lundi 26 novembre 2018

Mermaid Project Episode 5 de Léo, Corine Jamar et Fred Simon


Dans un futur relativement proche, alors que l'équilibre mondial a totalement changé... Romane Pennac et son acolyte, El Malik, arrivent au terme de leur enquête sur les agissements du groupe Algapower – une société qui agit dans l'ombre afin de mener de terrifiantes expériences génétiques. Aidés par des dauphins, ils pénètrent dans les laboratoires d'y mettre un terme. Mais peut-on lutter contre un groupe aux moyens gigantesques ? (Dargaud)

Suite et fin des aventures de Romane et El Malik et de leur enquête sur les agissements du groupe Algapower.
Si je trouvais que le précédent tome manquait un peu d'action il n'en est rien dans celui-ci.
Beaucoup d'actions, de grandes scènes, une histoire qui trouve son épilogue et des questions apportées à beaucoup des réponses soulevées par cette intrigue.
Le scénario est vraiment très intéressant, d'autant plus si l'on est sensible à des thèmes comme l'écologie, la préservation de l'environnement et des espèces animales.
Il est bien amené mais je m'interroge sur le fait qu'il s'étale sur cinq tomes, c'est peut-être un peu trop d'autant s'il faut attendre plusieurs mois, voire années, la sortie du prochain volume.
Le personnage de Romane est bien choisi, ce n'est pas un canon de beauté mais c'est une femme déterminée qui sait ce qu'elle veut et qui a du cœur.
J'aime beaucoup le graphisme de cette bande dessinée, les animaux sont criants de vérité, là encore le dessinateur a fait de nombreuses recherches pour atteindre ce niveau de vraisemblance, quant aux paysages ils sont particulièrement réussis et collent parfaitement à ce monde d'après une catastrophe.
Il y a un véritable fond à cette série et l'entretien en fin de volume avec les trois créateurs permet d'en saisir toutes les nuances, dont certaines ont pu échapper lors d'une première lecture.
Et la grande et bonne nouvelle, c'est qu'un nouveau cycle est en préparation, sur un format plus court : deux volumes, mais avec plus de pages.
Les premières planches de cette nouvelle série sont d'ailleurs proposées en fin de volume.

"Mermaid Project" est une très bonne série de science-fiction mêlant polar et questions écologiques, à lire pour tous les amateurs de Léo mais aussi pour découvrir son univers ainsi que celui de Corine Jamar et Fred Simon.

dimanche 25 novembre 2018

A Star Is Born de Bradley Cooper

       
     

Star de country un peu oubliée, Jackson Maine découvre Ally, une jeune chanteuse très prometteuse. Tandis qu'ils tombent follement amoureux l'un de l'autre, Jack propulse Ally sur le devant de la scène et fait d'elle une artiste adulée par le public. Bientôt éclipsé par le succès de la jeune femme, il vit de plus en plus de mal son propre déclin. (AlloCiné)


J'ai craint de ne pas pouvoir voir ce film, fort heureusement mon cinéma d'amour a choisi de programmer quelques séances presque un mois après sa sortie sur les écrans.
J'aurai regretté de passer à côté de ce film car j'y ai fait de belles découvertes.
J'ai tout d'abord appris qu'il s'agissait de la quatrième relecture d' "Une étoile est née" (1937, 1954 et 1976).
Comme je n'ai vu aucune des précédentes versions je ne m'étendrai pas sur ce que nouvelle version apporte ou non à cette histoire qui plaît beaucoup à travers les âges.
La scène d'ouverture montre un Jackson Maine montant son scène et performant une chanson.
Sauf que Jackson Maine c'est le personnage, mais que c'est bel et bien Bradley Cooper (réalisateur et acteur) qui chante.
Et qui a écrit des chansons.
Et là énorme surprise, c'est qu'il extrêmement bon en chanteur, il envoie du lourd.
Bon, il a beaucoup travaillé pour le film, mais sa prestation est bluffante car c'est à croire que cela fait longtemps qu'il chante et se produit sur scène.
Je l'invite en tout cas à continuer dans cette voie car la musique lui sied bien.
Et puis le personnage de la jeune chanteuse très prometteuse est interprétée par Lady Gaga, dont c'est le premier grand rôle.
Loin d'être une erreur de casting elle se révèle au contraire touchante et juste dans le rôle de cette jeune femme pas très bien dans sa peau mais dotée d'un talent exceptionnel avec sa voix et sa capacité à composer et écrire de beaux textes.
Certes, je connais Lady Gaga en tant que chanteuse, mais je dois dire que dans ce film j'ai découvert (ou redécouvert) sa véritable voix.
Et quelle voix.


