samedi 2 mars 2013
Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis
Dans ce grand livre choral, quatre voix alternent pour évoquer celui dont l’exécution est prévue le 15 août 2008 au pénitencier de Charlestown. Sydney Blanchard est noir comme Smokey Nelson. Des années auparavant, il a été arrêté par erreur et a purgé une peine de prison avant que le vrai coupable soit identifié : sa longue imprécation commence à Seattle, sur la tombe de Jimi Hendrix. Pearl Watanabe a découvert la scène du crime dans le motel des environs d’Atlanta où elle travaillait alors. Elle est repartie vivre à Honolulu après le drame. En vacances chez sa fille alors que tous les médias ne parlent que de l’imminence de l’exécution, elle est rattrapée par le cauchemar qui la hante depuis un clair matin d’octobre 1989. Ray Ryan, lui, se prépare à quitter son domaine des montagnes de Géorgie pour aller assister à la mort programmée. Il écoute la voix de Dieu, qui dans un prêche ininterrompu l’enjoint à trouver l’apaisement dans la vengeance : c’est sa fille qui a été assassinée avec son mari et ses deux enfants. Auteur du quadruple meurtre, Smokey Nelson voit se dérouler ses toutes dernières heures avant l’injection mortelle. Depuis près de vingt ans, ces quatre figures d’une Amérique en perdition sont hantées par le même et abominable souvenir. Sans cesse ramenées à leur passé, elles deviennent comme autant d’incarnations d’une société abandonnée à elle-même que Catherine Mavrikakis scrute avec une formidable acuité. (Sabine Wespieser)
"Les derniers jours de Smokey Nelson", ce sont trois voix qui s'alternent pour finir avec une quatrième, celle du condamné à mort.
Les trois voix principales de ce roman ont toutes un lien avec Smokey Nelson : Sydney Blanchard s'est retrouvé un temps accusé à tort du quadruple homicide, Pearl Watanabe était femme de chambre dans le motel où le meurtre a eu lieu et c'est elle qui a découvert les corps après avoir parlé et partagé une cigarette avec Smokey Nelson, quant à Ray Ryan il est le père d'une des victimes : sa femme ainsi que son mari et leurs deux enfants ont été massacrés par Smokey Nelson en 1989.
La raison de ce quadruple homicide ?
Ce n'est pas dans le roman que le lecteur trouvera cette réponse, il n'en est même d'ailleurs jamais question et la culpabilité de Smokey Nelson n'est remise en cause à aucun moment : "Oui, certes, il était un meurtrier, mais il n'avait jamais été un menteur. Pas même au moment de sauver sa peau.".
L'essentiel n'est pas là, l'essentiel est comment le quotidien de toutes ces personnes s'est retrouvé bouleversé par cet évènement, pour l'un c'est une vie qu'il a dû reconstruire après une fausse accusation, pour l'autre c'est une question qui restera sans réponse, à savoir pourquoi Smokey Nelson ne l'a pas tuée sachant qu'elle l'avait vu et pourrait le décrire aux enquêteurs : "Depuis dix-huit ans, une partie d'elle vivait sans qu'elle s'en rende toujours compte dans le pénitencier de Charlestown, et parfois, quand le soleil se levait à Honolulu et que Pearl partait faire son jogging sur les sentiers près de Diamond Head en respirant d'aise, elle pensait à Smokey en prison qui ne pouvait pas profiter de la beauté du jour.", et pour le dernier c'est une vie qu'il a dû continuer sans sa fille adorée, sans ses petits-enfants, vingt ans à attendre que la justice de Dieu et des Hommes finissent par avoir lieu dans un pénitencier de Charlestown.
L'une des forces de ce roman est sans nul doute l'écriture maîtrisée de l'auteur, en effet, à chaque personnage correspond un style littéraire.
Ainsi Sydney Blanchard entretient de longs monologues avec sa chienne; Pearl Watanabe expose ses sentiments et une forme de culpabilité liée au fait qu'elle l'a trouvé attirant le jeune Smokey Nelson, mais c'était avant de découvrir le carnage dans la chambre d'hôtel, et ses interventions sont ponctuées de celles de sa fille Tamara qui s'inquiète pour sa mère et fait tout pour lui cacher la prochaine exécution de l'homme qu'elle accuse d'avoir détruit la vie de sa mère et la sienne par conséquence : "Elle venait de trouver un moyen efficace pour que ce meurtrier de 1989 n'assassine pas encore ses espoirs de 2008 avec sa mort."; quant à Ray Ryan il ne parle jamais directement mais c'est par la voix de Dieu qu'il le fait, Dieu qui s'adresse directement à lui tout au long du roman, qui s'explique sur les obstacles qu'il a mis volontairement sur sa route pour faire de lui l'homme qu'il est aujourd'hui, avec comme récompense suprême la possibilité d'assister à l'exécution du criminel qui lui a ôté sa fille.
Cette alternance des narrations et des personnages permet d'offrir des prismes différents de l'histoire, j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir chacune des parties et a finalement reconstituer dans les grandes lignes le fil conducteur du roman.
Catherine Mavrikakis fouille la psychologie de tous ses personnages et dépeint une Amérique qui sombre inexorablement dans une forme de chaos, qu'il s'agisse de l'après quadruple homicide ou de l'ouragan Katrina.
Autant de personnages qui ont cherché à se reconstruire sans jamais y parvenir, qui ont été détruits par le passé et qui n'ont fait que recoller les pièces pour continuer à vivre.
Là où je n'ai par contre pas compris le parti pris de l'auteur et où je suis en désaccord avec, c'est le contexte final avec la mort qui rôde autour de chacun de ses personnages principaux, directement ou indirectement.
Pour Smokey Nelson, elle était inévitable, mais pourquoi la laisser planer sur les autres personnages ?
Un peu comme si après autant de moments intenses et une analyse psychologique assez fine de ses personnages elle n'avait pas su comment les quitter.
Ceci reste une incompréhension pour moi et est venu quelque peu entaché la bonne impression que j'avais de ce roman.
"Les derniers jours de Smokey Nelson", publié chez Sabine Wespieser une maison d'édition qui ne cesse de se révéler de grande qualité, est un roman choral de Catherine Mavrikakis doté d'une forte puissance narrative avec néanmoins une noirceur sur la perte des illusions trop prononcée vers la fin que je ne partage pas complètement mais qui ne vient pas non plus complètement entacher la bonne opinion que j'ai de ce roman.
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La thématique de ce livre est vraiment très forte :)
RépondreSupprimerIl est intéressant mais j'y apporte quand même une nuance.
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