre sans se soucier de ce que pensent les autres : "Tu crois que je me soucie de ce que pensent les gens ? Je ne me soucie pas de ce que pensent les gens !"
L'autre point positif, c'est le personnage d'Evelina qui est le seul à avoir su éveiller mon intérêt et dont le parcours de l'enfance à l'âge adulte est intéressant de suivre, tout comme l'évolution du personnage dont la santé mentale se dégrade : "Joseph me prend la main sans rien dire, ce qui est encore pire. Que votre frère vous prenne la main. Ça ressemble à une expérience vécue sur un lit de mort.", ainsi que son rapport aux autres et à son passé.
Pour le reste : trop brouillon, trop dispersé, pas assez ordonné, rien qui n'a réussi à me faire tenir pour achever sereinement cette lecture.

J'ai un goût d’amertume par rapport à cette lecture qui devait être ma première dans le cadre de ce challenge, je n'ai même pas l'impression d'un rendez-vous manqué mais plus celle d'une publicité mensongère sur cette auteur dont j'ai pu lire le plus grand bien un peu partout.
"La malédiction des colombes" marque-t-il une malédiction par rapport à Louise Erdrich et vais-je essayer de la vaincre ?
Seul l'avenir le dira et pour l'instant c'est clairement non.

Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines

mercredi 9 octobre 2013

Opération vent printanier - L'intégrale de Philippe Richelle et Pierre Wachs


16 et 17 juillet 1942 : sous le nom de code "Opération vent printanier", le gouvernement de Vichy organise une rafle à l'encontre des juifs dans un très grand nombre de villes de la zone occuppée. À paris, 9 000 policiers et gendarmes sous les ordres de René Bousquet arrêtent 13 000 personnes, dont 4 000 enfants que les nazis n'avaient pas formellement réclamés. La moitié d'entre eux est parquée dans un camp de Drancy, les autres au Vélodrome d'Hiver de la rue Nétalon. Quelques jours plus tard, ils seront convoyés vers les camps d'extermination. (France Loisirs)

"Opération vent printanier" est une bande dessinée qui porte mal son nom.
De la-dite opération, plus connue sous l'appellation de Rafle du Vel d'Hiv les 16 et 17 juillet 1942 à Paris et sa proche banlieue, il n'en est finalement que peu question et plutôt de manière elliptique.
"Chroniques de l'Occupation à Paris" aurait sans doute été un titre plus approprié.
Je m'attendais à une histoire centrée sur cette rafle, au final j'ai lu une histoire retraçant les années d'Occupation à Paris à travers le prisme de plusieurs personnages : Charlotte, une jeune parisienne faisant des études pour être dactylo et dont le père est policier, Lucien, un jeune homme juif qui s'occupera de sa petite sœur après l'arrestation de leur parent au cours de la Rafle du Vel d'Hiv, Walter, un jeune soldat allemand qui se liera d'amitié avec Charlotte au point de lui confier le secret qui le ronge et qui causera sa perte, et d'autres parisiens, qui choisissent de collaborer ou bien d'entrer dans la résistance.
Charlotte a l'insouciance de son âge et de la jeunesse, elle fait ses études, sort avec ses ami(e)s, croise le chemin de Walter avec qui elle se lie d'une amitié sincère les conduisant l'un et l'autre à se confier leurs secrets : "Elle ne peut pas concevoir qu'un garçon et une fille soient simplement de bons camarades. Comme je n'arrivais pas à la convaincre, j'ai failli lui dire que vous ... enfin ... mais je n'ai rien dit, rassurez-vous ...", et tombe amoureuse de Lucien dont elle sera séparée par les événements consécutifs à la Rafle : "Le problème, c'est que la seule idée que je pourrais ne plus le revoir me terrorise.".
Il y a donc les gentils, les méchants, et ceux qui restent neutres et se laissent porter par le courant.
C'est donc globalement gentil, d'autant plus que l'histoire met un peu de temps à se mettre en place et ne décolle réellement que dans la deuxième partie.
Outre le fait que la Rafle soit finalement si peu présente à l'image, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup d'ellipses narratives et que le temps passait finalement trop vite, ceci étant flagrant dans le deuxième volume qui s'empresse presque de s'achever et laisse quelque peu le lecteur sur sa fin.
Le scénario de Philippe Richelle n'est pas toujours bien exploité : certains événements sont passés sous silence alors que d'autres, comme le rôle des policiers dans la Rafle et le fait que certains aient prévenu des Juifs des rafles à venir : "Parmi nos collègues, un certain nombre ont obéi aveuglément. D'autres, comme votre père et moi, n'ont pas hésité à se mettre en porte-à-faux par rapport à leur hiérarchie pour sauver des innocents ... il en allait de la fierté de la police française, n'est-ce pas ?", sont mis en valeur.
Au final, je m'interroge si l'objectif de cette bande dessinée était de revenir sur le drame de la Rafle du Vel d'Hiv ou bien de mettre en avant le fait que certains policiers ont refusé l'obéissance passive aux ordres d'arrêter leurs concitoyens, ou alors les deux à la fois.
Quant aux enfants, il n'en est finalement que peu question et c'est regrettable, tout comme les quelques dernières lignes sur le devenir de Walter, laissant à penser que Charlotte a complètement oublié son ami et ne soucie même plus de son sort, ce qui n'est pas le cas du lecteur.
Les dessins de Pierre Wachs sont quant à eux réussis, j'ai particulièrement aimé le soin qu'il a apporté à montrer les vêtements et les coiffures d'époque, surtout chez les femmes.

