samedi 31 octobre 2015

1945 de Keiko Ichiguchi


Nous sommes en automne 1939, dans la ville allemande d’Offendorf. Elen et Maximilian deux jeunes étudiants, frère et soeur, refusent de se joindre aux organisations nazies, plus par manque de motivation personnelle que par conviction politique. Elen qui a fait brièvement la connaissance d’Alex quelques années auparavant, le croise à nouveau et ils tombent amoureux. Mais comment s’aimer quand l’Histoire bouleverse votre quotidien ? Le manga se refermera sur l’année 1945 qui scellera à jamais le destin des personnages et de l’Europe ! (Kana)

Trouver un manga qui traite de la Seconde Guerre Mondiale ce n'est pas surprenant, ce qui l'est plus, c'est qu'il ne traite pas de l'histoire du Japon mais à la place du destin de trois jeunes gens dans l'Allemagne de 1939 à 1945.
Elen et Maximilian sont frère et sœur, étudiants dans cette Allemagne qui plonge dans la guerre et l"idéologie nazie, mais ils s'y refusent, dans un premier temps par manque de motivation personnelle et dans un second temps par idéologie politique.
Il y a quelques années, Elen a fait la rencontre d'Alex, elle va le recroiser par hasard et tous les deux vont tomber amoureux l'un de l'autre.
Mais Alex est rongé intérieurement par la perte de ses parents, il soutient l'idéologie nazie et s'engage, ne trouvant du réconfort qu'auprès d'Elen : "Quand je suis avec toi, j'arrive à oublier toutes mes idées noires." .
Tous les deux vivent une parenthèse enchantée : "Ce serait tellement bien si on pouvait rester comme ça pour toujours !", juste avant le déclenchement de la guerre qui va les éloigner l'un de l'autre avant de les rapprocher, jusqu'au dénouement final.

J'ai été touchée par cette histoire et par le destin de ces trois personnages qui rien ne prédestinait à se rencontrer.
Elen et Alex n'ont pas beaucoup de choses en commun, elle est autant lumineuse que loin est sombre, pourtant ces deux-là s'attirent et vivent une forte histoire d'amour.
Peut-être que les événements y sont pour quelque chose et contribuent à amplifier leurs sentiments, peut-être aussi que dans une autre époque ils auraient été faits pour se rencontrer et vivre pleinement leur histoire.
Car il est illusoire de s'attendre à une fin heureuse, à aucun moment je n'ai espéré car ces trois personnages sont emmenés très loin, trop loin, par leurs convictions.
Max dans un premier temps va se lancer dans la résistance Allemande, bientôt rejoint par Elen, là aussi c'est un contexte historique peu abordé dans la littérature.
Quand on a lu "Seul dans Berlin", on sait qu'il n'y a pas d'issue heureuse pour les Allemands qui ont résisté et dénoncé le régime nazi.
Et puis par le biais de la guerre, Max va aussi croiser le chemin d'Alex qui se confiera à lui. Il a toujours les mêmes convictions, mais après avoir vécu la bataille de Stalingrad il se pose des questions, il croit toujours à l'idéal prôné par les nazis, un monde sans Juifs, mais il sait aussi qu'il est allé trop loin et qu'il ne pourra plus revenir : "J'ai l'impression d'être un objet. Le führer pense que les Juifs sont inférieurs aux hommes. Et je suis d'accord avec lui. Pourtant je suis le premier à devenir de moins en moins "homme". Je ne suis plus humain.".
J'aime la dualité de ce personnage, gardant ses convictions, qu'on les partage ou non, mais se rendant aussi compte qu'il a vendu son âme au diable et que pour lui non plus il n'y a pas de salut possible.
C'est une histoire à la fois belle et sombre qui est contée ici, pour laquelle Keiko Ichiguchi a fait des recherches historiques et s'est inspirée de personnes ayant réellement existé, les Scholl.
Passée l'étonnement de la lecture dans un sens différent de l'ordinaire et de voir le graphisme typiquement Japonais des mangas, j'ai dévoré cette histoire d'une seule traite.
Et ce fut une belle découverte.

"1945" de Keiko Ichiguchi est un très beau et émouvant manga traitant du destin de trois jeunes gens dans l'Allemagne de 1939 à 1945, une belle surprise piochée au hasard d'une bibliothèque que j'avais envie de vous faire partager.

mardi 27 octobre 2015

Top Ten Tuesday #124


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 auteurs qui prennent le plus de place dans votre bibliothèque

1) Daphné du Maurier
2) Les sœurs Brontë
3) Herbjørg Wassmo
4) J.R.R Tolkien
5) J.K Rowling
6) Guy de Maupassant
7) Irène Frain
8) Douglas Preston et Lincoln Child
9) Jean-Christophe Grangé
10) John Grisham

lundi 26 octobre 2015

Quand ma bibliothèque organise une braderie de livres au profit du Secours Populaire

J'avais dit que cette année je n'achetais pas de livres, et jusqu'à présent j'avais parfaitement tenu ma résolution, mais c'était sans compter sur ma bibliothèque municipale.
Début octobre a eu lieu une braderie de livres usagés (le fameux "désherbage") au profit du Secours Populaire.
Le choix était vaste et les prix attractifs (50 cts le petit format, 1 euro le grand format ou la bande dessinée).
Résultat, pour 14 euros je suis repartie avec 18 livres.
Et non, ceci n'entre pas dans catégorie "Achats", c'est pour la bonne cause ça ne compte donc pas (et oui, j'arrange les règles à ma façon !).

Voici un aperçu de mes emplettes.





Quelques précisions : 
- J'ai acheté le Kirk Douglas car j'ai lu ce livre il y a des années (pour la raison que j'avais travaillé un passage en cours d'anglais et que le résumé de la prof m'avait plu. Ce qui m'avait moins plu par contre, c'est que cette stupide prof balance la fin du roman, autant dire qu'elle est passée par tous les noms. Hormis attirer mon attention sur ce livre, c'est d'ailleurs la seule chose bien qu'elle ait de toute l'année scolaire, pour le reste elle en était encore à fonctionner aux exercices à trou en terminale, heureusement qu'elle était enceinte et qu'elle n'a fait que 3 mois de l'année scolaire), depuis j'y pense régulièrement et même si ce n'est pas un chef-d'oeuvre, au moins je l'ai sous la main pour le relire.
- J'ai vérifié que "Mary la noire" et "Rapaces" soient des séries complètes, ce qui est le cas, si je ne connais pas la première le nom de la deuxième ne m'ait pas inconnu.
- J'ai déjà lu ces deux tomes d' "Earl & Mooch" mais j'ai tellement rigolé que je les ai pris, ne serait-ce que parce que ces bandes dessinées sont aujourd'hui difficiles à trouver dans le commerce.
- A une exception près (Meyer Levin, mais je me suis dit que les éditions Phébus étaient une valeur sûre), je connais les auteurs achetés, j'ai préféré ne pas prendre de risque et choisir des valeurs "sûres" et/ou connues par d'autres lectures passées.

