samedi 15 septembre 2018

Leave no Trace de Debra Granik

       
     

Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s'adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l'appelle ? (AlloCiné)


Pars sans laisser de trace, voilà un titre à la fois poétique et mystérieux qui a suffi pour que je décide comme ça, sur un coup de tête, d'aller le voir lundi soit en avant-première et d'assister à la rencontre avec la réalisatrice.
Je n'ai pas vu "Winter's bone", pas encore, précédent film de cette réalisatrice qui remonte déjà à 2010.
Entre temps, elle a fait un documentaire, elle a surtout eu beaucoup de mal à sortir de l'ambiance de son film, avant de trouver une nouvelle histoire suscitant son intérêt.
Aussi fou que cela puisse paraître, c'est tiré d'un roman, lui-même inspiré d'un fait réel ayant eu lieu à Portland il y a quelques années.
Un père et sa famille ont bien été découverts par hasard, à Portland, habitant dans une forêt (appartenant à un parc public) depuis plusieurs années.
Le père était un ancien soldat, et sa fille ne présentait aucun problème de santé et était même en avance pour son âge.
Ils ont été placés dans une petite maison dans un élevage de chevaux, mais un beau matin ils ont disparu de nouveau.
Le film de Debra Granik va plus loin que cette histoire puisqu'elle a aussi décidé de s'intéresser à ce qu'ils étaient devenus après cette fuite, elle le dit elle-même : cette nouvelle disparition a suscité beaucoup de questions en elle.


La relation père-fille au cœur du film est d'une force et d'une alchimie surprenantes.
Non seulement cela fonctionne à la perfection à l'écran, mais le duo d'acteurs a créé une véritable osmose entre eux et la nature.
Car la réalisatrice s'est entourée d'une spécialiste de la survie qui a prodigué de nombreux conseils aux comédiens, qui les ont eux-mêmes testés.
Ainsi, quand vous voyez le personnage de Ben Foster allumer un feu, c'est bel et bien l'acteur qui le fait, et sans l'aide d'un briquet ou d'une allumette.
Idem pour trouver de l'eau en utilisant de la mousse (j'ai donc appris que l'on pouvait boire en pressant la mousse et que l'eau était sans risque car ainsi filtrée).
Si la figure paternelle devrait en fait être à la tête de cette famille, ici c'est la fille qui ancre son père dans la réalité, ou tout du moins qui essaie.
Car l'homme est un vétéran, souffrant du syndrome post-traumatique, qui n'arrive plus à s'adapter au quotidien et aux autres, et qui change régulièrement d'endroit, entraînant sa fille avec lui.
C'est un sujet cher à la réalisatrice, et c'est effectivement quelque chose qui frappe lorsque l'on va aux Etats-Unis : le dénuement dans lequel les vétérans sont laissés.
Mais la réalisatrice reconnaît aussi s'être inspirée des personnages de Prospero et Miranda dans "La tempête" de William Shakespeare pour créer la relation père-fille.
Si j'avais déjà vu Ben Foster il a ici un rôle à la hauteur de son talent, sans doute le premier de cette envergure qui lui a été donné d'interpréter.
Et pour incarner Tom, c'est la jeune Néo-Zélandaise Thomasin McKenzie qui a été choisie, et qui a travaillé dur pour gommer son fort accent Néo-Zélandais.
La réalisatrice a aussi fait appel à des acteurs de son précédent film.


La nature est également très présente dans ce film, et remarquablement bien filmée.
A tel point qu'on la ressent : l'humidité, les fougères, le vent.
J'ai été particulièrement sensible à la scène d'ouverture filmant en gros plan une araignée sur sa toile, ainsi que celle de clôture, là aussi sur une toile d'araignée.
Cela illustre assez bien le propos du film qui s'intéresse à la marginalité, et nous pousse forcément à nous interroger sur notre mode de vie actuel, sur notre empreinte sur la nature et ce qu'est la liberté, quel sens on souhaite donner à ce mot dans notre vie.
Peut-être parce que je m'interroge beaucoup en ce moment (cela fait d'ailleurs plus d'un mois et demi que je n'avais pas allumé et touché à un ordinateur en dehors du travail, c'est dire que j'avais vraiment envie de parler de ce film) sur le sens de ma vie, la direction que je peux lui donner, le contexte sous-jacent à ce film m'a beaucoup parlé, et touché.
Nous vivons clairement dans un monde trop connecté, où les gens ne savent plus se débrouiller par eux-mêmes et où ils sont perdus sans leur dernier gadget technologique, et dès qu'une personne sort de la case elle est tout de suite montrée du doigt et jugée.
Parce que nous n'acceptons plus ou mal la différence, parce que surtout ces personnes nous renvoient une image que nous n'aimons pas : eux ont fait un choix et décidé de sortir de la ligne droite tandis que nous hésitons à le faire.
Et pour être déjà bien souvent en dehors de la ligne droite, je peux confirmer que le moindre écart est mal vu.
J'ai également été surprise qu'en présentation du film la réalisatrice nous remercie d'être là, que ça la touche particulièrement que de vraies personnes viennent dans une vraie salle de cinéma, avec un vrai écran, pour voir son film.
Disons que ce film est tombé au bon moment pour alimenter mes réflexions, et que tout y est authentique et vrai, c'est tellement rare pour être souligné dans le monde cinématographique d'aujourd'hui.


Si vous souhaitez voir un très bon film de cinéma Américain indépendant, être transportée dans la nature et réfléchir à changer votre mode de vie actuel, je ne peux que vous conseiller d'aller voir à sa sortie le 19 septembre "Leave no Trace", l'un des films les plus touchants de cette année.


       
     

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