dimanche 31 mars 2013

La dormeuse de Naples d'Adrien Goetz


Qui était la femme peinte par Ingres dans La Dormeuse de Naples, dont il disait qu’elle était « déjà peinte », tant sa beauté était parfaite ? Où se trouve le tableau, disparu en 1814 ? Trois cahiers imaginaires nous invitent à mener l’enquête : une confession du peintre, hanté par le souvenir de son modèle, un manuscrit de Corot, qui a entrevu la toile dans un souterrain, et celui d’un peintre inconnu, ami de Géricault. Un roman envoûtant sur un des plus grands mystères de l’histoire de l’art. (Points)

Ce roman écrit sous forme d'enquête sur un tableau disparu d'Ingres présente trois carnets : celui d'Ingres, celui de Corot et le dernier par un artiste inconnu ami de Géricault.
Le point commun entre ces récits est le tableau disparu La Dormeuse de Naples : le premier l'a peint tout en se consumant de passion pour son modèle, tandis que les deux autres l'ont entraperçu à un moment de leur vie et n'ont jamais pu l'oublier.
Pour Ingres, son modèle a été une révélation : "La promeneuse napolitaine m'avait paru sortie toute nue de mon cerveau. J'avais devant moi la seule femme qu'il me plaisait de peindre. Ma belle idéale." et lui a fait connaître les affres de la passion.
Il se consume littéralement pour cette femme qu'il va peindre en Dormeuse de Naples mais également sur d'autres de ses toiles, tout comme elle laissera une trace indélébile sur toutes ses autres peintures et influencera ses portraits : "Elle, la seule qui ressemblât, à la perfection, à ce que je savais faire, la seule qui égalât mon imagination.".
J'ai beaucoup apprécié cette première partie, cette passion d'Ingres envers cette femme est clairement une transposition du mythe de Pygmalion tel que présenté dans l'oeuvre d'Ovide, sauf qu'au lieu de tomber amoureux d'une statue Ingres va tomber amoureux de sa Dormeuse.
Mais les allusions à la mythologie grecque ne s'arrêtent pas là car Orphée est aussi nommé : "Orphée fut le dieu des artistes, je ne l'imite qu'avec la modestie feinte qui me va si bien. Moi, Ingres, je survis à mes amours, je n'emporte rien avec moi. Mais je me retourne souvent.".
Ce lien avec la mythologie grecque est bienvenu car cette mythologie est également très présente en Italie, ce n'est donc pas un hasard puisqu'une bonne partie du récit se déroule dans ce pays.
Et c'est là aussi un élément qui m'a énormément plu car les évocations de Florence ou de Naples sont très vivantes et très fidèles aux atmosphères de ces villes que je connais pour y être allées, tout comme celle de Rome me semble fidèle à la réalité.
Comment pourrais-je ne pas succomber lorsqu'un livre évoque avec autant de justesse Naples ou la magnifique Florence et cite en référence sa splendide Galerie des Offices, musée dans lequel j'ai cru pleurer dans chaque salle devant tant de beautés exposées ?
Cette évocation si juste de l'Italie est le point fort de ce roman.
La deuxième partie consacrée à Corot m'a également interressée mais à un degré moindre que la première.
Là, il s'agit de la quête éperdue de Corot de revoir La Dormeuse de Naples, tableau qu'il a entraperçu à Rome lors d'une initiation dans une confrérie mystérieuse : "La Dormeuse pour laquelle je donnerais tous les paysages, les jardins Farnèse, le pont de Narni, le Pincio à la tombée du jour, la villa d'Hadrien à Tivoli, le petit Chaville, les étangs de Mortefontaine. Je donnerais même mes nuits sur la plage d'Ostie.".
C'est une vision différente de la peinture qui est amenée par ce peintre : "Qu'il attende ! Qui peindrait mes rêves ? Il faut bien que je m'en occupe.", mais les sensations provoquées par ce tableau sont tout aussi fortes.
D'ailleurs, autre mystère dans le mystère : le modèle de La Dormeuse est-elle morte ou encore vivante ? Ingres aurait-il été dupé ?
Une autre dose de mystère qui vient se greffer au tableau disparu mais si aisément visible car décrit par les yeux de deux de ses amoureux éperdus : Ingres et Corot.
Quant à la troisième partie, elle n'était à mon avis pas utile et n'apporte plus rien au récit ni au mystère.
Je m'y suis plutôt ennuyée, elle est trop calquée sur la deuxième partie et ne fait que répéter ce qui a déjà été dit sur un tableau fascinant mais disparu.

"La Dormeuse de Naples" d'Adrien Goetz propose trois variations sur un seul et même tableau aujourd'hui disparu en revisitant au passage les mythes d'Orphée et de Pygmalion, et si les deux premières ont éveillé mon intérêt la dernière n'a aucune utilité et vient alourdir le récit.
Mais au-delà du mystère entourant la disparition de ce tableau, j'ai surtout apprécié dans ce roman l'évocation de l'Italie à travers ses grandes villes artistiques : Naples, Rome et Florence.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


Dans le prolongement de cette lecture, je vous propose quelques tableaux évoqués dans ce roman : 


Jean-Baptiste Camille Corot - Le Forum vu des jardins Farnèse - Musée du Louvre, Paris


Jean-Baptiste Camille Corot - Le Colisée vu des jardins Farnèse - Musée du Louvre, Paris


Jean-Auguste-Dominique Ingres - L'Odalisque à l'esclave - Walters Art Gallery, Baltimore


Jean-Auguste-Dominique Ingres - La Grande Odalisque - Musée du Louvre, Paris


Titien - La Venus d'Urbino - Galerie des Offices, Florence


Jean Louis Théodore Géricault - Le radeau de la Méduse - Musée du Louvre, Paris

samedi 30 mars 2013

Histoire du tableau de Pierrette Fleutiaux


Les jeunes femmes enseignantes de français s'en vont parfois exercer leur métier à l'étranger. Il a été prévu un visa d'échange pour cela, des universités prestigieuses pour les maris et des écoles françaises pour les enfants.
Mais ce qui n'a pas été prévu, c'est le peintre, rencontré par hasard dans le bas de la ville, bas-fond à vrai dire, et le peintre ne serait rien, mais il y a le tableau du peintre, et le tableau du peintre ne serait rien encore, mais il y a les couleurs du tableau du peintre ...
Et alors il ne s'agit plus de visa d'échange, ni d'enseignement, ni de mari, ni même d'enfant. Certains parleront d'empoisonnement, d'autres d'ensorcellement ... (Folio)

Il me semblait bien que le nom de l'auteur ne m'était pas inconnu et pour cause, j'ai lu il y a quelques années son livre "Nous sommes éternels" ayant reçu le Prix Femina en 1990, et je n'avais franchement pas aimé.
Afin de ne pas rester sur cette mauvaise impression j'ai lu, sans a priori, cette "Histoire du tableau" et le verdict est sans appel : le style et les histoires de Pierrette Fleutiaux ne sont pas faites pour moi.
Ca commence comme une histoire mystérieuse d'une femme mariée qui rencontre un peintre et éprouve une fascination inquiétante pour l'une de ses oeuvres et ça part dans une folie qui m'a laissée sur le bord de la route.
La narration est faite exclusivement à la première personne du singulier, par la-dite femme, mais elle est quasiment le seul personnage de tout le roman, si bien que cet enfermement du lecteur sur un personnage m'a laissé un arrière goût de claustrophobie.
Pour ne pas arranger les choses, j'ai trouvé ce personnage insipide : "Mon âme n'est pas aventureuse et je ne suis pas bohème.", la suite prouvera le contraire, "Je redoute les tracas et les responsabilités, et habituellement je cherche plutôt à les éviter qu'à leur trouver des solutions.", sur la première partie elle a raison quant à la suite elle ne pas éviter les tracas, elle va sauter dedans à pieds joints, s'y vautrer voire même s'y complaire pour finir par se réveiller, mais d'un oeil uniquement.
"Il n'y avait plus alors qu'à se livrer à l'incendie, y jeter tous les morceaux de sa chair, et dans ce grésillement vorace, jouir jusqu'à la dernière braise, jusqu'à la dernière cendre. Et peut-être après y aurait-il cette innocence dont parlent les livres.", je n'ai décidément pas compris ce personnage : si ce peintre exerçait un tel attrait sur elle, pourquoi ne pas aller au bout de sa passion avec lui ? Ce n'est certainement pas son mari et ses enfants qui la retiennent car la narratrice laisse entendre que des coups de canif dans le contrat il y en a eus quelques fois.
Certes, elle va au bout de sa passion pour le tableau en l'achetant et à partir de là sombre tout doucement dans la folie.
Cela aurait pu être intéressant mais l'histoire tombe dans la folie, dans un kaléidoscope de couleurs qui ponctuent désormais la vie de la narratrice, je n'y ai rien compris et je me suis ennuyée à la lecture avec l'impression de ramer dans le sable.
L'auteur étant focalisée sur son personnage féminin elle ne laisse que quelques indices sur l'endroit de l'histoire. J'ai vite compris qu'il s'agissait de New-York, mais pourquoi ne pas le dire explicitement ?
A force de se concentrer sur son personnage et sa fascination du tableau, plus particulièrement sur ses couleurs, l'auteur en a oublié quelques éléments essentiels d'une histoire, notamment le lieu géographique où se situe l'action, ou donner des noms à ses personnages, à commencer par sa narratrice.
C'est peut-être accessoire pour elle mais ça ne l'est pas pour moi, j'aime savoir où je mets les pieds avec une histoire et avec qui.
Ensuite, à force de parler des couleurs du tableau, de livrer mille visions toutes différentes les unes des autres de son héroïne, l'auteur m'a littéralement perdue.
Je ne sais pas à quoi ressemble ce tableau, je ne peux que l'imaginer comme un ramassi de couleurs sans queue ni tête, comme l'histoire d'ailleurs, au moins on s'accorde sur ce point-là.
Outre la claustrophobie évoquée plus haut, je me suis également sentie étouffée par la construction du roman : pas de chapitre, l'histoire est balancée d'une seule traite au lecteur et uniquement ponctuée de quelques espacements.
En somme, une lecture laborieuse pour une révélation finale très loin d'être fracassante ni même originale.