La terrible question de la place sur les étagères de la bibliothèque se pose désormais, mais je ne m'inquiète pas, je vais trouver une solution !
En tout cas c'était une bonne initiative pour une bonne cause, il y avait du monde et tout type de littérature (y compris pour la jeunesse et les beaux livres), j'espère que ma bibliothèque remettra ça l'année prochaine ! 

dimanche 25 octobre 2015

Sauvage - Biographie de Marie-Angélique le Blanc 1712-1775 de Gaëlle Hersent, Aurélie Bévière et Jean-David Morvan


1720. Âgée de huit ans, une petite fille, partie du Canada, fuit l'esclavage. Arrivée à Marseille, après avoir subi viols et brimades, elle se réfugie dans les forêts de Champagne. Ainsi débutent dix années d'errance jusqu'à sa capture et sa progressive réhabilitation. Mêlant nature et culture, bestialité et aristocratie, violences et douceurs, cet album de contrastes raconte l'histoire extraordinaire de Marie-Angélique, l'enfant sauvage. (Delcourt)

Marie-Angélique Memmie le Blanc, Amérindienne devenue religieuse augustine et figure marquante du Siècle des Lumières après avoir été pendant plusieurs années une enfant sauvage, a connu une certaine notoriété durant sa vie et a fait l'objet d'une abondante documentation.
Considérée par le philosophe Écossais James Burnett qui la rencontre en 1765 comme "le personnage le plus extraordinaire de son temps", cette femme est tombée dans l'oubli aux 19ème et 20ème siècles.
Détrônée par d'autres cas d'enfants sauvages qui ont depuis lors été démontrés comme faux, elle n'en demeure pas moins le seul cas d'enfant sauvage réellement avéré qui après avoir vécu dix ans en forêt sans utiliser de langage articulé a pu se ré-acclimater, après de nombreuses difficultés, à la vie civile et apprendre à lire et à écrire, ce qui en fait un cas unique.
C'est à ce personnage au destin si particulier qu'ont décidé de consacrer un roman graphique Gaëlle Hersent, la dessinatrice, Aurélie Bévière et Jean-David Morvan, les scénaristes.

Je ne connaissais absolument pas l'existence de Marie-Angélique le Blanc avant d'ouvrir ce roman graphique sur lequel j'avais lu un article élogieux dans un magasine.
Aujourd'hui, j'en sais plus ce personnage qui a connu une certaine notoriété à l'époque des Lumières, notamment parce qu'elle tenait salon chez elle, et qui a eu une vie tout simplement fascinante : Amérindienne arrachée à son pays, une traversée en mer pour arriver à Marseille en pleine épidémie de peste noire, la fuite d'un patron l'ayant vraisemblablement abusée sexuellement avec une compagne Noire, la vie en forêt avec celle-ci pendant 10 ans puis le retour à la civilisation à Songy, l'éducation religieuse, la découverte du Seigneur et de la Vierge Marie, la vocation de religieuse, puis la femme instruite tenant salon chez elle, publiant son histoire et partageant son immense savoir des plantes avec autrui, et enfin cette femme recluse chez elle, ne cessant de déménager parce qu'elle a peur de se replonger dans son passé et d'affronter un acte qu'elle pense avoir commis.
Marie-Angélique est passée de l'ombre à la lumière avant de retourner dans l'ombre et de sombrer pendant plusieurs décennies dans l'oubli.
J'ai été touchée par l'histoire de cette femme, à la fois par la cruauté qui s'en dégage mais aussi par le sublime : "C'est incroyable qu'une sauvagesse ait pu apprendre si vite à lire et à écrire !".
J'ai été intriguée par bien des aspects de cette personne, notamment son aversion pour toute nourriture cuite qui perdurera pendant plusieurs années après son retour à la vie dite civilisée : "Effectivement le pain la fait vomir et elle mange surtout de la viande crue mais jamais des humains !", mais surtout par le regard qu'elle porte sur elle-même plusieurs années après et la justesse d'analyse qu'elle fait de son vécu passé : "Je ne pense pas que seul mon corps s'était adapté au mode de vie sauvage. C'est tout mon esprit qui était alors dans un état animal.".
Il est tout simplement incroyable qu'elle ait pu se réadapter ainsi à la vie, apprendre à lire et à écrire, et finir par devenir une femme très instruite pour son époque, mais aussi très libre, car bien peu de femmes pouvaient se vanter au 18ème siècle d'habiter seule chez elle.
Cette histoire vraie a donc été une révélation et a contribué pour beaucoup au plaisir que j'ai pris à lire ce roman graphique.
Mais au-delà de l'histoire, il y a également le graphisme qui joue un rôle important.
J'ai apprécié les contrastes que l'on y trouve, particulièrement dans le choix des couleurs, et le mouvement qui est donné à Marie-Angélique lorsque celle-ci retourner à la nature.
La nature et l'ambiance feutrée des salons sont en constante opposition, tout comme la violence de Marie-Angélique sauvage et la douceur de Marie-Angélique femme instruite.
Il y a certaines illustrations assez violentes par leur côté cru, la couverture en est un bel exemple, les auteurs n'ayant pas hésité à reproduire l'aspect bestial et animal de Marie-Angélique lorsqu'elle est dans sa période de vie sauvage; tandis que d'autres sont très royales et aristocrates.
En somme, il y a autant de contrastes à l'image qu'il y en a eu réellement dans la vie de Marie-Angélique le Blanc.
Là où je suis un peu plus partagée, c'est sur le dessin en lui-même.
Si j'aime l'aspect aquarelle du roman je suis un peu moins enthousiaste sur les traits des personnages, un peu trop simplistes à mon goût.
C'est bien le seul point que je reproche à ce roman graphique qui reste par ailleurs très intéressant à lire.

"Sauvage" a été une véritable découverte, ne serait-ce que pour le personnage de Marie-Angélique le  Blanc qu'il contribue à mettre en lumière.
Un roman graphique à la fois beau et cruel à découvrir pour tou(te)s les féru(e)s et curieu(ses)x de faits divers historiques.

