lundi 29 avril 2013

Le boulevard périphérique de Henry Bauchau


Paris, 1980. Alors qu’il “accompagne” sa belle-fille dans sa lutte contre un cancer, le narrateur se souvient de Stéphane, son ami de jeunesse, qui au début de la guerre l’avait initié à l’escalade et au dépassement de la peur. Entré dans la Résistance, puis capturé par un officier nazi – le colonel Shadow –, il est mort dans des circonstances jamais vraiment élucidées. 
Mais Shadow, à la fin de la guerre, s’est fait connaître du narrateur. Son intangible présence demeure en lui, elle laisse affleurer les instants ultimes, la mort courageuse – héroïque, peut-être – de Stéphane. Et la réalité contemporaine (les visites à l’hôpital, l’anxiété des proches, les minuscules désastres de la vie ordinaire) reçoit de ce passé un écho d’incertitude et pourtant d’espérance… 
L’ombre portée de la mort en soi, telle est sans doute l’énigme dont Henry Bauchau interroge les manifestations conscientes et inconscientes, dans ce captivant roman qui semble affirmer, jusqu’à sa plus ultime mise à nu, l’amour de la vie mystérieusement éveillée à sa condition mortelle. (Actes Sud)


Ce récit exclusivement porté par la voix d’un narrateur qui restera sans nom est un roman à tiroirs.
En effet, au début le narrateur accompagne sa belle-fille dans sa lutte contre le cancer qui la ronge.
C’est le premier tiroir ouvert, avec les souvenirs du narrateur sur sa rencontre avec sa belle-fille et la façon dont ces deux là se sont apprivoisés et comment lui-même a apprivoisé son petit-fils Win.
A travers des visites quotidiennes à l’hôpital, ponctuées de longs trajets via le boulevard périphérique ou le RER et le bus, il lui raconte son enfance et en vient ainsi à se remémorer Stéphane : "A ce moment je comprends que ce qui survit en moi de Stéphane ce n'est pas ma vision incertaine, l'identité confuse dont je me souviens encore, c'est sa légèreté, oui, cette légèreté enfantine qu'il avait gardée dans ce grand corps musclé.", son ami de jeunesse qui l’a initié à l’escalade mort durant la Seconde Guerre Mondiale après être entré en Résistance et avoir été arrêté par un terrible officier nazi :  le colonel Shadow, dont la devise est "Régner par la terreur, c'est régner sur des intestins.".
C’est un deuxième tiroir qui s’ouvre et qui sera présent pendant la première moitié du récit puis, ce deuxième tiroir entraîne l’ouverture d’un troisième, avec les souvenirs des visites faites par le narrateur au colonel Shadow alors que celui-ci est emprisonné et mourant.
Cet homme cruel va lui raconter, dans la mesure de ce qu’il veut bien lui dire, l’emprisonnement de Stéphane, sa résistance physique et mentale aux tortures et les circonstances de sa mort.
Mais chaque tiroir est lui-même composé de sous-tiroirs, ainsi le narrateur se remémore son apprentissage de l’escalade et les périples effectués avec Stéphane, la Guerre et les difficultés de vivre durant cette période ainsi que les personnes qui se cachaient pour échapper au travail obligatoire ou à la déportation, ainsi que sa propre vie et les métiers exercés.
Cette histoire est complexe et nécessite une attention particulière pour entrer dedans et en saisir toutes les nuances.
Mais le meuble accueillant tous ces tiroirs est sans nul doute une réflexion sur la mort, sur la façon dont elle est appréhendée ou perçue par chacun, sur la présence plus ou moins importante qu’elle occupe en chacun, ainsi le narrateur parle de sa première vraie discussion avec Paule sous un angle différent : "Il y avait alors quelque chose qui menaçait en elle. Quelque chose qu'aujourd'hui on appelle le cancer parce que nous savons ce qui a suivi. Je l'ignorais.".
La mort est sous jacente durant tout le récit, qu’il s’agisse de celle probable de Paule ou de celles de Stéphane, de Shadow et celle à venir un jour du narrateur : "Je n'avais jamais vraiment pensé à la vieillesse et voilà qu'elle approchait. La mort, utile aux autres, ne me faisait pas peur, du moins je le croyais, mais le vrai courage, la vraie lutte, celle contre l'affaiblissement, la diminution physique, la perte de mémoire, les maladies de l'âge, cela je ne l'avais pas envisagé et voici que c'était là à ma porte.", elle est omniprésente et prend même une place de plus en plus importante.
L’auteur est psychanalyste et présente donc une réflexion sur ce thème sans jamais toutefois tomber dans l’analyse ou en essayant d’imposer son point de vue.
Il permet au lecteur de s’ouvrir posément à cette notion et c’est pour cela que je conseille de lire ce roman avec un esprit apaisé, posé et sans plaie à vif sur le thème douloureux de la maladie et particulièrement du cancer.
Et même alors que je croyais la plaie quasiment cicatrisée, la fin excessivement poignante est venue raviver des démons et des images d’un passé pas si lointain que cela.
Autant dire que cette lecture a fini par me remuer intérieurement et que je suis restée quelques heures sans lire une fois le livre refermé pour me remettre les idées en place et commencer une nouvelle lecture.
Quant au style, j’ai trouvé la plume de Henry Bauchau belle à lire bien que dense et nécessitant une vigilance permanente.

"Le boulevard périphérique" de Henry Bauchau est une lecture exigeant une attention de chaque instant, mais bien que la mort soit omniprésente le récit s’ouvre surtout sur l’espérance et la lumière et nous rappelle que la vie n’est qu’un sursis dont il faut savoir savourer chaque moment, même le plus infime.


Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices

mercredi 24 avril 2013

Le temps de l'aventure de Jérôme Bonnell



Une journée. Un train. Deux inconnus. Des échanges de regards, le cœur qui bat. Le regarder partir, le perdre à tout jamais ou s’offrir au temps de l’aventure ? Et si la vie d’Alix basculait… (AlloCiné)

Ne vous laissez pas avoir par le titre, l'aventure dont il est question ne comporte ni jungle hostile ni quête.
Il s'agit tout bonnement d'une aventure de la vie, d'une aventure amoureuse, de succomber au coup de foudre ou pas, de savoir saisir l'instant présent pour le vivre et ne pas le regretter ou le laisser passer.


Jérôme Bonnell a écrit son film pour une femme, particulièrement Emmanuelle Devos avec qui il voulait retourner, et cela se ressent.
Alix est le personnage central du film, présent dans chaque scène et filmé de près par le réalisateur, voire même parfois en caméra à l'épaule, au plus près du visage d'Emmanuelle Devos pour en saisir toutes les nuances.
J'ai énormément apprécié la mise en scène du film, très recherchée et donnant de beaux moments intenses de désir, d'amour, mais aussi de pudeur, de tristesse, de doute.
Déjà, l'entrée en matière est astucieuse : Emmanuelle Devos filmée de dos et entrant en scène au théâtre.
Mettre du jeu d’acteur à l'intérieur d'un film n'est pas une innovation, mais quand c'est bien fait ça a le mérite de poser les bases de l'histoire.
Ici, le réalisateur se paye même le luxe d'en remettre une couche avec une scène quasi hilarante de casting dont Alix ne connaît ni les tenants ni les aboutissants.
En filmant une journée de la vie de ces deux personnages, Jérôme Bonnell en extrait les moments importants et les filme quasiment en durée réelle.
Ceci a parfois l'inconvénient de son avantage, à savoir qu'il y a quelques longueurs, mais c'est bien le seul détail que je reproche au film.
Et de voir cette femme cherchant désespérément à joindre son compagnon au téléphone, sans succès, la voir également perdue dans le métro, avalée par la foule et saisie d'un brusque besoin de respirer, de sortir de la routine quotidienne, crée énormément d'émotions et la rend proche des spectateurs.


