"Les sanglots longs des violons
d’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone.", Verlaine excusera
certainement la double digression faite à sa première strophe du poème Chanson
d’automne qui a servi à annoncer début juin sur les ondes de Radio Londres ce
qui reste à ce jour la plus grande opération maritime jamais réalisée, et on
espère bien l’unique.
Depuis 1943, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne œuvraient à organiser un débarquement sur le continent européen
visant à le libérer de la domination du IIIème Reich.
Les Alliés ont longuement étudié les
lieux pour organiser ce débarquement : le Pas-de-Calais offre de grandes
plages et la proximité de l’Allemagne mais cette zone est bien trop surveillée
pour offrir toutes les garanties d’un succès ; il reste alors l’ouest de
la Normandie, offrant la possibilité de gagner Paris et surtout deux ports en
eaux profondes : Cherbourg et le Havre.
C’est donc la Normandie qui est
retenue.
Mais une fois le lieu choisi, le plus
dur restait à faire : construire les navires, les équipements, les armes,
recruter et préparer des soldats, bâtir la logistique, établir des cartes
détaillées des plages choisies, obtenir des renseignements précis sur les
allemands, leur emplacement, leur nombre, les armes dont ils disposent pour
défendre ces plages, et faire avec un élément non maîtrisable et non des
moindres : la météo.
Par ricochet, non seulement la météo
devait être favorable, mais le débarquement ne pouvait alors lieu que par une
nuit de pleine lune afin d’assurer un effet de surprise et par un coefficient
de marée important afin de débarquer les hommes et les équipements au plus près
des côtes.
Si les américains et les anglais ont
énormément œuvré à la réussite de cette opération en dégageant des moyens
financiers importants, en faisant des opérations de reconnaissance aérienne
afin de cartographier le plus précisément possible les plages, les cartes
postales d’avant-guerre ont également été utilisées, et les réseaux de Résistance
français basés en Normandie ont fourni de précieuses informations à Londres.
Le D-Day ou Jour J, initialement fixé
au 1er mai 1944 a été repoussé au 1er juin puis au 5 juin
afin de gagner un mois pour la production de barges de débarquement.
Les conditions météorologiques du 5
juin étant mauvaises, le débarquement a été repoussé au 6 juin, faute de quoi
il n’aurait pou avoir lieu qu’un mois après afin de réunir toutes les
conditions favorables.
Cinq plages ont été choisies et
rebaptisées pour l’occasion, le nom attribué leur est depuis resté :
- Utah et Omaha Beach pour les
américains
- Gold Beach pour les britanniques
- Juno Beach pour les canadiens et
britanniques
- Sword Beach pour les britanniques
et français (le commando Kieffer)
Dans la nuit du 5 au 6 juin,
plusieurs parachutages ont lieu : 6ème division britannique sur
le flanc est du canal de Caen à la mer et à Ranville, 101ème et 82ème
divisions aéroportées américaines dans le nord-est du Cotentin, ces
parachutages ont pour but d’aider le débarquement maritime à venir, notamment
dans le secteur d’Utah Beach ; des parachutages ont également lieu en
Bretagne.
Deux sous-marins britanniques (les
X-Craft) viennent se positionner près des plages pour guider la flotte.
Une opération de déminage de chenaux
à travers la Manche a lieu afin de dégager des couloirs pour acheminer les
bateaux vers les plages.
Partis de plusieurs ports
d’Angleterre, des milliers de navires convergent vers le point de ralliement
maritime baptisé Piccadilly Circus.
A 6 heures débute le bombardement
naval de la côte Normande.
Un brouillard artificiel est créé
afin de cacher l’approche des navires des plages, et à 6h30 (l’heure H)
commence le débarquement sur les plages des troupes américaines.
Pour des raisons de marée, c’est à
H+1, soit 7h30, que les troupes canadiennes et britanniques débarquent.
Au soir du 6 juin, environ
156 000 hommes avaient pris pied sur le sol normand : 17 000
parachutés, 56 000 débarqués sur Omaha et Utah Beach, 83 000 sur
Gold, Juno et Sword Beach.
Les pertes s’élevaient à 10 300
hommes dont le tiers de tués.
Côté matériel : 2 navires de
guerre, 131 LCT (Landing Craft Tank), 117 LCA (Landing Craft Assault), 43 LCI
(Landing Craft Infantry), 27 avions perdus et 63 endommagés.
Omaha Beach est sans doute la plage
la plus connue et ce, pour de funestes raisons.
