lundi 17 avril 2017

Orpheline d'Arnaud des Pallières

     
     

Portrait d’une femme à quatre âges de sa vie. Petite fille de la campagne, prise dans une tragique partie de cache-cache. Adolescente ballottée de fugue en fugue, d’homme en homme, puisque tout vaut mieux que le triste foyer familial. Jeune provinciale qui monte à Paris et frôle la catastrophe. Femme accomplie enfin, qui se croyait à l’abri de son passé. Quatre actrices différentes incarnent une seule et même héroïne. (AlloCiné) 


Renée (Adèle Haenel) est une directrice d’école comblée, entre son travail, son compagnon Darius (Jalil Lespert) et un bébé à venir après avoir été tant désiré. Mais tout bascule quand une femme fatale, Tara (Gemma Arterton), sort de prison et débarque dans sa salle de classe.
Un fantôme du passé resurgit, et bientôt c’est la police qui débarque au domicile de Renée, pour arrêter une Karine.
Car en réalité, Renée c’est Karine.
Sandra (Adèle Exarchopoulos) est une jeune provinciale débarquée à Paris, entretenue par Maurice (Sergi Lopez) et qui vient de répondre à l’annonce d’un vieil homme cherchant une fille pour l’aider dans son travail. Sandra découvre le monde hippique, ainsi qu’une superbe femme évoluant dans ce domaine et nommée Tara, joue de ses charmes et de son corps, auprès des hommes qui la protègent, la nourrissent, mais aussi des femmes.
Sandra frôle la catastrophe lors d’un coup monté, mais c’est Tara qui part emmenée par les policiers, pas elle.
Car en réalité, Sandra c’est Karine.
Karine (Solène Rigot) a treize ans, et mieux vaut fuir le foyer familial, se perdre dans les boîtes de nuit et offrir son corps à beaucoup d’hommes plutôt que de subir la violence de son père.
Aux gendarmes qui l’interrogent après une énième fugue, elle répond qu’elle agit ainsi parce que "Je suis pas heureuse".
 Car à cette époque-là, Karine se fait encore appeler Karine.
Kiki (Vega Cuzytek) est une petite fille de la campagne assistant à la mort du couple formé par ses parents et prise dans une tragique partie de cache-cache où le doute plane sur sa réelle culpabilité.
Car en réalité, Kiki c’est Karine.


Un seul et même personnage et quatre actrices pour l’interpréter à des pages différents, tel est le postulat de départ du nouveau film d’Arnaud des Pallières.
Ce procédé a également été utilisé récemment dans le film "Moonlight".
J’ai énormément apprécié la construction à rebrousse-temps qui permet de bien saisir toute la complexité du personnage et l’origine de son mal être qui finit par la rattraper.
Sans cela, je crois bien que le personnage de Karine nous serait resté une énigme, pour ne pas dire antipathique.
Une fois que le réalisateur a fini de plonger dans le passé de son personnage, il revient au présent et j’ai bien senti venir la fin.
D’ailleurs, une autre fin était-elle possible ?
Mon intérêt pour ce film s’est éveillé dès la bande annonce qui est assez intrigante et réussit à ne pas en dire trop tout en donnant envie de creuser dans le passé de cette femme.
Et je dois reconnaître qu’elle m’a touchée cette femme, beaucoup.
Elle n’a pas eu une vie facile, elle a réussi à s’en sortir, à peu près, mais la voilà rattrapée par son passé.
C’est là l’une de ses plus grosses erreurs, croire que l’on peut tirer un trait définitif sur son passé.
D’un autre côté, je ne cautionne pas non plus tout son comportement.
La Karine adolescente et jeune adulte peut déstabiliser le public par son comportement, voire le mettre mal à l’aise.
A ces deux âges, elle joue de ses charmes et fait commerce du sexe.
 Elle est crue, elle est limite vulgaire, elle n’a pas froid aux yeux, quelle image bien éloignée de cette du début de la respectable directrice d’école.
Si certains reprochent que ces deux âges sont moyennement traités et n’apportent pas grand-chose à l’histoire, je ne suis pas totalement d’accord avec eux.
Ils montrent une Karine au paroxysme de sa sensibilité, qui se fait surtout du mal à elle-même mis qui a pourtant quelques principes comme celui de ne pas toucher à la drogue.
C’est une jeune fille qui découvre le monde à travers la sexualité.
Mais c’est aussi un personnage en fuite permanente et qui ne cesse de changer d’identité tout au long de sa vie.
Quant à la Kiki jeune, j’ai trouvé un tout petit peu dommage que cette partie soit plus courte que les autres car elle dégage une puissance émotionnelle grâce à l’utilisation astucieuse de l’ellipse.


Outre la réalisation d’Arnaud des Pallières, particulièrement réussie à mon goût, ce film brille évidemment par son excellent casting.
Les quatre actrices interprétant Karine sont à la fois différentes mais tout aussi bien choisies pour interpréter ce personnage à différents âges de sa vie.
Et qu’importe si Solène Rigot a plus que treize ans, elle m’a fait penser à la Lolita du clip de Laurent Boutonnat dans sa façon d’être, et de façon plus générale à la Lolita de la chanson "Moi Lolita".
 J’ai un peu honte de le dire, mais Adèle Haenel je ne l’ai vue que dans "L’Apollonide : souvenirs de la maison close", et j’ai eu du mal à la replacer dans son personnage, je regrette car j’ai (re)découvert une excellente actrice.
Quant à Adèle Exarchopoulos, révélation de "La vie d’Adèle", j’ai été ravie de retrouver cette actrice dont je trouve qu’elle a un jeu très animal qui colle toujours à la perfection avec ses personnages.
Si je n’apprécie que très moyennement le jeu de Nicolas Duvauchelle, il me faut dire que les rôles de salaud lui vont particulièrement bien.
Ça tombe bien, puisque c’est le cas ici.
Les chansons coupant les différentes époques ont aussi toute leur importance.
Et même si j’ai battu mon record d’affluence dans une salle pour ce film – nous étions deux en tout et pour tout – je ne regrette absolument pas car plusieurs jours après son côté sauvage m’interpelle encore.


"Orpheline" d’Arnaud des Pallières est un film aussi puissant qu’émouvant retraçant le parcours chaotique d’une femme en perpétuelle fuite en avant, un film intrigant à ne pas manquer ce printemps au cinéma.


     
     

     
     

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