Père et fils de Larry Brown


Après trois ans derrière les barreaux, Glen sort tout juste de prison. Il rentre chez lui, dans ce Sud écrasé par la chaleur où son père, son frère, sa petite amie et le fils qu’elle a eu de lui, l’attendent. Quarante-huit heures plus tard, Glen a déjà commis un double meurtre. Aucun indice ne peut mener jusqu’à lui. Mais tout va conduire à faire rejaillir à la surface les secrets enfouis depuis deux générations, les démons qui hantent les âmes en peine de cette famille aux prises avec son destin. (Gallmeister)

Parfois, certaines personnes feraient mieux de rester derrière les barreaux, ou de ne jamais revenir chez eux.
Parce que tout ce qu'ils savent faire, c'est le mal, le désespoir, la violence sur les personnes qu'ils disent aimer et qui elles, les aiment sincèrement.
C'est le cas de Glen que trois années en prison n'ont pas assagi, loin de là.
Il rentre chez lui, dans le Sud, répond méchamment à son frère, refuse quasiment de voir son père Virgil, refuse d'écouter ce qu'a à lui dire Jewel, sa petite amie, qui a eu de lui un petit garçon qu'elle élève seule.
Et ça, ce n'est que le début, car pas plus tard que quarante-huit heures après être revenu, il a déjà commis un double meurtre, mais pour lesquels les indices sont minces et ne peuvent le conduire jusqu'à lui.

Glen est un salopard, il n'y a pas d'autre mot pour le désigner.
C'est un personnage détestable ne provoquant aucun sentiment d'empathie chez le lecteur et qui paradoxalement ne peut pas non plus s'en faire détester.
Sans doute parce que l'auteur a pris soin de travailler la psychologie de ce personnage dans le détail.
Il est détestable dans ses paroles et ses actes, il a un gros problème mental remontant à l'enfance, il souffre d'un sentiment de persécution : "Il fallait qu'il y ait toujours quelqu'un qui vienne lui faire des crasses et il en avait marre. Il en avait jusque-là ! Il ne pouvait quand même pas laisser les gens le piétiner !", de non compréhension de la part d'autrui, et s'imagine être le seul à détenir la vérité : "Toute sa vie il n'avait eu autour de lui qu'une sinistre bande de salopards.", enfin la sienne.
Si je n'ai pas apprécié ce personnage pour son attitude, je ne l'ai pas pour autant détesté, ce qui est une réussite de la part de l'auteur car tout était réuni pour me le rendre insupportable, et par ricochet ma lecture.
Son attitude envers Jewel est plus que pitoyable : content de la revoir et de pouvoir re-coucher avec elle, il refuse d'accorder ne serait-ce qu'un regard à l'enfant qui est pourtant de lui.
Et bien entendu, pas question qu'il l'épouse ou quoi que ce soit d'autre, il n'envisage que de l'utiliser pour son bon plaisir, sauf que Jewel a changé et que sa vie personnelle n'est plus tout à fait pareille, mais même ça, Glen en prend ombrage : "Il comprenait à présent ce qu'elle avait voulu lui faire savoir quand elle lui avait dit au café que les choses avaient changé. Sans doute voulait-elle dire qu'elles avaient changé pour elle, seulement, parce que chez lui il y avait longtemps que son cœur s'assombrissait et durcissait dans sa poitrine.".
Il est comme il est, c'est même le cœur de l'histoire de la relation qu'il entretient avec son père, dans la vie réelle je ne pourrai pas supporter un tel individu, mais en littérature et de la façon dont Larry Brown le traite cela passe sans souci.
Le père, Virgil, est lui aussi intéressant à étudier et à regarder évoluer. Il sait comment est son fils, il ne cesse de le dire, pourtant personne ne semble vraiment l'écouter et malgré une attitude lasse, voire même il a baissé les bras et a fini de croire qu'il y avait quelque chose de bon à tirer de son fils, il souffre de toute cette situation : "De toute façon, personne ne l'écoutait, personne ne l'avait jamais écouté. Tout cela était aussi dur pour lui que pour eux. Peut-être même plus dur.".
C'est un roman à la fois lent, contemplatif, avec de l'action et de la violence, un mélange plutôt détonnant et qui s'accorde pourtant à merveille.
L'ambiance du Sud des Etats-Unis est très présente, il y a ici toute sa chaleur, sa lourdeur et un relent de racisme.
Qu'importe qu'il y ait des meurtres et que le lecteur ne sache pas le fin mot de l'histoire, ce qui compte ici, ce sont les personnages : aucun n'est parfait, ils ont tous quelque chose de plus ou moins important sur la conscience, ils font comme ils peuvent pour accorder leur vie à leurs idéaux, ce sont des êtres humains tout simplement.
Et quelle belle surprise de découvrir à la fin une lueur d'espoir parmi tant de noirceur.

"Père et fils" de Larry Brown est une oeuvre noire dans la veine des auteurs du Sud des Etats-Unis, une très belle découverte pour ma part que je ne peux que vous conseiller.

Je remercie Babelio et les Editions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

vendredi 23 octobre 2015

Marguerite de Xavier Giannoli



Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions. Tout se complique le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra. (AlloCiné)


Peut-être est-ce parce que j’avais vu deux films forts et choquants auparavant, ou peut-être est-ce pour une toute autre raison, il n’en demeure pas moins que si j’ai bien aimé "Marguerite" je n’irai pas crier au chef-d’œuvre, ni même au film de l’année, ni même au coup de cœur.


Marguerite Dumont (Catherine Frot) est une femme fortunée, férue d’opéra, n’hésitant pas à s’investir dans de bonnes causes et à pousser l’opérette à l’occasion devant son cercle d’amis.
Mais voilà, elle chante horriblement et tragiquement faux, et personne n’a jamais osé le lui dire, pas même son mari (André Marcon).
Surtout pas son mari.
Il est sûr que les scènes chantées font sourire le spectateur, voire même rire, mais je n’ai pas vu la moindre trace de comédie dans ce film mais uniquement son côté dramatique.
Et c’est sans doute ce second niveau de lecture qui m’a le plus touchée.
Marguerite est une femme frivole, en quelque sorte car j’ai dans l’idée qu’elle se montre aussi comme elle sait être perçue, n’hésitant pas à déclarer à un artiste sans le sou la phrase clé du film : "L’argent n’a pas d’importance, mais ce qui est important c’est d’en avoir.", mais qui cache derrière cette apparente frivolité une grande douleur, un énorme manque qu’elle tente vainement de combler par la musique et le chant.
Le personnage de Marguerite a été inspiré par Florence Foster Jenkins, mais le réalisateur l’annonce sans ambigüité : il ne s’agit pas d’un biopic.
Et je suis d’accord avec lui là-dessus.