"Opération vent printanier" n'est pas une bande dessinée révolutionnaire sur la Seconde Guerre Mondiale, elle se revendique de mettre en lumière la Rafle du Vel d'Hiv ce qui au final n'est pas si vrai, mais elle a le mérite de présenter une chronique de la vie sous l'Occupation à Paris qui n'est pas totalement dénuée d'intérêt.
A lire plus pour son histoire romancée que pour la grande Histoire qui ne sert que de toile de fond et qui n'apporte finalement pas de nouvelle(s) connaissance(s) au lecteur.

mardi 8 octobre 2013

Top Ten Tuesday #17


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 meilleures et/ou pires fins de séries

1) "Le retour du roi" de J.R.R Tolkien : une belle conclusion à cette trilogie ;
2) "La petite fille Bois-Caïman" de François Bourgeon : riche idée de l’auteur de refaire un nouveau cycle, la conclusion des "Passagers du vent" laissait un goût d’inachevé que vient combler ce dyptique ;
3) "Les larmes de Tlaloc" de Patrice Pellerin : la fin de ce premier cycle est très bien, mais pour une raison personnelle je l’ai trouvée frustrante, néanmoins, l’auteur a commencé un deuxième cycle donc j’attends de voir la suite ;
4) "Sophie ou la fin des combats" de Henri Troyat : c’est une très belle conclusion à la série romanesque "La Lumière des justes" qui apaise et permet à l’héroïne de revenir en quelque sorte au point de départ ;
5) "Les noisettes sauvages" de Robert Sabatier : bien qu’il ait écrit d’autres livres dans sa série "Le roman d’Olivier" je considère ce livre comme le dernier, les autres étant moins bons et moins intéressants ;
6) "La reine dans le palais des courants d’air" de Stieg Larsson : je ne vais peut-être pas me faire des ami(e)s, mais ce n’est pas plus mal que la série "Millenium" se termine ainsi, je trouve que le souffle commençait à retomber et la conclusion n’est pas trop mal ;
7) "Les vacances" de la Comtesse de Ségur : j’aime énormément cette conclusion et c’est mon récit préféré de la trilogie entamée avec "Les malheurs de Sophie" ;
8) "Hannibal" de Thomas Harris : la fin est dans un certain sens formidable et je me suis demandée tout au long de ma lecture si l’auteur allait oser : et bien oui ! A tous ceux que cette fin dérange … tant pis, je la trouve logique ;
9) "Breaking Dawn" de Stephenie Meyer : je ne l'ai pas encore lu, je me réserve la surprise de voir si c'est très bon ou très mauvais ou médiocre;
10) "Harry Potter et les reliques de la mort" de J. K Rowling : je ne l’ai pas encore lu, je fais durer le suspens pour voir si c’est tout bon ou tout mauvais.

dimanche 6 octobre 2013

Petite descente en librairie ce samedi



Ce samedi, j'ai fait une petite descente en librairie.
Il y a pire et moins inavouable me direz-vous, d'autant que j'avais (comme toujours) d'excellentes raisons d'y aller.