Car s'il y a une personne qui crève littéralement l'écran dans ce film, c'est Emmanuelle Devos.
Sans être forcément dans les critères de beauté (et encore, tous les goûts sont dans la nature), elle dégage une forme de sensualité et démontre, une fois de plus, tout l'étendue de son talent et de son jeu d'actrice.
Elle porte le film sur ses épaules et campe une Alix à la fois fragile et touchante à laquelle le spectateur s'attache très vite.
Face à elle, Gabriel Byrne, en homme mystérieux rencontré dans le train le matin, garde une part d'inconnu durant tout le film.
Il est à l'inverse du personnage d'Alix : calme, posé, ne cherchant pas à provoquer le destin mais ne le refusant pas non plus.
Ce couple improbable offre un contraste saisissant et finalement n'est pas si mal assorti que cela.
L'homme interprété par Gabriel Byrne brille souvent par ses silences, mais ses regards en disent longs et j'ai bien aimé ce jeu tout en retenue de l'acteur car il arrive à travers des jeux de regards à faire passer ses émotions.


Mais ce film n'est pas qu'une banale histoire d'amour/adultère, il y a des scènes poignantes et émouvantes, une femme à la dérive qui se cherche en cette journée et des passages hilarants, le summum étant atteint avec la visite d'Alix chez sa soeur.
Cette scène frôle le grotesque sans jamais tomber dedans et offre à mon sens la scène la plus drôle de tout le film et la plus décalée, mais qui paradoxalement permet de mieux saisir les émotions contraires qui agitent Alix.
Quant à la bande son, elle est particulièrement soignée néanmoins elle intervient parfois à des moments inattendus du film, ce qui peut dérouter.

"Le temps de l'aventure" s'attache à suivre une journée dans la vie de deux personnes que rien ne prédestinait à se rencontrer et qui pourtant vont s'aimer, apprendre à se connaître et à s'apprivoiser au cours de quelques heures, en pleine fête de la musique à Paris.
Une belle histoire touchante et remplie d'émotions, comme un reflet du quotidien et dans laquelle il est facilement possible de se retrouver et de s'interroger : en pareille situation, saurions-nous nous offrir au temps de l'aventure ?

mardi 23 avril 2013

Sherman Tome 6 Le pardon, Jeannie de Griffo et Stephen Desberg


C’est la fin du parcours que le mystérieux ennemi de Jay Sherman a prévu pour lui ! Il a perdu ses biens, sa maison et son fils, et la dernière sur la liste est Jeannie, sa fille. Jeannie qu’il n’a plus revue depuis la Seconde Guerre Mondiale, après qu’elle a disparu au sein des services secrets, outrée par les malversations de Jay. Et pourtant, ce dernier n’avait agi que pour la protéger. Aura-t-elle compris ce dernier point ? Viendra-t-elle sauver un père repentant dont elle incarne le dernier espoir… ? (Lombard)

Ce sixième volume de la série Sherman marque son épilogue et donc le fin mot de l'histoire et la révélation de l'énigme qui a tenu en haleine le lecteur pendant les précédents volumes.
Je vais tout de suite commencer par l'aspect qui m'a énervée : le fait de nous remettre pour la centième fois la menace téléphonique reçue par Jay Sherman.
Sérieusement, au bout de six volumes le lecteur a compris, ce n'est pas un crétin fini qui subit un lavage de cerveau après chaque lecture.
Je ne comprends pas ce que vient faire cette redite, leitmotiv dans tous les volumes qui finit par agacer.
Par contre, j'avais hâte de savoir, non pas qui était à l'origine de tout ça (enfin si, mais pas que), ce qu'était devenue Jeannie et surtout si elle avait pu retrouver Ludwig Melchior (mon côté midinette sans doute).
Je ne dirai rien, juste qu'ils ont traversé tous les deux des épreuves durant cette guerre, notamment Ludwig Melchior qui est déporté à Auschwitz et est reconnu par un soldat qui décide de le "protéger" en lui offrant la possibilité de chanter dans des concerts organisés dans le camp pour distraire les nazis et leur famille : "Je ne peux pas vous promettre que vous vivrez. Mais au moins ... vous survivrez.".
Jeannie est toujours un personnage central de cette histoire et comme elle se faisait attendre depuis un certain temps, son apparition n'en a été que plus réussie et bien mise en scène.
Mais le personnage qui prend le plus d'importance dans cet opus est Jay Sherman, et si dans les précédents volumes il avait tendance à m'agacer sur certains aspects de sa personnalité, ce tome-ci lui rend justice en le présentant inquiet : "Au début, j'ai  cru qu'avec le temps, elle finirait par me pardonner. Qu'avec le temps, la paix s'imposerait définitivement. Mais le temps ne s'écoule pas de la même manière pour un père que pour ses enfants.", moins sûr de lui et moins séducteur : "Le temps ne s'écoule pas de la même manière pour les hommes que pour les femmes.", essuyant des échecs et des revers de fortune, mais surtout conscient de ses erreurs et les reconnaissant pour la première fois depuis le début de l'histoire : "Maintenant il faut que je paye pour ce que j'ai fait. Les erreurs que j'ai commises. Les chemins que je n'ai pas pris. Le salaud que j'ai été, l'homme que j'aurais dû être. Le père à qui tu as en partie pardonné. Finalement, je ne regrette pas tant de choses.".
Il mûrit par la force des événements et apparaît moins imbu de sa personne, plus humble, mais que de morts il aura fallu pour en arriver là !
Le scénario de Stephen Desberg est bien construit et tient la route, ce qui n'était pas forcément évident sur la longueur.
J'avais une petite idée qui s'était forgée dans mon esprit lors de la lecture de l'avant-dernier volume, et bien je n'étais pas bien loin de la vérité, disons que j'en ai avais découvert la moitié.
Ce n'est pas forcément évident de deviner la manipulation, les ficelles sont bien tirées par le scénariste, disons qu'un lecteur attentif trouvera quelques clés du mystère mais que ceci ne lui gâchera pas le plaisir de cette lecture.
Quant aux dessins de Griffo, je les trouve visuellement très beaux, harmonieux, rendant la lecture plaisante et donnant du relief à l'histoire et à l'action.
La lecture achevée, je suis curieuse d'imaginer ce que cela pourrait donner en téléfilm, à mon avis avec un scénario légèrement retravaillé il y aurait matière à faire quelque chose de visuellement réussi.

"Le pardon, Jeannie" marque l'épilogue ô combien relevé et attendu de la série Sherman, remarquable par son scénario et la qualité de son graphisme et se caractérisant par une publication rapprochée des tomes, chose plutôt rare pour une série en bande dessinée.
Sherman est une série à découvrir et à lire d'une seule traite pour bien en apprécier les ficelles et les rebondissements.

dimanche 21 avril 2013

Le temps de l'innocence d'Edith Wharton


Dans le New York flamboyant de la fin du XIXe siècle, Newland Archer est un jeune homme de la haute bourgeoisie. Promis à un avenir brillant, il est sur le point d'annoncer ses fiançailles avec la pure May Welland quand un soir, à l'Opéra, tous les regards se tournent vers une loge ... L'apparition de la belle Comtesse Olenska, la scandaleuse cousine de May qui a eu l'audace de quitter son mari, va bouleverser sa vie. Comment, dans une société qui broie les êtres et sacrifie les amours, peut-on préserver l'innocence ? (J'ai Lu)

New York en cette fin du dix-neuvième siècle est une ville avec sa haute bourgeoisie et ses codes, où le scandale est une honte suprême et où la décence est de mise : "C'est ainsi dans ce vieux New York, où l'on donnait la mort sans effusion de sang; le scandale y était plus à craindre que la maladie, la décence était la forme suprême du courage, tout éclat dénotait un manque d'éducation.".
C'est dans cet univers aux codes bien définis qu'évolue Newland Archer, jeune homme promis à un bel avenir, sur le point d'annoncer ses fiançailles avec la douce et discrète May Welland.
Mais voilà, son petit univers où l'imprévisible n'a pas sa place va être chamboulé par l'arrivée de la comtesse Olenska, la cousine de sa future femme à la réputation ô combien sulfureuse.
Rendez-vous compte, elle a eu le toupet de quitter son mari et ne se comporte absolument pas comme une femme du monde le devrait : "Une femme du monde, à New York, n'aurait pas appelé sa servante "ma chère", et ne l'aurait pas envoyée faire une course en lui prêtant sa sortie de bal : Archer goûtait un plaisir d'une qualité rare à se trouver dans un monde où l'action jaillissait de l'émotion.".
Newland Archer se pose beaucoup de questions, commence à craindre le mariage et l'aliénation qu'il représente : "Mais une fois marié, que deviendrait cette étroite marge que se réservait sa personnalité ? Combien d'autres, avant lui, avaient rêvé son rêve, qui graduellement s'étaient enfoncés dans les eaux dormantes de la vie fortunée !", la fin de son innocence en quelque sorte et le commencement d'une vie où l'aventure et l'imprévu n'ont pas leur place : "Il songeait à la platitude de l'avenir qui l'attendait et, au bout de cette perspective monotone, il apercevait sa propre image, l'image d'un homme à qui il n'arriverait jamais rien.".