Malgré un petit quelque chose qui me chiffonne et que je n’arrive pas à formuler clairement, je reconnais qu’il y a des choses très intéressantes dans ce film, à commencer par une reconstitution remarquable des années 20 et un traitement de l’image au rendu excellent, pas tout à fait sépia mais un peu ancien, c’est brillant et cela s’accorde à merveille avec l’époque à laquelle se situe l’histoire.
D’ailleurs il y a un jeu avec la photographie et le traitement de l’image pendant tout le film.
C’est un parallèle qui m’a intéressée, j’ai trouvé vraiment malin de la part du réalisateur d’avoir joué sur ces deux tableaux.
Outre l’interprétation magistrale de Catherine Frot, qui porte le film à elle tout seule, il faut bien le reconnaître, j’ai aussi trouvé qu’il y avait d’excellents seconds rôles assez bien exploités dans le déroulement du scénario.
Mais le jeu de Catherine Frot, c’est quelque chose.
Elle m’a touchée cette femme qui se perd dans la musique, s’imagine une capacité à interpréter les airs d’opéra qu’elle apprécie le plus, et qui travaille pour y arriver, comme une forcenée ; et qui derrière tout cela cherche désespérément à attirer l’attention de son mari qui l’évite et lui préfère sa maîtresse, l’une des amies de Marguerite d’ailleurs et qui lui fait remarquer qu’elle fait tout cela pour attirer son attention.
Alors oui, j’ai aimé cette valse des faux-semblants, cette comédie jouée par chacun des personnages gravitant autour de Marguerite, à aucun moment je n’ai pu m’empêcher de voir le drame sous-jacent, mais il y a ce petit quelque chose sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt dessus qui me laisse un arrière-goût mitigé face à ce film, un peu comme devant "Quand j’étais chanteur" finalement, du même Xavier Giannoli.
Elle est peut-être là la clé, c’est le réalisateur qui ne me convainc jamais totalement ni ne me fait adhérer à ces histoires.



Avec "Marguerite" de Xavier Giannoli l’opéra des non-dits est un drame se jouant en cinq actes, à voir surtout pour l’excellente interprétation qu’y livre Catherine Frot, de retour sur les écrans après deux années d’absence.

mercredi 21 octobre 2015

Much Loved de Nabil Ayouch



Marrakech, aujourd'hui. Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent d'amours tarifées. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Vivantes et complices, dignes et émancipées, elles surmontent au quotidien la violence d’une société qui les utilise tout en les condamnant. (AlloCiné)


Rien que le fait de savoir qu’une fatwa a été émise sur le film et qu’un appel à tuer le cinéaste et son actrice principale a été lancé sur internet ont suffi à me convaincre d’aller voir "Much Loved", rien que pour faire la nique à ces personnes mal intentionnées et fermées d’esprit.
Je m’attendais à un film dépeignant le quotidien de prostituées au Maroc, mais m’attendais-je réellement à voir ce que j’ai vu à l’écran ?
Non, je ne pouvais pas prévoir que les images me marqueraient autant, tout comme ces femmes.
Qu’elles sont belles ces quatre femmes qui évoluent à l’écran, qu’elles sont fortes, qu’elles sont solidaires entre elles, qu’elles sont combattantes, qu’elles sont courageuses.
Du courage, il en a déjà fallu (et il lui en faut encore) au réalisateur, pour oser aborder le thème de la prostitution dans un pays Arabe, et pour cela de se renseigner, de recueillir des témoignages pendant plusieurs mois.
Du courage, il en faut aussi pour les quatre actrices principales du film, et également à leurs personnages.
Le propos principal du film repose sur l’antagonisme de la société Marocaine : elle cache ces femmes qui vivent d’amours tarifées tout en les utilisant.
Le point d’orgue de ce propos est centralisé dans le personnage de la mère de Noha, qui ne crache pas sur l’argent que lui ramène sa fille en sachant pertinemment d’où il vient et qui finit par lui demander de ne plus venir car ça parle dans tout le quartier de la vie que mène sa fille.


Clairement, je ne suis pas ressortie indemne de ce film, ce que j’ai vu m’a à la fois dégoûtée et fascinée.
Dégoûtée, parce que je n’ai cessé de voir des femmes se déhancher, se rabaisser, s’humilier, se transformer en objets de fantasme pour assouvir les désirs d’hommes qui pensent que tout s’achète avec de l’argent.
Fascinée, parce que malgré tout cela et alors qu’elles pourraient baisser les bras, il règne entre elles une amitié et une solidarité rares, elles se battent tous les jours contre une société qui les utilise tout en les condamnant et elles s’en sortent admirablement bien.
Personne n’est vraiment épargné dans ce film, pas même les Européens, et surtout pas les hommes.
Mais au-delà de l’histoire, je dois bien reconnaître que ce film est porté à bout de bras par Loubna Abidar, l’interprète de Noha.
Je ne saurai dire quelle est la part de jeu et de réel mais elle incarne littéralement Noha, et c’est elle qui pousse les autres actrices à se surpasser, et leurs personnages à lutter.


Comme on dit, il n’y a que la vérité qui blesse et "Much Loved" est bel et bien un film choc et dérangeant, un film qui remue tripes et boyaux, même plusieurs jours après l’avoir vu, mais un film à mon sens indispensable à voir.

mardi 20 octobre 2015

Dheepan de Jacques Audiard



Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer. (AlloCiné)


Non, je n’ai pas hurlé (quoi que) devant ma télévision en regardant la cérémonie du Festival de Cannes 2015 lorsque la Palme d’Or a (enfin !) été attribuée à Jacques Audiard.
Par contre, j’ai jubilé, car j’avais parié là-dessus, et cela faisait quelques années maintenant que cette Palme passait sous le nez (et le chapeau) de Jacques Audiard.
Paradoxalement, elle a été attribuée à un film qui relève à la fois de son univers tout en étant éloigné de son registre habituel.
Je le pressens, face à une telle phrase quelques explications s’imposent.

Et si je ne vous en ai pas parlé avant, c’est qu’il m’a fallu quelques temps pour mettre de l’ordre dans mes idées et trouver par où commencer pour parler de ce film.


