mercredi 30 avril 2014

Aux frontières de la soif de Kettly Mars


Haïti, janvier 2011. Fito Belmar est architecte-urbaniste et écrivain. Après le succès de son premier livre, il vit aujourd’hui de ses rentes et mène une existence rythmée par les soirées bien arrosées avec ses amis... Mais il cache aussi un lourd secret : certaines nuits, il se faufile dans le camp de Canaan et approche de toutes jeunes filles que la misère vend au plus offrant. Gigantesque camp de réfugiés créé juste après le séisme de janvier 2010, Canaan est devenu depuis un immense bidonville regroupant quelque 80 000 personnes vivant dans la précarité, la violence et le dénuement. Lorsqu’il accueille Tatsumi, une journaliste japonaise avec laquelle il n’a communiqué que par messagerie électronique, Fito doit jouer l’hôte parfait. Il n’est pas insensible au charme gracile de la Japonaise et un rapprochement amoureux semble possible… Tatsumi saura-t-elle ramener Fito vers une existence plus lumineuse ? (Mercure de France)

Bienvenue en Haïti un an après le séisme de 2010 qui a laissé des milliers d'orphelins et de personnes sans abri, le dépaysement s'arrête là car pour la suite, c'est en quelque sorte "circulez, il n'y a rien à voir".
Je me suis demandée dès le début où l'auteur voulait en venir, car il faut bien dire ce qu'il est : le personnage de Fito Belmar est non seulement pas charismatique mais il n'est pas attachant, et l'auteur a tôt fait de le prouver puisque cet homme n'a rien trouvé de mieux pour regagner sa virilité que de te toucher, coucher et profiter de petites filles dans le camp de Canaan, peuplé de réfugié(e)s de tous âges du séisme.
"Finalement, ils n'étaient qu'une bande dépravés, alcooliques fonctionnels comme lui, aimant la chair fraîche et sauvant leurs dernières illusions entre les cuisses de fausses écolières ou de demi-vierges qu'on trouvait treize à la douzaine dans les rues de la ville.", voilà une phrase qui résume à elle seule le personnage de Fito Belmar.
Certes, l'histoire est centrée partiellement sur sa rencontre avec Tatsumi, une journaliste japonaise, qui va provoquer le réveil de ses sens, il n'empêche que j'ai eu une réaction épidermique à la lecture des premières pages et que j'ai achevé ce livre uniquement parce que j'ai une conscience de lectrice membre d'un jury.
Qu'un tel personnage fasse l'objet d'un roman, je peux tout à fait le comprendre, mais ce qui m'a sans doute le plus chiffonnée ici c'est que l'auteur non seulement le présente tel qu'il est mais excuse son comportement, le tout écrit dans un ton sans relief.
Ainsi après les fillettes il veut une vierge pour retrouver sa pureté : "Celle qui coûtait plus cher mais qui devait le laver de toutes ses souillures.", mais Fito refuse de consulter un psychologue par peur d'être jugé, pas étonnant, car il a un sacré problème le garçon !
J'ai franchement été marquée par ce détachement malvenu et j'ai trouvé les personnages creux, à l'image de l'histoire de ce roman d'ailleurs, car au final, je n'ai pas bien compris quel était le but de ce roman ni l'idée qu'avait cherché à développer l'auteur.
Proposer une vision post-apocalyptique d'Haïti ? D'une confrontation de deux mondes : "Comment une même terre pouvait-elle engendrer tant de frontières ?" ? Le tout sous le regard d'une étrangère ?
Je n'ai pas été convaincue du tout et je n'ai absolument pas été emportée par l'histoire, ce roman ne vend pas du rêve bien au contraire, il dégoûterait presque de se rendre en Haïti tant la vision qu'il en donne est pessimiste et noire.

Il y avait sans doute une autre façon de faire pour écrire un roman à Haïti, en une forme d'hommage aux rescapé(e)s du tremblement de terre de 2010, que celle développée par Kettly Mars dans "Aux frontières de la soif", un livre qui m'a laissée sur le bord de la route et m'a profondément horripilée plutôt qu'enchantée.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans

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