Pierrette Fleutiaux est clairement une auteur qui n'est pas faite pour moi, son "Histoire du tableau" m'a prodigieusement agacée et à aucun moment charmée.
Je n'aime ni ses histoires toujours tarabiscotées dont je n'arrive pas à comprendre l'intérêt ni son style littéraire, j'ai essayé mais la rupture est définitive.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

Livre lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2013

Porporino ou les mystères de Naples de Dominique Fernandez


Porporino, le narrateur, élève à l'école des castrats napolitains sous le règne du roi Ferdinand, dans les années 1770, est un personnage inventé mais la plupart des héros qui traversent ses mémoires ont réellement existé : le prince de Sansevero, esprit universel aux frontières du génie et de la démence, Antonio Perocades, franc-maçon rationaliste, la belle Sarah Goudhar et lady Hamilton, aventurières comme seuls en ont produit les anciens régimes, le jeune Mozart, le vieux Casanova et l'illustre Farinelli, plus célèbre en son temps que La Callas au nôtre. On découvrira du même coup, prodigieusement ressuscitée de l'oubli, ce que fut la Naples de ce temps-là, vaste cité aux édifices somptueux, capitale de l'architecture et des arts, rendez-vous de l'Europe éclairée au même titre que Paris, métropole de l'opéra, et Castrapolis unique au monde. Car cette institution des castrats, on le comprendra peu à peu, en suivant les aventures du mémorialiste et de son camarade Feliciano, beauté ravageuse, n'était pas le fruit des seuls caprices d'une aristocratie décadente. Il faut y retrouver, sublimées dans un art du chant malheureusement disparu, certaines des aspirations fondamentales de l'humanité. L'esprit des castrats était un esprit de liberté absolue, un défi à tout ce qui limite, une façon travestie de renouveler les mythes orphiques de la création en échappant à l'obligation d'être un homme. Dominique Fernandez nous donne ici le grand roman qu'on attendait de lui, à la fois éblouissante résurrection d'un passé et méditation sur l'époque contemporaine. Un livre foisonnant de personnages et d'idées, quotidien et singulier à chaque page, mouvementé, divers, lyrique, audacieux, un peu fou, merveilleux palais baroque dont les portes ornées semblent soudain s'ouvrir sur les mystères de l'aujourd'hui. (Grasset)

Composé en trois parties, "Porporino ou les mystères de Naples" s'attache à faire revivre le Naples du 18ème siècle, à l'époque où les castrats régnaient en maître sur l'opéra et où Mozart était un enfant prodige trimbalé par son père dans toutes les plus grandes cours d'Europe.
La quatrième de couverture du livre était alléchante et donnait envie, au final je suis déçue de cette lecture qui ne m'a pas apporté ce que j'y cherchais.
La première partie, "San Donato", revient sur l'enfance tranquille de Vincenzo del Prato, plus tard appelé Porporino, dans une village de campagne loin des fastes de la vie napolitaine.
J'ai trouvé l'entrée en matière intéressante, elle montre les conditions de vie dans les campagnes à cette époque et permet de cadrer l'histoire ainsi que le narrateur, amené à évoluer au cours de l'histoire.
"La sagesse et le bonheur ne commencent que là où finit la conscience de son propre statut.", Vincenzo va ainsi abandonner sa vie de garçon insouciant s'initiant aux émois de l'amour pour découvrir Naples dans une deuxième partie, "Les pauvres de Jésus-Christ", s'attachant à son adolescence et son éducation culturelle et musicale.
De l'opération qu'il a subie, Vincenzo n'en parle pas, quelques mois ou années se sont écoulé(e)s depuis la première partie et sa nouvelle famille est désormais son protecteur et ses camarades, particulièrement un : Feliciano.
Il perd son nom de baptême pour prendre son nom de castrat : Porporino, et emmène le lecteur avec lui dans une Naples riche en personnalités : le prince Sansevero, Lady Hamilton, le jeune Mozart qui se pique de curiosité pour les castrats et se rebelle publiquement face à l'autorité de son père.
Je pensais, peut-être naïvement, que tous ces illustres personnages ayant contribué à l'histoire de Naples auraient une présence dans le texte mais ils ne font finalement que passer et sont à peine esquissés par l'auteur.
Pourtant, je reconnais à ce roman d'être riche d'un point de vue historique, Dominique Fernandez sait de quoi il parle et a fait des recherches avant d'écrire son livre, mais j'ai vainement cherché à retrouver les sensations éprouvées en visitant Naples : une ville faite de ruelles, de quartiers typiques, de couleurs, sans en retrouver aucune.
Pourtant, la troisième partie du livre s'intitule "Naples" et est censée être entièrement dévouée à cette ville, j'ai complètement décroché en ayant hâte de finir ce livre.
Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une Naples sans saveur mais c'est clairement une Naples qui manque de caractère et n'en impose pas tant que ça au lecteur.
A la place, l'auteur a choisi de se perdre dans une histoire d'amour entre Feliciano et Don Manuele.
L'idée de départ était bonne et par moment ce jeu du chat et de la souris a éveillé mon intérêt, mais comme d'autres idées présentes dans ce roman, l'auteur n'est pas allé jusqu'au bout et finit bien souvent les situations en queue de poisson.
Il en fait de même concernant l'amitié entre Porporino et Feliciano, Porporino se met à éprouver des sentiments qui lui sont étrangers, j'attendais de l'auteur qu'il aille au bout de sa pensée mais finalement non, ça s'arrête brusquement et ça ne revient à aucun moment par la suite.
La seule chose que l'auteur a sans doute le mieux perçu et transcrit dans son oeuvre est l'univers des castrats : "L'esprit castrat, c'était la quintessence de l'esprit napolitain : conscience de sa propre bouffonnerie, autodérision, conscience de cet orgueil, refus de se laisser duper.", c'est le seul élément d'intérêt de ce récit qui offre un éclairage sur ces personnes.
Au final, "l'unique supériorité qui te reste, c'est de te rendre compte de la vanité de tout ce que tu as entrepris.", sauf que je suis bien incapable de dire ce qu'a entrepris Porporino dans sa vie.
Lorsqu'il parlait encore au lecteur de son apprentissage il avait émis le souhait de rester dans les choeurs et ne pas se mettre sur le devant de la scène.
Après il s'est mis à être le spectateur de la tragique histoire entre son ami Feliciano et Don Manuele, je ne vois rien de vaniteux là-dedans et ses mémoires s'avèrent décevantes.

