samedi 8 avril 2017

Les brumes de Sapa de Lolita Séchan


Un récit de vie touchant sur le passage à l’âge adulte à travers l’amitié improbable de deux jeunes filles : Lolita, ado parisienne un peu perdue, et Lo Thi Gôm, petite fille de la minorité Hmong opprimée au Vietnam. (Delcourt)

"La première fois que je suis allée au Vietnam, j'avais 22 ans.", ainsi débute le récit autobiographique de Lolita Séchan, un récit qu'à l'époque du tout fait vite elle a mis cinq ans à laisser mûrir, à bâtir, pour se raconter mais aussi l'histoire de Lo Thi Gôm, petite fille de la minorité Hmong rencontrée lors de son premier séjour et avec qui elle a, depuis lors, tissé des liens que je qualifierai d'amitié : "J'étais partie me chercher et je l'ai trouvée elle.".
Lolita Séchan est "fille de", mais ce qu'elle cherchait par-dessus tout, c'était se trouver elle, trouver quelque chose qui n'appartiendrait qu'à elle : le dessin.
Elle aborde sa filiation à certains moments du récit, mais elle reste une fille comme les autres, avec un père et une mère qui connaissent des problèmes de couple et d'autres plus personnels, une fille qui se cherche beaucoup et va finalement trouver quelque chose de fort qui la fera grandir, mais sans qu'elle s'en rende compte : "C'est bien toi qui l'as voulue, cette amitié. C'est toi qui l'a choisie. A force de te perdre, tu te trouves ma chérie.".
Lolita, lors de ses séjours annuels au Vietnam, n'aura de cesse de retourner à Sapa, pour y voir Lo Thi Gôm, cette fillette d'une minorité opprimée pour qui elle ressent un profond attachement : "Étais-je son amie ? Sa sœur ? Sa mère ? Sa banque ? Étais-je toujours une étrangère ?".
En écrivant son histoire en bande dessinée, c'est aussi de cette minorité que l'auteur a voulu parler, la mettre en avant, ainsi qu'un Vietnam qui évolue, se modernise et qui n'accorde toujours pas de place pour certaines minorités qui composent pourtant ce pays.
Le Vietnam est également mis en avant, un pays que Lolita a eu du mal à appréhender lors de ses débuts et qu'elle a fini par aimer : "Tu vois, c'est étrange ... J'ai tellement haï le Vietnam. Il m'a bousculée, malmenée, blessée même, et pourtant ... A 48 h de mon départ, j'ai l'impression que j'en suis tombée amoureuse.", voire même le comparer à l'enfer : "L'enfer est un endroit chaud comme la braise qui grouille d'âmes perdues trimant dans les flammes pour l'éternité. C'est comme le Vietnam, en fait. Le feu en plus.".
J'ai été touchée par la façon dont elle en parle, déjà parce qu'à sa façon j'ai tendance à partir seule découvrir un endroit, mais aussi par les représentations qu'elle en fait.
Clairement, cette bande dessinée m'a donné envie de découvrir le Vietnam, j'y ai vu un pays fascinant qui recèle quelques merveilles si l'on prend le temps de s'attarder et de sortir hors des sentiers touristiques.
Malheureusement, j'ai aussi l’impression que c'est un pays en train d'être déformé par le tourisme, peut-être ne faut-il plus tarder pour y aller.
C'est avec intérêt que j'ai suivi les péripéties de Lolita au Vietnam ainsi que la très belle amitié qu'elle noue avec Lo Thi Gôm, malgré deux cultures très différentes ces deux femmes ont finalement des points en commun.
Lo Thi Gôm a des rêves, elle refuse pendant un certain temps de céder aux traditions, parce qu'elle a envie d'accomplir ses rêves, mais elle est aussi lucide par rapport à ceux-ci et sait que plus le temps passe plus ils grossissent et moins ils deviennent réalisables : "Mais je sais que plus mes rêves grossissent moins j'ai de chance d'être heureuse.".
J'ai trouvé ça très beau, autant de clairvoyance de la part de cette jeune femme, pour tout dire elle m'a même beaucoup émue.
Lolita Séchan est restée très pudique pendant tout son récit, c'est quelque chose que j'ai apprécié, ainsi que sa quête personnelle, sans doute parce que nous nous y retrouvons tous à un moment donné de notre vie.
Outre l'histoire, j'ai également apprécié le coup de crayon de l'auteur, même si ce n'était pas forcément gagné au début.
Uniquement dans les tons de noir, blanc et gris, elle a su donner du contraste aux paysages et à ces personnages.
Comme quoi, il est bon parfois de savoir prendre son temps, le résultat n'en est que meilleur.

Avec "Les brumes de Sapa" Lolita Séchan livre une très belle bande dessinée personnelle qui arrive pourtant à toucher chacun dans le cœur, un beau moment d'émotion et une belle découverte.

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