"Dheepan", c’est l’histoire de trois personnes : un ancien soldat nommé Dheepan (Antonythasan Jesuthasan), une femme nommée Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et une petite fille appelée Illayaal (Claudine Vinasithamby).
Ils ne se connaissaient pas avant, la femme ramasse d’ailleurs la fillette dans un camp de réfugiés après l’avoir écumé à la recherche d’un enfant sans famille ; ils se font alors passer pour mari, femme et enfant afin de fuir la guerre civile au Sri Lanka et finissent par échouer en France.
"Dheepan", c’est un film qui traite du regard posé par des étrangers sur la société Française, c’est non seulement très réaliste mais surtout pas très glorieux.
La société Française, voilà un thème cher à l’œuvre de Jacques Audiard et qui se retrouve dans tous ses films.
Il ne s’intéresse jamais à ce qui est tout beau et tout rose, à ce qui se passe bien, mais montre au contraire la laideur, la violence, la haine, la peur.
Un film de Jacques Audiard, ça n’est jamais joyeux, particulièrement celui-ci, mais il faut lui reconnaître une justesse et un regard impartial sur la France d’aujourd’hui, aussi bien l’univers carcéral que celui de la banlieue où prévaut le trafic de drogue, à l’image de cette cité dans laquelle Dheepan et sa pseudo-famille échouent.
Les personnages sont aussi cassés, dans le sens où ils ont vécu l’horreur, voire y ont contribué dans le cas de Dheepan.
Ils ont besoin de se reconstruire et c’est pour cela qu’ils ont fui leur pays.
Ce sont des malades de la vie, comme les personnages des différents films de Jacques Audiard et qui se reconstruisent petit à petit, je pense notamment au personnage de Marion Cotillard devenu infirme suite à un accident et qui redécouvre l’amitié et l’amour.
J’ai énormément apprécié de suivre ces personnages à l’écran, cet homme, cette femme et cette fillette qui essayent de se construire un foyer, de mettre un pansement commun à leur vie alors qu’ils n’auraient jamais dû se rencontrer.
Malgré l’horreur vécue et les atrocités commises, Dheepan reste un être humain, à savoir une personne avec une conscience, qui croit à l’espoir et se laisse porter par celui-ci, il finit en effet par y croire à cette famille.

Je trouve ça très beau, parce que c’est vrai et complètement humain.


Mais je n’avais pas souvenir jusqu’à présent que l’univers de Jacques Audiard ait été aussi sombre et sans espoir que celui présenté dans "Dheepan".
Le réalisateur franchit d’ailleurs une étape avec ce film, puisque le salut final et la vie rêvée ne sont pas en France mais en Grande-Bretagne.
C’est la première fois que Jacques Audiard ose ce propos dans l’un de ses films, faut-il aussi y voir un message à l’attention de la France ?
Il faut dire que la violence finit en apothéose comme je l’ai rarement vue au cinéma, et que Dheepan se retransforme en fauve traquant ses proies pour sauver sa peau et celle de sa famille.
Une fois n’est pas coutume, Jacques Audiard n’a pas non plus fait appel à des acteurs plus ou moins connus pour interpréter ses personnages, il a fait le pari plutôt audacieux de les confier à des non professionnels (hormis pour deux rôles quasi secondaires).
Le résultat à l’écran ?
Franchement, cela ne m’a pas gênée, au passage pas plus que le Tamoul utilisé majoritairement et sous-titré, car les interprètes étaient plus que réalistes, et en quelque sorte libérés car non soumis à un carcan imposé par les façons d’être face à la caméra.
Je trouve même que ce film y a gagné en intensité, le rendu n’aurait sans doute pas été le même avec des acteurs professionnels.
Jacques Audiard a pris des risques pour son film, pour moi il a eu raison mais apparemment il a été loin de faire l’unanimité.
Pourtant, c’est appréciable et rare de voir un réalisateur sortir des sentiers battus et ne pas hésiter à se mettre en danger, à sortir de sa zone de confort et de confiance.
Il aurait pu se contenter de faire ce qu’il a l’habitude et ce qu’il réussit, il a choisi une autre voie et c’est tout à son honneur.

Et sans doute l’une des raisons qui lui a valu d’être primé à Cannes.


"Dheepan" fait partie de ces films chocs qui collent à la peau, sont difficilement oubliables et pour lesquels trouver les mots justes pour en parler s’avère compliqué.
Quelque peu boudé par le public, je trouve au contraire que c’est un film qui a quelque chose à dire et qui mérite d’être vu, d’autant plus lorsque l’on regarde le contexte géopolitique dans lequel il sort.


Ce film a reçu la palme d’Or au Festival de Cannes 2015




Top ten Tuesday #123


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 meilleurs recueils de nouvelles

1) "Les oiseaux et autres nouvelles" de Daphné du Maurier
2) "Les contes de la bécasse" de Guy de Maupassant
3) "L'étrange histoire de Benjmain Button" suivi de "Un diamant gros comme le Ritz" de Francis Scott Fitzgerald
4) "Une affaire de charme" d'Edith Wharton
5) "Nouvelles de Pétersbourg" de Nikolai Gogol
6) "Le K" de Dino Buzzati
7) "Lettres de mon moulin" d'Alphonse Daudet
8) "Arria Marcella" de Théophile Gautier
9) "Un heureux événement" suivi de "la personne déplacée" de Flannery O'Connor
10) "la vénus d'Ille" de Prosper Mérimée

mardi 13 octobre 2015

Top Ten Tuesday #122


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 romans lus ayant le plus de pages

1) "22/11/63" de Stephen King
2) "Les rois maudits" de Maurice Druon (ça compte les séries littéraires ?)
3) "Harry Potter et l'ordre du Phénix" de J.K Rowling
4) "Harry Potter et la coupe de feu" de J.K Rowling
5) "Le comte de Monte Cristo" d'Elexandre Dumas
6) "Ça" de Stephen King
7) "Le fils" de Philipp Meyer
8) "Le seigneur des anneaux" de J.R.R Tolkien
9) "Pauvre Miss Finch" de Wilkie Collins
10) "Quo Vadis ?" de Henryk Sienkiewicz

dimanche 11 octobre 2015

Barracuda de Christos Tsiolkas


Daniel Kelly sort de prison. 
Vingt ans plus tôt, il était Danny « Barracuda », le grand espoir de la natation australienne. Un adolescent rageur, animé par la soif de vaincre, tout entier tendu vers un seul but : devenir champion. Pour n'être plus le petit métèque, fils d'une coiffeuse grecque et d'un routier australien. Pour montrer à ces petits bourges pour qui tout semble facile que lui, le boursier, peut les battre. Pour ne plus être prisonnier de ce corps encombrant, de ces pensées qui lui viennent dans les vestiaires. 
Aujourd'hui, Daniel est ce champion déchu qui a commis l'irréparable. Il est cet homme que la prison a à la fois brisé et révélé. Il est ce fils, ce frère qui veut se réconcilier avec les siens. Il est cet adulte qui va devoir une dernière fois se confronter à l'ado qu'il était pour mieux tenter de revivre... (Belfond)

Je n'ai pas lu "La gifle" de Christos Tsiolkas mais j'en ai entendu parler, c'est pourquoi je n'ai pas hésité lorsque l'on m'a proposé de lire le nouveau roman de cet auteur Australien.
Il est ici question de Daniel Kelly, un homme sortant de prison et retrouvant le contact avec la vie réelle et ses proches.
Vingt ans plus tôt, ce même Daniel Kelly était un espoir de la natation, surnommé "Barracuda".
Alors qu'a-t'il bien pu se passer pour que ce prodige se transforme en criminel ?

