lundi 1 avril 2013

Le tueur de la Green River de Jonathan Case et Jeff Jensen


Dans les années 1980, la priorité de la police de Seattle était l’appréhension du « tueur de la Green River », surnom du meurtrier de douzaines de femmes. Mais en 1990, alors que le nombre de crimes s’était élevé à au moins quarante-huit, l’affaire a été remise aux mains d’un seul détective, Tom Jensen. Après vingt ans, Gary Leon Ridgway finalement confondu grâce à une recherche ADN est interrogé par Jensen pendant 180 jours... (Ankama - Hostile Holster)

Au début des années 1980, les corps de plusieurs femmes, toutes prostituées, ont été retrouvés à Seattle près de la Green River, donnant ainsi son nom au tueur en série qui sévissait : le tueur de la Green River.
Dès lors la police ne cesse de traquer ce meurtrier mais se heurte aux hésitations de l'administration : "Le comté s'inquiète aussi du coût de l'enquête. On dirait que c'est difficile de les convaincre qu'une épidémie de meurtres de prostituées constitue une menace à la sécurité publique.".
Finalement, la cellule est dissoute et seul l'inspecteur Tom Jensen, soutenu par son collègue et ami Jim Doyon, continue de mener l'enquête.
Après quelques années calmes, les meurtres reprennent dans les années 90 et il faudra attendre le début des années 2000 pour que le tueur soit enfin identifié par son ADN.
Il s'agit de Gary Leon Ridgway, suspecté dès les années 80 mais sans preuve, et durant son interrogatoire de 180 jours il se révélera être un meurtrier froid et glacial.
Seul Tom Jensen parviendra à percer une fois sa carapace : "Le lendemain matin, mon père est retourné au travail et a repris les interrogatoires. Sa "percée" n'a jamais été évoquée et rien d'autre de la sorte ne s'est plus produit.". Parce qu'il a passé un accord avec la justice, Gary Leon Ridgway est condamné en 2003 à la prison à perpétuité.
A ce jour quarante-neuf meurtres lui sont attribués mais il en a avoué soixante et onze, les corps de certaines femmes disparues n'ayant pas été retrouvés.

Pour retracer l'histoire de ce tueur en série, c'est Jeff Jensen, le fils de l'inspecteur Tom Jensen, qui a écrit le scénario de cette bande dessinée.
Le travail de reconstitution est minutieux, d'autant plus que je ne connaissais pas jusqu'alors ce tueur en série américain qui est pourtant présenté comme l'un des plus grands.
La scène d'ouverture est surprenante et met tout de suite dans l'ambiance du récit.
L'histoire, découpée sur cinq jours, mêle passé et présent, à savoir les interrogatoires de Gary Leon Ridgway et les enquêtes menées dans les années 80 et 90.
Il ne faut surtout pas blâmer les inspecteurs, en cela cette bande dessinée est une forme d'hommage qui leur est rendu, car ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens qu'ils avaient.
Il faudra attendre la découverte de l'ADN et les progrès de la science pour dupliquer des échantillons trop fragiles pour résoudre ces meurtres.
Toutefois, Jeff Jensen a su présenter son père comme un homme derrière l'inspecteur, un homme qui doute, émet des hypothèses, et jongle entre sa vie professionnelle et a vie privée.
Mais plus qu'aux inspecteurs de police, cette bande dessinée est un formidable hommage rendu aux victimes et à leur famille.
Pour tous ces parents, leur fille n'était pas une prostituée, c'était leur fille, une personne qu'ils aimaient et en qui ils croyaient.
Même si certains dessins sur les cadavres sont durs, les auteurs ont redonné une identité à toutes les victimes de ce tueur, sans oublier toutes les familles plongées dans le doute et qui ne savent toujours pas ou qui ont su tardivement ce qui était arrivé à leur fille disparue : "Parfois je me sens ridicule d'espérer qu'elle soit en vie. Mais ensuite, je me sens coupable d'abandonner tout espoir. D'autres fois, je pense que le pire est de ne pas savoir. Qu'elle soit vivante ou morte, je veux juste être fixée. Ou peut-être que je dis n'importe quoi pour me rassurer, parce que je sais bien que le jour où vous viendrez m'apprendre sa mort sera le pire jour de mon existence.".
Les dessins uniquement en noir et blanc de Jonathan Case servent bien le récit et sont de belle facture.
Il a su donner vie aux personnages et surtout leur faire traverser les époques, jouant sur les transformations physiques au cours du temps.
C'est un récit très prenant que j'ai lu d'une seule traite, bien documenté et ne tombant à aucun moment dans le voyeurisme.
La préface de Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, est intéressante à lire, pour ma part je l'ai fait après la lecture de ce roman graphique pour apporter un autre éclairage sur l'histoire et ce tueur tout en contraste : il est un meurtrier implacable et glacial sous une apparence tout ce qu'il y a de plus banal, ce qui explique aussi en partie pourquoi il a été aussi difficile de l'appréhender.

"Le tueur de la Green River" relève sans doute plus du documentaire graphique que d'une bande dessinée pour la détente mais s'illustre par de beaux graphismes et un côté sobre donnant de l'éclat à cette histoire sur un tueur en série qui reste une énigme.

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