lundi 31 décembre 2018

Everybody knows d'Asghar Farhadi

       
     

A l’occasion du mariage de sa sœur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au cœur d’un vignoble espagnol. Mais des événements inattendus viennent bouleverser son séjour et font resurgir un passé depuis trop longtemps enfoui. (AlloCiné) 


Un film d’Asghar Farhadi est toujours attendu avec impatience, celui-ci l’était d’autant plus qu’il s’agissait d’une incursion dans une histoire 100% européenne mettant en scène un couple à la vie : Penélope Cruz et Javier Bardem.
Le réalisateur a osé sortir des sentiers battus et de sa zone de confort, voilà un acte que j’apprécie toujours de la part d’un réalisateur, en partant sur une histoire se déroulant dans un petit village d’Espagne, un lieu qu’il ne maîtrise pas mais qu’il arrive pourtant à sublimer à l’écran.
Comme bien souvent dans ses films il y a évidemment une dimension psychologique forte, tout comme les personnages qui cachent des secrets qui vont finir par exploser au grand jour.
C’est aussi un film d’ambiance, tout est beau et joli au début, tout commence par se noircir lors d’une soirée de fête pour se teinter de suspicion sur et de la part de tout le monde.
Car tout le monde sait mais tout le monde se tait et Laura voit sa vie exploser en tentant de démêler le vrai du faux.


Difficile de ne pas penser à Alfred Hitchcock devant ce film, il y a beaucoup du maître dedans, mais aussi une bonne dose de modernité portée par deux comédiens sans fard au sommet de leur art.
Si j’aime énormément Penélope Cruz chez Pedro Almodovar elle a ici un jeu excellent, elle dégage beaucoup à l’écran et ce rôle de mère lui va à la perfection (encore plus je trouve qu’à l’époque de Volver, sans doute parce qu’elle est devenue mère entre temps et que cela se ressent dans la façon d’aborder cette histoire).
Quant à Javier Bardem il dégage systématiquement quelque chose à l’écran, c’est une force, une présence, il a un côté instinctif très prononcé qui lui vaut d’être toujours juste dans ses interprétations.
Certes, je sentais un peu venir le rebondissement final, mais j’ai tout de même apprécié cette histoire malsaine qui peut mettre mal à l’aise, que j’ai trouvée pour ma part parfaitement maîtrisée.
Les émotions passent bien à l’écran, tout comme le côté thriller psychologique, voilà une mise en scène et un jeu d’acteurs maîtrisés à la perfection et qui donnent envie de voir d’autres films de cette trempe.


"Everybody knows" est un film psychologique cruel qui prouve une nouvelle fois toute l’étendue du talent d’Asghar Farhadi.

dimanche 30 décembre 2018

Les animaux fantastiques 2 : Les crimes de Grindelwald de David Yates

       
     

1927. Quelques mois après sa capture, le célèbre sorcier Gellert Grindelwald s'évade comme il l'avait promis et de façon spectaculaire. Réunissant de plus en plus de partisans, il est à l'origine d'attaque d'humains normaux par des sorciers et seul celui qu'il considérait autrefois comme un ami, Albus Dumbledore, semble capable de l'arrêter. Mais Dumbledore va devoir faire appel au seul sorcier ayant déjoué les plans de Grindelwald auparavant : son ancien élève Norbert Dragonneau. L'aventure qui les attend réunit Norbert avec Tina, Queenie et Jacob, mais cette mission va également tester la loyauté de chacun face aux nouveaux dangers qui se dressent sur leur chemin, dans un monde magique plus dangereux et divisé que jamais. (AlloCiné)


Voilà l’un des films que j’attendais le plus en cette fin d’année 2018, et voilà l’une des plus grandes déceptions de cette année 2018.
Et le mot déception est faible tant je suis ressortie mitigée, agacée de cette séance, avec la sensation de m’être fait rouler dans la farine et en me demandant si j’irai voir les prochains films (c’est dire).
Le premier volet était pourtant réussi, certes sans un grand scénario, mais avec des personnages attachants, dont les relations fonctionnaient, et surtout des animaux fantastiques en pagaille et dont le rôle était bien défini.
Pourtant le film commençait bien, les premières minutes en tout cas avant que tout ne parte en cacahuète.
Le terrible Gellert Grindelwald est en prison, rendu muet (et sincèrement je m’en réjouissais, parce que Johnny Depp n’est plus l’acteur qu’il a été et ne pas l’entendre pendant le film me convenait tout à fait), sur le point d’être envoyé en Europe pour y être jugé de ses crimes.
Et alors là … le voyage se fait avec des chevaux censés être visibles uniquement par les personnes ayant vu des morts, or tout le monde voit les chevaux, et très vite Grindelwald s’échappe dans un tourbillon d’images sans queue ni tête et un ciel très sombre qui n’aide en rien à la compréhension des images.
Et là, le calvaire commence.


