mardi 11 octobre 2016

Gaston et Gustave d'Olivier Frébourg


Gaston est un très grand prématuré. A sa naissance, il a été séparé de son jumeau. Dans le service néonatal de l’hôpital de Rouen dont l’entrée est gardée par la statue de Gustave Flaubert, il lutte pour respirer. Gaston c’est mon fils. (Mercure de France)

J'avoue sans honte aucune que je ne connaissais pas Olivier Frébourg jusque-là, à une nuance près : j'ai découvert qu'il était le fondateur des Editions des Equateurs, et ça au moins ça me parlait.
Dans "Gaston et Gustave", Olivier Frébourg se livre dans une pudeur maîtrisée.
Il parle de lui, de l'insatiable voyage, du lecteur, du directeur littéraire mais surtout du père qu'il est pour Gaston, son fils prématuré.
Avec sa femme Camille, enceinte de jumeaux, et leurs deux enfants, ils forment une famille heureuse attendant avec impatience l'arrivée de deux nouveaux êtres, mais une nuit tout bascule, Camille accouche prématurément et est sauvée in extremis, tout comme Gaston, ce qui ne sera pas le cas de son jumeau : "Nous croyons que faire des enfants est l'apothéose de l'amour, de notre intimité, du mystère humain et nous découvrons que la Loi, grande ou petite, divine ou mesquine, nous surveille dès la vie utérine.".
Olivier Frébourg et sa femme ont connu l'envers de la maternité joyeuse, celle présentée d'ordinaire, car oui, on a tendance à l'oublier hormis pour ceux qui l'ont vécu, mais la maternité et l'accouchement peuvent être source de drame et tout ne se déroule pas toujours bien.
Avec sa femme convalescente, un fils à inhumer, un autre placé en soins intensifs en couveuse qui lutte pour sa vie, et deux enfants à la maison, c'est à cela qu'Olivier Frébourg a dû faire face, un univers auquel il ne s'attendait pas et pour lequel il n'était pas préparé, car personne ne l'est : "J'ai basculé, quitté le monde de l'espérance pour quoi au juste ? Une contrée incertaine qui doit être un peu celle des limbes.".

En même temps qu'Olivier Frébourg parle de Gaston, son fils miraculé qui s'accroche à la vie, il parle aussi d'un auteur qui compte beaucoup pour lui dans sa vie, normand comme lui : Gustave Flaubert.
D'où le titre du roman, qui raconte l'histoire de Gaston mais se plonge aussi dans celle de Gustave.
Gustave Flaubert est un auteur qui inspire toujours Olivier Frébourg, celui-ci se lancera même dans ses traces pour se reconstruire tandis que son couple aura volé en éclats, mais ici il se demande si ce qui lui arrive n'est pas le revers de la médaille de son admiration pour cet auteur : "J'avais la conviction que ma lecture de Flaubert dans laquelle je m'étais délecté comme un cochon s'ébattant dans sa boue avait détruit toute possibilité d'harmonie.".
Quand on vit un événement tel que celui qu'a connu Olivier Frébourg, je crois que l'on perd ses repères et que l'on s'accroche à tout et n’importe quoi.
Il n'empêche, je n'apprécie pas particulièrement comme auteur Gustave Flaubert mais je ne me suis pas pour autant ennuyée de le voir si présent dans ce roman.
Non, cela ne m'a donné envie de le relire ou de lui laisser une seconde chance (un jour peut-être), mais j'ai apprécié toute la réflexion menée par l'auteur et les parallèles qu'il tisse entre sa vie, ses drames, et ceux connus par Gustave Flaubert.
Malgré un récit très personnel, j'ai été touchée par cette mise à nu d'Olivier Frébourg, il a su utiliser les bons mots pour parler de ce qu'il a vécu tout en restant pudique.
J'ai trouvé qu'il avait des réflexions justes par rapport à sa situation personnelle mais aussi en tant que père : "Un père, un homme qui ne s'écroule jamais, fait front, ne montre pas ses doutes; une ombre qui retraverse sa propre enfance.".
C'est quelque chose que l'on m'a déjà dit, que l'on revit son enfance en regardant celle de ses enfants.
Néanmoins, je trouve tout de même que l'histoire personnelle de l'auteur de deuil d'un enfant finit par se noyer dans ses réflexions et ses longues narrations sur Gustave Flaubert, à moins que ce ne soit volontaire de sa part et une façon pudique de masquer partiellement une cicatrice encore douloureuse.

"Gaston et Gustave" m'a permis de découvrir un auteur à travers un pan tragique de son histoire personnelle mais aussi de découvrir autrement le monstre littéraire qu'est Gustave Flaubert, une belle lecture teintée de la douceur Normande.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2016



2 commentaires:

  1. Pour ma part, énorme émotion avec cette lecture ! Mon article paraît demain.

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