dimanche 24 février 2013

Olympe de Gouges de Catel Muller et de José-Louis Bocquet


De Montauban en 1748 à l’échafaud parisien en 1793, quarante-cinq ans d’une vie féminine hors normes, et l’invention d’une idée neuve en Europe : la lutte pour les droits des femmes. Née dans une famille bourgeoise de province, sans doute fille adultérine d’un dramaturge à particule, Marie Gouze dit Olympe de Gouges a traversé la seconde moitié du XVIIIe siècle comme peu de femmes l’ont fait. Femme de lettres et polémiste engagée, elle se distingue par son indépendance d’esprit et l’originalité parfois radicale de ses vues, s’engageant pour l’abolition de l’esclavage et surtout pour les droits civils et politiques des femmes. Opposée aux Robespierristes et aux ultras de la Révolution, elle est guillotinée pendant la Terreur. (Casterman)

Marie Gouze dite Olympe de Gouges est l'une de ces femmes qui a été active pendant la Révolution Française mais que l'Histoire n'a pas retenue en tant que personnalité marquante.
Avec cet ouvrage, la dessinatrice Catel Muller et le scénariste José-Louis Bocquet lui rendent ses lettres de noblesse et lui permettent d'être connue d'un public plus large.

Olympe de Gouges aurait pu se contenter d'être une bourgeoise de province rapidement veuve avec un fils à élever, se remarier et mener une vie paisible, mais c'était sans compter sur son caractère.
Après un mariage éclair et peu convaincant, elle fera le choix d'aimer mais de rester libre, de ne plus s'unir à un homme et d'être seule maîtresse de son destin : "Aujourd'hui, j'ai compris l'ordre de la nature humaine qui n'est pas celui de la société. Il ne peut y avoir l'amour conjugal et l'amour passion dans le même corps ...".
C'est ainsi qu'elle arrive à Paris aux débuts des années 1770 avec son fils Pierre et son amant, également le grand amour de sa vie, Jacques Biétrix de Rozières.
Fille née des amours hors mariage de sa mère avec un bourgeois de Montauban écrivain à ses heures, Marie (ou Olympe) a baigné très tôt dans la littérature, à commencer par les philosophes des Lumières tels Voltaire ou Jean-Jacques Rousseau.
A Paris elle va s'épanouir en fréquentant des cercles comme celui de Madame de Montesson, croiser le chemin de Benjamin Franklin ou de Condorcet, et commencera alors à écrire des pièces pour le théâtre.
Elle devra se battre pour que sa première oeuvre finisse par être jouée à la Comédie Française, il faut dire qu'Olympe révolutionnait les idées de son époque en bâtissant sa pièce comme un ode contre l'esclavage.
Elle créera aussi son propre théâtre qu'elle dirigera pendant quelques temps et où son fils Pierre jouera au sein de la petite troupe qu'elle animera dans les années 1780.
Mais c'est surtout à partir de 1789 qu'elle va s'illustrer et faire parler d'elle, en tant que femme de lettres mais surtout comme polémiste engagée aux idées non conformes par rapport à son époque.
Féministe avant l'heure, elle ne cessera de réclamer l'égalité entre hommes et femmes : "Si les femmes sont reconnues responsables et punissables par la justice, alors on doit leur donner l'accès à l'urne et à la tribune.", et puisque sa parole ne sera pas entendue c'est par la plume qu'elle essaiera de faire passer ses idées : "Alors notre combat est loin d'être fini : on a exclu les femmes de tout pouvoir, de tout savoir. Heureusement, on ne s'est pas encore avisé de nous ôter celui d'écrire !".
Elle rédigera la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne mais se heurtera à la position morale des hommes qui, s'ils ont accepté les femmes à leurs côtés pour renverser la monarchie, ne veulent pourtant pas entendre parler de leur indépendance via le droit de vote ou le droit de divorcer : "Voyons mes amis ! Donner le pouvoir aux femmes, c'est demander de changer la société de manière encore plus brutale que de guillotiner le Roi !".
Olympe de Gouges n'est pas une femme qui peut être qualifiée de fine politicienne, bien qu'elle ait une vision aiguisée et précise de la politique : "La politique n'est pas un jeu, Michel. Si un jour mon corps a pratiqué celui de l'amour, c'est du passé. Désormais, seule mon âme est tournée vers l'avenir ... celui de la Nation.", elle s'y brûlera les ailes en s'opposant violemment à Robespierre et en paiera le prix de sa vie : "Je meurs, mon cher fils, victime de mon idolâtrie pour la Patrie et pour le Peuple ...".

Olympe de Gouges était non seulement une femme engagée mais également une femme passionnée.
Elle avait une vraie croyance en la Nation et dans les valeurs de la Révolution Française.
Féministe avant l'heure, elle s'est battue pour faire reconnaître le droit des femmes et leur égalité par rapport aux hommes.
Vaste combat puisqu'il faudra attendre 1944 pour que les femmes aient enfin le droit de vote.
Quant à son combat contre l'esclavage, elle ne connaîtra pas l'abolition de l'esclavage en 1794 qui sera pourtant réinstauré en France avant d'être définitivement aboli en 1848.
C'est tout le parcours de cette femme passionnée que retrace ce très beau roman graphique extrêmement documenté.
Outre son nombre de pages conséquent et peu courant pour un roman graphique voire une bande dessinée (un peu plus de quatre cent pages), ce livre est enrichi d'une belle base documentaire avec une chronologie de la vie d'Olympe de Gouges et des principaux évènements historiques de l'époque et des notices biographiques retraçant la vie des personnages principaux et secondaires ayant croisé le chemin d'Olympe de Gouges.
J'ai trouvé cette lecture très riche et très enrichissante, d'autant plus que je ne connaissais pas grand chose d'Olympe de Gouges avant de m'attaquer à la lecture de ce récit.
Elle fait partie des femmes méconnues qui ont pourtant joué un rôle non négligeable pendant la Révolution Française, une période de l'Histoire qui m'a toujours intéressée, et qui, comme bien d'autres révolutionnaires, n'ont pas survécu à la période noire de la Terreur instaurée par Robespierre.
Le scénario est extrêmement bien élaboré, José-Louis Bocquet ayant su ne retenir que les passages importants de la vie d'Olympe de Gouges et de leur consacrer à chaque fois un chapitre.
Quant au graphisme uniquement en noir et blanc, les dessins sont très beau et très agréables à regarder.
Catel Muller a su donner une vie et une âme à chaque personnage.
Malgré leur multitude, ces derniers sont tout le temps reconnaissables et identifiables par le lecteur, ce qui permet de rendre fluide la lecture.
Ses dessins ont donné vie au scénario de José-Louis Bocquet et les échanges passionnés entre les personnalités de l'époque ne transparaissent pas seulement par les écrits mais également par les dessins.

"Olympe de Gouges" de Catel Muller et José-Louis Bocquet est un roman graphique réussi et intéressant car s'attachant à la vie d'une femme féministe avant l'heure et aux idées allant à l'encontre de celles de son époque, une femme qui s'est battue pour ce en quoi elle croyait, en somme une femme comme je les apprécie dans la vie et dans la littérature.
Une lecture forte qui m'a touchée sur bien des aspects et qui permet de faire connaître et de rendre hommage à cette femme, Olympe de Gouges, qui a été quelque peu oubliée par l'Histoire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire