samedi 16 janvier 2016

Les Huit Salopards (The Hateful Eight) de Quentin Tarentino


Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie… (AlloCiné)


Tout commence par un paysage enneigé, où le blizzard souffle et où le froid se ressent même de l'autre côté de l'écran.
Gros plan sur une croix sculptée où le Christ n'est plus agonisant, il est déjà mort.
Et le spectateur commence à se dire que pour lui non plus tout ne va pas bien se passer, et que même si ça se trouve il ne va pas passer la nuit dans cet enfer glacial.
Et puis la musique commence, superbe thème qui va crescendo, qui commence à tordre les boyaux et les esprits.
Inutile de voir le nom s'afficher à l'écran, tu sais déjà que c'est signé Ennio Morricone, le maître de la bande originale des westerns.
Dans le lointain de ce désert blanc infini, il y a un point noir qui avance, qui se rapproche, qui finit par passer juste à côté et poursuit son chemin.
Bienvenue dans le huitième film de Quentin Tarentino !


Quand j'ai vu la durée du film, j'ai eu un peu peur l'espace d'un instant.
Presque trois heures à garder mes fesses posées sur un fauteuil, il a intérêt à être bien le scénario, tout comme le jeu des acteurs, et j'espère qu'il y a de l'action parce que sinon ça peut être très long tout ce temps dans une salle obscure à regarder le reboot de western proposé par Quentin Tarentino.
Fort heureusement, Quentin Tarentino a eu la riche idée de diviser son film en chapitre (cinq en tout), ce qui permet déjà de couper le scénario et la durée du film, et surtout, s'il n'y a pas de l'action au sens pur du terme le jeu des acteurs et les rebondissements sont suffisants pour tenir en haleine le spectateur.
Ça plus la formidable musique d'Ennio Morricone.
Si les deux premiers chapitres - "Last Stage to Red Rock" (Dernière escale à Red Rock) et "Son of a Gun" (Fils de flingue) -  prennent place essentiellement dans la diligence et un peu à l'extérieur (au passage je salue les merveilleux paysages enneigés des Rocheuses au Colorado), les trois suivants - "Minnie's" (Chez Minnie), "The Four Passengers" (Les quatre passagers), "Black Night, White Hell" (Nuit noire, enfer blanc) - se passent chez Minnie, où tout ce joyeux petit monde se retrouve.
Et ça en fait du monde chez Minnie, comme quoi le hasard et le blizzard font bien les choses ... ou pas.
Parce qu'au début, ça ne devait être que John Ruth (Kurt Russell), dit Le Bourreau, et sa charmante prisonnière (surtout avec son œil au beurre noir), Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), qu'il emmène se faire pendre à Red Rock.
Sa tête vaut 10 000 dollars, autant dire qu'il tient à empocher le pactole.
Et puis ils ont croisé le chemin du Commandant Warren (Samuel L. Jackson), de Chris Mannix (Walton Goggins), le soi-disant nouveau shérif de Red Rock.
Et chez Minnie ils ont trouvé Joe Gage (Michael Madsen), Oswaldo Mobray (Tim Roth), Bob Le Mexicain (Demian Bichir), et le Général Sandy Smithers (Bruce Dern).
En somme, chez Minnie c'est comme dans un huis-clos d'Agatha Christie sauf qu'il n'y a ni Hercule Poirot ni Miss Marple pour deviner qui est qui.
Car bien évidemment, John Ruth est persuadé qu'au moins une des personnes présentes n'est pas qui elle prétend être, et qu'il y a au moins un complice à Daisy Domergue qui est là pour la libérer.
Ça bavarde beaucoup dans le film, c'est même sans doute ce qui pourra lui être reproché par certaines personnes, mais pour ma part j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre ces dialogues qui mettent à chaque fois un personnage en avant.
Mais d'un autre côté, impossible de ne pas y retrouver la patte de Quentin Tarentino, il y a bien évidemment des bains de sang au programme, l'hémoglobine va fuser mais Quentin Tarentino ne se prend jamais vraiment au sérieux en le faisant, ou alors c'est l'impression qu'il donne, et cela permet à ces scènes de violence de se fondre parfaitement dans l'ensemble du film.
Ça ressemble fortement à du western, j'ai même envie de dire que Quentin Tarentino a depuis "Django Unchained" remis au goût du jour ce genre cinématographique, et pourtant il y a un petit quelque chose en plus qui rend vraiment ce film très attachant, et réussi.
La musique sans aucun doute, le jeu des acteurs, là aussi sans aucun doute, et les répliques.
Les dialogues sont vraiment savoureux et donnent tout son caractère au film.
J'avoue avoir une préférence pour le personnage de Daisy Domergue, et pour l'excellente prestation de Jennifer Jason Leigh, car si elle n'a pas beaucoup de dialogue tout est dans les mimiques de l'actrice et l'insolence de ce personnage.
Sérieusement, si j'étais actrice j'adorerai avoir un rôle comme cela, ça doit être le pied total à interpréter une telle pourriture qui trouve encore le moyen de ramener sa fraise et faire son intéressante malgré les coups qu'elle se ramasse.
Maintenant, là où le bât blesse quelque peu, c'est qu'il manque un quelque chose à l'ensemble pour être grandiose.
Je ne sais pas trop mais une petite touche finale sous forme de morale par exemple, ou alors de philosophie, une raison d'être pour tout ce qui s'est passé précédemment.
Mais il n'y a pas, alors la faute à quoi ?
Au scénario ?
Dont la première version a fuité et qui a obligé Quentin Tarentino à réécrire la fin (à ce sujet je serai bien curieuse de savoir quelle était la première fin envisagée par Quentin Tarentino).
Au fait que l'histoire soit présentée sous forme de film alors qu'elle aurait pu faire l'objet d'une pièce de théâtre ?
Ce dernier point restera le mystère de ce huitième film de Quentin Tarentino, mystère que je n'ai pas encore totalement résolu.
Restera aussi un petit regret, celui de n'avoir pas pu voir le film dans le format dans lequel il a été tourné, l'Ultra Panavision 70 mm, dans sa version longue (quelques minutes de plus, le film dépassant ainsi les trois heures).
Car là aussi, Quentin Tarentino, comme quelques autres réalisateurs, fait le choix d'utiliser d'anciens formats pour lutter contre l'avancée du format digital au tournage et à la projection.


Hommage aux séries western des années 60, ce huitième film de Quentin Tarentino, "Les Huit Salopards", offre un moment de grand spectacle cinématographique dont on ne peut que regretter qu'il lui manque un petit quelque chose pour en faire un film grandiose.


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