samedi 12 mars 2016

Notre mère la guerre - Tome 1 : Première complainte de Maël et Kris


Janvier 1915, en Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que l’Europe est à feu et à sang. Six mois que la guerre charrie ses milliers de morts quotidiens. Mais sur ce lieu hors de raison qu’on appelle le front, ce sont les corps de trois femmes qui font l’objet de l’attention de l’état-major. Trois femmes froidement assassinées. Et sur elles, à chaque fois, une lettre mise en évidence. Une lettre d’adieu. Une lettre écrite par leur meurtrier. Une lettre cachetée à la boue de tranchée, sépulture impensable pour celles qui sont le symbole de la sécurité et du réconfort, celles qui sont l’ultime rempart de l’humanité. Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie, militant catholique, humaniste et progressiste, mène l’enquête. Une étrange enquête. Impensable, même. Car enfin des femmes… c’est impossible. Inimaginable. Tout s’écroulerait. Ou alors, c‘est la guerre elle-même qu’on assassine… (Futuropolis)

Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney l'ont appelée "Putain de guerre !" dans leur série, ici le titre donné à la Première Guerre Mondiale a une dimension plus religieuse, voire mystique, rendant le contraste d'autant plus saisissant avec l'illustration de couverture.
Nous sommes en janvier 1915, cela fait quelques mois que l'Europe est à feu et à sang, et le lieutenant de gendarmerie Roland Vialatte est appelé au front non pas pour se battre mais pour enquêter sur le meurtre de trois femmes.
Chacune d'elle a été froidement assassinée, portait sur elle une lettre d'adieu et a surtout été déposée sur les premières lignes du front, bien en évidence dans les tranchées pour les soldats dont le moral n'est déjà pas très bon : "Mes hommes sont prêts à mourir pour la France. Mais comment mener sereinement une guerre si l'on tue nos femmes dans notre dos ?".
Alors le lieutenant Vialatte enquête, et retrouve une vieille connaissance, le caporal Gaston Peyrac, forgeron dans le civil et à qui il a déjà eu affaire, à la tête d'une troupe de soldats pas tout à fait comme les autres puisqu'il s'agit de jeunes repris de justice à qui on a proposé de sortir de prison en l'échange d'aller se battre en première ligne.
Et autant dire que ces jeunes hommes ne sont pas dans des saints, mais le ou les coupable(s) est-il forcément l'un d'eux ?

Difficile avec cette histoire de meurtre pendant la Première Guerre Mondiale de ne pas penser aux "Âmes grises" de Philippe Claudel, pourtant c'est une bel et bien une histoire inédite et totalement différente que nous proposent ici Kris au scénario et Maël aux dessins et aux couleurs.
Bien entendu il est question de 14-18, mais d'un point de vue différent d'ordinaire, le lieutenant Vialatte n'étant pas soldat sur le front il livre ici ses impressions et ses sentiments sur cette guerre, une vision pour l'instant patriotique et exaltée, mais qui pourrait être amenée à évoluer par la suite : "Mais si je voulais résumer la guerre, je garderais ceci : le son des cloches par lesquelles tout a commencé. Puis le silence. Ce silence que seule la guerre peut engendrer. Épais comme dans le ventre d'une mère sous la terre. Épais comme des millions de silence se chevauchant et se recouvrant les uns les autres.".
Directement confronté à l'horreur des combats sa vision de la guerre va peu à peu changer, surtout au contact des hommes du caporal Peyrac, particulièrement le dénommé Jolicoeur qui va lui livrer sa vision de la guerre et des combats en se référant à Victor Hugo : "Les livres mentent. Et ceux d'Hugo les premiers. Quand on meurt, sur les barricades ou dans la tranchée, on ne chante pas. On chie dans son froc.".
En attendant les hommes meurent au front, des femmes sont lâchement assassinées et traînées sur les premières lignes des tranchées et rien, pas la queue ni le début d'une piste pour le lieutenant Vialatte.
A noter que l'histoire est racontée du point de vue de ce dernier en 1935 tandis qu'il est mal en point et certainement sur le point de mourir, ayant été mortellement empoisonné par les gaz il y a vingt ans de cela.
L'intrigue est très bien bâtie, à l'heure actuelle il est impossible de deviner qui a bien pu commettre ces meurtres, je ne tomberai pas dans la facilité de dire que c'est forcément une ou plusieurs personnes du groupe de Peyrac.
Car bien entendu, à l'issue du premier meurtre un soldat a été accusé et fusillé, sauf que les meurtres ont continué, donc ça ne pouvait pas être lui.
Il est vrai qu'il n'y avait pas déjà assez de morts sur le front il fallait encore exécuter des soldats "pour l'exemple", l'absurdité de cette guerre ressort aussi du scénario.
La reconstitution historique est tout simplement saisissante, c'est l'un des aspects qui m'a d'ailleurs poussée vers cette bande dessinée en cette période de commémoration du centenaire de la bataille de Verdun.
C'est très bien documenté, très bien écrit, et particulièrement bien dessiné.
J'aime assez l'utilisation de tons sombres, presque ternes, pour illustrer les champs de bataille et le chaos qui y règne.
C'est glauque, c'est froid, c'est morbide, et c'est surtout très prenant.

Attention, la messe de "Notre mère la guerre" a commencé à être dite mais elle est loin d'être finie et la chute finale du sermon n'est pas encore pour tout de suite.

2 commentaires:

  1. Hello ! Il me tente bien celui-là ! Je le note !! Merci :-)

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    1. Hello ! Oui c'est une excellente BD je te la conseille.

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