Tout a commencé il y a quelques jours en discutant avec une collègue de travail.
Je me suis rendue compte qu'elle n'avait pas lu certains livres que j'estime quasiment indispensables dans la vie de tous les jours (j'exagère sans doute un peu, ils ne permettent pas, notamment, de survivre seule(e) sur une île déserte), je lui ai donc proposé de faire un petit tour aux occasions chez Gibert afin de garnir sa bibliothèque.
Ca, c'était la première excuse.
La deuxième, c'est qu'il fallait que je me procure le livre du mois d'octobre pour le Club des lectrices.
Et puis tant qu'à faire, j'avais une petite liste de livres que je souhaitais lire, l'occasion faisant le larron ...

Résultat des courses (et tout d'occasion) :
- "Jeanne" de Jacqueline de Romilly pour le Club des Lectrices;
- "Le guépard" de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, pour le challenge Il Viaggio si j'ai le temps de le lire avant sa fin;
- "Monteriano" et "Howards End" d'E. M Forster, j'ai tellement aimé "Avec vue sur l'Arno" que je suis repartie avec deux livres de cet auteur, d'autant plus qu'il y en avait beaucoup d'occasions cette fois-ci;
- "Les fleurs de lune" de Jetta Carleton, je l'avais proposé au Club des lectrices pour la lecture d'octobre, il n'a pas été retenu mais le résumé me tentait beaucoup;
- "Mon Antonia" deWilla Cather, à lire pour le challenge que j'organise "Romancières américaines";
- "Un heureux évènement" de Flannery O'Connor, idem, pour le challenge "Romancières américaines";
- "Dexter revient !" de Jeff Lindsay, un an après avoir lu le premier tome, je me suis dit qu'il était temps de passer au deuxième.

Et l'énormissime surprise, celle à laquelle je ne m'attendais pas et à laquelle je ne croyais plus ... (roulement de tambours) ...
- "L'épervier - Intégrale du premier cycle" de Patrice Pellerin

Je n'ai pas hurlé comme une hystérique (mais j'aurais pu), honnêtement j'ai regardé sans m'attendre à quoi que ce soit, ça a été le coup de chance incroyable.
Pour tout dire, je cherchais cette intégrale depuis plus d'un an, je l'avais commandée dans une grande enseigne mais ma commande avait été annulée pour cause de rupture d'édition, j'avais dû me batailler plus de six mois pour récupérer l'argent de ma commande, j'avais écrit à la maison d'édition pour demander si une nouvelle ré-édition était envisageable, ma demande était restée lettre morte, j'avais quasiment fait une croix sur la possibilité de la trouver.
L'édition est certes d'occasion mais elle n'est pas abîmée et ne donne pas l'impression d'avoir été lue et relue.
Autant vous dire que depuis hier elle ne me quitte plus, je n'ai quand même pas été jusqu'à dormir avec mais j'aurais pu (remarquez, j'ai dormi cette nuit avec le tome 1 d'Adèle Blanc-Sec à côté de moi, pas terrible de se réveiller avec un ptérodactyle près de l'oreiller).

Ayant fait récemment baisser ma PAL j'ai estimé avoir droit à un petit plaisir, il ne me reste plus qu'à lire tous ces livres et je trouve que j'ai été raisonnable (je ne mérite sans doute pas une médaille mais ça aurait pu être pire).
Je vais tâcher de faire baisser ma PAL avant les prochains achats.
Deux déceptions : je souhaitais trouver d'occasion "Les années douces" d'Hiromi Kawakami, il y en avait une pile mais aucun d'occasion, idem pour "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" d'Harper Lee.
Pour une prochaine fois sans doute !
Au passage, j'inaugure un nouveau logo : "Mes descentes en librairie", qui me servira à illustrer mes achats futurs.

Sur ce, je vais retrouver Yann de Kermeur et m'assurer qu'il n'a pas pris le large sans moi.

Légendes d'automne de Jim Harrison


Au fil de ces trois novelas puissantes et sauvages, Jim Harrison compose une tragédie moderne ou la violence, la rédemption et l'amour vibrent à chaque page. De Cochran, l'ancien militaire laissé pour mort, à Tristan Ludlow, parti pour le front de 1914, la vengeance, immuable, est au cœur de leur destin. (10/18)