Rien d'inattendu ou d'extraordinaire dans l'histoire, mais elle a bien été adaptée à notre époque et montre de façon assez juste deux facettes du show-business : la fin de carrière d'un artiste et l'envers du décors pour une chanteuse tentant de percer dans un milieu fermé par des codes notamment physique.
L'alchimie entre les deux comédiens fonctionnent, ils ont du chien quand ils sont sur scène et de façon plus générale à l'écran.
Il y a des moments d'intense émotion avec le son résonnant dans toute la salle lors des concerts (à voir soit dans une salle de cinéma soit avec un bon équipement sonore) mais aussi entre les personnages, avec un Jack partant à la dérive car il sent sa carrière lui échapper et une Ally dont la crainte est que son authenticité lui soit retirée.
J'ai noté un petit relâchement du scénario après la première heure de film, mais il arrive à se rattraper dans la dernière partie.
Bradley Cooper a beaucoup travaillé son rôle, notamment sa tonalité de voix, et il colle parfaitement à son personnage.
En tant que réalisateur sa mise en scène est convenue, il a aussi bénéficié de véritables concerts pour tourner certaines scènes qui auraient nécessité beaucoup d'investissement et de personnes présentes.
Il a su montrer à l'écran l'envers du décors et la fièvre qui s'empare du public lors d'un concert, tout en apportant un soin particulier lorsqu'il filme les visages.
Et que dire de l'interprétation si juste de Lady Gaga, d'autant qu'elle affiche un visage sans le fard habituel, elle fait preuve ici d'une authenticité qui m'a beaucoup touchée, et permis d'apprécier son talent sans artifice et loin du show-business alors que je me serai contentée de l'écouter de loin sans cela.
Mention spéciale à la bande originale de ce film qui est un pur régal pour les oreilles, et signée Lady Gaga, Bradley Cooper et le fils de Willie Nelson, incontournable star de la country.


"A Star Is Born" n'est sans doute pas le film de l'année ni la meilleure première réalisation au monde mais c'est un mélodrame qui plaira aux personne sensibles et/ou amatrices de country et de pop musique et qui mérite d'être vu ne serait-ce que pour l'interprétation de Lady Gaga, la belle révélation du film.

jeudi 8 novembre 2018

L'écart d'Amy Liptrot


Grande, fine, intrépide et avide de passion, elle vacille, tel un petit navire dans la tempête, elle hésite entre deux destins : se laisser emporter vers le sud, vers ce Londres qui brille, dans la nuit violente qui fait oublier le jour où l’on est trop seul, où tout est trop cher, où le travail manque. 
Ou se fracasser contre les falaises de l’île natale, dans cet archipel des Orcades battu des vents dont la vie rude lui semble vide et lui fait peur. 
Elle l’ignore encore mais il existe une troisième voie : écouter résonner l’appel qui la hante, qui vient toucher cette part d’elle assoiffée de grand large, de grand air, de grande beauté. Non pas rester mais revenir. Choisir. 
Troquer la bouteille assassine contre une thermos de café fort, troquer l’observation narquoise et éperdue de la faune des nuits de fêtes tristes pour la contemplation des étoiles et des nuages, et l’inventaire des derniers spécimens de râle des genêts, un oiseau nocturne comme elle, menacé comme elle, farouche comme elle. 
Sa voie s’appelle l’écart. C’est l’humble nom d’une bande côtière où les animaux sauvages et domestiques peuvent se côtoyer loin des regards, où folâtrent des elfes ivres d’embruns. (Editions Globe)