"Porporino ou les mystères de Naples" avait les attraits d'un livre susceptible de rendre l'atmosphère de Naples au 18 ème siècle et de faire partager au lecteur l'une des époques d'or de l'opéra italien au travers des castrats, en évoquant notamment l'un des plus célèbres : Farinelli, et à travers le personnage imaginaire de Porporino.
J'ai eu du mal à achever cette lecture et je n'y ai pas trouvé ce que je cherchais, néanmoins je reconnais des qualités au travail de Dominique Fernandez et je lirai d'autres oeuvres de lui afin d'approfondir ma connaissance sur cet auteur.

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio

Valérian Tome 15 Les cercles du pouvoir de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Valérian et Laureline sont dans la mouise. Ex-agents spatio-temporels échoués sur Rubanis, ils n'ont pas les sept cent mille bloutoks qu'on leur réclame pour réparer leur astronef. Mais justement, le colonel Tlocq, chef de la police (pourrie) de cette planète (pourrie) leur propose un petit boulot : aller voir dans le cercle du pouvoir qui commande, dans cette pagaille généralisée. Qui, ou quoi ? Ils mènent donc leur enquête dans un paysage des plus désordonnés. Les banquiers déprimés sautent par les fenêtres, une espèce de walkyrie crétinise les gens à coups de fouet paralyseur, un indic trouillard refile des renseignements usagés, tandis que les Shingouz - vous savez, ces "petits bipèdes avec une trompe un peu humide" - passent leur vie à calculer leur pourcentage. Quant aux aristopatrons, ils se sont fait réduire la tête et leur cerveau en a visiblement pris un coup. Bref, tout va mal. Sans compter ce voyou de chauffeur de limouzingue qui drague ouvertement Laureline... Seul le transmuteur grognon de Bluxte fait son boulot correctement - en rouspétant, bien sûr. Action trépidante, invention, visions hallucinées du foutoir urbain, silhouettes et trognes impayables : le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne s'ennuie pas, avec ce quinzième épisode de Valérian qui finit d'ailleurs très bien - dans une débauche de saphirs de Scunindar, de bloutoks et de perles d'Ebébé... sur lesquels les Shingouz prennent évidemment 10%. (Dargaud)

"Les cercles du pouvoir" marque le retour à son meilleur niveau de qualité de la série Valérian et Laureline.
Nos deux héros sont livrés à eux-mêmes depuis la disparition de Galaxity et leur vaisseau tombe en miettes tandis que leurs poches restent désespérément vides.
Mais sur Rubanis, c'est bien connu, les problèmes finissent toujours par s'arranger et c'est par les Shingouz que leur salut va venir : "Les Shingouz ici !!! Sur cette planète de malfrats, ça ne me surprend pas !".
Là où il y a de l'argent à prendre, il y a les Shingouz.

"L'amitié et le business ça n'a rien à voir" dixit un Shingouz, il n'empêche, ils tiennent à leur amitié avec Laureline (et Valérian, mais surtout Laureline) et passent leur temps à marchander leur participation aux bénéfices, sans grand succès il faut bien l'avouer pendant un temps.
Mais ces petits êtres ne perdent pas le nord : "Nous, en tant qu'espions, la guerre on n'aime pas. La guerre c'est le gâchis ... C'est aussi la fin de notre petit commerce !" et finissent toujours par rebondir.
J'ai décidément un gros coup de coeur pour ces créatures, elles sont drôles et attachantes malgré leurs transactions incessantes et leurs informations qui ne valent pas toujours tripette.
Cet album regorge d'inventions sorties tout droit de l'imagination des auteurs, même si certaines sont repris d'aventures précédentes : le transmuteur grognon de Bluxte ou le crétiniseur.
Ainsi la limouzingue est un taxi volant, de couleur jaune, ça ne vous rappelle rien ?
Luc Besson s'est en partie inspiré de cet album pour son film "Le cinquième élément", notamment pour le taxi, les différentes strates composant la planète Rubanis, mais également le conducteur du taxi : S'Traks, un jeune conducteur intrépide qui n'hésite pas à draguer ouvertement Laureline au nez et à la barbe de Valérian.
Cela donne lieu à un combat de coqs entre les deux hommes, alors que dans le même temps Laureline est enlevée, elle s'évade toute seule et se débrouille bien mieux que les deux garçons réunis, mais ça n'est pas nouveau, Laureline a toujours été plus futée que Valérian pour se sortir d'un mauvais pas.
Du côté du scénario, nos deux héros vont devoir découvrir qui est à la tête du dernier cercle de pouvoir. C'est bien ficelé avec des rebondissements, bref, un scénario intelligent et maîtrisé du début à la fin.
Les dessins sont comme d'ordinaire de qualité irréprochable et la mise en couleurs est réussie.


"Les cercles du pouvoir", quinzième aventure des ex agents spatio-temporels Valérian et Laureline, est riche en rebondissements et très inventive.
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cet album qui retrouve le niveau de qualité des premiers albums de cette série voire même le dépasse.

vendredi 29 mars 2013

New York Mi Amor de Jacques Tardi, Benjamin Legrand, Dominique Grange


Ce volume inédit se compose de quatre récits, dont trois de format court. Tous ont pour cadre la « ville des villes » qui donne son titre au recueil. Le premier, It’s so hard…, est aussi le plus ancien. Co-signée par Tardi et Dominique Grange, cette histoire noire de quatre pages met en scène le destin pathétique d’un sosie de John Lennon. Elle était initialement parue dans le hors-série qu’avait fait paraître feu le magazine (À Suivre) juste après l’assassinat de l’ex-Beatles, en 1980. Le second récit, Manhattan, est encore plus sombre; huit pages de déveine et de dérive en noir majeur, pour se souvenir que Tardi sait faire vibrer comme personne nihilisme et ultra-moderne solitude. La troisième histoire, Le meurtrier de Hung, est également un récit en huit planches, réalisé par Tardi en collaboration avec Dominique Grange. Une étrange histoire de violence et de vengeance, avec en toile de fond le Vietnam, l’émigration et la solitude… Enfin, le dernier volet du recueil est aussi le plus copieux, puisqu’il s’agit d’une nouvelle édition de Tueur de cafards, initialement publié en 1984. Encore une histoire très noire : cinquante et quelques planches interprétées par Tardi avec un brio inouï, sur un magnifique scénario de Benjamin Legrand. L’occasion de se souvenir que peu d’auteurs de bande dessinée ont mis New York en scène avec un tel talent. (Casterman)

Cette bande dessinée composée de "Tueurs de cafards" et de trois histoires courtes n’est pas à proprement parler une déclaration d’amour à la ville de New-York.
Loin du glamour, du chic Upper East Side, ce sont plutôt les bas-fonds et les quartiers peu reluisants qui sont mis à l’honneur.
La première – et plus longue – histoire de ce recueil est "Tueurs de cafards", scénarisée par Benjamin Legrand et dessinée par Jacques Tardi.
Le lecteur y retrouve incontestablement la touche de Jacques Tardi, avec des dessins en noir et blanc uniquement colorisés de rouge pour l’uniforme de Walter et le sang.
Walter est loin d’être un héros, ce personnage m’a même laissé de marbre, il ne brille ni par sa beauté extérieure et/ou intérieure ni par son intelligence, il traîne sa carcasse durant toute l’histoire et tente de sauver sa peau après avoir appuyé par curiosité malsaine sur le bouton 13 d’un ascenseur : "Quand j'y repense ... jamais je n'aurais dû appuyer sur le bouton du 13ème. Il n'y a pas de 13ème étage à New York !".
J’ai trouvé cette histoire moyennement intéressante, même si elle est présentée sous forme d’enquête policière. Tout son intérêt réside à mon avis dans l’ambiance qui s’en dégage : un New-York glauque, malsain, l’envers total du décor habituellement mis à l’honneur dans la littérature.
                                                   