On retrouve un Norbert Dragonneau moins gauche que dans le premier volet, toujours avec ses animaux sauf qu’il y en a peu, hormis un petit bestiaire en début de film dont on se demande à quoi il sert (un peu comme la jeune fille travaillant avec lui et complètement en amour d’un Norbert aveugle et maladroit), on retrouve aussi Jacob, l’une des belles surprises du premier volet, Tina et Queenie, et tout ce beau monde part en direction de Paris où Gellert a trouvé refuge et réunit ses partisans.
Evidemment, un petit passage par Poudlard au préalable, avec un Albus Dumbledore jeune mais fidèle à lui-même : il ne se charge pas des sales besognes mais trouve toujours une bonne poire pour le faire à sa place (notez que j’aime beaucoup ce point de vue, cela démystifie le personnage), et la valse des incohérences continuent : Minerva McGonagall qui n’a rien à faire à Poudlard à cette époque en tant que professeur, un Paris très américanisé, et toute une flopée de personnages qui malheureusement ne sont que survolés et dont on se demande ce qu’ils viennent faire dans l’histoire. On découvre notamment que Nagini est une jeune fille dotée d’une malédiction la transformant en serpent et qu’à terme elle restera dans le corps de cet animal, quant à savoir comment elle s’acoquinera avec Voldemort le mystère reste entier, mais j’avoue avoir lu une théorie fort intéressante sur le sujet qui pourrait se révéler audacieuse. Et d’audace, le film en manque beaucoup, malheureusement pas d’incohérences et d’idées farfelues qui partent dans tous les sens.


Non seulement le scénario est inexistant, mais que dire des facilités montrées à l’écran : Grindelwald prévoit la Seconde guerre mondiale, sans surprise lui-même cherche à exterminer les non-sorciers et à garder uniquement les sorciers de sang pur (notez que Voldemort n’inventera donc rien quelques décennies plus tard), le niveau d’originalité ne frôle pas le néant, il l’atteint.
N’attendez pas à voir des animaux fantastiques, ils sont peu présents et hormis les bébés niffleurs je cherche encore leur utilité (l’espèce de gros chat, mouais) ; n’attendez pas des personnages éblouissants, ils sont nettement en retrait voire quasi inexistants et le seule personnage qui aurait mérité un peu plus d’attention pourrait connaître un destin tragique dès ce film ; n’attendez pas des combats extraordinaires, c’est trop convenu et peu original.
Je suis encore furieuse du traitement réservé à certains personnages, je ne m’attendais pas à ce twist final mais dire qu’il m’a déçue est un euphémisme, en plus de ne pas être justifié.
J’ai eu l’impression dans ce film que quasiment tous les personnages étaient d’un égoïsme démesuré et que chacun ne voyait pas plus loin que le but de son nez.
Où sont les héros ? Les courageux ? Ceux qui prennent des décisions et réalisent des actions avec panache ?
Vraisemblablement ils se sont perdus en chemin ou évaporés, je suis d’autant plus surprise, dans le mauvais sens du terme, que J. K Rowling a participé au scénario et est à l’origine des incohérences et/ou rebondissements saugrenus du film.
Quant aux comédiens, heureusement que quelques-uns, dont Eddie Redmayne, Dan Fogler, Jude Law, tirent leur épingle du jeu car les autres sont d’une médiocrité à faire peur, en grande partie parce que leurs personnages sont mal écrits, sans parler de Johnny Depp qui a oublié depuis quelques années ce qu’est être comédien et s’est perdu (dommage qu’il essaye de se rattraper ici, le rôle aurait pu lui convenir mais c’est encore une fois une déception).
Ce n’est pas la magie qui m’est montée au nez mais la moutarde à l’issue de la projection.
Il semblerait que j’ai été prise pour une moldu de l’année, je n’apprécie pas du tout.


