lundi 5 mars 2018
Au revoir là-haut de Pierre Lemaître
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts. (Albin Michel)
J'ai repoussé cette lecture, parce que l''engouement suite au Prix Goncourt, et c'est à la faveur de l'été - de la sortie dans les mois qui suivaient du film - que je me suis décidée à ouvrir ce roman, après avoir été quelque peu déçue par son adaptation en bande dessinée.
J'ai bien fait d'attendre car j'ai pu profiter pleinement de cette lecture à contre-courant de tout le monde, et c'était sans savoir qu'un deuxième tome allait voir le jour en ce début d'année 2018.
Bon, et pour être tout à fait honnête, je m'interrogeais sur Pierre Lemaître comme auteur d'une fiction historique, l'ayant connu avec "Robe de marié", l'un de ses romans policiers.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins (surtout celui des Dames), j'ai beaucoup aimé ce roman, les personnages et son côté très politiquement incorrect.
Limite je regrette même d'avoir lu la bande dessinée car je connaissais malheureusement les ressorts de l'intrigue et une partie de la surprise était ainsi gâchée.
Albert, c'est un brave gars (et j'ai déjà expliqué ici que dans ma bouche - enfin sous ma plume, bref mon clavier - ce n'était pas forcément un compliment, loin de là), mais là, c'est un brave gars que j'aime bien, même s'il n'est pas toujours très malin dans ses réflexions, quoi qu'il a aussi des moments de lucidité : "Mourir le dernier, se disait Albert, c'est comme mourir le premier, rien de plus con.".
Et puis il a bon cœur Albert, il n'hésite pas à sauver Edouard Péricourt et à se plier en quatre pour lui procurer une nouvelle identité, du soulagement avec de la morphine, et finir par marcher dans sa combine d'arnaque aux monuments aux morts.
Albert a donc des moments de lucidité mais aussi de philosophie : "Il savait qu'on se remet de tout, mais depuis qu'il avait gagné la guerre, il avait l'impression de la perdre un peu plus chaque jour.", et des principes.
Mais il a aussi une forme de revanche à prendre, d'abord sur l'effroyable lieutenant Pradelle qui a tenté autant qu'il l'a pu de faire mourir Albert (qui détient un vilain secret sur cet odieux personnage), tout comme Edouard, dessinateur de génie mais rejeté par son père à cause de son homosexualité (et de ses dessins).
Au sortir de la guerre, la France ne plaisante pas avec ses morts, mais elle a aussi besoin d'apaiser les pleurs des nombreuses familles endeuillées, et quoi de mieux qu'un monument aux morts pour honorer la mémoire des disparus ?
Sauf qu'Edoaurd a tout prévu, avec Albert ils empochent l'argent puis quittent la France couler des jours paisibles ailleurs.
La galerie de personnages est formidable, si Albert et Edouard sont les personnages principaux, que l'on finit bien vite par aimer avec leurs qualités et leurs défauts, je me suis régalée avec le lieutenant Pradelle, le père d'Edouard Péricourt et aussi les deux personnages féminins du roman : Madeleine Péricourt, la sœur d'Edouard, et Pauline, la bonne des Péricourt, et ce fameux Joseph Merlin, inspecteur raffolant du poulet qui va découvrir le trafic de cercueils.
Si l'arnaque aux monuments aux morts est une invention de Pierre Lemaître il n'en est pas de même pour le trafic de cercueils.
Outre les personnages, j'ai énormément apprécié le pied-de-nez de l'histoire et son côté politiquement incorrect.
Il y a des passages drôles, d'autres plus durs, et d'ailleurs cela m'a fait revoir mon jugement sur la catégorie de cette oeuvre, exit le roman historique et bonjour le roman picaresque.
Car Albert va vivre des aventures pittoresques, plus relevées que celles que connaissent les gens ordinaires, tandis que le livre présente une étude de mœurs de l'époque, en n'hésitant pas à esquinter les bourgeois représentés par les Péricourt et Pradelle.
Il n'est pas étonnant que ce roman tienne une place toute particulière dans l'oeuvre de Pierre Lemaître, c'est un roman joliment ficelé et abouti qui se lit avec délectation.
Sans doute aurai-je plus apprécié la bande dessinée si j'avais lu le roman en premier, la prochaine fois je ne ferai pas les choses à l'envers et je commencerai par le roman mais avec le recul cette bande dessinée n'est pas si mauvaise que cela, loin de là, même si sa couverture révèle malheureusement un moment fort de l'intrigue.
Et je ne peux que vous inviter à voir le film d'Albert Dupontel si ce n'est déjà fait, une adaptation remarquable du roman et extrêmement bien réussie.
"Au revoir là-haut" est un livre jouissif à lire, avec une intrigue captivante et des personnages attachants.
Vite vite maintenant, il ne me reste qu'à me précipiter sur "Couleurs de l’incendie", deuxième tome de cette trilogie annoncée par Pierre Lemaître et paru en ce début d'année.
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