Les trois autres histoires courtes ponctuant ce recueil ont toutes pour cadre New-York.
Ainsi, avec "It’s so hard", scénarisée par Dominique Grange la compagne de Jacques Tardi c’est un sosie bossu de John Lennon qui est à l’honneur.
J’ai aimé l’ironie de l’histoire et du personnage, particulièrement la fin.
Si comme Walter ce personnage traîne avec lui son mal être, il apparaît presque comme plus sympathique au lecteur.
"Manhattan" est une histoire signée 100% par Jacques Tardi et est de loin la plus tragique et la plus noire.
Ici point d’enquête ou de vengeance, il y a juste un homme au bout du rouleau et décidé à en finir avec la vie, à New-York.
Cette histoire prend aux tripes, la noirceur du personnage est au moins égale à celle de New-York si ce n’est plus.
La ville apparaîtrait même comme plus belle que dans les autres, du fait que le personnage ne se cache pas qu’il y est venu pour en finir, même si c’est dans les quartiers peu reluisants qu’il trouve sa solution : "Cet endroit m'avait fasciné, allez savoir pourquoi ? Un block entier de voitures dans Manhattan, y avait vraiment rien de plus ordinaire et dénué d'intérêt au monde ...".
Le recueil se conclue sur courte historie scénarisée une nouvelle fois par Dominique Grange : "Le meurtrier de Hung".
Ici, il est question de la vengeance d’une rescapée de la guerre du Vietnam qui cherche le soldat américain l’ayant violée et ayant assassiné son enfant.
Cette histoire m’a le plus émue, elle est très belle et la fin est une magnifique illustration que la vengeance ne résout rien, d’ailleurs la plupart du temps la vie s’en charge : "Tu n'as plus besoin de te venger, la vie s'en est chargée pour toi. Viens, on n'a plus rien à foutre ici ...".
Ce n’est pas une histoire drôle, ni gaie, mais c’est à mes yeux la plus humaine et celle qui m’a interpellée tandis que j’ai lu les autres en simple lectrice, sans éprouver d’empathie pour les personnages.
L’autre aspect intéressant de ce recueil est que chaque histoire est ponctuée de textes de Benjamin Legrand et Dominique Grange, "Tueurs de cafards" propose même un beau montage de photographies/dessins qui prolonge cette histoire grinçante et l’ambiance très New-Yorkaise qui se dégage du récit.

"New York Mi Amor" m’a plus ou moins touchée selon les histoires mais ce recueil vaut à mon avis d’être lu pour l’ambiance très particulière de New-York qui s’en dégage et qui y est mise à l’honneur, avec en prime un petit clin d’oeil fait à Art Spiegelman au travers des dessins de Jacques Tardi.

Livre lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2013

Les noces rebelles de Sam Mendes




Dans l'Amérique des années 50, Frank et April Wheeler se considèrent comme des êtres à part, des gens spéciaux, différents des autres. Ils ont toujours voulu fonder leur existence sur des idéaux élevés. Lorsqu'ils emménagent dans leur nouvelle maison sur Revolutionary Road, ils proclament fièrement leur indépendance. Jamais ils ne se conformeront à l'inertie banlieusarde qui les entoure, jamais ils ne se feront piéger par les conventions sociales.
Pourtant, malgré leur charme et leur insolence, les Wheeler deviennent exactement ce qu'ils ne voulaient pas : un homme coincé dans un emploi sans intérêt ; une ménagère qui rêve de passion et d'une existence trépidante. Une famille américaine ordinaire ayant perdu ses rêves et ses illusions.
Décidée à changer de vie, April imagine un plan audacieux pour tout recommencer, quitter leur petite routine confortable dans le Connecticut pour aller vivre à Paris... (AlloCiné)

Kate et Leo ne sont pas sur un bateau, les cheveux au vent à la proue d’un vaisseau à hurler qu’ils sont les rois du monde.
Seul point commun avec le film les ayant montrés en couple onze ans auparavant, ils sont à la dérive dans leur vie et coulent à pic.
L’avantage, c’est qu’ils ne mettent pas trois heures à sombrer corps et biens, dès les premières minutes du film l’ambiance est donnée.
Comme dans le livre d’ailleurs.
Il a suffi que je le referme, que je souhaite voir le film qui en avait été tiré pour que je sois exaucée : quinze jours après il était diffusé à la télévision.


Plus qu’un film sur la vie d’un couple qui se déchire, "Les noces rebelles" est un reflet sur la société américaine des années 50, une quête d’idéal difficilement atteignable.
Pour les Wheeler, c’est de repartir de zéro en Europe, avec une April rêvant d’une France offrant liberté, indolence et douceur de vivre, s’imaginant femme au travail tandis que son Frank pourrait se poser et trouver sa voie.
Quant aux enfants … et bien les enfants s’habitueront, ils sont jeunes, ils se feront très vite de nouveaux amis.
Est-ce aussi sombre voire violent physiquement ou moralement que dans le livre ?
Sans hésiter oui, dès les premières minutes le spectateur sent que le couple est à la limite permanente de l’explosion.
Frank hurle, manque de frapper sa femme et à défaut se rabat sur la tôle de la voiture, tandis qu’April fume sa cigarette et si elle le pouvait s’arracherait les oreilles pour ne plus entendre parler de son fiasco théâtral.
Mais ce n’est pas lorsqu’ils se hurlent dessus qu’ils sont les plus dangereux, c’est au contraire lorsqu’ils se parlent calmement, qu’ils laissent planer des sous-entendus qu’ils le sont.
En cela, la fin du film est admirablement orchestrée et mise en scène.


 Le scénario du film est très fidèle au livre, il respecte bien la chronologie des évènements et les personnages sont tels que je pouvais me les représenter au cours de ma lecture.
Le réalisateur Sam Mendes, dont j’avais pu apprécier l’irréprochable esthétique de son premier film "American Beauty", était alors le mari de Kate Winslet et non seulement il lui a offert un très beau rôle mais il ne pouvait pas l’imaginer sans aller de pair avec Leonardo DiCaprio.
Si je n’ai rien à reprocher au jeu de ce dernier, je dois reconnaître qu’il est un cran en-dessous de celui de Kate Winslet et ce, durant tout le film.
Il faut dire que Kate Winslet brille, étincelle, éblouit l’écran par la justesse de son jeu.
Elle est admirable, juste, elle s’est appropriée le personnage d’April Wheeler et le transcende.
C’est une grande actrice, je trouve d’ailleurs que les rôles de femme/épouse/mère comme dans la série "Mildred Pierce" ou ici lui vont à ravir, comme si elle était viscéralement faite pour eux.
La mise en scène est impeccable, l’ambiance de quartier tranquille de banlieue New-Yorkaise transparaît à l’écran, le tout sur fond musical de Thomas Newman.


"Les noces rebelles" de Sam Mendes est une adaptation fidèle du livre de Richard Yates qui permet de faire connaître cette œuvre à un public plus large, servi par de très bons comédiens et par une mise en scène soignée.
Une plongée cinématographique dans les Etats-Unis des années 50 qui mérite le détour et de s’y attarder.

mardi 26 mars 2013

Salon du Livre de Paris 2013



Pour cette édition 2013 du Salon du livre de Paris, ce n’est pas une journée que j’y ai passée mais une journée et demie.

Je serai curieuse de vivre une inauguration, mais pour cette année je n’ai même pas cherché à le faire, pendant que le Salon ouvrait ses portes, que le champagne et les petits fours remplissaient les estomacs, je visitais un chantier, le casque et les chaussures de sécurité étaient de rigueur pour patauger dans le ciment et crapahuter sur les plateformes.


 D’ailleurs, je lance un petit concours via les commentaires : devinerez-vous quel type de chantier je visitais d’après la photo ci-dessus ?

Fin du suspens et réponse : 
Non, ce n'est pas une bibliothèque, cette proposition a eu du succès.
Ce n'est pas non plus une gare du futur Grand Paris.
Ceci est le forage d'un puits de géothermie profonde dans la nappe du Dogger à un peu plus de 2 000 mètres sous terre.
Ce que l'on voit sur la photo est le derrick, culminant à une hauteur de 38 mètres et les "blocs" noir à droite ce sont les tuyaux qui vont être descendus dans les puits (un puits producteur et un puits injecteur).
C'est avec ce même type de machine que sont forés les puits de pétrole.

Cette année, le Salon mettait à l’honneur les lettres roumaines et Barcelone était la ville invitée, deux occasions de découvrir des auteurs, des ambiances, et de remplir sa musette de livres.
Ayant été très sage ces derniers mois niveau achat de livres, je pouvais me faire plaisir sans complexer (en fait, je ne complexe jamais à acheter un livre, j’ai toujours une bonne raison).
J’ai constaté à la visite de certains stands une diminution des livres présentés, très flagrant chez Pocket dans leur collection 10/18, ainsi qu’une diminution dans la taille des stands hormis pour les éditions Actes Sud, de plus en plus représentées au fil des années.
Cette année, j’avais décidé de ne pas faire de dédicace, parce que des auteurs que j’aurais aimé rencontrer n’étaient pas présents et que je n’avais pas non plus envie de perdre du temps dans les files d’attente.
Ce n’est pas non plus pour ça que j’ai profité des conférences, j’ai le sentiment d’être passée sur certains aspects à côté de ce Salon, de ne pas en avoir profité pleinement (paradoxal en y ayant passé une journée et demie), par contre j’ai pris le temps de visiter des stands, des maisons d’édition peu connues, notamment celles régionales, et un carré réservé à l’art du livre : reliures, enluminures.

