dimanche 4 novembre 2018

Vis, et sois heureuse, Ziska ! d'Anne C. Voorhoeve


Janvier 1939. Lorsqu'elle arrive à la gare de Liverpool Street, à Londres, Franciska Mangold n'a que onze ans. Elle a bénéficié d'une place dans un kindertransport, organisé depuis Berlin pour protéger des enfants juifs de la menace nazie. 
Alors que sa famille est convertie au protestantisme depuis deux générations, la fillette est recueillie par les Shepard, des juifs othodoxes. A son arrivée, anéantie par son exil forcé, elle cherche sans relâche à trouver une solution pour faire venir en Angleterre ses parents et Bekka, sa meilleur amie. 
Se sentant coupable d'avoir quitté l'Allemagne quand les siens sont en danger, taraudée par mille questions sur son identité, Ziska réussit peu à peu à se construire grâce à l'amour inconditionnel de sa famille adoptive. Mais quand la guerre éclate, sa vie vole de nouveau en éclats. (Bayard Jeunesse)

Après "Mes deux Allemagne" j'ai tout de suite lu le deuxième roman d'Anne C. Voorhoeve à avoir été traduit en Français : "Vis, et sois heureuse, Ziska !".
Certains diront "encore un roman traitant de la Seconde Guerre Mondiale, encore un roman traitant du sort des Juifs pendant cette période", et bien non, pas "encore" mais voilà un fort beau livre bien épais estampillé jeunesse qui traite de la destinée d'une petite fille Allemande, Juive, que ses parents font partir d'Allemagne pour lui permettre d'avoir la vie sauve et qui va passer la guerre dans une famille d'accueil en Angleterre.

Tout commence en 1938 en Allemagne, Ziska et sa meilleure amie font des "survival plan" pour repérer toutes les cachettes du quartier dans lesquelles se réfugier au cas où. car toutes les deux sont Juives, et les mesures à l'encontre des Juifs ont déjà commencé : interdiction d'exercer certaines professions, obligation de faire enregistrer leurs propriétés et leurs avoirs, faire enregistrer leurs commerces, ajout du nom de Sarah pour les femmes et d'Israël pour les hommes sur tous les documents légaux, avec en novembre la Nuit de Cristal.
Les parents de Ziska envisagent de fuir l'Allemagne, mais trop tard car son père est emprisonné et les papiers tardent à venir, tandis que la famille de sa meilleure amie a déjà réfléchi à un plan de fuite depuis longtemps mais là aussi ils ne vont malheureusement pas y arriver à temps.
Une solution émerge : les kindertransport, transportant des enfants Juifs hors d'Allemagne pour les placer dans des familles d'accueil en Grande-Bretagne.
Ziska va pouvoir en bénéficier, contrairement à sa meilleure amie, et se retrouver en Angleterre où elle finira par être accueillie dans la famille des Shepard, des Juifs orthodoxes alors que Ziska et sa famille se sont convertis au protestantisme depuis plusieurs années.
La guerre éclate, les nouvelles s'amenuisent voire s'arrêtent, Ziska grandit mais comment vivra-t-elle la fin de la guerre et que restera-t-il de sa famille ?

Ce roman est particulièrement volumineux (plus de six cents pages) car il traite une période de dix ans, commençant en 1938 pour se finir en 1948, et suit le parcours de Ziska dont une partie de sa jeunesse va être volée par la guerre et la situation en Europe.
Ziska est une petite fille avec des réactions typiquement de son âge, elle ressent de la colère envers ses parents, tout particulièrement sa mère avec qui les relations sont compliquées car elle prend comme une trahison le fait que celle-ci l'envoie en Europe, mais aussi envers sa meilleure amie Bekka qui lui reproche d'avoir eu une place dans un transport d'enfants tandis qu'elle non alors qu'elle est sur liste depuis plus longtemps et que c'est elle qui lui en a parlé, mais aussi une incompréhension car elle continue de vivre alors que d'autres meurent, à tel point qu'à un moment donné elle se reproche le fait d'être en vie et se demande à quoi bon continuer ainsi : "Oui, cela valait la peine de vivre, comment avais-pu l'oublier ?".
Il est difficile de résumer tout ce que contient ce roman, mais le destin de Ziska est poignant : elle quitte sa famille et son pays, va finir par trouver une famille accueillante et se reconstruire auprès d'eux, tout en ressentant pour eux une affection de plus en plus grande, éclipsant presque celle qu'elle ressent pour ses propres parents.
C'est ainsi, Ziska a bien dû continuer à vivre pendant les années de guerre, son cas n'a sans doute pas été isolé et je trouve que la relation d'amour entre Ziska et ses parents adoptifs est très pudique et particulièrement bien traitée.
Il y a beaucoup de paradoxes sentimentaux dans ce roman de par l'histoire qu'il traite, mais c'est ce qui en fait toute sa richesse.
De plus, j'ai apprécié une nouvelle fois à quel point le contexte historique était précis et bien retranscrit.
L'autrice a choisi de se focaliser sur certaines périodes clés de la Guerre, mais tout ce qui est écrit dans le roman est vrai, c'est important, me semble-t-il, de le préciser.
Le contexte de l'après-guerre est lui aussi très humain, et particulièrement triste, sans en dévoiler plus l'histoire est, malheureusement, assez juste dans les événements et les sentiments éprouvés par les différents protagonistes.
J'ai été sensible non seulement au contexte historique mais aussi aux personnages, ce roman est très dense et m'a émue à plusieurs moments.
Voilà en tout cas une autrice que je retiens et dont j'attends avec impatience les prochaines traductions en Français.

"Vis, et sois heureuse, Ziska !" est un très beau roman sur le destin d'une jeune fille pendant la Seconde Guerre Mondiale qui rappelle à quel point la vie peut être douloureuse mais belle et qu'elle vaut bien évidemment la peine d'être vécue.

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