Un archipel balayé par le vent, loin de tout; une narratrice ravagée par l'alcool, loin de son archipel natal.
Tel est le tableau de ce roman où les deux éléments, la terre et l'humain, sont étroitement liés.
Pour poursuivre ses études et son rêve de vie dans la grande ville (Londres), la narratrice a quitté l'archipel des Orcades qui l'a vu naître.
Mais loin du rêve c'est une triste et dure réalité qui s'impose à elle : celle d'une ville impitoyable où la vie et le logement sont chers, où les personnes débarquées comme elle sont légion avec leurs rêves de gloire.
Alors elle sombre dans un travers qu'elle connaît depuis sa jeunesse, l'alcool : "Je me déconstruisais, verre après verre.", quitte à s'oublier, à tout perdre, à ne faire que décevoir les autres et à voir son rêve filer entre ses doigts.
Et puis un beau jour, la réalité s'impose, la jeune femme se souvient qui elle est et d'où elle vient : "Grandir dans un lieu balayé par les vents vous rend fort, souple et ingénieux : nul ne sait mieux que vous où et comment s'abriter des rafales.", décide de se prendre en main, de suivre une cure, et de revenir dans les Orcades, chez elle, pour se reconstruire, en même temps qu'elle reconstruit le domaine familial : "Je répare ces murets en pierres sèches en même temps que je rassemble les morceaux de moi-même pour me reconstruire. Je reconstitue mes défenses.".

Elle est belle cette narratrice, elle est forte, et pourtant elle a souffert, mais ne dit-on pas que c'est ce qui rend plus fort ?
Elle est douée cette autrice, et pourtant il s'agit de son premier roman.
Difficile de rester insensible à la beauté de l'écriture, du personnage qui décrit ses tourments, des paysages sauvages de l'archipel des Orcades, véritable invitation au voyage.
Il y a le cheminement intérieur du personnage, et puis il y a celui extérieur des éléments naturels.
Les deux sont liés, l'un ne va pas sans l'autre, et c'est là que réside toute la beauté de ce texte : un savant mélange entre l'intime et le sauvage, l'humain et la nature.
J'ai été touchée par le personnage et son histoire, son parcours, la façon dont elle se livre au lecteur, avec, il me semble, une telle justesse de propos que c'est à se demander s'il n'y aurait pas un soupçon d'autobiographie là-dedans.
Il y a aussi la ville de Londres, tel qu'on peut l'appréhender en tant que touriste mais aussi la façon dont elle se vit au quotidien pour ses habitants.
Et puis cet archipel des Orcades, tellement bien imagé que j'ai eu la sensation d'entendre le vent et la mer au cours de ma lecture.
Il faut aussi reconnaître à ce roman la qualité d'être une invitation au voyage : Londres dans un premier temps, puis la découverte de cet archipel (et les photographies que j'ai pu en voir donnent envie d'aller à la rencontre de cette nature qui semble fort heureusement encore bien protégée).
Si le style d'Amy Liptrot a su me séduire, je suis également agréablement surprise de ma découverte de cette maison d'édition que je ne connaissais pas jusqu'à présent.
Et je me dis que si les autres publications sont du même niveau que ce roman je vais de ce pas m'en aller les découvrir.
Après un détour par l’archipel des Orcades, bien évidemment.

"L'écart" d'Amy Liptrot est un fort beau roman de cette rentrée littéraire 2018, une belle découverte et une invitation au voyage vers des contrées lointaines et sauvages, balayées par les vents et les embruns.

"L'écart" Amy Liptrot #MRL18 #Rakuten

mardi 6 novembre 2018

Mermaid Project Episode 4 de Léo, Corine Jamar et Fred Simon


L'enquête sur les expériences génétiques – illégales et dangereuses – menées par Algapower au Brésil se poursuit. Romane Pennac et El Malik, chargés des investigations, réalisent que ce consortium puissant possède des agents infiltrés au sein de la police et sans doute du gouvernement. (Darguad)

Le souci avec les séries en bande dessinée, c'est lorsqu'elles ne sont pas achevées et qu'il faut attendre les acquisitions de la bibliothèque pour les poursuivre.
Ce qui fut le cas pour la série "Mermaid Project", entamée en 2015 et dont je viens simplement de pouvoir emprunter les deux derniers tomes.
Autant dire que j'avais de bons souvenirs du contenu des trois premiers tomes, mais qu'un petit rafraîchissement avant d'entamer ce quatrième ne fut pas du luxe.
C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé les personnages de cette série, traquant la société Algapower et les expériences illégales que cette firme réalise sur les dauphins mais aussi les humains (le fameux projet "Mermaid", sirène en Français).
Ce quatrième tome suit directement l'intrigue du troisième et si l'histoire n'apporte pas vraiment du neuf elle tient toujours la route, ce qui est le principal.
Je reproche à ce tome de ne pas apporter de nouvelles réponses alors que le troisième était riche en révélations et en rebondissements, Romane et El Malik se retrouvent dans une situation périlleuse et ne doivent leur vie qu'aux dauphins qui viennent leur prêter main forte.
Il faut attendre les dernières bulles pour que l'intrigue soit relancée et que la noirceur du scénario revienne (monde du futur, catastrophe écologique qui a détruit une partie des villes et des moyens de transport que nous connaissons, firme toute puissante menant des recherches illégales sur les cétacés et les humains), j'ai trouvé que le reste de ce tome était presque une promenade de santé.
Ne vous détrompez pas, j'aime toujours autant cette série mais je fondais sans doute des espoirs trop grands dans cette suite (attendue depuis 3 ans).
La qualité du scénario et des dessins est toujours là, et je me suis bien évidemment jetée aussi sec sur le cinquième et dernier tome.