Edith Wharton a le chic de raconter la société New Yorkaise comme personne, d'en décrypter ses codes et d'en montrer ses entraves à travers le prisme de ses personnages.
Ce roman en est une parfaite illustration, car l'auteur a basé son récit uniquement sur des confrontations mondaines, sans s'attarder à décrire les lieux ou les personnes.
Son propos est bien de montrer au lecteur les codes régissant la haute bourgeoisie New Yorkaise, son récit n'est ponctué que de dialogues ou de réflexions de Newland Archer, Edith Wharton va ainsi à l'essentiel et offre au lecteur les clés de la société New Yorkaise, celle où il faut taire ses pensées, dissimuler ses passions,  en somme, se fondre dans le moule pour être accepté par l'élite : "La solitude, c'est de vivre parmi tous ces gens aimables qui ne vous demandent que de dissimuler vos pensées.".
Cela se passe au dix-neuvième siècle mais ce propos est toujours d'actualité, preuve s'il en était besoin que les romans d'Edith Wharton ont un côté intemporel et indémodable.
Belle étude des moeurs et des pensées que l'auteur a bâtie autour d'un personnage central : Newland Archer.
Cet homme appartient à la haute bourgeoisie New Yorkaise mais il a des idées en avance sur son époque et se trouve tiraillé entre deux mondes, deux modes de pensée, et surtout deux femmes.
Il serait trop facile et réducteur de mettre la douce May Welland dans la catégorie oie blanche et Ellen Olenska dans celle de briseuse de ménage.
Elles sont toutes les deux bien plus profondes que cela et ont entre elles une forme de respect mutuel, d'entente tacite.
Ainsi, May Welland n'est ni aveugle ni sotte, elle se rend compte que des sentiments contradictoires agitent son fiancé et elle lui offre l'opportunité de vivre une autre vie.
Newland Archer a fait son choix et même s'il éprouve des regrets au cours de sa vie, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et remercier sa femme si intelligente d'avoir su voir en lui et de lui avoir proposé d'ouvrir sa cage pour qu'il prenne son envol.
May Welland a même un côté manipulateur allant à l'encontre du postulat angélique dont elle est pourtant parée au début du roman.
Quant à Ellen Olenska, j'ai trouvé à ce personnage féminin une grâce et une ligne de conduite qui sont tout à son honneur.
Elle aurait pu être une briseuse de ménage, continuer à attirer sur elle la condamnation des gens bien pensants, mais elle est intelligente et est une femme de coeur, tout comme May Welland dont elle n'est d'ailleurs à aucun moment la rivale alors qu'elles auraient pu se crêper le chignon en se disputant l'amour de Newland Archer.
Elle est une femme libre qui a su s'affranchir du joug de son mari à une époque où cela n'était pas bien vu d'agir ainsi.
Il m'est difficile de dire laquelle de ces deux femmes je préfère, d'ailleurs je ne choisis pas car elles se valent l'une comme l'autre tout en étant très différentes de caractère mais je reconnais que je pencherai plus vers l'esprit libre d'Ellen Olenska que celui manipulateur de May Welland.
Au final, tout cela n'est que mise en scène où chacun doit jouer le rôle qui lui a été attribué, et ce n'est pas innocent que la première et l'avant dernière scènes se situent au théâtre.
Je suis curieuse de voir ce que donne l'adaptation cinématographique de Martin Scorcese.

"Le temps de l'innocence" est un petit bijou d'Edith Wharton qui dresse un portrait quelque peu cynique de la haute société New Yorkaise sans toutefois la condamner.
A lire pour ce portrait sans concession de la bourgeoisie New Yorkaise de la fin du dix-neuvième siècle qui en un peu plus d'un siècle n'a finalement pas tant évoluée que cela.

Livre lu dans le cadre du challenge Edith Wharton


Livre lu dans le cadre du challenge New York en littérature 2013

Challenge Agatha Christie

George a lancé en novembre 2010 un challenge Agatha Christie à l'occasion du 120ème anniversaire de la naissance de l'auteur, d'un hors-série du magazine Lire et des rééditions des romans chez Masque avec les couvertures originales.

J'ai quelques romans de cette auteur en attente, après quelques années sans toucher un Agatha Christie j'ai commencé à relire des livres de cette auteur et George a très gentiment accepté de m'inscrire à son challenge ainsi que de prendre en compte un billet rétroactif sur "Dix brèves rencontres".
Me voilà participant donc à ce challenge !

Ce challenge est illimité dans le temps et le principe est simple :
- lire autant de roman(s) qu'on le souhaite de cette auteur, voire l'intégralité de l'oeuvre
- voir une ou plusieurs adaptations télévisées ou cinématographiques de ses oeuvres.

Mes découvertes/redécouvertes des romans d'Agatha Christie :
- Dix brèves rencontres
- Le flux et le reflux
- Les vacances d'Hercule Poirot
- La nuit qui ne finit pas

samedi 20 avril 2013

Dans ma bibliothèque - Episode 2 Un samedi livresque

Aujourd'hui, deuxième épisode de "Dans ma bibliothèque", afin de vous présenter les petits nouveaux du jour.
Car aujourd'hui fut un samedi livresque !

Tout a commencé ce matin où je suis partie faire du change dans Paris.
Par le plus pur des hasards, je suis allée dans le quartier latin pour trouver une agence de change, la présence des bouquinistes étant totalement étrangère à mon choix.
Le change effectué, je me suis rendue compte qu'il y avait des bouquinistes juste à portée de pas, je me suis dit que ça serait vraiment trop bête de ne pas aller y jeter un oeil.
J'y suis allée, j'ai chiné, toujours par le plus pur des hasards, il se trouve que j'avais sur moi une liste de livres notés au cours de mes pérégrinations sur des blogs ou lors de discussions, je suis donc repartie avec quelques livres.
(Pourquoi ai-je l'impression de ne pas être crédible une seconde ? Comme s'il n'y avait que des bureaux de change dans le quartier latin ou alors qu'ils proposaient les taux de change les plus avantageux. Et c'est bien connu que tout le monde se promène tout le temps avec une liste de livres sur soi.)

Oui bon d'accord, je suis faible, j'ai cédé à ma pulsion d'achat de livres, me cacher la vérité n'est pas bien, n'importe quel psy me le dirait.

Voilà le résultat des courses, avec un seul livre acheté à tarif plein ("Etoiles" de Simonetta Greggio pour le Club des Lectrices de mai), le reste étant des occasions (dit-elle fière et attendant qu'on lui remette une médaille pour tant de sagesse et de retenue) :


Quelques lectures mâtinées d'Italie, soit par l'auteur soit par le lieu de l'action :
- "Etoiles" de Simonetta Greggio
- "Les mains nues" de Simonetta Greggio (le résumé m'a plu)
- "Avec vue sur l'Arno" de Forster


Une plongée dans la Première Guerre Mondiale avec :
- "Le feu" de Henri Barbusse
- "A l'ouest rien de nouveau" d'Erich Maria Remarque (apparemment ce livre doit être étudié à l'école car la pile d'occasions était impressionnante)


Une immersion dans l'Amérique :
- "Les raisins de la colère" de John Steinbeck (excuse : mon père voulait le relire)
- "Des souris et des hommes" de John Steinbeck
- "Une rose pour Emily et autres nouvelles" de William Faulkner


Et pour finir :
- "Chocolat amer" de Laura Esquivel
- "L'énigme des Blancs-Manteaux" de Jean-François Parot (non mais Nicolas le Floch ! Ca veut tout dire)


Inutile de le photographier, mais j'ai aussi trouvé un plan poche plastifié de New-York, étant donné que ça approche ça serait bien que je puise me repérer sans trop faire touriste (ou alors je me le tamponne tout de suite sur le front comme ça on en parlera plus).
Et à la caisse, j'ai cru que c'était Noël, la vendeuse m'annonce que j'ai des livres offerts, elle me tend une pile en me précisant que je peux en choisir deux.
Résultat, j'ai sauté sur "La confusion des sentiments" de Stefan Zweig et je me suis laissée tenter par un policier "Froid comme la tombe" de Peter Robinson.