Ce roman sert, entre autres, à répondre à cette question, mais aussi à mettre Daniel Kelly en confrontation face à lui-même pour lui permettre d'avancer dans la vie et de se construire la sienne, enfin.
Le personnage de Daniel Kelly est extrêmement bien fouillé et disséqué par l'auteur : il y a le Danny de la jeunesse, celui à qui ses talents de nageur lui ont permis d'intégrer une école fréquentée par la grande bourgeoisie uniquement; il y a le Dan adolescent qui perd pied et sombre irrémédiablement dans la délinquance jusqu'au geste fatal; et puis il y a le Daniel adulte qui sort de prison et qui essaye de se reconstruire, d'expier ses fautes et son passé et de trouver le pardon auprès de toutes les personnes qu'il pense avoir déçues.
Danny est un rageur qui veut à tout prix se débarrasser de l'étiquette de métèque qui lui colle à la peau, celui qui pense que c'est par les bassins et son appétit de victoire qu'il va atteindre son but, celui qui finit par nager non plus par plaisir mais par haine : "La haine, il s'en servirait, il ne l'oublierait pas, elle ferait de lui un meilleur nageur.".
C'est à partir de ce moment-là que la psychologie de ce jeune garçon vacille mais personne de son entourage ne semble s'en rendre vraiment compte, sauf peut-être son père qui émet des doutes face à la trop grande importance accordée à la natation et à tous les sacrifices que cela engendre pour l'intégralité de la famille.
Daniel Kelly finit par se transformer en un adolescent à l'esprit dérangé : "Le diable est en moi.", qui dispense le mal partout autour de lui et coule, mais personne n'est vraiment là pour lui jeter une bouée de sauvetage.
Enfin, il y a Daniel Kelly que la prison a changé, a brisé pour lui permettre de mieux se reconstruire et de devenir enfin la personne qu'il aspire à être depuis toutes ces années : "J'ai appris un certain nombre de leçons, en prison, la plus importante étant que j'avais fait une connerie et qu'il fallait la payer. On se construit une échelle, on grimpe les échelons pour sortir de l'enfer qu'on s'est créé et retrouver le monde réel en haut. Cela s'appelle expier, un verbe que j'ai aussi appris là-bas.".
C'est donc un personnage très dense et j'ai été impressionnée par la justesse d'analyse qu'en fait l'auteur.
Là où j'ai été un peu plus surprise, c'est que personne de son entourage ne semble se rendre compte de la transformation de la chrysalide en un papillon qui se brûle les ailes, à moins que ce point de vue soit voulu par l'auteur étant donné que l'histoire est racontée à la première personne du singulier par Daniel Kelly.
Il y a des thèmes forts qui sont développés de façon sous-jacente : une Australie divisée entre l'élite et les étrangers, une Australie qui ne reconnaît pas les droits fondamentaux des Aborigènes et qui d'un autre côté est en train de changer pour s'ouvrir un peu plus aux différentes cultures du fait de la venue des Jeux Olympiques en 2000, une partie de l'Australie qui se laisse porter par le courant tandis que l'autre trime pour s'en sortir.
Daniel Kelly est un personnage qui a la rage, il fait partie d'une minorité, de marginaux avec ses amis qui sont issus du même milieu que lui.
C'est dur et je peux comprendre qu'il souhaite s'en sortir à tout prix et se débarrasser de l'étiquette qui lui colle à la peau, mais je n'adhère pas à la façon de faire.
Il est sûr que ce personnage fait s'interroger le lecteur et qu'il cristallise en lui beaucoup d'aspects de la personnalité humaine.
Ce qui est fort regrettable, c'est que toute cette analyse si intelligente et à fleur de peau soit noyée dans une construction qui m'a gênée plus que séduite.
Il y a trop de découpages temporels et trop de passages des uns aux autres, cela m'a particulièrement gênée pendant ma lecture de la première partie et pour tout dire j'étais même perdue au début pour m'y retrouver.
Il faut attendre la deuxième partie pour avoir un nouvel éclairage et que les morceaux du puzzle s'assemblent, enfin.
Dommage qu'il faille attendre si longtemps pour les émotions surgissent enfin et que le personnage de Daniel finisse par toucher véritablement le lecteur.
C'est la raison principale qui ne me permet pas de dire que ce roman a été un coup de cœur.
Car j'ai eu l'impression de nager le papillon au cours de ma lecture, c'est une nage que je n'apprécie que moyennement et que je suis très loin de maîtrisée techniquement.

"Barracuda" de Christos Tsiolkas est un roman fort sur la déconstruction et la reconstruction d'une personne après un séjour en prison et présente l'Australie sous un jour différent de la carte postale à laquelle nous sommes habitués.
La littérature Australienne étant peu connue en France j'invite à la découvrir notamment au travers de ce livre et de son auteur.

Je remercie Babelio et les Editions Belfond pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.

mardi 6 octobre 2015

Top Ten Tuesday #121


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 séries que vous avez commencées mais que vous n'avez pas encore terminées

1) "Harry Potter" de J.K Rowling
2) L'ensemble de livres composant l'univers autour de Dina de Herbjørg Wassmo
3) "Twilight" de Stephenie Meyer
4) La trilogie Diogène Pendergast de Douglas Preston et Lincoln Child
5) "Le monde de Narnia" de C.S Lewis
6) "Chroniques de San Francisco" d'Armistead Maupin
7) "Walking Dead" de Robert Kirkman
8) "Journal d'un vampire" de L.J Smith
9) "Couleur de peau : miel" de Jung
10) "Starters" de Lissa Price

lundi 5 octobre 2015

Suite Française - Tempête en juin d'Emmanuel Moynot d'après le roman d'Irène Némirovsky


Une décennie après le triomphe mondial de Suite française, roman miraculeusement réchappé de l'oubli, prix Renaudot 2004, Emmanuel Moynot s'empare du premier volet du diptyque, Tempête en juin. Sous sa plume acérée, le classique d'Irène Némirovsky trouve sa dimension visuelle. 
Comme dans un film de Renoir ou d'Altman, les personnages, les trajectoires, les destinées se heurtent et s'emmêlent sur les routes de l'Exode de juin 1940, traçant le portrait de ces heures noires où il a semblé que la donne sociale, morale, nationale se rebattait intégralement. 
Les figures inoubliables qui peuplent les pages de Némirovsky prennent corps. 
On retrouve comme si on les avait toujours connus le banquier Corbin, le gentil couple Michaud, la tribu des Péricand, l'infortuné abbé Philippe, la frivole Arlette Corail, le sinistre Corte et sa maîtresse écervelée, tous les autres, les perdants, les affreux, les purs et les morts de cette débâcle française. 
Et l'on découvre au passage que l'auteur de David Golder – dont on connait la passion pour la narration cinématographique – aurait fait une grande scénariste. (Denoël Graphic)