Si vous ne connaissez pas Léo comme auteur de bande dessinée de science-fiction je ne peux que vous inviter à découvrir son univers que j'aime tant, dont est issu la série "Mermaid Project".

lundi 5 novembre 2018

Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré

       
     

1990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite. (AlloCiné)


J’ai l’impression que le SIDA n’aura jamais été autant présent au cinéma que ces derniers mois, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Et ce n’est pas pour autant que je parlerai de « mode ».
Ici, il est question de Jacques, écrivain homosexuel habitant à Paris avec son fils, de son voisin et ami Mathieu, lui aussi homosexuel, et surtout d’Arthur, jeune homme vivant en Bretagne et que le hasard va amener à rencontrer Jacques, et à aimer Jacques.
Mais Jacques sait qu’il ne lui reste que peu de temps, le SIDA est à l’œuvre dans son corps.
Nous sommes en 1990, le traitement pour lutter contre le SIDA n’en est qu’à ses balbutiements, et si la mort rôde l’amour aussi n’est pas loin, le dernier pour Jacques.


En règle générale, j’aime beaucoup le style de Christophe Honoré, notamment ses histoires d’amour, mais je dois reconnaître que ce film est particulièrement bien maîtrisé et abouti.
Pas de temps mort, des personnages attachants, bourrés de certitudes, d’humour, d’amour, de failles, bref des humains tout simplement.
La relation m’ayant le plus touchée n’est pas celle entre Arthur et Jacques mais celle de ce dernier avec son ami et voisin Mathieu.
Sans doute parce que Denis Podalydès y est excellent, comme à son habitude mais dans un rôle qui diffère de ses précédents.
La facilité aurait voulu que ces personnages masculins aimant des hommes soient des stéréotypes, grossière erreur, il n’y a rien de surjoué dans le jeu des comédiens, leur interprétation est au contraire très fine.
De quoi me réconcilier avec Pierre Deladonchamps, un peu en demi-teinte dans "Nos années folles" ; et de quoi confirmer que Vincent Lacoste est un comédien à suivre.
Et puis la bande son du film est particulièrement léchée.


"Plaire, aimer et courir vite" est un film avec un titre à rallonge mais qui traite de l’urgence de vivre et d’aimer quand la mort rôde, sans doute le plus abouti à ce jour de Christophe Honoré.

dimanche 4 novembre 2018

Vis, et sois heureuse, Ziska ! d'Anne C. Voorhoeve


Janvier 1939. Lorsqu'elle arrive à la gare de Liverpool Street, à Londres, Franciska Mangold n'a que onze ans. Elle a bénéficié d'une place dans un kindertransport, organisé depuis Berlin pour protéger des enfants juifs de la menace nazie. 
Alors que sa famille est convertie au protestantisme depuis deux générations, la fillette est recueillie par les Shepard, des juifs othodoxes. A son arrivée, anéantie par son exil forcé, elle cherche sans relâche à trouver une solution pour faire venir en Angleterre ses parents et Bekka, sa meilleur amie. 
Se sentant coupable d'avoir quitté l'Allemagne quand les siens sont en danger, taraudée par mille questions sur son identité, Ziska réussit peu à peu à se construire grâce à l'amour inconditionnel de sa famille adoptive. Mais quand la guerre éclate, sa vie vole de nouveau en éclats. (Bayard Jeunesse)

Après "Mes deux Allemagne" j'ai tout de suite lu le deuxième roman d'Anne C. Voorhoeve à avoir été traduit en Français : "Vis, et sois heureuse, Ziska !".
Certains diront "encore un roman traitant de la Seconde Guerre Mondiale, encore un roman traitant du sort des Juifs pendant cette période", et bien non, pas "encore" mais voilà un fort beau livre bien épais estampillé jeunesse qui traite de la destinée d'une petite fille Allemande, Juive, que ses parents font partir d'Allemagne pour lui permettre d'avoir la vie sauve et qui va passer la guerre dans une famille d'accueil en Angleterre.

