lundi 5 octobre 2015
Suite Française - Tempête en juin d'Emmanuel Moynot d'après le roman d'Irène Némirovsky
Une décennie après le triomphe mondial de Suite française, roman miraculeusement réchappé de l'oubli, prix Renaudot 2004, Emmanuel Moynot s'empare du premier volet du diptyque, Tempête en juin. Sous sa plume acérée, le classique d'Irène Némirovsky trouve sa dimension visuelle.
Comme dans un film de Renoir ou d'Altman, les personnages, les trajectoires, les destinées se heurtent et s'emmêlent sur les routes de l'Exode de juin 1940, traçant le portrait de ces heures noires où il a semblé que la donne sociale, morale, nationale se rebattait intégralement.
Les figures inoubliables qui peuplent les pages de Némirovsky prennent corps.
On retrouve comme si on les avait toujours connus le banquier Corbin, le gentil couple Michaud, la tribu des Péricand, l'infortuné abbé Philippe, la frivole Arlette Corail, le sinistre Corte et sa maîtresse écervelée, tous les autres, les perdants, les affreux, les purs et les morts de cette débâcle française.
Et l'on découvre au passage que l'auteur de David Golder – dont on connait la passion pour la narration cinématographique – aurait fait une grande scénariste. (Denoël Graphic)
Dire que je vénère le roman inachevé "Suite Française" d'Irène Némirovsky est un euphémisme.
Dire que j'adule Irène Némirovsky comme auteur n'est pas assez fort.
J'ai été un peu surprise de découvrir que la partie "Tempête en juin" de "Suite Française" venait d'être adaptée en bande dessinée car sincèrement, cela ne me serait jamais venu à l'esprit.
Au cinéma (je fais totalement abstraction du film sorti qui n'est qu'un massacre et une insulte à l'oeuvre originale) ou à la télévision, oui sans hésitation, mais en roman graphique ?
Et c'est là une bonne surprise, car finalement ce roman d'Irène Némirovsky se prête bien à une telle adaptation.
Parce qu'il fourmille de personnages et de situations différentes.
Parce qu'il est très vivant et écrit presque sous forme de scénario.
Parce qu'il saisi dans le vif la réalité et que ce n'est qu'une formalité à le transcrire à l'image.
On retrouve donc ici les différents protagonistes du roman : la famille Péricand, l'attachant couple Michaud, le redoutable banquier Corbin, l'imbuvable Corte et sa maîtresse, la frivole Arlette Corail, le gentil abbé Philippe, et l'on suit en image leur périple sur les routes de l'exode de juin 1940.
Entre l'incrédulité de certains : "C'est fini ? La guerre est perdue ?", la roublardise d'autres, les privilèges des uns et les misères des autres, c'est un formidable tableau de la France de 1940 qu'Irène Némirovsky avait dépeint et qu'Emmanuel Moynot a mis en image.
L'avantage de ce roman graphique pour qui ne connaît pas le récit initial, c'est que les changements de personnages sont à chaque fois notifiés et que les premières pages présentent chaque protagoniste, ce qui permet de s'y retrouver facilement.
Et pour qui connaît déjà l'histoire, et bien c'est avec curiosité et un certain plaisir que j'ai découvert cette mise en image.
J'ai été ravie de retrouver les personnages qui m'avaient tant plu, tout particulièrement le couple Michaud victime de leur redoutable employeur le banquier Corbin qui malgré sa méchanceté s'en sort bien : "Mais pourquoi la souffrance est-elle toujours pour nous ? Pour les gens ordinaires ? Que la guerre arrive, que le franc baisse, qu'il y ait le chômage ou la révolution, les autres s'en tirent. Nous sommes toujours écrasés ! Pourquoi ?", ainsi que les situations décrites dans le roman (ah, le fameux oubli du grand-père Péricand à l'hôtel).
Maintenant j'apporterai un bémol à tout ça car je n'ai été que moyennement convaincue par le graphisme et le choix de l'utilisation du gris.
Je me demande si ce roman graphique n'y aurait pas gagné en utilisant de la couleur plutôt que des teintes sombres, tout comme les traits des personnages ne m'ont pas vraiment plu.
D'ailleurs, je trouve qu'il y a un peu trop de ressemblance entre les personnages, je m'attendais à des caractéristiques physiques plus marquées.
Et d'un point de vue personnel, je n'apprécie que très moyennement les traits taillés à la serpe, les visages des personnages auraient pu être bien mieux réussis que cela, maintenant ce style plaira sans doute à d'autres personnes.
Le passage en roman graphique de "Suite Française - Tempête en juin" est une forme intéressante pour retrouver les personnages ou les découvrir, néanmoins le graphisme n'est, selon moi, pas des plus élégants.
J'espère toutefois que "Dolce" sera également adapté car je le lirai là aussi par curiosité et plaisir.
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