J'ai lu "Légendes d'automne" de Jim Harrison pour galoper sur un cheval les cheveux au vent avec Brad Pitt, ou dit plus sérieusement, pour découvrir Jim Harrison et la nouvelle à l'origine de ce très beau film.
Elle se mérite cette nouvelle, il faut d'abord lire la sombre mais belle "Une vengeance ..." et "L'homme qui abandonna son nom".
Un point commun entre ces trois nouvelles : la vengeance.
Parce qu'il aime la femme qui ne fallait pas, Cochran en paie le prix fort, tout comme l'objet de son désir.
Mais celui qui est laissé pour mort est finalement bien vivant et n'a plus qu'une idée en tête : se venger et retrouver la femme qu'il aime : "Sa détresse était celle d'un homme qui se laisse entraîner par sa passion aux plus profondes limites de l'être et qui sait qu'un voyage de retour est très improbable.".
Recueilli, soigné, le voilà prêt à reprendre la route : "Je vous souhaite d'échapper à vos ennemis et de trouver votre vengeance, si c'est cela que vous désirez.".
Cette histoire m'a énormément touchée, par son coté sombre et violent, mais également par la forme de beauté qui s'en dégage.
L'écriture de Jim Harrison est simple, précise, nette, et ne rend cette histoire que plus percutante.
C'est d'ailleurs une caractéristique que j'ai ressentie tout au long de ma lecture de ce livre.
Je ne m'attarderai pas trop sur la deuxième nouvelle, je n'ai pas accroché à l'histoire et au personnage, je l'ai trouvée plus fade que la première et sans grand intérêt, d'ailleurs son personnage principal fait également des découvertes sur lui et sur le monde en général qui ne présentent pas non plus un grand intérêt : "Assis sur la souche et pliant sous le poids de son deuil auquel s'ajoutait la mort imminente de cette voûte de feuilles déjà roussies, il comprit confusément que la vie n'était rien d'autre qu'une accumulation d'actes quotidiens et sans cesse répétés.".
Ou alors je suis passée à côté de quelque chose sans m'en rendre compte.
Quant à "Légendes d'automne", c'est une nouvelle d'une beauté troublante, tenue par le personnage de Tristan, un homme sauvage et proche de la nature qui connut dans sa vie des moments d'intense bonheur et à l'inverse, d'intense malheur
Il n'est pas facile de pénétrer dans le cœur de Tristan, Susannah pense y avoir réussi mais elle apprendra à ses dépens qu'il n'en est rien, et c'est la jeune et quelque peu sauvage Isabel II qui y réussira et partagera durant sept ans la vie de Tristan : "Ils dormirent enlacés l'un à l'autre et toute solitude disparut enfin de la terre.".
"Il y a peu de choses à dire au sujet du bonheur; il se contente d'être lui-même, placide, presque somnolent.", mais il y a beaucoup à dire du malheur et c'est presque ce qui se dégage le plus de cette nouvelle et qui viendra toucher si durement Tristan plusieurs fois dans sa vie : "Les anciens qui vivent toujours dans la région se demandent encore aujourd'hui si c'est l'alcool, la prison, le désespoir ou simplement l'avidité qui firent basculer Tristan hors des lois.".
L'amour y est présent à bien des niveaux : celui d'un père pour ses enfants, celui de trois frères, celui envers la nature et plus particulièrement le Montana, au cœur de cette nouvelle, celui d'hommes envers des femmes mais des amours qui ne sont pas toujours payés en retour.
Il est difficile de rester hermétique au personnage de Tristan ainsi qu'à la puissance de cette histoire, c'est sans nul doute celle qui m'a le plus touchée et transportée et si je devais lui faire un tout petit reproche, cela serait d'être trop elliptique à un moment donné.
Avec le recul, le film qui en a été tiré a su garder l'esprit et le côté sauvage de l'histoire et est donc à ce titre une réussite qui se regarde aussi bien avant ou après cette lecture.

Les trois histoires du recueil "Légendes d'automne" ne sont pas réellement des nouvelles mais plus des courts romans contenant une urgence de vie et une explosion de mots qui donnent un rythme effréné au récit et une certaine forme de brutalité qui secoue le lecteur mais dans le bon sens du terme.
L'écriture de Jim Harrison est vivante et passionnée et transporte le lecteur de la même façon, une très belle découverte qui ne peut laisser personne indifférent.