Tout commence en 1938 en Allemagne, Ziska et sa meilleure amie font des "survival plan" pour repérer toutes les cachettes du quartier dans lesquelles se réfugier au cas où. car toutes les deux sont Juives, et les mesures à l'encontre des Juifs ont déjà commencé : interdiction d'exercer certaines professions, obligation de faire enregistrer leurs propriétés et leurs avoirs, faire enregistrer leurs commerces, ajout du nom de Sarah pour les femmes et d'Israël pour les hommes sur tous les documents légaux, avec en novembre la Nuit de Cristal.
Les parents de Ziska envisagent de fuir l'Allemagne, mais trop tard car son père est emprisonné et les papiers tardent à venir, tandis que la famille de sa meilleure amie a déjà réfléchi à un plan de fuite depuis longtemps mais là aussi ils ne vont malheureusement pas y arriver à temps.
Une solution émerge : les kindertransport, transportant des enfants Juifs hors d'Allemagne pour les placer dans des familles d'accueil en Grande-Bretagne.
Ziska va pouvoir en bénéficier, contrairement à sa meilleure amie, et se retrouver en Angleterre où elle finira par être accueillie dans la famille des Shepard, des Juifs orthodoxes alors que Ziska et sa famille se sont convertis au protestantisme depuis plusieurs années.
La guerre éclate, les nouvelles s'amenuisent voire s'arrêtent, Ziska grandit mais comment vivra-t-elle la fin de la guerre et que restera-t-il de sa famille ?

Ce roman est particulièrement volumineux (plus de six cents pages) car il traite une période de dix ans, commençant en 1938 pour se finir en 1948, et suit le parcours de Ziska dont une partie de sa jeunesse va être volée par la guerre et la situation en Europe.
Ziska est une petite fille avec des réactions typiquement de son âge, elle ressent de la colère envers ses parents, tout particulièrement sa mère avec qui les relations sont compliquées car elle prend comme une trahison le fait que celle-ci l'envoie en Europe, mais aussi envers sa meilleure amie Bekka qui lui reproche d'avoir eu une place dans un transport d'enfants tandis qu'elle non alors qu'elle est sur liste depuis plus longtemps et que c'est elle qui lui en a parlé, mais aussi une incompréhension car elle continue de vivre alors que d'autres meurent, à tel point qu'à un moment donné elle se reproche le fait d'être en vie et se demande à quoi bon continuer ainsi : "Oui, cela valait la peine de vivre, comment avais-pu l'oublier ?".
Il est difficile de résumer tout ce que contient ce roman, mais le destin de Ziska est poignant : elle quitte sa famille et son pays, va finir par trouver une famille accueillante et se reconstruire auprès d'eux, tout en ressentant pour eux une affection de plus en plus grande, éclipsant presque celle qu'elle ressent pour ses propres parents.
C'est ainsi, Ziska a bien dû continuer à vivre pendant les années de guerre, son cas n'a sans doute pas été isolé et je trouve que la relation d'amour entre Ziska et ses parents adoptifs est très pudique et particulièrement bien traitée.
Il y a beaucoup de paradoxes sentimentaux dans ce roman de par l'histoire qu'il traite, mais c'est ce qui en fait toute sa richesse.
De plus, j'ai apprécié une nouvelle fois à quel point le contexte historique était précis et bien retranscrit.
L'autrice a choisi de se focaliser sur certaines périodes clés de la Guerre, mais tout ce qui est écrit dans le roman est vrai, c'est important, me semble-t-il, de le préciser.
Le contexte de l'après-guerre est lui aussi très humain, et particulièrement triste, sans en dévoiler plus l'histoire est, malheureusement, assez juste dans les événements et les sentiments éprouvés par les différents protagonistes.
J'ai été sensible non seulement au contexte historique mais aussi aux personnages, ce roman est très dense et m'a émue à plusieurs moments.
Voilà en tout cas une autrice que je retiens et dont j'attends avec impatience les prochaines traductions en Français.