Dire que je vénère le roman inachevé "Suite Française" d'Irène Némirovsky est un euphémisme.
Dire que j'adule Irène Némirovsky comme auteur n'est pas assez fort.
J'ai été un peu surprise de découvrir que la partie "Tempête en juin" de "Suite Française" venait d'être adaptée en bande dessinée car sincèrement, cela ne me serait jamais venu à l'esprit.
Au cinéma (je fais totalement abstraction du film sorti qui n'est qu'un massacre et une insulte à l'oeuvre originale) ou à la télévision, oui sans hésitation, mais en roman graphique ?
Et c'est là une bonne surprise, car finalement ce roman d'Irène Némirovsky se prête bien à une telle adaptation.
Parce qu'il fourmille de personnages et de situations différentes.
Parce qu'il est très vivant et écrit presque sous forme de scénario.
Parce qu'il saisi dans le vif la réalité et que ce n'est qu'une formalité à le transcrire à l'image.
On retrouve donc ici les différents protagonistes du roman : la famille Péricand, l'attachant couple Michaud, le redoutable banquier Corbin, l'imbuvable Corte et sa maîtresse, la frivole Arlette Corail, le gentil abbé Philippe, et l'on suit en image leur périple sur les routes de l'exode de juin 1940.
Entre l'incrédulité de certains : "C'est fini ? La guerre est perdue ?", la roublardise d'autres, les privilèges des uns et les misères des autres, c'est un formidable tableau de la France de 1940 qu'Irène Némirovsky avait dépeint et qu'Emmanuel Moynot a mis en image.
L'avantage de ce roman graphique pour qui ne connaît pas le récit initial, c'est que les changements de personnages sont à chaque fois notifiés et que les premières pages présentent chaque protagoniste, ce qui permet de s'y retrouver facilement.
Et pour qui connaît déjà l'histoire, et bien c'est avec curiosité et un certain plaisir que j'ai découvert cette mise en image.
J'ai été ravie de retrouver les personnages qui m'avaient tant plu, tout particulièrement le couple Michaud victime de leur redoutable employeur le banquier Corbin qui malgré sa méchanceté s'en sort bien : "Mais pourquoi la souffrance est-elle toujours pour nous ? Pour les gens ordinaires ? Que la guerre arrive, que le franc baisse, qu'il y ait le chômage ou la révolution, les autres s'en tirent. Nous sommes toujours écrasés ! Pourquoi ?", ainsi que les situations décrites dans le roman (ah, le fameux oubli du grand-père Péricand à l'hôtel).
Maintenant j'apporterai un bémol à tout ça car je n'ai été que moyennement convaincue par le graphisme et le choix de l'utilisation du gris.
Je me demande si ce roman graphique n'y aurait pas gagné en utilisant de la couleur plutôt que des teintes sombres, tout comme les traits des personnages ne m'ont pas vraiment plu.
D'ailleurs, je trouve qu'il y a un peu trop de ressemblance entre les personnages, je m'attendais à des caractéristiques physiques plus marquées.
Et d'un point de vue personnel, je n'apprécie que très moyennement les traits taillés à la serpe, les visages des personnages auraient pu être bien mieux réussis que cela, maintenant ce style plaira sans doute à d'autres personnes.

Le passage en roman graphique de "Suite Française - Tempête en juin" est une forme intéressante pour retrouver les personnages ou les découvrir, néanmoins le graphisme n'est, selon moi, pas des plus élégants.
J'espère toutefois que "Dolce" sera également adapté car je le lirai là aussi par curiosité et plaisir.

dimanche 4 octobre 2015

Retour sur les lectures de septembre 2015


- En septembre tu as fait quoi ?
- J'ai relu du Stephen King.
- Et sinon ?
- Bah relire du Stephen King m'a occupée une bonne partie du mois, vu que le roman n'était pas loin de faire 1 000 pages, et tout ça pour essayer de sauver J.F Kennedy. Sinon je suis retournée emprunter des livres à la bibliothèque.
- Mais tu en as pleins les étagères qui n'attendent que d'être lus !
- Oui mais j'avais envie de lire de la bande dessinée et du roman graphique, donc c'était plus pratique d'aller à la bibliothèque. D'ailleurs, je n'ai emprunté que ça, aucun roman.
- Bon, mais pour le neuvième mois consécutif, tu n'as pas fait augmenter ta PAL ?
- Si, mais comme c'était organisé par la bibliothèque pour une bonne cause ça ne compte pas vraiment comme achat, non ? Si ?
- ...

Plan Orsec pour PAL en danger / Chute de PAL

"Le roman de la momie" de Théophile Gautier

Service de Presse

"Barracuda" de Christos Tsiolkas

Emprunté à la bibliothèque

"Namibia Episode 5" de Rodolphe, Léo et Marchal
"Mermaid Project Episode 1" de Léo, Jamar et Simon
"Mermaid Project Episode 2" de Léo, Jamar et Simon
"Mermaid Project Episode 3" de Léo, Jamar et Simon
"Des lendemains sans nuage" de Fabien Velhmann, Ralph Meyer et Bruno Gazzotti
" Suite Française - Tempête en juin" d'Emmanuel Moynot

Autres

"22/11/63" de Stephen King

Des lendemains sans nuage de Fabien Velhmann, Ralph Meyer et Bruno Gazzotti


Vous voulez savoir ce que nous réserve l'avenir ? Demandez donc à Nolan Ska ce qu'il en pense. il vient justement du futur. Et il sait de quoi demain sera fait. Il vous annoncera une humanité tombée sous la domination d'une seule et unique firme : TechnoLab. Mais il vous dira aussi qu'il est encore possible de changer tout cela. et que c'est précisément pour cette raison qu'il a remonté le temps : pour retrouver l'homme par qui tout va commencer. F. G. Wilson. le futur patron de TechnoLab... et pour modifier à jamais le cours de son destin. (Le Lombard)

Non seulement Le Lombard est une excellente maison d'édition pour la bande dessinée, mais leur collection Signé regroupant des auteurs de talent autour d'un projet est tout simplement une pure merveille.
Il se trouve que je venais de finir de lire "22/11/63" de Stephen King et que j'étais encore curieuse de découvrir la façon dont le thème du voyage dans le temps pour changer le passé était traité ailleurs.
Le hasard a voulu que je tombe sur ce titre plutôt méconnu et faisant partie des premiers titres publiés dans la collection Signé.
Il est clair que le futur n'est pas joyeux, le monde est désormais dominé par une firme : TechnoLab, dirigée par le mégalomane F.G. Wilson : "La manière dont F.G. Wilson a asservi le monde a été des plus insidieuses. Il ne s'est pas imposé par un coup d'état. Il n'a pas non plus été élu. A vrai dire, Wilson n'est même pas un homme politique. C'est un marchand. Et c'est librement que nous avons choisi d'adhérer au confort technologique qu'il proposait : prothèses bio-mécaniques, organes synthétiques.".
Nolan Ska décide donc de fabriquer une machine à voyager dans le temps pour aller dans le passé et ne pas contrarier le souhait premier de F.G. Wilson d'être un écrivain reconnu.
Mais le passé ne se laisse pas modifier si facilement, c'est d'ailleurs l'un des points communs entre cette bande dessinée et le livre de Stephen King puisque les deux héros se heurtent à de nombreuses difficultés, se posent les mêmes questions, et aboutissent à la même conclusion : changer le passé ne se fait pas en claquant des doigts : "Il semblerait donc que toute modification du passé se heurte à un phénomène de résilience. L'histoire tend à rester la même, quoi qu'on y fasse. Mais cela signifie-t-il pour autant que toute tentative de changement soit forcément vouée à l'échec ? Peut-être faut-il juste faire preuve d'énormément de détermination.", d'ailleurs celui-ci est récalcitrant et n'hésite pas à mettre de nombreux bâtons dans les roues.