Tout aurait pu s'arrêter là, mais quand il n'y en a plus, il y en a encore !
J'avais des livres à rendre à ma bibliothèque cet après-midi, et ma bibliothèque a eu la fabuleuse idée il y a deux ans de mettre des bacs à l'entrée dans lesquels ils mettent soit des surplus de livres ne pouvant être mis en bibliothèque soit ce sont des personnes qui y déposent les livres dont elles ne veulent plus.
Le principe est simple : chacun est libre d'y déposer des livres et/ou de s'y servir, de les remettre après lecture ou de les garder, bref c'est un libre-service de livres
Des fois il n'y a rien, et d'autres fois la moisson est bonne
Aujourd'hui la moisson n'a pas été trop mauvaise, l'avantage de ces bacs c'est que j'y déniche des livres qui ne sont plus édités ou alors je me laisse tenter par des lectures vers lesquelles je ne serai pas forcément allée.




En vrac :
- "World War Z" de Max Brooks (alors là, ça sera surprise à la lecture)
- "Une mort secrète" de Richard Ford (le résumé me tentait beaucoup)
- "Le dernier voyage d'Horatio II" d'Edouardo Mendoza (pour continuer à découvrir la littérature espagnole)
- "Ne réveillez pas les morts" de Deborah Crombie (déjà lu une enquête avec son couple d'inspecteurs, j'avais bien aimé)
- "Le mort saisit le vif" de Henri Troyat (parce que c'est Troyat et que c'est comme ça)
- "Les volcans et la dérive des continents" de Haroun Tazieff (pure curiosité)

Il ne me reste plus qu'à faire de la place sur les rayonnages de bibliothèques et sur ce, je vais terminer ma lecture du "Temps de l'innocence" d'Edith Wharton.

Le roman du mariage de Jeffrey Eugenides


Le Roman du mariage est l'histoire de trois étudiants américains, une fille et deux garçons, qui se rencontrent à l'université de Brown, au début des années 80. Ensemble, ils découvrent avec exaltation la littérature, le sexe, Roland Barthes et les Talking Heads. Madeleine tombe sous le charme de Leonard, Mitchell tombe sous le charme de Madeleine. Tel un personnage de Jane Austen, la jeune femme se retrouve au coeur d'un dilemme, entre l'amant maniaco-dépressif et le gendre idéal attiré par la spiritualité. Mais l'Amérique de Reagan n'est pas l'Angleterre victorienne, et l'amour n'a plus le même sens. 
Le vrai sujet de ce livre est peut-être celui du passage à l'âge adulte. Madeleine, Leonard et Mitchell sont les héros d'une nation d'adolescents hypersexués et idéalistes. Comme les soeurs Lisbon de Virgin Suicides ou l'hermaphrodite de Middlesex, Madeleine fait l'apprentissage de la féminité en perdant son innocence, sans renoncer pour autant à toutes ses illusions. 
 Acclamé dans le monde entier, ce nouveau livre de Jeffrey Eugenides, dix ans après Middlesex, réinvente l'idée même d'intrigue conjugale. D'un classique triangle amoureux, Eugenides tire un roman magistral, une comédie dramatique étincelante qui est aussi le portrait d'une génération. (Editions de l'Olivier)

J'étais curieuse de lire ce livre, à la fois parce que Jeffrey Eugenides est un auteur qui se fait très rare et dont j'avais énormément apprécié le très beau "Virgin Suicides", mais aussi parce que j'avais lu une présentation de ce roman comme une histoire à la Jules et Jim.

Déjà, pour le côté trio amoureux à la Jules et Jim, je ne peux que vous inviter à revoir le magnifique film de François Truffaut car ici il n'en est point question.
Ce n'en est même pas une sous-version, le tourbillon de la vie est totalement absent de cette histoire.
Je n'ai pas franchement apprécié les personnages, notamment celui de Madeleine qui a plutôt eu tendance à m'agacer tout au long du roman, à la fois par son côté naïf et découverte du sentiment amoureux et de ses paradoxes : "La solitude était extrême parce qu'elle n'était pas physique. Elle était extrême parce qu'on la ressentait alors qu'on était en compagnie de l'être aimé. Elle était extrême parce qu'elle était dans votre tête, le lieu le plus solitaire qu'il soit.", mais aussi par son aveuglement et son manque total de reconnaissance.
Je reconnais pourtant que le caractère amoureux est bien traité par l'auteur, il rend bien le fait que Madeleine amoureuse ne jure plus que par Leonard, qu'elle se croit plus forte que tout et tout le monde et que, bien entendu, ce qui arrive aux autres ne lui arrivera pas car son couple est différent : "Mais, comme toute personne amoureuse, Madeleine était convaincue que son couple à elle était différent de tous les autres, immunisé contre les problèmes ordinaires.".
Le problème, c'est que Madeleine manque de charisme à mes yeux, et même si cet aspect est bien traité par l'auteur je n'y ai pas pris de plaisir à la lecture.
Passons à Leonard, alors là, il cumule tout : le manque absolu de charisme, sa maladie : la maniaco-dépression, le manque total de gentillesse, de tendresse, ce qui en fait un personnage énervant au plus haut point et dont au final le lecteur ne sait pas tant de choses sur lui.
Il est à mon avis trop peu décrit pour que le lecteur puisse bien le cerner et il n'est là que pour ôter toute raison à Madeleine et l'entraîner avec lui dans une spirale quasi destructrice.
Mais là aussi, le côté dramatique n'est pas exploité, l'auteur préférant faire une pirouette à la fin du livre alors qu'à mon sens le drame aurait été plus logique dans la construction de son histoire et de ses personnages.
Vient enfin le personnage de Mitchell, c'est de loin celui que j'ai préféré mais qui est à mon goût peu utilisé.
Il disparaît pendant une partie de l'histoire alors qu'il aurait pu en être véritablement le troisième maillon et redonner une dynamique à l'ensemble.
Il a des aspects très intéressants mais qui sont peu mis en valeur par l'auteur, dommage car c'est bien le seul qui a su un tantinet me toucher et a fait que j'ai terminé cette lecture pourtant laborieuse.
J'ai également trouvé que de placer l'histoire dans le début des années 80 avec des relations sexuelles libérées ôtait presque toute pudeur à l'histoire, alors que j'en aurais préféré plus dans ce trio amoureux.
Et puis les autres personnages sont mal ou peu exploités, ils ne servent à l'auteur qu'à synthétiser les points essentiels sur les lesquel il a bâti son histoire.
Ainsi Alwyn, la soeur de Madeleine, est très peu présente et n'est là que pour balancer quelques phrases bien pensées sur le féminisme et la non-égalité entre femmes et hommes : "Tu crois que les choses ont changé, qu'on est arrivé à une sorte d'égalité des sexes, que les hommes ne sont plus les mêmes, mais j'ai une mauvaise nouvelle pour toi : c'est faux. Les hommes sont toujours aussi salauds et égoïstes que l'était papa. Que l'est papa.".
A mon sens ce n'est pas le portrait d'une génération mais plus un supermarché où le lecteur vient piocher les grandes idées des années 80.
Il est beaucoup question de littérature et de grands auteurs dans ce roman, c'est bien l'un des seuls aspects qui a trouvé grâce à mes yeux bien que par moment l'auteur se perde dans des dissertations philosophiques sur certaines oeuvres.
Quant à la construction de l'histoire, je n'ai pas du tout aimé le choix de l'auteur de partir sur une situation présente pour systématiquement revenir pendant des pages et des pages sur des situations passées pour revenir au présent.
C'est une construction chronologique désorganisée qui plaît sans doute à des personnes, ce n'est absolument pas mon cas.

