lundi 14 octobre 2013
Délivrance de James Dickey
Avant que la rivière reliant la petite ville d'Oree à celle d'Aintry ne disparaisse sous un immense lac artificiel, quatre trentenaires décident de s'offrir une virée en canoë pour tromper l'ennui de leur vie citadine. Gagnés par l’enthousiasme du charismatique Lewis et bien que peu expérimentés, Bobby, Ed et Drew se laissent emporter au gré du courant et des rapides, au cœur des paysages somptueux de Géorgie. Mais la nature sauvage est un cadre où la bestialité des hommes se réveille. Une mauvaise rencontre et l'expédition se transforme en cauchemar : les quatre amis comprennent vite qu'ils ont pénétré dans un monde où les lois n’ont pas cours. Dès lors, une seule règle demeure : survivre. (Gallmeister)
Pour rompre la monotonie de leur existence et vivre des sensations fortes, quatre hommes décident de s'offrir une virée de trois jours en canoë sur une rivière vouée à disparaître sous un lac artificiel.
Ils pensent être prêts et vivre un moment franche camaraderie en communion avec la nature, c'est tout autre chose qui les attend, une nature à l'état sauvage dans laquelle toute la bestialité humaine se réveille et prend forme.
Dès lors, une seule règle s'impose à eux : survivre, à n'importe quel prix et par n'importe quel moyen : "J'en suis arrivé à la conclusion que la clé de la survie ne se trouvait pas dans les rivets et le métal, dans les doubles portes blindées et les billes de dames chinoises. Elle se trouvait en moi. Elle ne dépendait plus que de l'homme et de ce qu'il était capable de faire. Le corps est la seule chose qu'on ne puisse feindre; il doit être là, c'est tout.".
Ils sont maîtres de leur destin : "Le droit, ici, c'est nous.", sans doute pour la première fois de leur vie, mais ils vont devoir vivre et commettre l'inacceptable : "C'est lui ou nous. On a tué un homme. Lui aussi. Pour savoir qui s'en sortira vivant, il faut savoir qui tuera qui. C'est aussi simple que ça.".
Ce roman est dur et violent, certaines scènes sont à la limite du soutenable, mais c'est écrit formidablement, avec un suspens de chaque instant qui plonge le lecteur dans l'incertitude la plus totale.
James Dickey livre-là une analyse détaillée du caractère humain : ces quatre hommes blasés par leur vie quotidienne et leur petit confort partaient avec insouciance, ils vont vivre l'enfer et essayer de s'en sortir.
C'est un jeu terrible et cruel dans lequel l'auteur les a plongés, narré par la plume d'Ed Gentry, l'un des quatre hommes de cette expédition.
Eux qui trouvaient leur vie quotidienne intolérables vont finir par l'apprécier à sa juste valeur, mais par combien d'épreuves il aura fallu pour en arriver là.
Et puis, il y a aussi un autre personnage omniprésent : la rivière qui relie la petite ville d'Oree à celle d'Aintry, cette rivière qui va finir par faire corps avec le personnage d'Ed : "Je contemplais la rivière dans son puits de brillance glacée, dans sa rumeur et son indifférence lointaines, en bas, dans son ample boucle et dans ses minuscules éclats de lune, dans son long tracé sinueux, dans sa prégnance ébahie.", jusqu'à le hanter pour le restant de ses jours mais lorsqu'elle n'existera plus.
J'ai trouvé cet aspect de communion spirituelle entre la rivière et le personnage d'Ed très intéressant, cela donnant une dimension un peu mystique à tout ce récit et à ce qui s'en dégage.
Je n'ai pas vu l'adaptation cinématographique de John Boorman, il faut dire que j'ai été influencée par ce que j'en ai entendu dire : un film violent avec des des scènes crues, et que par ricochet, je tournais les pages au fil de ma lecture en me demandant ce qui allait se passer.
Après cette lecture, je suis désormais curieuse de voir l'adaptation qui en a été faite, j'ai en quelque sorte vaincu ma peur née de tout ce qui se dit autour de ce film.
"Délivrance" est un roman brutal qui ne laisse indemne ni les personnages ni le lecteur, décrivant une nature dans l'état le plus brut qui soit ainsi que le réveil du côté bestial de l'Homme qui peut en découler.
Un roman à découvrir qui s'inscrit dans la lignée éditoriale des éditions Gallmeister qui décidément publient des livres d'une qualité à chaque fois rare et en un sens unique.
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J'avais beaucoup aimé le film, ton billet me donne envie de lire le roman !!
RépondreSupprimerPour le coup, je n'ai pas vu le film.
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