"Vis, et sois heureuse, Ziska !" est un très beau roman sur le destin d'une jeune fille pendant la Seconde Guerre Mondiale qui rappelle à quel point la vie peut être douloureuse mais belle et qu'elle vaut bien évidemment la peine d'être vécue.

samedi 3 novembre 2018

Mes deux Allemagne d'Anne C. Voorhoeve


En 1988, l'Allemagne est toujours divisée en deux pays distincts, séparés par une frontière réputée infranchissable. Lilly habite à Hambourg, en Allemagne de l'Ouest, et a tout juste treize ans lorsqu'elle se retrouve orpheline. 
Son père est décédé quand elle était petite, et sa mère vient de mourir d'un cancer. Elle rencontre pour la première fois sa tante Lena, qui a obtenu l'autorisation exceptionnelle de quitter l'Allemagne de l'Est, où elle vit, pour se rendre à l'enterrement de sa sœur. Lilly s'attache à cette femme douce et chaleureuse et reste inconsolable après son départ. Elle n'a plus qu'elle au monde, et Lena a dû repartir de l'autre côté du Mur... 
Confiée à une tutrice, qui compte la placer dans une famille d'accueil pour Noël, Lilly échafaude le projet insensé de rejoindre sa tante. Elle ignore alors que le mur de Berlin tombera le 9 novembre 1989. (Bayard Jeunesse)

Il n'est pas évident de trouver des romans traitant du Mur de Berlin et plus généralement de l'Allemagne de l'Est et de l'Allemagne de l'Ouest, c'est pourquoi mon choix s'est porté sur ce roman estampillé jeunesse.
Ce roman a le mérite de traiter des deux côtés du Mur, Lilly habite à Hambourg, Allemagne de l'Ouest, avec sa mère jusqu'au décès de celle-ci, et c'est lors des funérailles qu'elle rencontre pour la première fois Lena, la sœur de sa mère, qui vit en Allemagne de l'Est et a bénéficié d'une dérogation exceptionnelle pour assister aux funérailles du dernier membre de la famille lui restant.
Lilly va immédiatement s'attacher à sa tante et ne va plus avoir qu'une envie : quitter l'Ouest pour l'Est où habite les derniers membres de sa famille.
Mais rien n'est facile et l'Ouest n'a pas envie de voir l'un de ses ressortissants partir pour l'Est, tout comme l'ESt n'a pas envie de voir arriver une personne de l'Ouest.
Le rideau de fer n'a jamais été aussi vrai, mais l'année 1989 est aussi proche et la chute du Mur ne saurait tarder.

Ce roman reconstitue fidèlement l'histoire de cette Allemagne divisée en deux, des disparités entre l'Ouest et l'Est, de la farouche frontière qui sépare ce pays et dont chacune des parties veut garder à tout prix ses ressortissants.
Anne C. Voorhoeve a fait des études d'histoire et cela se ressent dans son écriture, le fond historique est particulièrement soigné, tout comme le travail de deuil au cœur de ce roman également.
L'histoire de Lilly est particulièrement poignante : elle a perdu son père toute jeune et vient de perdre sa mère d'un cancer, elle n'est aps tout à fait adolescente et se trouve déjà placée dans un foyer, sans possibilité de rejoindre la seule famille qui lui reste car celle-ci se trouve "de l'autre côté".
Lilly est loin d'être un personnage agaçant, elle est au contraire touchante car elle vit pleinement ses sentiments, particulièrement le profond attachement qu'elle ressent pour sa tante, et elle n'hésite pas à braver les dangers pour accéder à son bonheur.
La construction de l'histoire est bien faite car le roman s'ouvre sur une Lilly adulte qui se trouve à raconter son histoire à l'un de ses collègues au cours d'une soirée.
Il faut dire que son histoire est particulièrement touchante, avec un côté fou car qui aurait envie de quitter l'Ouest pour l'Est ?
L'atmosphère en Allemagne à cette époque me semble bien reconstituée, j'ai aimé le principe de cette histoire où l'héroïne cherche à fuir l'Ouest pour l'Est alors qu'à cette époque c'était surtout l'inverse qui se produisait.
Il puis il y a beaucoup de sentiments dans ce roman, de secrets de famille qui finissent par éclater et touchent forcément le lecteur.
En tout cas ce fut mon cas et j'ai énormément apprécié cette lecture.

"Mes deux Allemagne" est un roman poignant sur le travail de deuil et les séquelles d'une longue séparation de l'Allemagne à travers les membres d'une même famille, c'est aussi la découverte d'Anne C. Voorhoeve comme autrice dont je vais m'empresser de découvrir les autres œuvres.