Qui était la femme peinte par Ingres dans La Dormeuse de Naples, dont il disait qu’elle était « déjà peinte », tant sa beauté était parfaite ? Où se trouve le tableau, disparu en 1814 ? Trois cahiers imaginaires nous invitent à mener l’enquête : une confession du peintre, hanté par le souvenir de son modèle, un manuscrit de Corot, qui a entrevu la toile dans un souterrain, et celui d’un peintre inconnu, ami de Géricault. Un roman envoûtant sur un des plus grands mystères de l’histoire de l’art. (Points)
Ce roman écrit sous forme d'enquête sur un tableau disparu d'Ingres présente trois carnets : celui d'Ingres, celui de Corot et le dernier par un artiste inconnu ami de Géricault.
Le point commun entre ces récits est le tableau disparu La Dormeuse de Naples : le premier l'a peint tout en se consumant de passion pour son modèle, tandis que les deux autres l'ont entraperçu à un moment de leur vie et n'ont jamais pu l'oublier.
Pour Ingres, son modèle a été une révélation : "La promeneuse napolitaine m'avait paru sortie toute nue de mon cerveau. J'avais devant moi la seule femme qu'il me plaisait de peindre. Ma belle idéale." et lui a fait connaître les affres de la passion.
Il se consume littéralement pour cette femme qu'il va peindre en Dormeuse de Naples mais également sur d'autres de ses toiles, tout comme elle laissera une trace indélébile sur toutes ses autres peintures et influencera ses portraits : "Elle, la seule qui ressemblât, à la perfection, à ce que je savais faire, la seule qui égalât mon imagination.".
J'ai beaucoup apprécié cette première partie, cette passion d'Ingres envers cette femme est clairement une transposition du mythe de Pygmalion tel que présenté dans l'oeuvre d'Ovide, sauf qu'au lieu de tomber amoureux d'une statue Ingres va tomber amoureux de sa Dormeuse.
Mais les allusions à la mythologie grecque ne s'arrêtent pas là car Orphée est aussi nommé : "Orphée fut le dieu des artistes, je ne l'imite qu'avec la modestie feinte qui me va si bien. Moi, Ingres, je survis à mes amours, je n'emporte rien avec moi. Mais je me retourne souvent.".
Ce lien avec la mythologie grecque est bienvenu car cette mythologie est également très présente en Italie, ce n'est donc pas un hasard puisqu'une bonne partie du récit se déroule dans ce pays.
Et c'est là aussi un élément qui m'a énormément plu car les évocations de Florence ou de Naples sont très vivantes et très fidèles aux atmosphères de ces villes que je connais pour y être allées, tout comme celle de Rome me semble fidèle à la réalité.
Comment pourrais-je ne pas succomber lorsqu'un livre évoque avec autant de justesse Naples ou la magnifique Florence et cite en référence sa splendide Galerie des Offices, musée dans lequel j'ai cru pleurer dans chaque salle devant tant de beautés exposées ?
Cette évocation si juste de l'Italie est le point fort de ce roman.
La deuxième partie consacrée à Corot m'a également interressée mais à un degré moindre que la première.
Là, il s'agit de la quête éperdue de Corot de revoir La Dormeuse de Naples, tableau qu'il a entraperçu à Rome lors d'une initiation dans une confrérie mystérieuse : "La Dormeuse pour laquelle je donnerais tous les paysages, les jardins Farnèse, le pont de Narni, le Pincio à la tombée du jour, la villa d'Hadrien à Tivoli, le petit Chaville, les étangs de Mortefontaine. Je donnerais même mes nuits sur la plage d'Ostie.".
C'est une vision différente de la peinture qui est amenée par ce peintre : "Qu'il attende ! Qui peindrait mes rêves ? Il faut bien que je m'en occupe.", mais les sensations provoquées par ce tableau sont tout aussi fortes.
D'ailleurs, autre mystère dans le mystère : le modèle de La Dormeuse est-elle morte ou encore vivante ? Ingres aurait-il été dupé ?
Une autre dose de mystère qui vient se greffer au tableau disparu mais si aisément visible car décrit par les yeux de deux de ses amoureux éperdus : Ingres et Corot.
Quant à la troisième partie, elle n'était à mon avis pas utile et n'apporte plus rien au récit ni au mystère.
Je m'y suis plutôt ennuyée, elle est trop calquée sur la deuxième partie et ne fait que répéter ce qui a déjà été dit sur un tableau fascinant mais disparu.
"La Dormeuse de Naples" d'Adrien Goetz propose trois variations sur un seul et même tableau aujourd'hui disparu en revisitant au passage les mythes d'Orphée et de Pygmalion, et si les deux premières ont éveillé mon intérêt la dernière n'a aucune utilité et vient alourdir le récit.
Mais au-delà du mystère entourant la disparition de ce tableau, j'ai surtout apprécié dans ce roman l'évocation de l'Italie à travers ses grandes villes artistiques : Naples, Rome et Florence.
Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices
Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio
Dans le prolongement de cette lecture, je vous propose quelques tableaux évoqués dans ce roman :
Jean-Baptiste Camille Corot - Le Forum vu des jardins Farnèse - Musée du Louvre, Paris
Jean-Baptiste Camille Corot - Le Colisée vu des jardins Farnèse - Musée du Louvre, Paris
Jean-Auguste-Dominique Ingres - L'Odalisque à l'esclave - Walters Art Gallery, Baltimore
Jean-Auguste-Dominique Ingres - La Grande Odalisque - Musée du Louvre, Paris
Titien - La Venus d'Urbino - Galerie des Offices, Florence
Jean Louis Théodore Géricault - Le radeau de la Méduse - Musée du Louvre, Paris
Je n'aime pas du tout Goetz, c'est dommage parce que ton enthousiasme est presque contagieux ! Tu donnes envie de lire le livre...
RépondreSupprimerMerci, c'était (en partie) le but recherché.
Supprimer