Il y a de l'humour dans cette bande dessinée, en surface car si l'on gratte le vernis des propos plus graves y sont évoqués.
Et si j'ai trouvé des similitudes dans la façon de traiter le voyage dans le temps dans la littérature entre ce récit et celui de Stephen King, cette bande dessinée fait preuve de nombreuses originalités sur le sujet qui ne m'ont pas laissée indifférente.
Le scénario, signé Fabien Velhmann, est bien plus profond qu'il n'y paraît et se plaît à répondre à quelques-unes de nos questions lorsque nous cherchons à imaginer l'avenir.
Il est d'une originalité formidable et je l'ai énormément apprécié et savouré.
F.G. Wilson s'imagine un auteur de science-fiction de génie, alors qu'il est plutôt pitoyable, et se sert de Nolan Ska comme nègre qui lui-même manipule F.G. Wilson afin de l'empêcher de devenir le maître du monde tel qu'il le connaît.
Ce qui est de la science-fiction pour l'un n'est que le futur pour l'autre, un antagonisme entre les deux personnages qui est extrêmement bien développé dans le récit.
La mise en abîme entre le récit des auteurs et ceux de Nolan Ska est aussi un point du récit qui m'a intéressée.
Tout comme l'analyse faite de la relation entre un (pseudo) écrivain et son nègre, ce dernier ayant plus d'une fois envie de jeter l'éponge : "Je ne sais pas si j'ai la force de continuer ça plus longtemps.", mais il se retient t à chaque fois car son but est justement d'éviter que TechnoLab n'asservisse le monde.
Le scénario est très bien ficelé et la chute m'a surprise, elle revêt d'ailleurs une certaine forme de cruauté et de lâcher prise : "L'Humanité n'aura que ce qu'elle mérite.".
Quant aux dessins, ils sont réalisés par Ralph Meyer et Bruno Gazzotti et bien malin qui pourrait deviner qu'ils ont été faits par deux personnes différentes tant il y a de la continuité entre eux.
Le graphisme est aussi un point fort de cette bande dessinée et a su me séduire, le tout dans une univers assez sombre où le soleil réchauffe rarement les personnes de ses rayons.
Je ne connaissais aucun des trois auteurs avant de lire cette bande dessinée et je suis désormais curieuse de découvrir leurs œuvres respectives.

"Des lendemains sans nuage" est une bande dessinée méconnue qui gagnerait à l'être, elle fait en tout cas partie de mes belles découvertes littéraires de ces derniers temps et j'espère vous avoir donné envie de la découvrir.

samedi 3 octobre 2015

Namibia Episode 5 de Rodolphe - Léo - Marchal


Fin d'une enquête incroyable pour miss Kathy, agent du MI6 : les projets terrifiants d'une civilisation extraterrestre qui manipule l'ADN humain et animal menacent la planète entière. (Dargaud)

La sortie de ce tome clôturant la série "Namibia", elle-même deuxième saison de "Kenya", a failli m'échapper.
Pourtant, ce n'était pas faute d'attendre la conclusion de cette saison après la lecture du quatrième épisode.
Heureusement que je me souvenais de l'histoire et de la fin du quatrième épisode car celui-ci enchaîne directement sur la situation où le lecteur avait quitté les agents Kathy Austin et Vladimir Irmanius, à savoir au fond d'un puits de mine en Namibie pour repérer la base des extraterrestres d'où émergent régulièrement des sosies de personnes mortes.
Il faut dire que les extraterrestres préparant une attaque de la Terre ont joué de malchance : utiliser le sosie de Göring était tout sauf discret !
Dans le même temps, des discussions au sommet (dans tous les sens du terme) ont lieu entre les dirigeants de la planète et plus particulièrement Winston Churchill et Joseph Staline qui débattent pour savoir quelle est la meilleure façon d'agir : l'attaque ou la résistance : "Non, pas résister ! Attaquer ! Tu sais comme moi que l'attaque est mille fois préférable à la riposte !".
Pour rappel, cette histoire se passe en 1947, soit en pleine Guerre Froide.
Toutes ces têtes pensantes sont conseillées par de gentils extraterrestres qui ont déjà aidé Kathy Austin à plusieurs reprises mais ne peuvent intervenir directement : "Nous n'avons pas le droit d'interférer directement.".

D'un côté, je suis bien contente que cette histoire se termine, d'un autre je suis un peu frustrée car il n'y a finalement pas de grande révélation dans ce cinquième tome et certaines parties de l'histoire sont expliquées un peu trop rapidement.
Je pense particulièrement au mystérieux Père Jones dirigeant la communauté des Fils d'Ézéchiel, présenté comme un mystère dans le troisième épisode il ne fait ici qu'une apparition rapide et expéditive, j'aurais aimé un peu plus de développement sur cet aspect du scénario.
Tout s'enchaîne un peu trop rapidement dans ce tome, c'est ce que je lui reproche le plus car pour le reste je suis toujours autant satisfaite du scénario et de la qualité des dessins.
J'ai été ravie de retrouver l'agent Kathy Austin et de connaître le dénouement de l'intrigue, mais avec le recul je me dis que le début de cette nouvelle saison était très prometteur et au final elle est sans doute un léger cran au-dessous de "Kenya" qui m'avait par moment filé les chocottes.
Ou alors cela vient du fait qu'un an se soit écoulé entre la lecture des quatrième et cinquième épisodes de cette série.
Il n'en demeure pas moins que je la considère comme réussie et je ne saurai que trop la conseiller car elle est d'un très bon niveau pour de la science-fiction, quoique là encore je ne sois pas complètement objective car j'apprécie énormément le travail de Léo dans son ensemble.

Je n'aurai qu'une seule phrase, ou plutôt question, en guise de conclusion : à quand une troisième saison des aventures de Kathy Austin ?