"Le roman du mariage" de Jeffrey Eugenides n'a ni la grâce ni la beauté de "Virgin Suicides", les personnages manquent pour beaucoup de charisme et le trio amoureux n'a ni la saveur ni la complexité de celui de Jules et Jim.
En somme, un tourbillon de la vie ennuyeux au possible et dans lequel je n'ai surtout pas envie de retrouver les personnages mais juste les perdre de vue.
Une déception littéraire.

dimanche 14 avril 2013

Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle


Guy Delisle et sa famille s'installent pour une année à Jérusalem. Mais pas évident de se repérer dans cette ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4 000 ans. Au détour d'une ruelle, à la sortie d'un lieu saint, à la terrasse d'un café, le dessinateur laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l'a jamais vu. (Delcourt)

"Chroniques de Jérusalem" de Guy Delisle retrace la vie du dessinateur durant une année à Jérusalem, sa femme travaillant pour Médecins Sans Frontières.
Comme le dit une personne rencontrée au cours de ce séjour, des frontières il y en a toujours, et cela est d'autant plus vrai en Israël, pays aux multiples facettes avec une ville de Jérusalem divisée entre les trois religions principales, la colonisation de territoires palestiniens et des territoires occupés gardés comme des places fortes.
Israël est un pays déroutant et au cours de cette année Guy Delisle en fera l’expérience bien des fois : "Quel drôle d'endroit, me suis-je dit, où la vue d'un homme armé en pleine rue ne provoque aucun mouvement de panique.".
Mais cette sensation ne s'arrête pas au port d'armes en toute liberté et impunité, il en va de même pour tous les aspects du quotidien : les courses avec des supermarchés très bien approvisionnés dans les colonies et peu fournis ailleurs, les écoles, la circulation :  "A Jérusalem, il y a deux systèmes de transport urbain qui fonctionnent en parallèle. Il y a les autobus israéliens qui desservent toute la ville sauf les quartiers arabes. Et les minibus arabes qui desservent uniquement les quartiers arabes.".
J'ai toujours eu du mal à saisir tous les ressorts du conflit Israélo-Palestinien et je ne pense pas être la seule personne, loin de là, j'espérais, peut-être naïvement, y voir plus clair après cette lecture, ce n'est pas forcément le cas ou tout du moins pas comme je l'espérais.
Au début, tout paraît assez simple, j'ai d'ailleurs apprécié le travail de Guy Delisle de transcrire par images les explications qu'il a reçues avec sa femme à leur arrivée, et au final ça reste obscur sur certains points, ce qui me rassure en un sens c'est que ça l'est aussi pour l'auteur, c'est en tout cas l'impression que j'ai eue.
L'avantage de la forme de la bande dessinée, c'est qu'elle permet de mettre des images sur des situations dont on entend parler à la télévision ou à la radio, l'auteur ayant mis à profit son séjour pour explorer tous les aspects de ce territoire il offre ainsi au lecteur une vision globale de la situation politique, personnellement j'ai l'impression ma lecture achevée d'y voir un peu plus clair, et, point très appréciable, à aucun moment il ne prend parti.
Sur le fond, j'ai beaucoup apprécié la narration de Guy Delisle, il mêle sa vie personnelle aux événements, il est curieux et fait de nombreuses rencontres toutes plus intéressantes les unes que les autres.
Il est certes expatrié mais il n'hésite pas à se mêler à la population, à rencontrer des personnes avec des points de vue diamétralement opposés, par exemple la visite de Hébron avec des anciens soldats puis avec des colons, ce qui rend sa bande dessinée riche du point de vue des rencontres humaines.
Cette histoire met aussi en lumière les paradoxes de ce pays, je retiens notamment celui du territoire de Gaza : "Ils ont le droit de voter démocratiquement, mais ils doivent voter démocratiquement pour le parti qu'Israël a choisi.".
Guy Delisle a également un humour décalé qui rend la lecture encore plus agréable, j'ai notamment aimé son approche des contrôles de sécurité à l'aéroport, ou encore son intervention dans un collège palestinien où aucun élève ne sait ce qu'est une bande dessinée et dans un collège israélien où chaque élève lui cite au moins un nom d'auteur.
En ce qui concerne le graphisme, j'avoue que je partais avec un petit a priori, n'étant pas certaine d'aimer le style de l'auteur.
Au final, je me suis très vite habituée au coup de crayon de Guy Delisle, à tel point que j'ai désormais envie de lire d'autres oeuvres de cet auteur.
J'ai également été faire un tour sur son blog, notamment celui qu'il a tenu durant son séjour à Jérusalem, c'est un bon complément à cette lecture.

"Chroniques de Jérusalem" est un roman graphique très intéressant et très humain, bâti sur l'expérience quotidienne de Guy Delisle après une année passée à Jérusalem.
Une belle découverte littéraire !

Livre lu dans le cadre du challenge A la découverte du Québec

mardi 9 avril 2013

Lira bien qui lira le dernier - Lettre libertine sur la lecture de Hubert Nyssen


La fin du livre ? On l'annonce pour demain depuis le berceau des incunables. S'adressant à une lectrice (imaginaire) qui s'inquiète de l'avenir de la lecture, Hubert Nyssen, fort de sa double expérience d'écrivain et d'éditeur, passe au tamis, avec humeur et humour, les craintes, les espérances, les prévisions et les prophéties qu'inspire le spectre continuellement brandi de la crise du livre. D'autres plumes, sur ce sujet, eussent été sentencieuses, moroses ou usurpatrices. De la sienne, l'encre a coulé de source. (Actes Sud)

Cher Monsieur Nyssen,

A travers cette longue lettre, qui n'est au final pas si libertine que cela, et dans laquelle vous vous adressez à une demoiselle imaginaire, Esperluette de son nom, vous dressez un état des lieux du livre, de la lecture, que vous décrivez fort judicieusement comme amants : "C'est pourquoi il me paraît urgent de vous rappeler que livre et lecture sont en quelque sorte les amants rivaux d'une belle capricieuse qui se nomme écriture.", et par la même occasion du lecteur.
Force m'est de constater qu'énoncer il y a déjà quelques années de cela, votre point de vue est toujours ô combien d'actualité.
Oui, il est toujours question que la fin du livre soit pour demain, oui, il m'arrive parfois d'entendre une voix étonnée me dire : "Quoi ? Tu lis encore des livres papier ?", voire pire : "Les livres ? La lecture ? Ca ne sert à rien.".
Je pourrais alors me lancer dans un discours enflammé pour défendre ardemment le livre, le plaisir que revêt la découverte d'un auteur, de quelques heures passées en compagnie de personnages qu'il est très difficile de quitter, mais je préfère ne rien dire et laisser cette personne dans son ignorance d'un plaisir si simple et si enrichissant à la fois.
Mais tout ça, c'était avant de lire votre livre, et aujourd'hui je serai donc en mesure de rétorquer à toutes ces personnes : "Lira bien qui lira le dernier".
Vous le dites très justement : "Le livre n'est que le support actuel de la chose écrite, il n'est rien d'autre que l'outil utilisé dans un moment de l'histoire dont nous sommes encore les acteurs.", ainsi aujourd'hui le livre vit toujours dans sa version papier, mais il se développe aussi dans une version électronique et qui sait si demain il ne sera pas appris par coeur et raconté oralement comme le font les personnages de "Fahrenheit 451".
Je vous avoue que c'est avec curiosité que j'ai commencé à lire votre ouvrage, puis très rapidement par intérêt.
Je me suis reconnue dans beaucoup de vos propos et votre livre a eu le mérite de pousser un peu plus loin ma réflexion sur la lecture, les rôles à la fois du livre et du lecteur.
C'est un aspect que j'aime dans la lecture, lorsque ce qui est écrit me pousse dans mes retranchements et m'ouvre les yeux sur des aspects jusque là ignorés, ou qui étaient tellement évidents que je ne me posais aucune question.
La curiosité, surtout littéraire, n'est décidément pas un vilain défaut.
Et puis, cela a un côté rassurant de ne pas se savoir seule par rapport à ce que l'on pense, mais aussi dans l'état de fébrilité que peut nous mettre la lecture.
Vous ne laissez rien de côté et vous abordez tous les aspects de la question, n'hésitant pas à dire des vérités qui ne sont pas toujours bonnes ni plaisantes à entendre, notamment celles concernant les Prix Littéraires : "Après tout, mademoiselle Esperluette, il vaut mieux vous dire qu'un prix littéraire, ça ne fait pas plus le talent qu'une hirondelle ne fait le printemps.".
Votre expérience est d'autant plus intéressante que vous avez eu à la fois la casquette d'éditeur mais également celle d'écrivain, et que c'est fort de vos expériences personnelles que vous avez mené vos réflexions.
Quant à votre plume, elle est tout simplement savoureuse et délectable à lire et j'aime à dire que j'ai passé un agréable moment en votre compagnie.
Malheureusement, vous êtes de ces personnes que je ne pourrai pas rencontrer ici-bas afin de pouvoir prolonger la discussion sur votre ouvrage et plus généralement sur l'avenir de la lecture, et vous dire tout le bien que je pense de votre livre et des réflexions que vous y avez couchées sur papier.
Il me reste la consolation de savoir qu'il y a en chacun des lecteurs/trices de ce livre un peu de votre demoiselle Esperluette et que le dernier lecteur n'est pas encore né.