Cette année il n’y avait pas moins de sept expositions éparpillées dans divers coins du Salon : Arleston, Garo, Superman, Spirou, Titeuf, Les 60 ans du Livre de Poche et le Musée des lettres et des manuscrits.
Je me suis contentée de faire celle d’Arleston, du Livre de Poche et de Spirou.




Le Livre de Poche revenait sur 60 ans d’existence, avec une évolution des publications et des couvertures au fil des années et surtout exposait le pianococktail de Colin à l’occasion de la sortie le 27 avril 2013 de "L’écume des jours" de Michel Gondry adapté du roman de Boris Vian.





Arleston, auteur de bandes dessinées comme "Trolls de Troy", "Lanfeust de Troy", était mis à l’honneur dans le cadre d’une petite exposition composée de planches et de couvertures de bandes dessinées, ainsi que deux bustes du troll Hébus (sans ses mouches).

Quant à Spirou, je me suis contentée d’un tour rapide, il y avait du monde du fait de dédicaces et pas trop la possibilité de s’attarder à regarder les planches exposées.






 Pour animer le Salon, des conférences étaient réparties sur cinq scènes.
Là, je dois avouer que j’ai pris une photo de Marc Lévy durant sa conférence du samedi matin dans l’unique but de la poster agrémentée du commentaire acide : "Un écrivain, un vrai", mais tel est pris qui croyait prendre, ma photo était tellement noire qu’on ne distinguait rien dessus et j’ai dû la supprimer.
J’ai déambulé dans les allées et dans les stands, fait quelques achats et pris quelques photos.


Françoise Hardy en dédicace

Je ne suis pas manga, mais celui sur Cesare Borgia intitulé "Cesare" de Fuyumi Soryo et publié par Ki-oon a attiré ma curiosité.



Samedi à 16 heures, Sophie et Kevin avaient organisé, comme l’an passé, une rencontre des blogueurs.
Une occasion de revoir des personnes connues comme George, Sharon, Claire, Miss Bouquinaix, d’en découvrir d’autres : Laurence, Audrey, et de voir l’équipe de Vendredi Lecture fière d’annoncer la création de leur association : Pauline, Nathalie, et Lili Galipette en coup de vent.
Ca papote, ça échange sur le Salon, les livres achetés, et puis SophieLit aperçoit David Foenkinos, va le chercher et c’est très gentiment qu’il est resté quelques minutes avec nous avant de se rendre à une dédicace.
Avec Claire nous avons fini par aller nous poser à l’espace polar SNCF où une personne nous a gentiment régalées d’une madeleine en guise de quatre-heures.
J’ai repris le fil de mes pérégrinations avant de rentrer chez moi.

Dimanche après-midi, retour au Salon.
Promenade dans les allées et dans les stands, quelques portraits volés, petit tour à la première partie de la conférence "Internet : le lecteur devient-il un prescripteur convoité … et redouté ? ", mais rien de neuf sur le sujet que je n’ai déjà entendu et puis je dois reconnaître que je ne me pose pas autant de questions sur ce sujet.
Je poste mes avis par plaisir, dans le cadre d’une activité de loisir, je n’ai nullement la prétention de me déclarer critique littéraire, ce n’est en aucun cas mon métier et les billets que je publie n’ont rien à voir avec des critiques de professionnels.


Douglas Kennedy en dédicace


Yasmina Khadra en dédicace

Au stand du Livre de Poche, une question me taraude : 


Le Club des lectrices aurait-il remis au goût du jour "Dans la ville des veuves intrépides" ?

Pour finir l’après-midi, direction le stand Kobo pour une rencontre entre membres de Babelio à l’initiative de Pierre (l’abeille de Babelio), discussions autour d’auteurs, de livres, du Salon et l’occasion de rencontrer Elizabeth/Lalivrophile  accompagnée de Miguel33, Blacksad et de revoir Tilly.

Cette édition du Salon fut marquée par des loupés, à commencer par celui avec Sea où on se faisait une joie de se rencontrer "en vrai", sur une décision de dernière minute de Sea de venir au Salon pour y rencontrer Carlos Ruiz Zafón le dimanche.
Petit problème : c’était le samedi qu’il était présent sur le Salon et non le dimanche.
Ce n’est que partie remise, de toute façon l’année prochaine j’épluche le programme un mois avant pour qu’on ne se loupe pas avec Sea, je compte aussi la tenter sur des livres, avec moi pas question de décider mûrement l’achat d’un livre, et la Salon c’est une fois par an.
Ensuite dimanche, si j’avais été plus attentive j’aurais vu que Yasmina Khadra dédicaçait.
Cela m’aurait évité de ne pouvoir offrir à ma mère qu’une photo et non un livre dédicacé.
Mon sens de l’orientation étant ce qu’il est (en France tout du moins, à l’étranger il me joue moins de tours), il va falloir que je pense à me faire tatouer le plan du Salon pour m’y repérer (le tatouage étant apparemment très à la mode ça tombe bien).
Je cherchais un stand de marque-pages je n’ai rien trouvé, en lisant le résumé de la journée du dimanche de George je l’ai loupé.
Et j’ai failli passer à côté du pavillon des lettres roumaines, il faut dire que le border de livres roumains écrit en roumain ne m’incitait pas à approfondir plus ma découverte.
Finalement il fallait aller au centre pour y trouver des ouvrages en français.

Du côté des emplettes, le cru 2013 est le suivant :
- "Orbitor" de Mircea Cartarescu
- "Pourquoi nous aimons les femmes" de Mircea Catarescu
- "Le jeu de l’ange" de Carlos Ruiz Zafón
- "L’année du déluge" d’Edouardo Mendoza
- "Le crime de l’hôtel Saint Florentin" de Jean-François Parot
- "La mort à Venise" de Thomas Mann
- "Beignets de tomates vertes" de Fannie Flagg
- "Amours en marge" de Yoko Ogawa
- "Une fenêtre au hasard" de Pia Petersen
- "Chouannerie 1789-1815" de Reynald Secher et René le Honzec

Je me suis laissée tenter par un seul auteur roumain, il faut dire qu’il n’y avait pas pléthore de livres en français et encore moins en format poche, deux auteurs espagnols pour Barcelone dont Edouardo Mendoza que je ne connaissais pas, trois livres que j’avais mis sur ma liste de souhait : Jean-François Parot, Thomas Mann et Fannie Flagg, un livre de Yoko Ogawa une auteur qui j’apprécie énormément, un de Pia Petersen et pour finir une bande dessinée sur l’histoire de la Bretagne présentée sur un stand régional.

Un Salon du Livre chassant l’autre, rendez-vous à celui de l’année prochaine !

dimanche 24 mars 2013

Sherman Tome 5 Les ruines, Berlin de Griffo et Stephen Desberg


Dans l'Amérique des années 50, Jay Sherman est l'incarnation du rêve. Fils d'un clochard, il a gravi les échelons jusqu'à devenir un homme d'affaires en vue. Et, aujourd'hui, son fils semblait promis au bureau ovale... avant qu'une balle ne mette un terme provisoire à cette success story familiale ! Qu'a bien pu faire un homme si respectable pour susciter une telle haine... ? La vérité apparaît enfin alors qu’approche la fin de l’histoire. (Lombard)

Dans ce cinquième tome, la Seconde Guerre Mondiale fait rage, il n'est plus question de compromis mais de collaboration, ainsi l'AG Karsten, détenue par Karl Jurgen et Jay Sherman se met à produire le gaz Zyklon B destiné à être utilisé dans les camps d'extermination : "Messieurs, le moment approche où les tains déverseront les juifs par centaines de milliers dans les camps. Il vous faudra être prêts à les accueillir ! Du pesticide. J'aime beaucoup cette idée. Il y a décidément trop de vermine dans nos camps ! Et ailleurs.", tandis que Jeannie Sherman se bat pour retrouver l'homme qu'elle aime dans la plus complète incompréhension de son père et que Karl Jurgen voit ses idéaux et rêves de gloire anéantis par le régime nazi : "Laisse-moi te dire ce qu'ils sont en train de réaliser là-bas. Le parfait mariage du sang et des cendres !".

