samedi 6 février 2016

Le mépris d'Alberto Moravia


Capri! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant, le drame couve entre Emilia et Riccardo. Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise. 
Drôle de coïncidence! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia! Voilà bien l'unique obsession de Riccardo! Sait-il seulement ce qui agite Emilia? Désenchantement? Ennui? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur? 
Dans «le ciel bleu du mépris», l'orage gronde... (Librio)

Riccardo est marié à la belle Emilia, mais celle-ci ne l'aime plus.
Pire que cela, elle le méprise.
Et Riccardo a beau chercher il ne trouve pas la raison de ce mépris.
Alors il s'interroge, il malmène Emilia, il accepte d'écrire pour le producteur Battista le scénario d'un film tiré de "L'odyssée" de Homère, une histoire en résonance avec les tourments amoureux dans lesquels il se débat, et pour cela part avec Emilia s'installer dans la luxueuse villa de Battista sur l'île de Capri.

Je sais qu'il existe un film de Jean-Luc Godard tiré de ce roman, avec une fameuse scène d'ouverture où une Brigitte Bardot demande langoureusement à Michel Piccoli s'il aime, ses mains, ses fesses, etc., film que je n'ai donc pas vu; mais je sais surtout qu'Alberto Moravia a été pendant quelques années l'un des maîtres de la littérature Italienne, et c'est surtout pour cet aspect que je souhaitais le découvrir à travers "Le mépris".
Choix peu judicieux, je dois bien le reconnaître, car ce n'est pas du mépris que j'ai ressenti pendant ma lecture, mais de l'ennui, et c'est sans doute le pire sentiment que l'on peut ressentir en littérature.
Riccardo m'a foncièrement exaspéré, il est benêt, il ne comprend pas pourquoi Emilia le méprise, il s'interroge, il s'interroge, ça cogite beaucoup (trop) dans sa tête, à tel point qu'il frise bien souvent la surchauffe, mais la solution ne vient pas.
Riccardo est en fait un homme méprisable, il faut bien appeler un chat un chat, et je comprends ce qu'a pu ressentir la douce Emilia.
Riccardo est un homme qui n'a pas su profiter du bonheur qui était plus qu'à portée de sa main, de ses propres aveux : "Plus on est heureux et moins on prête attention à son bonheur.", et c'est effectivement ce qui lui est arrivé.
Il a donc commencé à se pourrir l'esprit en s'imaginant des choses par rapport à Emilia et a fini par lui reprocher la situation dans laquelle il se trouve : écrire des scénarios de films alors qu'il n'aspire qu'à faire du théâtre, car c'est pour faire plaisir à Emilia qu'il a acheté un appartement qu'il lui faut aujourd'hui rembourser.
Sauf qu'Emilia elle n'a jamais rien demandé de tel, au moins elle n'a pas perdu de vue son bonheur, par contre son mari elle ne le comprend plus, persuadée qu'elle est qu'il cherche à la pousser dans le lit de Battista afin de s'attirer encore plus ses faveurs pour de prochains scénarios.
On ne le dira jamais assez, l'un des maîtres mots dans un couple est le dialogue, et dans celui formé par Emilia et Riccardo cette composante manque cruellement.
Riccardo finit même par en devenir violent et méchant, sa vision d'Emilia est bouleversée : "Mais c'était ainsi : je n'avais pas épousé qui pût partager et comprendre mes idées, mes goûts et mes ambitions; j'avais épousé pour sa beauté une dactylo simple et inculte, pleine, me semblait-il, de tous les préjugés et de toutes les aspirations de la classe dont elle était issue.", alors que dans le même temps il continue de lui mettre psychologiquement la pression pour lui faire avouer la source de son mépris (si Riccardo avait pu utiliser un peu plus judicieusement ses neurones ...).
Riccardo finit par se perdre, le scénario de "L'odyssée" tel que le réalisateur souhaiterait qu'il l'écrive est en réalité une transposition du triangle formé par Emilia, Battista et lui.
Alors Riccardo s'englue : "Ce baiser, en réalité, marquait le point culminant de l'équivoque dans laquelle se débattait ma vie, tant au point de vue conjugal que de mon métier.", entraîne avec lui le lecteur, et fort heureusement tout cela a une fin.
Apparemment les traductions de ce roman diffèrent car dans certaines les noms ont été francisés, heureusement pas dans la mienne car cela retire du charme à l'ensemble, et il faut bien reconnaître q'il n'y en a déjà pas beaucoup.
Cette histoire a le mérite de faire voyager le lecteur de Rome à la magnifique île de Capri, avec sa mer d'un bleu limpide, ses criques et sa nature.
Je suis allée à Capri et j'en ai fait le tour en bateau, cela fait partie de mes souvenirs de paysages les plus enchanteurs, même si cette île est devenue trop touristique, ce qui n'était pas encore le cas à l'époque où Alberto Moravia a écrit son roman.
Je n'ai pas été spécialement marquée par son style, il faut dire que l'histoire m'ayant ennuyée j'avais plutôt hâte qu'il y ait un peu d'action voire même d'arriver à la fin, et je me demande si la traduction en Français n'arrive pas à rendre hommage à la plume d'Alberto Moravia qui mérite sans doute de se découvrir dans sa version originale.
Malheureusement mon niveau d'Italien ne me permet pas (encore) de lire Alberto Moravia dans cette langue si belle, mais pourquoi pas ré-essayer une fois que je la maîtriserai mieux.
Dans tous les cas, je ne garderai pas un souvenir ému de cette lecture et j'ai bien peur que le film soit à peu près aussi ennuyeux, même si les paysages sont magnifiques et les acteurs bons dans leur rôle.
Le personnage central de Riccardo m'a déplu, tout comme celui de Battista, à croire qu'Alberto Moravia a cherché à faire une surenchère dans ce que l'homme a de plus méprisable, seule Emilia a pu trouver légèrement grâce à mes yeux.
Et cela ne suffit pas à relever le niveau de cette lecture qui a dormi quelques années sur une étagère avant d'être ouverte.
J'avais essayé une première fois et j'avais reposé le livre, il y avait sans doute une raison à cela, mais cette fois-ci j'ai eu le mérite d'aller jusqu'au bout, de voir, et de l'avoir vaincue.
Maintenant il est temps de passer à autre chose.

Fort heureusement Capri et moi ce n'est pas fini, et j'y retournerai un jour, mais pour "Le mépris" c'est bel et bien fini et l'on ne m'y reprendra plus.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


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