Blue Jasmine de Woody Allen



Alors qu’elle voit sa vie voler en éclat et son mariage avec Hal, un homme d’affaire fortuné, battre sérieusement de l’aile, Jasmine quitte son New York raffiné et mondain pour San Francisco et s’installe dans le modeste appartement de sa soeur Ginger afin de remettre de l’ordre dans sa vie. (AlloCiné)



Jasmine n'est pas une timide, il suffit que tu te trouves à côté d'elle pour qu'elle te raconte sa vie dans un long, très long, monologue.
Elle te racontera comment elle a rencontré son mari sur la chanson "Blue Moon", comment ils se sont aimés, comment ils ont vécu dans le luxe et l'opulence dans la rue la plus chic de New York dans un superbe appartement choisi rien que pour lui plaire, comment elle allait de cocktails en cocktails, de soirées mondaines en soirées mondaines, et puis aussi comment tout a fini par partir en sucette, ce qui explique pourquoi aujourd'hui elle débarque à San Francisco pour retrouver sa sœur et recommencer une nouvelle vie.
Dès les premières images le doute n'est pas possible : Jasmine est complètement barrée, paumée, dépressive, bref, elle est au bout du rouleau et ce n'est pas une nouvelle vie à San Francisco qui va y faire quelque chose.



Le personnage de Jasmine, outre qu'il soit central, est complexe et son interprétation n'en était que plus difficile.
Jasmine est une mythomane : elle a changé de prénom, elle ment énormément, mais elle est aussi dépressive, paumée, elle parle toute seule, elle se bourre de médicaments, elle est ruinée mais se promène avec des vêtements de grand couturier; c'est une femme pour qui l'apparence compte énormément et qui cherche à tout prix à garder la face, une femme faite de contraires qui n'arrivent pas à vivre ensemble dans son corps et dans son esprit.
La relation avec sa soeur Ginger est également très intéressante à étudier.
Elles sont diamétralement opposées, adoptées toutes les deux Jasmine a toujours été la préférée car elle est lumineuse et attire les personnes vers elle, contrairement à Ginger qui a vécu dans son ombre et qui, tant que Jasmine avait de l'argent, ne comptait pas à ses yeux.
Jasmine reproche également à Ginger de ne pas se choisir un homme digne d'elle, qui la tire vers le haut plutôt que vers le bas.
Autant dire que si Ginger voit la venue de sa sœur comme une chance de se réconcilier avec, Jasmine le voit plutôt comme un tremplin pour sa nouvelle vie et entraîne sa sœur avec elle dans sa quête de l'homme parfait.



Le thème de la fraternité n'est pas une nouveauté chez Woody Allen, ce qui l'est moins, c'est que depuis quelques temps le réalisateur délaisse son New York fétiche pour venir en Europe.
Ici, il revient à New York, mais de façons épisodiques, pour se consacrer à San Francisco.
Si l'opposition entre les deux sœurs est nette, il en va de même entre ces deux villes.
L'une respire le chic, l'argent, l'opulence, la réussite, l'autre est un mélange de styles où le riche côtoie le pauvre, où les années hippies ne sont jamais très loin.
Que Jasmine finisse par s'y fondre, cela n'est pas une réelle surprise, elle a une capacité d'adaptation élevée (en grande partie grâce à sa façon de mentir pour tout), mais comme à New York sa chute ne surprend pas non plus.



Woody Allen a filmé de très près sa Jasmine : beaucoup de plans rapprochés, une focalisation importante sur son visage mais également sur sa tenue et son allure générale, d'une classe irréprochable.
Il a su montrer la décadence de cette femme de façon flagrante : tout se dégrade chez Jasmine, son état mental mais également son physique : elle finit le cheveu gras, non coiffée, mal habillée, le visage fatigué et chiffonné, très loin des premières images que le spectateur a pu voir de cette femme.
Ce personnage féminin est extrêmement intéressant, et Cate Blanchette non seulement l'interprète à merveille mais porte également le film à elle toute seule.
Je n'ai jamais douté du talent de Cate Blanchett, mais il explose littéralement dans ce film et dans la mise en scène de Woody Allen qui lui offre sans doute le rôle le plus complexe de sa carrière.
Je pense que même si l'on n'aime pas le travail de Woody Allen, ce film vaut d'être vu pour le jeu sans faute de Cate Blanchett qui, je l'espère, sera récompensée.
Et puis, en musique d'ambiance il y a le jazz, style musical cher au cœur de Woody Allen qui rehausse encore plus le film.



Je ne vais pas vous dire que "Blue Jasmine" est "le meilleur film de Woody Allen depuis ...", je me contenterai de vous dire que "Blue Jasmine" est un excellent film retraçant la vie d'une femme complètement paumée, alternant entre passé et présent, servi par un casting sans faute et une Cate Blanchett époustouflante, et dont il serait regrettable de passer à côté.
A voir de toute urgence.