Une modeste lectrice.

Un grand merci à George pour le prêt de ce livre ! 

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices


dimanche 7 avril 2013

Valérian Tome 16 Otages de l'Ultralum de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Valérian et Laureline passent un séjour de rêve sur l'un des paradis touristiques du cosmos. Mais il n'est pas sûr qu'ils s'amusent tant que cela dans leur palace fréquenté par des milliardaires, parfois odieux comme le grand calife d'Iksaladam accompagné de son harem et de son califon. A vrai dire l'ennui sera de courte durée. L'horrible Quatuor Mortis s'empare en effet du califon.. et de Laureline ! Une course poursuite s'engage sur les confins interdits du califat, là où s'affairent les misérables extracteurs d'ultralum, le carburant ultra-luminique nécessaire aux vaisseaux de l'espace. Au passage, on retrouvera Point Central, cet espèce de fabuleux ONU galactique, un schniarfeur saisi par le doute glandulaire, un transmuteur grognon de Bluxte, ainsi que quelques espions shingouz prêts à vendre tout et n'importe qui. (Dargaud)


Dans cette nouvelle aventure de Valérian et Laureline, tout commence comme dans "La croisière s'amuse" sauf que Valérian ne s'amuse pas, un brin nostalgique le garçon : "C'est ça voyager ... se souvenir des choses qu'on a vu avant ...".
Entre alors en scène un horrible schniarfeur : "Un schniarfeur dégoupillé, même charmant, ne serait-ce pas, à proprement parler une arme vivante ?", Laureline est kidnappée alors qu'elle n'était pas visée avec un horrible bambin qui n'est pas sans rappeler le prince Abdallah dans Tintin, et tout ce petit monde se retrouve sur une planète asservie pour l'extraction de l'or noir local : l'ultralum.
Valérian se lance aussitôt à la poursuite de Laureline mais il n'est pas seul sur le coup car la récompense de 100 billiards de poutibloks en fait rêver plus d'un : le double détective Frankie/Harry, le quatuor Mortis, et par le plus grand des hasards les Shingouz sont aussi de la partie (eux, attirés par l'argent ?).
Mélangez le tout et vous obtenez une très bonne aventure de Valérian et Laureline.

L'histoire est à la hauteur du précédent opus, elle tient la route du début à la fin et les auteurs ne s'y perdent pas, elle est prenante même sans être très sophistiquée et contient des passages bien drôles, histoire de passer un bon moment avec cette lecture.
Du côté des créatures, le lecteur retrouve des têtes connues : les Shingouz, Jal et Kistna dans une très belle scène de retrouvailles et de pardon, les auteurs m'ont d'ailleurs agréablement surprise en remettant ces personnages dans l'histoire sans s'emmêler les pinceaux dans une explication tirée par les cheveux, le transmuteur grognon de Bluxte, que Laureline sait parfaitement maîtriser et calmer lorsqu'il est grognon : "Je comprends que tu sois grognon ! Mais tu sais quoi ? On va se prendre une bonne douche détergente tous nus ensemble, d'accord ?", un schniarfeur; quelques nouveautés avec l'énervant fils du calife mais finalement j'apprécie de retrouver des têtes connues au cours des aventures de Valérian et Laureline plutôt que d'engloutir à chaque fois de nouveaux êtres vivants.
Les dessins de Jean-Claude Mézières sont de toute beauté, il a réussi à allier des personnages contrastés avec des paysages élaborés; quant à Pierre Christin son scénario est malin dans le sens où il arrive à faire passer un message écologique mais également politique, car la situation avec l'ultralum n'est pas sans rappeler l'exploitation pétrolière et le vent de révolte qui souffle sur les travailleurs ressemble fort à la lutte des classes du communisme, l'utilisation du mot "camarade" n'y est d'ailleurs pas étrangère, mâtiné d'un soupçon de guerre d'indépendance coloniale.

"Otages de l'ultralum" est un excellent opus de Valérian et Laureline, doté d'une histoire à plusieurs niveaux de lecture et d'un graphisme particulièrement réussi.
A la lecture de ce tome, j'ai même des craintes quant à la suite tant je trouve que cet album pourrait presque conclure cette série.
Espérons que les volumes suivants garderont cette qualité qui fait le succès de ce space-opéra en bande dessinée.

samedi 6 avril 2013

L'écrivain de la famille de Grégoire Delacourt


À sept ans, Édouard écrit son premier poème, quatre rimes pauvres qui vont le porter aux nues et faire de lui l’écrivain de la famille. Mais le destin que les autres vous choisissent n’est jamais tout à fait le bon ... Avec grâce et délicatesse, Grégoire Delacourt nous conte une histoire simple, familiale, drôle et bouleversante. (Le Livre de Poche)

C'est sur trois décennies que cet écrivain va se raconter.
Enfin écrivain, c'est vite dit : "J'avais écrit un poème minable et j'avais été catalogué écrivain de la famille. Et puis quoi encore ?", car écrivain, Edouard aura beau essayer, il ne réussira jamais à l'être dans le sens où toute sa famille l'attendait.
C'est dans une autre forme d'écriture que sa créativité va s'exprimer : celle pour les publicités.
Mais l'intérêt de ce livre ne réside pas dans la carrière d'écrivain réussie ou non  d'Edouard, c'est plus une réflexion douce amère sur la vie, les rêves qui ne réalisent pas toujours, voire pas du tout, et la gestion du quotidien et des problèmes : un mariage sans réel amour, les enfants, le divorce, les coucheries à droite et à gauche et la peur d'avoir contracté le SIDA, la sénilité d'un parent, la mort de proches.
Edouard est un personnage enfermé dans un carcan dès son plus jeune âge : il doit devenir l'écrivain de la famille, il se laisse porter par sa famille, plus tard par Monique qui le pousse à écrire son premier roman, il met finalement près de trente ans à comprendre ce qu'est la vie, l'amour : "Quand sait-on qu'on aime ? Le soir ou au matin ? Quand il est encore temps, ou déjà trop tard ?" mais par dessus tout à se séparer de la forme de dictature imposée par les autres sur sa personne pour enfin vivre son destin.
Autour d'Edouard gravitent d'autres personnages : certains sont touchants comme son père et sa mère, extrêmement émouvants comme son frère, et puis d'autres m'ont laissée indifférente, comme Monique qui a aucun moment ne m'a été sympathique.
Il y a aussi une ambiance qui se dégage du texte, chaque partie est consacrée à une décennie et Grégoire Delacourt a su leur donner une forme de vie et de nostalgie.
Ainsi les années soixante-dix sont celles de la musique, de la mode, des magazines féminins, de l'enfance pour Edouard et surtout de l'insouciance; les années quatre-vingt sont marquées par de nouvelles musiques, une atmosphère plus grave avec l'entrée dans l'âge adulte et la vie active mais surtout le développement du SIDA qui se met à toucher n'importe qui, n'importe où, sans faire de distinction de classe sociale et la mort commence à être présente : "La jeune fille hurla. Aujourd'hui encore son je ne veux pas mourir, s'il vous plaît me réveille la nuit."; quant aux années quatre-vingt-dix, l'insouciance s'en est allée et Edouard se heurte aux difficultés de la vie et mûrit, enfin.
Je reconnais à Grégoire Delacourt un style fluide et très prenant.
Les chapitres sont courts, l'histoire se lit avec avidité, je qualifierai son livre de page turner.
C'est relativement bien maîtrisé, d'autant qu'il s'agit de son premier roman et que ça ne ressent quasiment pas à la lecture.
Je relativise avec quasiment pas car les quelques défauts de ce livre sont inhérents à ses qualités : Grégoire Delacourt arrive merveilleusement à capter l'attention du lecteur en égrainant dans son récit des moments futurs mais lorsque ceux-ci arrivent j'ai trouvé qu'il passait dessus trop vite.
Ainsi, il crée une tension en évoquant le test de dépistage du SIDA que sera amené à faire Edouard dans quelques années, mais lorsque ce passage arrive en un paragraphe c'est bouclé.
Pareil pour la mystérieuse jeune femme assise sur le capot de la voiture.
J'ai trouvé cela un peu dommage car une tension avait été créée mais ce traitement trop rapide sur des passages qui m'intéressaient m'ont laissé un peu frustrée dans ma lecture.