Je pensais que le personnage de Jeannie Sherman allait prendre de l'ampleur, je me trompais, en ce sens que ce n'est pas de l'ampleur qu'elle prend, elle éclipse tout simplement les autres personnages, à commencer par celui de son père.
Si Griffo a choisi de la représenter avec un visage trop carré et dur à mon sens, elle a plus de présence et de charisme que bien des personnages et elle ne souffre pas des défauts de son père, personnage avec qui j'ai plus de mal à accrocher.
Je reproche à ce dernier son côté séducteur, également repris pour son fils Robert qui est d'ailleurs persuadé que la seule chose qu'il réussit dans la vie c'est avec les femmes, mais également son indifférence vis-à-vis de sa fille qu'il ne cherche même pas à comprendre. Dans un sens, ce qui lui arrive aujourd'hui pourrait presque être mérité.
Il faudra que Jeannie disparaisse pour son père prenne enfin conscience de son existence : "Pourquoi faut-il qu'on oublie de se parler quand on peut se voir tous les jours ... Et qu'on soit prêt à tout perdre quand il est sans doute trop tard ?".
Jeannie est un personnage sauvage, il n'est pas forcément facile pour le lecteur de s'accrocher à elle mais c'est à mon sens le personnage le plus authentique de cette série et d'une certaine façon la plus humaine.
Je le ressentais depuis le début mais dans ce tome-ci de façon plus nette, la famille Sherman est trop calquée sur la famille Kennedy, à tel point que Robert Sherman, candidat à la future présidence, prend pour maîtresse une blonde pulpeuse faisant du cinéma.
C'est dommage que Stephen Desberg n'ait pas pris plus de recul et d'indépendance dans la création de cette famille, d'autant qu'il maîtrise jusque là le suspens et ne laisse rien filtrer sur les clés de l'énigme.
A la lecture de ce cinquième tome, j'ai une petite idée sur la personne derrière tout cela, je verrai si mon idée est la bonne ou non dans le dernier tome.
Je trouve également inutile et redondant les rappels régulièrement faits sur le contenu du message téléphonique mettant en garde Jay Sherman. Le lecteur le connaît, les tomes étant publiés de façon rapprochée il ne l'a pas non plus oublié en passant d'un tome à un autre.
Niveau graphisme, cette bande dessinée est extrêmement agréable à lire et à regarder, Griffo est décidément un dessinateur dont j'apprécie beaucoup la plume.

Avec "Les ruines, Berlin", le mystère continue de s'épaissir, rendant cette série addictive malgré quelques aspects clairement inspirés du clan Kennedy aux Etats-Unis.
Suite et fin de la série dans le sixième tome.

Sherman Tome 4 Le piège, Bayreuth de Griffo et Stephen Desberg


Un lourd secret de plus dans le passé d'un homme qui semble n'avoir vécu que pour accumuler les ennemis. S'il veut sauver sa fille, Jay n'a plus le choix : il va lui falloir avouer les pages les plus controversées de son histoire, de New York au Berlin des années 30. Et surtout, se souvenir de cette funeste voix... qu'il ne connaît que trop bien ! (Lombard)

"Deux années à peine s'étaient écoulées depuis que mon ami Karl Jurgen m'avait assuré qu'il saurait contrôler la partition. Ma fille était tombée amoureuse d'un chanteur. Mais la musique s'en était allée. Il ne restait plus que les paroles, scandées, éructées, sur le bruit des bottes !".
Le régime nazi est désormais au pouvoir en Allemagne, la traque des Juifs a commencé, les industries doivent se rallier au IIIème Reich, l'affaire de Jay Sherman et Karl Jurgen intéressant fortement le régime pour la production de caoutchouc synthétique et de produits chimiques : "L'Allemagne devient un endroit dangereux. J'espère que tu le comprends.".
C'est dans le cadre du festival de musique de Bayreuth que le chemin de Jeannie croise celui de Ludwig Melchior, un talentueux chanteur d'opéra en Allemagne et chanteur de jazz à New-York : "La religion de Wagner est simple, finalement. Les hommes y cherchent la liberté; les dieux la puissance ! A la fin, tous échouent. Les hommes trouvent la puissance. Les dieux finissent avec la liberté.".
Jeannie a réussi à percer la carapace de cet homme et est, sans doute pour la première fois, tombée amoureuse de lui : "Les femmes détestent les séducteurs, mais elles adorent être séduites.".
Mais voilà, Ludwig Melchior est Juif, et même s'il a payé très cher pour effacer toute trace dans son passé de cette religion, il finit par être rattrapé par le régime nazi.

Je me demande pourquoi j'ai laissé passer autant de mois avant de poursuivre ma lecture de cette série.
Dans ce quatrième tome, l'histoire se déroule majoritairement en Allemagne, à Berlin, et permet de montrer l'avènement du régime nazi en Allemagne et les conséquences sur la vie quotidienne des allemands ainsi que dans l'industrie qui doit désormais produire pour le Reich.
Le scénario de Stephen Desberg est ficelé de façon intelligente, il laisse planer le mystère et ne dévoile aucune clé, c'est prenant à lire même si ce tome ne fait pas à proprement parler avancer l'intrigue.
Il met plutôt en avant un personnage jusqu'alors secondaire : Jeannie, la fille de Jay Sherman, absente depuis le début de l'histoire et uniquement présentée lors de flashbacks.
C'est un personnage intéressant à plus d'un titre, déjà parce que c'est la seule représentation féminine qui n'est pas assimilée à une femme servant de faire-valoir à son mari, elle n'est pas potiche mais au contraire maître de sa vie et de ses choix, elle incarne une forme de liberté que Jay Sherman doit d'un certain côté envier, ensuite elle n'a pas grand chose à voir avec les autres personnages car elle ne se laisse dicter sa vie par personne, et puis étant absente depuis le début de la série elle finit par titiller la curiosité du lecteur.
C'est à mon sens le personnage qui incarne la liberté, et je pense que son rôle va prendre de l'ampleur par la suite.
Les dessins de Griffo sont très beaux, c'est d'ailleurs l'un des aspects qui m'a attirée vers cette série, avec une mise en couleurs par Roberto Burgazzoli et Bautista que je trouve réussie.
L'histoire est assez classique d'aspect mais l'apparence de cette bande dessinée est soignée et attire le regard sur un présentoir.

"Le piège, Bayreuth" est dans la continuité des tomes précédents, avec une intrigue qui ne s'éclaircit pas et des personnages charismatiques.
Je ne recommence pas la même erreur, je termine cette fois-ci la série sans interruption, de toute façon je n'ai qu'une envie : connaître qui est derrière cette machination et cherche à atteindre Jay Sherman dans sa chair.

samedi 23 mars 2013

Earl & Mooch Tome 3 La peau de l'ours de Patrick McDonnell


Les aventures d'Earl le chien et Mooch le chat, deux bestioles naïves et tendres. (Les Humanoïdes associés)

"- T'sais, croiser la route d'un chat noir peut provoquer de graves ennuis.
- Pas autant que d'en avoir un sur la tête."
La messe est dite, ce troisième tome des aventures d'Earl & Mooch est aussi drôle que les deux précédents et c'est avec un immense plaisir que j'ai retrouvé les deux compères.
Cette fois-ci ils vont avoir quelques ennuis avec un écureuil, croiser un ours - je parle du manteau de fourrure, pas de celui qu'ils vont aller déranger en pleine hibernation pour lui poser une question s'il dort vraiment tout l'hiver : "L'an prochain, je choisis une grotte avec porte." -, une chrysalide se transformant en papillon, un gros chien, un cochon, sans oublier de couver un oeuf pour Mooch et retrouver leurs amis les oiseaux avec l'arrivée du printemps.
Mine de rien, j'ai appris des choses avec cette bande dessinée, aujourd'hui je comprends mieux le raisonnement de ma chienne en "années chien" lorsque pour elle cinq minutes apparaissent comme une éternité, ainsi que les beaux sourires qu'il lui arrive de faire : "Ozzie t'a encore lavé les dents.", tout comme son amour immodéré des bains, moins appréciés par les puces, s'ensuivant de roulade par terre.
Mooch nous fait une petite crise sur le fait d'être considéré comme mignon : "Sous cet air de minou mignon il y a un vrai chat, avec un vrai coeur et plein d'autres qualités !", quant à Earl il revisite l'histoire canine à travers les époques : "Les chiens gardent leurs maîtres depuis l'âge des cavernes !".
C'est toujours aussi drôle, j'ai souri du début à la fin et j'ai franchement rigolé par moment, quant au graphisme je l'aime beaucoup, tout comme l'aspect noir et blanc et les quelques pages mises en couleur.
C'est une bande dessinée agréable à lire et qui permet de passer un bon moment de détente.

