dimanche 11 novembre 2012
La mer, le matin de Margaret Mazzantini
Deux mères et deux fils que la Méditerranée sépare. Deux rives, deux pays, deux histoires que l'Histoire avec un grand H relie pourtant. (Robert Laffont)
D'un côté, il y a cette femme et son fils Farid, qui fuient la Libye de Mouammar Kadhafi, une Libye qui est en train d'exploser durant le "Printemps arabe"; de l'autre il y a Angelina et son fils Vito, sur le point de partir pour mieux se trouver et vivre sa vie sur les conseils de sa mère : "Sa mère lui a dit il faut que tu trouves un lieu, à l'intérieur de toi, autour de toi. Un lieu qui te corresponde au moins en partie.".
Aucun rapport entre ces deux femmes ?
Et bien pourtant si, et c'est là le tour de force réalisé par Margaret Mazzantini dans ce court roman percutant.
Ces deux femmes que tout oppose et qui jamais ne se rencontreront se trouvent pourtant liées d'une étrange façon par l'Histoire, encore un de ces coups du sort qui fait se rejoindre la petite et la grande histoire.
L'une fuit son pays en proie à la révolte et au sang qui coule pour l'Italie, tandis que l'autre a dû fuir son pays d'adoption avec ses parents pour retrouver leur pays natal, l'Italie, car ils en étaient chassés par ce même dictateur qui aujourd'hui est sur le point de tomber.
Ces deux femmes ont, pour une raison et à une époque différentes, rejoint l'Italie, sauf que pour l'une la destination sera selon toute vraisemblance fatale et elle ne verra jamais le sol italien vivante, tandis que l'autre a fini par y construire sa vie.
Hymne à la liberté et à la fraternité, ce livre revêt également un souhait profond d'égalité pour tous : "Mais ici-bas personne n'est un saint. Et le monde ne devrait pas avoir besoin de martyrs, seulement d'une plus grande égalité.", et est une invitation à la Paix dans le monde et à l'abolition de toute dictature : "Elle sait comment finissent les dictateurs. Quand leur corps devient un mannequin que l'on traîne par terre. Le déchaînement insensé de la colère posthume. Pas la moindre joie, rien qu'un macabre trophée qui salit les vivants. La mémoire est une couche de chaux sur les trottoirs du sang.".
Le pari était plutôt risqué d'écrire aussi peu de temps après les évènements sur la chute du régime libyen et ces milliers de personnes qui, sur des embarcations de fortune, fuyaient le pays pour gagner un ailleurs meilleur.
Au final, c'est une réussite et un sans faute, il n'y a aucun côté voyeuriste ni moralisateur, au contraire, Margaret Mazzantini fait même preuve d'une justesse de vision et prend le recul nécessaire pour émettre son opinion sur notre propre civilisation occidentale : "Sous les fondations de toutes les civilisations occidentales, il y a une blessure, une faute collective.".
Il n'y a aucune palabre inutile, le roman est court et percutant, l'auteur s'est attachée à l'essentiel et c'est dans un très beau style narratif qu'elle narre le destin de ces deux femmes et de leurs fils, avec pudeur et avec calme, en contraste avec la situation politique en Libye et le déchaînement de la mer qui malmène les embarcations.
Le choix de la couverture est d'ailleurs des plus réussi et reflète assez fidèlement le contenu du livre.
"La mer, le matin" est un livre petit par la taille mais qui a tout d'un grand et qui m'a séduite par la beauté de l'histoire et la plume hautement évocatrice de Margaret Mazzantini, en conclusion, une belle rencontre littéraire.
Livre lu dans le cadre du challenge de Babelio de la rentrée littéraire 2012
Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio
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J'ai pile une semaine de retard et je note avec plaisir ce billet d'actualité toute fraîche, comme tu dis, ce n'est pas évident d'écrire aussi près des événements.
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