Ne vous arrêtez pas à mon chipotage sur des passages trop vite évoqués, "L'écrivain de la famille" est un très bon premier roman de Grégoire Delacourt avec de l'émotion et de la tendresse qui se lit avec beaucoup de plaisir.
Un auteur à découvrir si ce n'est déjà fait !

mardi 2 avril 2013

Les perles de la Moïka d'Annie Degroote


2003. Ana, comédienne, a coupé tout lien avec sa famille et particulièrement avec sa mère, russe, dont elle ne s'est jamais sentie aimée. Jusqu'au jour où on lui offre le plus beau rôle de sa vie dans une pièce de Tchekhov. 1903. Sur les bords de la Moïka à Saint-Pétersbourg, Tatiana Alexandrovna jouit des fastes d'une époque encore sereine. De son premier amour avec un officier de la Garde, elle a des jumelles, Olga et Natacha ; toutes trois se trouveront liées au destin de la famille Youssoupov et de Raspoutine. Mais déjà se profile la révolution. Tout bascule. Quel secret portent-elles qui bouleversera la vie d'Ana ? 
Le destin tumultueux de trois générations de femmes et la quête d'un amour maternel. (Presses de la Cité)


2003. Ana est comédienne, mal dans sa peau et dans sa vie : "Elle n'est qu'une réplique, un faire-valoir, une quantité négligeable.".
Mal aimée de sa mère plus jeune elle traîne un ressentiment à l’égard de cette femme aux yeux de qui elle n’a jamais trouvé grâce et qui n’a jamais daigné l’entourer d’une once d’amour maternel : "Une enfance où tout est possible, où les incompréhensions sont vite oubliées, où les petits bobs de l'âme sont soignés par une maman attentionnée. Une enfance rêvée et qui n'était pas la sienne.".
Dans le même temps, dans une maison de retraite dans le Nord de la France, une pensionnaire s’attache à faire revivre sa grand-mère, Tatiana, en racontant à un public de plus en plus important sa jeunesse en 1903 à Saint-Pétersbourg, du temps de la grandeur du tsar et de sa famille, sa rencontre avec un bel officier et les jumelles Olga et Natacha qui viendront couronner ce mariage.

Inutile d’en dire plus, cela reviendrait à dévoiler l’histoire, et autant vous laissez la découvrir.
Ce livre relève à la fois du roman historique pour le traitement de l’histoire de la Russie au début du vingtième siècle qu’il fait mais aussi du roman familial pour cette saga sur trois générations de femmes.
Pour l’aspect historique du roman, je ne retiens pas l’histoire du tsar et de sa famille, ni celle de Raspoutine et de la révolution bolchevique de 1917, ce sont des points historiques que je connais, que j’ai eus l’occasion de lire dans d’autres romans.
Ce qui a retenu mon intérêt, c’est la partie traitant de l’Ukraine et des conséquences du régime bolchevique sur cette région.
D’abord indépendante en 1917, elle fait de nouveau partie de l’URSS de Staline en 1920.
J’ai ainsi découvert le traitement réservé par Staline à cette région, particulièrement la grande famine en Ukraine et le Kouban en 1932 et 1933 appelée Holodomor.
Comme bien souvent les millions de morts laissés par Lénine et Staline sont passés sous silence, ce roman a le mérite de montrer sous un éclairage différent cette période et de sortir du faste des soirées de Saint-Pétersbourg.
Je n’ai pas non plus été marquée par les personnages féminins, ils restent assez conventionnels et ne dénaturent pas des héroïnes romanesques, ils sont plaisants pour le lecteur sans devenir agaçants.
Pour le côté saga romanesque et familiale, ce livre n’atteint pas le niveau de "La lumière des Justes" de Henri Troyat, mais il offre tout de même une histoire prenante de femmes, de mères, et une quête de l’amour maternel.
Je considère que l’auteur a cherché à rendre hommage aux mères et à l’amour maternel à travers ce roman et c’est assez bien réussi.
J’ai trouvé sympathique le gros clin d’œil fait par l’auteur à la littérature russe, et la relation entre le personnage de Lioubov dans "La Cerisaie" de Tchekhov et les personnages féminins de l’histoire est bien pensée sans devenir redondante.
Ce n’est pas non plus de la grande littérature, mais je reconnais qu’Annie Degroote a un style plaisant, rendant la lecture particulièrement fluide et prenante et qu’une fois le nez mis dans l’ouvrage il n’est pas possible de le retirer.
J’ai été piquée au jeu et c’est avec un certain plaisir que j’ai lu d’une traite cette histoire.
Qui plus est, l’auteur ne perd à aucun moment son lecteur grâce à une alternance temporelle et des points de vue par chapitre.

Avec "Les perles de la Moïka", Annie Degroote offre au lecteur une lecture plaisante et prenante, un moment de détente littéraire pour voyager en Russie et en France à travers l’Histoire du vingtième siècle. 


Je remercie Babelio et les éditions Presses de la Cité pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

lundi 1 avril 2013

Dans ma bibliothèque - Episode 1

J'inaugure aujourd'hui une nouvelle rubrique intitulée "Dans ma bibliothèque", où je vous présenterai quelques livres de ma bibliothèque.

Je remercie Delphine qui en a eu l'idée sur son blog, son dernier article portait sur ses vieilles éditions du Livre de Poche à l'occasion des 60 ans de cette maison d'édition et cela m'a donné envie de ressortir quelques uns de mes plus beaux livres de poche.

Livres récupérés de mes parents, ou bien trouvés dans des ventes ou à ma bibliothèque (oui, ma bibliothèque met généreusement à disposition des bacs dans lesquels chacun est libre de déposer des livres et de se servir, de les lire, de les remettre ou de les garder), ils occupent une place particulière dans ma bibliothèque et j'y suis très attachée.

Voici quelques vieilles éditions du Livre de Poche (et au passage vous admirerez le parquet de ma chambre).

C'est donc dans une version de 1962 et 1963 que j'ai lu "Autant en emporte le vent" et je suis littéralement sous le charme de ces couvertures, à noter également celle très belle du "Fantôme de l'Opéra" de Gaston Leroux et mes fidèles "Fleurs du mal" de Charles Baudelaire préfacé par Jean-Paul Sartre.



Un peu d'A. J Cronin, de Colette, d'Ernest Hemingway et "La peste" d'Albert Camus.





Lorsque j'ai travaillé "La peste" à l'école j'ai évidemment opté pour cette édition, je mettais toujours un peu plus de temps à trouver mes repères dans le livre quand la professeur parlait d'un passage mais j'ai toujours trouvé que cette édition avait plus de saveur que celles plus récentes.


"Les fleurs du mal" sont toujours à portée de main.


Du Lovecraft, des nouvelles de Sherlock Holmes par Sir Arthur Conan Doyle et "Les âmes mortes" de Gogol.


