samedi 24 novembre 2012

Valérian Tome 4 Bienvenue sur Alflolol de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Mézières et Christin ont été parmi les tout premiers à aborder ce que l'on n'appelait pas encore l'écologie politique. Bienvenue sur Alflolol, publié en 1972, est l'album où ils posent le plus directement des questions encore aujourd'hui d'une actualité brûlante : jusqu'où peut-on mettre en péril une planète au nom de la rentabilité industrielle ? L'obsession productiviste ne détruit-elle pas la civilisation ? Le travail est-il une nécessité, une fatalité, une absurdité ? Tout cela dans la bonne humeur iconoclaste, car ces espèces de clochards célestes que sont Argol et les siens flanquent évidemment la pagaille dans le camp des technocrates terriens. Quant à leur animal familier, le formidable Goumoun, il a pour fâcheuse habitude de bousiller tour ce qu'il n'aime pas. Très vite la situation devient joyeusement (mais pas pour tout le monde) inextricable ! (Dargaud)

Alors que Valérian et Laureline sont sur le point de quitter la planète Technorog, riche en métaux précieux et exploitée de façon industrielle au profit de Galaxity, ils viennent en secours à un vaisseau en difficulté tandis que Laureline tombe dans une forme de coma et est auto-guidée jusqu'à un vaisseau : "Cette fille a l'art de se mettre dans des situations incroyables !".
Sans le savoir, ils viennent de rencontrer les Alflololiens, premiers habitants d'Alflolol, l'actuelle Technorog.
Valérian alerte aussitôt Technorog : "Les anciens habitants de Technorog sont de retour !! [...] Les Alflololiens, c'est ainsi qu'ils s'appellent, sont partis faire un tour, voilà tout !", ils sont partis pour un voyage de quelques milliers d'années et au retour, ils retrouvent une planète totalement chamboulée.

Ce quatrième volume des aventures de Valérian et Laureline, agents spatio-temporel, continue à prendre le virage amorcé dans le précédent opus.
Il n'est plus seulement question de politique, car les terriens de Technorog ne sont pas décidés à respecter le code galactique et à laisser la planète à ses habitants originels, bien trop intéressés par les richesses du sous-sol de la planète, mais aussi d'écologie, car les Alflololiens retrouvent une planète qu'ils ne reconnaissent plus,  défigurée par les technologies pour extraire les métaux précieux et par l'industrialisation excessive qui s'y est développée.
Les Alflololiens sont un peuple pacifique, mais ils ne sont pas non plus trop portés sur le travail, contrairement aux terriens présents sur Technorog qui ne jurent que par le travail acharné.
Leurs territoires ont été saccagés, ils se retrouvent parqués dans l'endroit le plus hostile de la planète, leur écosystème a bien changé et leurs territoires de chasse n'existent plus.
Voilà un propos en avance son temps lorsqu'on le replace à l'époque où a été écrite la bande dessinée mais qui est de nos jours d'actualité.
Ce quatrième opus soulève pour chaque lecteur des questions qui sont aujourd'hui d'une actualité brûlante : quel est le sens du travail et quel sens veut-on lui donner ? Faut-il massacrer les écosystèmes pour assouvir notre soif de production et de rentabilité industrielle ? Quel droit avons-nous de déplacer des populations et de s'approprier leurs territoires car ceux-ci renferment des richesses dans leur sous-sol ?
La fin n'est d'ailleurs pas surprenante, déçus et dépités les Alflololiens préfèrent abandonner leur planète dans laquelle ils ne se retrouvent plus : "Libres sur Alflolol ! Libres sur une planète pareille ! Décidément mon pauvre Valérian, tu n'as rien compris ! Ils sont tous partis parce qu'ils n'en veulent plus de leur planète et si nous sommes restés c'est parce qu'Argol et les siens n'ont plus de vaisseau ... [...] A ta manière tu as fait ce que tu pouvais ... mais c'était la mauvaise manière, voilà tout ...".
Et dans ce quatrième volume, Valérian est systématiquement à côté de la plaque, il prend les mauvaises décisions à tel point qu'il finit par s'attirer l'indifférence de Laureline : "Tu le connais toi celui là mon goumoun ?", qui lui préfère la compagnie d'Argol et de sa famille, et surtout de leur animal de compagnie, le goumoun : "Nous on est en pleine forme, hein, mon goumoun adoré ? Hein, mon gros sauveur ? ...".
Il faut bien reconnaître que le goumoun est mignon et fort sympathique, si ce n'est qu'il n'a tendance à détruire tout ce qui ne lui plaît pas. Il arrive même à rendre jaloux Valérian : "Décidément, elle m'énerve avec son goumoun !", ce qui donne une petite touche d'humour à l'ensemble.
L'humour est aussi apporté par l'opposition entre Valérian et Laureline, celle-ci ayant une forte propension dans cette aventure à s'attirer la compagnie des monstres : "Incroyable ! Elle va encore se faire embarquer par un monstre ! Ca devient une habitude !", avec toujours le côté féministe du personnage de Laureline : "Oui ! N'empêche que c'est encore moi qui ai écopé ! Pourquoi pas toi, hein ? ...Même la faune de l'espace est mysogine ...".
Et puis la famille d'Argol est joyeuse et insouciante, ce qui contraste avec le sérieux des terriens sur Technorog et donne lieu à des scènes joyeusement drôles et enlevées.

"Bienvenue sur Alflolol", quatrième volume de la série Valérian et Laureline, est toujours constitué d'un bon scénario et de très beaux dessins, mais ce que j'ai sans doute le plus apprécié, c'est la dimension d'écologie politique que les auteurs ont donné au scénario et les questions soulevées, d'autant qu'elles sont actuellement au coeur de l'actualité et qu'elles ne laissent personne indifférent, que ce soit de nos jours ou entre nos agents spatio-temporel préférés : Valérian et Laureline.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes Dessinées de l'Imaginaire de Babelio


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