Je ne sais si "Earl & Mooch" pourrait être conseillé comme guide pour avoir un chien et/ou un chat, mais ce troisième volume est un excellent remède contre la morosité et la grisaille, remettant du baume au coeur et le sourire sur les lèvres.
A consommer sans modération.

Livre lu dans le cadre du challenge Totem - Chien

06h41 de Jean-Philippe Blondel


Le train de 06h41, départ Troyes, arrivée Paris. Bondé, comme tous les lundis matins. Cécile Duffaut, 47 ans, revient d'un week-end épuisant chez ses parents. Elle a hâte de retrouver son mari, sa fille et sa situation de chef-d'entreprise. La place à côté d?elle est libre. S'y installe, après une légère hésitation, Philippe Leduc. Cécile et lui ont été amants vingt-sept ans auparavant, pendant quelques mois. Cela s'est très mal passé. À leur insu, cette histoire avortée et désagréable a profondément modifié leurs chemins respectifs. Tandis que le train roule vers Paris et que le silence s'installe, les images remontent. Ils ont une heure et demie pour décider de ce qui les attend. (Buchet-Chastel)

C’est dans le huis-clos d’un Train Express Régional – TER – que se déroule l’histoire de Cécile Duffaut et de Philippe Leduc.
Ou pour être plus précis leur deuxième histoire, car ils se sont connus vingt-sept ans auparavant, ils ont été amants pendant quelques mois mais cette histoire s'est mal finie.
Basé sur les monologues intérieurs de ces deux personnages, le livre va dévider au fur et à mesure l'écheveau  de cette histoire avortée et revenir sur les implications qu'elle a eues dans la vie de ces deux personnes et sur leurs comportements.
Philippe Leduc ne sait trop comment se comporter vis-à-vis de Cécile Duffaut : doit-il la reconnaître et entamer la discussion ou bien feindre qu'il ne se souvient pas d'elle : "Ou alors jouer l'Alzheimer profond, non, je ne vous reconnais pas vraiment, vous n'existez pas pour moi, vous êtes juste ma voisine anodine dans un train anodin qui commence à prendre de la vitesse, pourquoi vous accorderais-je plus qu'une inattention polie ?" ?
Quelque soit l'option choisie, il finira de toute façon par être mal à l'aise mais ça, le lecteur ne le découvre que vers la fin.
Quant à Cécile Duffaut, cette rencontre inopinée fait remonter à la surface de vieux démons enfouis dans une vie réussie de chef d'entreprise, de mère et de femme : "J'étais de celles dont on pense qu'elles ont le regard éteint, simplement parce qu'elles cachent sous des masques inexpressifs un véritable mépris pour toutes ces joutes, pour tous ces chevaliers servants en carton-pâte et ces princesses de pacotille. Et surtout pour elles-mêmes. Je me méprisais autant que je les dédaignais. Joli tableau.".
Cécile Duffaut n'a jamais été de ces filles belles et sûres d'elles, c'était même plutôt l'inverse et cette rupture sera l'élément déclencheur qui la fera changer, mais qui modifiera aussi à jamais son regard et son jugement sur les hommes :  "Les hommes croient toujours que, lorsqu'ils font rire une femme, la moitié du chemin qui mène à son lit est parcourue - et ils ne se rendent pas compte à quel point l'inverse est vrai aussi.".
Construit avec des chapitres alternant entre le point de vue de Cécile Duffaut et celui de Philippe Leduc, "06h41" est un livre sur une forme différente de séduction.
Là, il est question d'un jeu de cache-cache à qui parlera en premier, à qui brisera la glace et entamera un dialogue, car de séduction il n'en est plus question, elle a eu lieu il y a vingt-sept ans de cela et s'est finie comme l'apprendra le lecteur dans les derniers chapitres.
Je ne sais si Jean-Philippe Blondel a pris volontairement parti pour un personnage plus que l'autre, mais je n'ai pu m'empêcher de ressentir à la lecture un traitement plus doux sur le personnage de Cécile Duffaut tandis que celui de Philippe Leduc n'attire pas la sympathie du lecteur.
Mais finalement, c'est aussi un peu dans l'ordre des choses le destin qu'a vécu chacun de ces personnages, j'aime assez cette vision proposée par l'auteur.
Je me suis très vite prise au jeu dans la lecture et j'ai suivi avec délice ces confrontations intérieures, attendant impatiemment d'en connaître la conclusion.
Le style est fluide, les personnages, sans presque s'exprimer autrement qu'intérieurement, ont une présence et prennent rapidement le lecteur dans les mailles de leurs filets.
Je n'ai pas été à proprement parler déçue par la fin, mais je la trouve un tantinet trop ouverte et j'attendais autre chose comme conclusion à ce livre.

Avec "06h41" je découvrais Jean-Philippe Blondel comme auteur, et si j'ai été séduite par son style et que je lirais d'autres livres de cet auteur, je note surtout que ce livre très sensible pourrait faire aimer les voyages en train.

dimanche 17 mars 2013

Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB de Jacques Tardi


Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre - Stalag IIB, Jacques Tardi concrétise un projet mûri de très longue date : transposer en bande dessinée les carnets de son propre père, rédigés des années durant sur des cahiers d’écolier, où celui-ci tient par le menu la chronique de sa jeunesse, en grande partie centrée sur ses années de guerre et de captivité en Allemagne. Après avoir, comme on le sait, énormément travaillé sur la guerre de 14 – 18, c’est la première fois que Tardi se penche d’aussi près sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Ce faisant, il développe également un projet profondément personnel : en mettant en images l’histoire de son père militaire, Tardi explore rien moins que les racines, les origines et les ressorts de sa propre vie. Ce « roman familial » prend des accents d’autant plus intimes que Tardi a associé au projet deux de ses propres enfants, Rachel (qui assure la mise en couleur) et Oscar (documentation et recherches iconographiques). (Casterman)