Des versions plus récentes (années 70/80) mais toutes aussi belles, avec Colette "L'étoile Vesper", Marcel Pagnol "La femme du boulanger" et "Les diaboliques" de Boileau et Narcejac.


En éditions plus récentes, j'ai deux livres sur le cycle "La vie quotidienne à" : Rome qui me vient de mes parents et Pompéi que j'ai (enfin !) acquis l'année dernière, après moultes péripéties car ce livre n'est plus édité (c'est pourtant une référence sur Pompéi), je l'ai donc guetté et cherché en occasion.


Voici quelques uns des livres que je possède dans la collection "Le Livre de Poche", a priori la plus vieille édition date de 1959 mais j'approfondirai pour voir si je n'ai pas un livre encore plus vieux.
Je trouve que ces éditions avaient plus de vie que celles d'aujourd'hui, les couvertures étaient particulièrement stylisées, ces livres ont une odeur bien particulière, et la qualité générale (impression, papier et mise en page) était nettement supérieure à celle d'aujourd'hui, plus de 50 ans après ils sont toujours en très bon état alors qu'un livre aujourd'hui peut vite tomber en lambeaux.

Voilà pour cette première excursion dans ma bibliothèque ! 

Le tueur de la Green River de Jonathan Case et Jeff Jensen


Dans les années 1980, la priorité de la police de Seattle était l’appréhension du « tueur de la Green River », surnom du meurtrier de douzaines de femmes. Mais en 1990, alors que le nombre de crimes s’était élevé à au moins quarante-huit, l’affaire a été remise aux mains d’un seul détective, Tom Jensen. Après vingt ans, Gary Leon Ridgway finalement confondu grâce à une recherche ADN est interrogé par Jensen pendant 180 jours... (Ankama - Hostile Holster)

Au début des années 1980, les corps de plusieurs femmes, toutes prostituées, ont été retrouvés à Seattle près de la Green River, donnant ainsi son nom au tueur en série qui sévissait : le tueur de la Green River.
Dès lors la police ne cesse de traquer ce meurtrier mais se heurte aux hésitations de l'administration : "Le comté s'inquiète aussi du coût de l'enquête. On dirait que c'est difficile de les convaincre qu'une épidémie de meurtres de prostituées constitue une menace à la sécurité publique.".
Finalement, la cellule est dissoute et seul l'inspecteur Tom Jensen, soutenu par son collègue et ami Jim Doyon, continue de mener l'enquête.
Après quelques années calmes, les meurtres reprennent dans les années 90 et il faudra attendre le début des années 2000 pour que le tueur soit enfin identifié par son ADN.
Il s'agit de Gary Leon Ridgway, suspecté dès les années 80 mais sans preuve, et durant son interrogatoire de 180 jours il se révélera être un meurtrier froid et glacial.
Seul Tom Jensen parviendra à percer une fois sa carapace : "Le lendemain matin, mon père est retourné au travail et a repris les interrogatoires. Sa "percée" n'a jamais été évoquée et rien d'autre de la sorte ne s'est plus produit.". Parce qu'il a passé un accord avec la justice, Gary Leon Ridgway est condamné en 2003 à la prison à perpétuité.
A ce jour quarante-neuf meurtres lui sont attribués mais il en a avoué soixante et onze, les corps de certaines femmes disparues n'ayant pas été retrouvés.

Pour retracer l'histoire de ce tueur en série, c'est Jeff Jensen, le fils de l'inspecteur Tom Jensen, qui a écrit le scénario de cette bande dessinée.
Le travail de reconstitution est minutieux, d'autant plus que je ne connaissais pas jusqu'alors ce tueur en série américain qui est pourtant présenté comme l'un des plus grands.
La scène d'ouverture est surprenante et met tout de suite dans l'ambiance du récit.
L'histoire, découpée sur cinq jours, mêle passé et présent, à savoir les interrogatoires de Gary Leon Ridgway et les enquêtes menées dans les années 80 et 90.
Il ne faut surtout pas blâmer les inspecteurs, en cela cette bande dessinée est une forme d'hommage qui leur est rendu, car ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens qu'ils avaient.
Il faudra attendre la découverte de l'ADN et les progrès de la science pour dupliquer des échantillons trop fragiles pour résoudre ces meurtres.
Toutefois, Jeff Jensen a su présenter son père comme un homme derrière l'inspecteur, un homme qui doute, émet des hypothèses, et jongle entre sa vie professionnelle et a vie privée.
Mais plus qu'aux inspecteurs de police, cette bande dessinée est un formidable hommage rendu aux victimes et à leur famille.
Pour tous ces parents, leur fille n'était pas une prostituée, c'était leur fille, une personne qu'ils aimaient et en qui ils croyaient.
Même si certains dessins sur les cadavres sont durs, les auteurs ont redonné une identité à toutes les victimes de ce tueur, sans oublier toutes les familles plongées dans le doute et qui ne savent toujours pas ou qui ont su tardivement ce qui était arrivé à leur fille disparue : "Parfois je me sens ridicule d'espérer qu'elle soit en vie. Mais ensuite, je me sens coupable d'abandonner tout espoir. D'autres fois, je pense que le pire est de ne pas savoir. Qu'elle soit vivante ou morte, je veux juste être fixée. Ou peut-être que je dis n'importe quoi pour me rassurer, parce que je sais bien que le jour où vous viendrez m'apprendre sa mort sera le pire jour de mon existence.".
Les dessins uniquement en noir et blanc de Jonathan Case servent bien le récit et sont de belle facture.
Il a su donner vie aux personnages et surtout leur faire traverser les époques, jouant sur les transformations physiques au cours du temps.
C'est un récit très prenant que j'ai lu d'une seule traite, bien documenté et ne tombant à aucun moment dans le voyeurisme.
La préface de Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, est intéressante à lire, pour ma part je l'ai fait après la lecture de ce roman graphique pour apporter un autre éclairage sur l'histoire et ce tueur tout en contraste : il est un meurtrier implacable et glacial sous une apparence tout ce qu'il y a de plus banal, ce qui explique aussi en partie pourquoi il a été aussi difficile de l'appréhender.

"Le tueur de la Green River" relève sans doute plus du documentaire graphique que d'une bande dessinée pour la détente mais s'illustre par de beaux graphismes et un côté sobre donnant de l'éclat à cette histoire sur un tueur en série qui reste une énigme.

Avril - Les contraires Zazie

Pour avril, j'ai choisi de mettre à l'honneur Zazie dont le dernier album Cyclo est paru en mars 2013.
Pour ce nouvel opus, Zazie a privilégié un album plutôt intimiste, mettant à l'honneur la voix sur des mélodies simples avec toujours des textes peaufinés.
Elle a aussi fait appel à Olivier Coursier, membre du groupe Aaron, et cela se ressent je trouve à l'écoute des premiers extraits de cet album.

Même lit même camp
Ni l'un et l'autre ne s'entend

Même vent même envies
Ça ne nous arrive pas souvent

On attend on s'attend
A vivre la même vie
Et pourtant et pourtant
Seulement ce qui nous sépare nous uni

J'adore tu n'aimes pas
Je sors tu restes là
J'accoure tu es parti
C'est le jour et la nuit
Je rêve que je m'envole
Tu restes cloué au sol
Ce qui nous uni nous échappe... 

Le même souffle, même cri
Pourquoi ni l'un et l'autre ne comprend
Tu fais semblent je fais comme si
Coulait dans nos veines le même sang

Et pourtant et pourtant
Les combats les non-dits
On apprend et le temps que ça prend
Pour que le noir ou blanc se marie

J'adore tu n'aimes pas
Je sors tu restes là
J'accoure tu es parti
C'est le jour et la nuit
Tu rêves que tu décolles
Je reste clouée au sol
Ce qui nous uni nous échappe... 
Nous rattrape...
Nous aspire...
Nous inspire

Et je garde le sourire
Et tu gardes le silence
Tu crains le pire
Moi j’espère
Les contraires s'attirent

Que je garde le sourire
Quand tu gardes le silence
Quand tu soupires
Moi j’espère
Que les contraires s'attirent
Les contraires s'attirent.