samedi 21 avril 2018

Gen d'Hiroshima - Tome de Keiji Nakazawa


Notre héros est désormais un homme ; il a trouvé sa voie : il sera dessinateur. Regardant les presque dix années qui déjà le séparent de la Bombe, et tout en continuant de vivre, il se sent plus que jamais investi du devoir de mémoire. (Vertige Graphic)

Ce dixième volume (déjà !) de Gen d'Hiroshima se déroule en 1953, soit presque 10 ans après la bombe atomique.
Gen continue son apprentissage du dessin, il vit toujours avec Ryûta et Katsuko, ne semble plus avoir de nouvelles de ses frères, et va connaître sa première histoire d'amour avec Mitsuko, qui va se révéler être la fille de son patron qu'il n'aime pas car ce dernier ne cesse de glorifier les soldats et la guerre.
Mais cette histoire va connaître une fin tragique car dix ans après les conséquences de la bombe sont toujours présentes et les gens continuent de mourir de mystérieuses maladies qui se déclenchent subitement et ne leur laissent qu'un mince espoir de survie.
Gen va devoir affronter un nouveau drame et une fois de plus relever ses manches pour avancer et continuer sa vie.

Il n'y a rien de réellement nouveau dans ce dixième et dernier tome de la série, les personnages luttent pour leur survie, si ce n'est pas une maladie liée à la bombe qui les ronge ils peuvent tomber entre les mains des yakuzas ou de la drogue, comme l'un des amis de Gen.
Génération livrée à elle-même, voici ce que je retiens de la vie des jeunes gens dans l'après-guerre.
Où des jeunes gens comme Ryûta, ou encore Gen, doivent se battre quotidiennement pour s'offrir un avenir, en espérant rester en vie le plus longtemps possible pour voir leurs rêves se concrétiser : "Quelle que soit la difficulté, je baisserai pas les bras ! Je resterai en vie plus que jamais !".
Une nouvelle fois Gen va devoir se battre, partir pour la grande ville pour y faire des études et vivre de son art, faire entendre et connaître sa parole au monde entier pour essayer de le changer : "Tu dois te battre pour ton avenir ! Pour être quelqu'un de bien qui parle au monde entier !".
Et comme un leitmotiv dans toute cette série il y a encore des images du bombardement atomique dans ce tome, il y en a d'ailleurs dans chacun, pour rappeler que cela a existé, les horreurs qui en ont découlé, et que sans ce bombardement les personnages n'en seraient pas au même point aujourd'hui.
Le bombardement atomique a traumatisé une génération, l'auteur en tout cas le fut c'est pourquoi il ne cesse d'en dessiner des images, afin que personne n'oublie jamais, et ne recommence.
Mais c'une génération qui se bat aussi pour que la guerre n'ait plus jamais lieu et surtout que des horreurs comme les bombardements atomiques ne se reproduisent plus.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
Le constat est amère, les gouvernements successifs n'ont été issus que d'une droite ouvertement nationaliste qui a fait le lit du négationnisme, à tel point qu'aujourd'hui la majorité des Japonais ignorent, sinon nient, leurs terribles responsabilités dans la Seconde Guerre Mondiale (réflexion issue des notes de fin de tome de l'édition 2007, peut-être cela a-t-il évolué aujourd'hui).
Avec cette autobiographie plus ou moins romancée, Keiji Nakazawa a fait plus que raconter le bombardement atomique, il a surtout livré un témoignage exceptionnel sur le Japon d'après-guerre, rendant compte de l'évolution d'une nation où l'arrogance impérialiste fait place au désespoir d'une défaite humiliante à partir de laquelle une nation va devoir se reconstruire.
Tout cela à travers le prisme des petites gens qui malgré eux vont vivre l'Histoire à travers leur multitude d'histoires personnelles.
Je ne cacherai pas que j'ai été triste de quitter Gen et ses amis, parce que j'aurai voulu savoir ce qu'il advenait d'eux, tout particulièrement ses amis car pour Gen il est facile de le deviner quand on s'intéresse à la vie de l'auteur.
Mais surtout, il n'est plus possible aujourd'hui d'interroger Keiji Nakazawa, ou qu'il livre d'autres œuvres sur cette période de l'Histoire, parce qu'il est mort il y a quelques années, emporté par le cancer (ô surprise), alors qu'il avait sans doute encore tant de choses à raconter, à dessiner.
Il reste son oeuvre majeure, "Gen d'Hiroshima", dont la place au panthéon de la littérature est plus que mérité.

"Gen d'Hiroshima" est une oeuvre complexe sous des abords simples qui reste encore trop méconnue et pas forcément appréciée à sa juste valeur.
Pour ma part, j'ai le sentiment d'avoir découvert l'une des histoires les plus remarquables sur la Seconde Guerre Mondiale et ses conséquences que je place au même niveau que "Maus" d'Art Spiegelman.

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