Jacques Tardi est plutôt connu pour ses bandes dessinées portant sur la guerre de 14-18 et sa série des aventures d'Adèle Blanc-Sec, c'est donc la première fois qu'il se penche sur la Seconde Guerre Mondiale mais en ayant ciblé l'histoire qu'il allait raconter : celle de son père, prisonnier de guerre au Stalag IIB.
C'est à partir des carnets rédigés par son père que Jacques Tardi bâtit son histoire, qui n'est pas que l'histoire de son père mais tout simplement l'histoire de sa famille.
Du temps où son père était encore vivant, l'auteur ne lui a jamais trop posé de questions sur cette période de sa vie, ce qui fait que parfois des questions restent sans réponse, mais l'ensemble est non seulement cohérent mais documenté avec précision.
L'une des originalités de ce récit, c'est que Jacques Tardi s'est représenté enfant aux côtés de son père durant tout le récit, n'hésitant pas à l'interrompre, à lui poser des questions ou à lui faire part de ses opinions ou à faire de l'ironisation, et cela plonge tout de suite le lecteur dans l'histoire en tant que spectateur.
Il n'est d'ailleurs pas toujours très tendre avec son père : "Quand je pense que tu t'es engagé ! Tu me fais honte !".
Ce dernier lui explique, sans doute comme l'auteur aurait aimé que son père lui parle lorsqu'il était plus jeune, les raisons de son engagement, la mentalité de l'époque en France : "A l'école, on ne cessait de nous répéter que dans tous les domaines nous étions les plus balèzes. Nous avions eu Descartes, Boileau, etc., etc., donc nous étions les plus forts et personne n'aurait l'outrecuidance de venir nous chatouiller. Voilà ce qu'on inculquait aux Français de l'époque.", tout ce qui peut expliquer le comportement des français et de l'armée et surtout sa déroute rapide face à l'armée allemande bien mieux organisée et préparée que celle française : "Comment était-ce possible ? La meilleure armée du monde ! ... Avec à sa tête, les chefs les plus intelligents qui soient ... L'armée française, l'armée du pays des superlatifs, du pays du bon goût, où tout est mieux et meilleur qu'ailleurs ! Que s'était-il passé ? Comment ces sinistres bouffeurs de choucroute mal dégrossis avaient-ils pu nous infliger une telle déculottée ? ... à nous ?! C'est te dire à quel point nous nous pensions supérieurs et invincibles.".
Je trouve que René Tardi porte un regard lucide et sans concession sur l'état d'esprit de cette époque, et là où je n'ai pu m'empêcher de sourire c'est que, malheureusement, cette mentalité n'a pas forcément beaucoup évolué en plus de cinquante ans et que nous, français, avons toujours un peu trop tendance à nous croire supérieurs et invincibles.
Le récit est posé et prend le temps de se construire, certains passages sont appuyés par le narrateur car ils ont été importants dans cette période de sa vie, je pense notamment au côté de déshumanisation qui régnait dans le Stalag : "Je venais de perdre mon identité au profit d'un numéro matricule. Je n'étais plus qu'un "stück" de viande, pris dans la toile de l'administration nazie de ce putain de camp.", une autre forme de déshumanisation par rapport à celle que connaîtront les déportés en camps de concentration ou d'extermination (René Tardi précise d'ailleurs à son fils qu'ils ont eu connaissance de ce qui se passait dans d'autres camps et que c'était l'une des raisons pour lesquelles ils cachaient le statut des Juifs du camp), ainsi que le manque de nourriture omniprésent durant un peu plus de quatre ans et qui a très vite travaillé l'esprit et le corps de René Tardi.
C'est un récit rempli d'émotions, il ne faut pas se fier aux dialogues entre le père et le fils qui pourraient être considérés comme du simple badinage ou une joute verbale, en réalité il n'en est rien et parfois cela accentue même plus la dureté de l'histoire, du passé et du ressenti de René Tardi : "J'ai franchi la porte du Stalag sans me retourner. Je venais d'y passer quatre ans et huit mois - 1680 jours ! - dans ce cul-de-basse-fosse poméranien et j'en voulais à la terre entière ... à nos chefs, à l'Armée, à la France ! J'avais des envies de meurtre !".
Je n'ai jamais caché que la Seconde Guerre Mondiale est une période de l'histoire qui m'intéresse vivement, particulièrement tout ce qui est relatif à la déportation, j'ai grandement apprécié cette oeuvre de Jacques Tardi car elle a le mérite d'éclairer et de mettre en avant un aspect peu développé voire médiatisé de cette guerre : l'internement dans des camps, les stalags, des prisonniers de guerre français, mais également russes, anglais, italiens, américains.
Si la dimension de la guerre était mondiale, celle de l'internement également, d'autant plus qu'elle a revêtu différentes formes : l'extermination de masse, le travail forcé.
A la fin de la guerre tous ces hommes n'ont pas pu parler pour raconter ce qu'ils avaient vécu, et lorsqu'ils essayaient de le faire le silence leur était aussitôt imposé car après tout, la guerre, la "vraie" en référence à celle de 14-18, ils ne l'avaient pas vraiment connue ni faite.
Ce livre permet de rendre hommage aux prisonniers de guerre et de mettre, enfin, leur histoire dans la lumière.
J'ai également aimé les détails sur les conditions de vie dans le camp, c'est précis et j'ai senti qu'outre les cahiers du père de Jacques Tardi des recherches documentaires avaient été faites, ici par Oscar, le fils de Jacques Tardi.
Le travail en famille ne s'est pas arrêté là puisque c'est sa fille Rachel qui s'est chargée de la mise en couleurs de la bande dessinée et je dois reconnaître que c'est une réussite et que cela contribue à sublimer le récit et à rendre les émotions à l'état pur.
Rachel Tardi a essentiellement travaillé sur les nuances de gris.
Loin d'être lassant j'ai trouvé que cela conférait une forme de beauté à la bande dessinée, tout comme la couleur rouge qu'elle utilisera à quelques moments pour illustrer des choses bien précises : le ciel de la défaite ou le drapeau nazi.
Quant aux dessins de Jacques Tardi, je les trouve particulièrement réussis, illustrant de façon véridique et sincère le récit de son père.
Il a réussi à transcrire dans le dessin les émotions, les conditions de vie dans ses moindres détails, ainsi que les conditions météorologiques : le froid et la pluie présents dans une bonne partie du récit.
Ainsi, l'émotion ne se dégage pas que de l'histoire mais également des dessins, d'autant plus que j'ai l'impression que ce n'est pas qu'avec son stylo que Jacques Tardi a dessiné mais aussi avec son coeur, j'ai donc trouvé ce récit doublement émotionnel et ce n'est pas qu'avec un oeil de lectrice que je l'ai lu mais également avec celui de l'amour qu'un enfant ressent envers son père et d'une façon plus générale d'une personne qui cherche à comprendre le passé et cette période si noire de l'Histoire.

Jacques Tardi livre avec "Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB" sa bande dessinée la plus personnelle dans laquelle il n'a pas mis que son talent de dessinateur mais aussi son coeur et cela ne trompe pas le lecteur.
Une réussite tant sur le plan de l'histoire que du graphisme et dont il me tarde de connaître la suite.

Si je devais mettre une note à ce livre : 19/20

Je remercie Price Minister et les éditions Casterman pour l'envoi de cette bande dessinée dans le cadre de "La BD fait son festival" organisé par Price Minister.

samedi 16 mars 2013

Cinq ciels de Ron Carlson


Au cœur de l'Idaho et des montagne Rocheuses, trois hommes se trouvent réunis pour réaliser une étrange construction au-dessus d'un canyon. Chacun est muré dans son propre isolement et tente de fuir son passé Il y a d'abord Arthur Key, colosse taciturne qui a subitement quitté Los Angeles, puis le jeune et indolent Ronnie Panelli, petit voleur à la tire. Tous deux ont été embauchés à la hâte par Darwin Gallegos, lui-même en colère contre Dieu et les hommes après le décès accidentel de sa femme. Sur le site grandiose de ce chantier suspendu entre ciel et terre, une amitié profonde va se tisser entre les trois hommes qui se libèrent peu à peu de leurs obsessions, tandis qu'une ombre funeste plane sur le projet. À travers une prose lyrique et envoûtante, Ron Carlson impose avec Cinq ciels son incroyable talent à mettre en scène des destins brisés dans des décors éblouissants. (Gallmeister)

C'est au coeur de l'Idaho et des montagnes Rocheuses que se retrouvent trois hommes blessés par la vie, et qui vont ensemble se reconstruire, s'aider mutuellement, sur fond de projet d'une construction au-dessus d'un canyon.
Comme tout roman publié chez Gallmeister, il est question de la nature, des grands espaces, ainsi l'Idaho est très présent durant tout le récit et constitue quasiment un personnage à lui seul : "Il y a plus d'éclairs en Idaho que dans n'importe quel autre endroit que je connais [...]. C'est un endroit qui veut vous démolir. Le ciel s'arrête jamais."; et également de relations humaines, ici de la rencontre de ces trois hommes, de la construction de leur amitié, chacun cherchant sa rédemption à son passé : "Prends une grande inspiration. Le monde n'a pas fini d'attendre.".
Cette entente virile ne m'a pas toutefois pas touchée tant que cela, j'y suis plutôt restée extérieure hormis durant quelques passages.
Les trois personnages principaux ne m'ont pas non plus touchée de la même façon, ainsi je suis restée très en retrait par rapport à Darwin Gallegos, celui pour lequel j'ai ressenti le plus d'empathie étant le jeune Ronnie Panello.
L'histoire reste assez obscure et ne s'éclaircit que durant de courts passages, cela est sans doute dû au fait que le passé de ces hommes et leur histoire ne sont distillés qu'au compte-goutte et de façon discontinue, les bribes de leur passé étant éparpillés dans tout le roman et dans une construction dont je n'ai pas compris le mécanisme avec de surcroît des repères spatio-temporels confidentiels.
Ce roman contient peu de dialogues et beaucoup de descriptions, sans doute trop, particulièrement en ce qui concerne le chantier.
Je n'ai d'ailleurs pas réussi à bien visualiser ce dont il était question, tout cela est resté flou dans mon esprit et j'étais plus intéressée par le passé de ces trois hommes que par des détails sur la construction, les plans de chantier et la façon de procéder.
Je ne remets pas en cause le style de l'auteur, c'est bien écrit et sans aucun doute bien traduit mais je suis restée relativement étrangère à ce récit.

"Cinq ciels" de Ron Carlson est un livre au rythme discontinu qui n'a pas réussi à me toucher, ou alors juste pendant de brefs moments.
Cela reste du nature writing, un genre que d'ordinaire j'affectionne, et c'est la première fois que je suis majoritairement déçue par un livre édité chez Gallmeister.
Espérons que ce ne soit que l'exception qui confirme la règle.