Baptisée Omaha la Sanglante (Bloody
Omaha), elle doit son triste surnom aux nombreuses pertes humaines dues à des
bombardements aériens et navals ayant raté leur cible, à une mer agitée et à un
vent fort qui ont rendu les conditions de débarquement très périlleuses.
La quasi-totalité des chars amphibies
ont coulé et des difficultés de navigation ont déporté par le courant les
barges, ceci ayant pour conséquence que beaucoup de soldats en sortant des
barges ont coulé et sont morts noyés, tandis que ceux arrivant sur la plage, les
défenses allemandes étant cachées, se sont fait tirer dessus.
La première vague est restée clouée
sur place, incapable d’avancer, et a subi de lourdes pertes (90% des hommes
furent tués ou blessés), la situation sur Omaha devenait critique et la
désorganisation régnait, ce qui a fait dire au colonel Taylor : "Il
n'y a plus que deux genres de soldats sur cette plage ; ceux qui sont morts et
ceux qui vont mourir ! Alors bougeons-nous de là !".
A la fin du premier jour, les
objectifs étaient loin d’être atteints, les pertes matérielles étaient
importantes tout comme celles humaines (environ 1 000 tués et 2 000
blessés et disparus, dont de nombreuses noyades).
Omaha Beach avec Juno sont les plages
les sanglantes de ce 6 juin 1944.
Au-delà du débarquement humain et
matériel, la mise en place d’une logistique afin d’assurer l’approvisionnement
en hommes, en matériel et en carburant a été mis en place.
Cela s’est traduit par la construction
de 2 ports artificiels : Mulberry A (port américain) et Mulberry B (port
britannique).
Suite à une tempête aux alentours du
16 juin, les ports ont été endommagés et Mulberry A a été détruit et n’a
finalement que peu servi.
De façon pratique, le débarquement a
majoritairement continué par les plages jusqu’à la remise en service du port de
Cherbourg.
Pour acheminer le carburant,
l’opération PLUTO prévoyait la construction d’un oléoduc sous la Manche.
Par la suite et durant tout l’été
1944, des hommes, du matériel, ne cessèrent de débarquer par la Normandie.
Aujourd’hui les plages de Normandie
sont devenues des lieux de l’Histoire, de recueillement et d’hommage.
Si ce n’est déjà fait, je ne peux que
vous inviter à y aller et à vous laisser porter par le poids du passé, à
imaginer ce que c’était en ce 6 juin 1944 quand des milliers d’hommes y ont
débarqué.
Ces lieux sont désormais des
sanctuaires, pour les centaines de corps échoués sur les plages ou ceux
présents sous la mer (il y a eu de nombreux morts par noyades lors du
débarquement des barges), ainsi que le matériel militaire aujourd’hui présent
et constituant un site archéologique intéressant.
La localité de Sainte-Mère-Eglise est
également connue pour son parachutiste resté accroché 2 heures au clocher.
Si logistiquement cette opération est
exceptionnelle et particulièrement bien pensée, elle l’est tout autant
humainement, de par ces milliers de personnes qui sont venues libérer un
continent qu’ils ne connaissaient que de nom ou presque, qui se sont engagées
volontairement et par conviction, qui pour beaucoup y ont perdu la vie à un
très jeune âge.
Aller dans un cimetière américain (ou
britannique ou canadien) est toujours très émouvant, voir toutes ces rangées de
croix blanches qui se succèdent les unes aux autres fait froid dans le dos et
renvoie à des heures sombres de l’Histoire Européenne.
C’est pourquoi j’ai trouvé essentiel
d’en parler aujourd’hui et de dire, une nouvelle fois, merci à toutes ces
personnes, qu’elles y aient ou non laissé leur vie elles forment toutes
individuellement ou en groupe des héros, et bien qu’elles refusent cette
appellation c’est pourtant bien ce qu’elles sont et ce qu’elles demeureront
dans la mémoire collective.
Pour aller plus loin :
- Le site internet du D-Day : http://www.dday-overlord.com/
- Le site
internet Normandie Mémoire : http://www.normandiememoire.com/fr_FR/content/view/id-1-accueil
- Le bataillon du ciel, film tiré du
livre de Joseph Kessel
- Le jour le plus long, film
- Au-delà de la gloire, film
- Il faut sauver le soldat Ryan, film
- Band of Brothers – Frères d’armes,
série télévisée tirée du livre éponyme de Stephen Ambrose
Et également beaucoup de reportages à
la télévision en ce moment, et d’excellents romans ou bandes dessinées
(témoignages ou fictifs) ou récits d’historiens sur cette période qui seraient
trop longs à tous lister.
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