"Les animaux fantastiques 2 : Les crimes de Grindelwald" est l’un des pires films de 2018, une déception monumentale dont il ne faut rien garder ni retenir et surtout s’abstenir de le voir (ainsi que des prochains volets s’ils sont dans le même moule de médiocrité et non de magie).

samedi 29 décembre 2018

Wildlife - Une saison ardente de Paul Dano

       
     

Dans les années 60, Joe, un adolescent de 14 ans regarde, impuissant, ses parents s’éloigner l’un de l’autre. Leur séparation marquera la fin de son enfance. (AlloCiné) 


Adapté d’un roman de Richard Ford, ce Wildlife ne réchauffe pas franchement au cœur de l’hiver de par le lieu de l’action mais surtout par la glace régnant entre les personnages.
Joe (Ed Oxenbould), sorte de sosie du réalisateur Paul Dano à l’époque de Little Miss Sunshine, est un adolescent de 14 ans qui assiste impuissant à la fin du mariage entre son père (Jake Gyllenhaal) et sa mère (Carey Mulligan), le tout sous fond des sixties.
Paul Dano a sans nul doute l’habitude de jouer dans des films dits d’acteurs, le voici qui s’essaye ici à une première réalisation, qui manque d’un peu de vie à mon goût.
C’est sage, très sage, classique, très classique, c’est à l’image de cette famille qui se délite : fade et sans saveur, et cela manque parfois d’ardeur.
Et ce n’est pas avec une scène, certes belle, d’un gigantesque incendie que cette ardeur est à montrer, la métaphore est au passage facile vis-à-vis de la situation de cette famille qui part en fumée.
J’ai vu dans le choix du comédien interprétant Joe un sosie de Paul Dano plus jeune lorsqu’il a percé dans le cinéma, tout passe par cet adolescent, sur le principe l’idée est bonne mais dans les faits c’est un peu trop plat pour moi.
Sans doute aussi un peu trop prévisible, mais il y a les sublimes paysages du Montana et les relents de l’Amérique des sixties, particulièrement bien retranscrits dans le film. Carey Mulligan m’a le plus interpellée dans son jeu : difficile d’oublier son interprétation dans Gatsby, d’ailleurs son personnage pourrait être une sorte de Daisy transposée dans les années 60 tant elle transpire le désespoir et le mal-être, donnant la sensation de ne pas être à sa place dans cette famille, c’est à mes yeux elle qui porte en grande partie le film et qui a le véritable rôle de composition.
Elle arrive à être touchante et agaçante, fragile et forte, tête à claques et petite fille trop vite grandie que l’on a envie de consoler.
Quant à Jake Gyllenhaal, il est totalement dépassé par la situation, par sa femme, par son fils, par sa vie, par son inaptitude à garder un emploi, sa quête incessante du bonheur, ou tout du moins la vision qu’il en a à un instant T.
Et il y a évidemment la vis qui vient chambouler l’engrenage, le détonateur, qui ne redore pas la gente masculine soit-dit en passant.
Paul Dano s’est adjoint les services de sa compagne, Zoe Kazan petite-fille de, pour l’écriture du scénario et la transposition du roman de Richard Ford.
Ce film ne sort peut-être pas au meilleur moment de l’année, il aura sans doute un peu de mal à trouver un public parfaitement éveillé pour le ressentir comme il se doit.
A mes yeux ce film n’est pas mal mais il souffre de nombreuses erreurs de jeunesse dues à une première réalisation peut-être faite un peu trop tôt dans la carrière de Paul Dano.


"Wildlife – Une saison ardente" est un film au goût suranné un peu trop sage à mon goût mais qui laisse tout de même présager d’un réalisateur dont le travail est à suivre.

jeudi 27 décembre 2018

La symphonie du hasard Livre 2 de Douglas Kennedy


Pas évident d’échapper à sa famille, a fortiori quand cette dernière est en conflit permanent, avec une fâcheuse tendance à se mettre dans des situations compliquées. Alice Burns, elle, a choisi une solution radicale : mettre un océan entre elle et les siens et poursuivre ses études en Irlande. 
D’abord déstabilisée par l’accueil quelque peu revêche des Dublinois, elle se surprend à prendre goût à une existence simple, plus sereine. Et sa rencontre avec Ciaran pourrait même lui laisser entrevoir la possibilité d’une autre vie. 
Mais alors que résonnent les premiers échos des exactions de l’IRA, voici que resurgit une vieille connaissance, et avec elle un passé qu’Alice aurait préféré oublier à jamais. (Belfond)

Dans ce deuxième tome, Alice décide de mettre une distance entre elle et sa famille en partant s'installer sur le continent européen, à Dublin pour être plus précise.
Elle découvre une autre façon de vivre, d'autres idées, fait de nouvelles rencontres dont celle de Ciaran, mais le passé finit par la rattraper sous la forme d'un fantôme, tandis que les exactions de l'IRA frappent l'Irlande.
Alice continue sa vie de jeune adulte en alternant les grandes joies avec les tristesses profondes, et toujours s'interroge sur cette symphonie du hasard et le sens de la vie : "Tout ce qui m'arrivait était-il simplement le fruit des circonstances, ou avais-je, par le biais de mes choix et de mes actions, un certain degré d'incidence sur le cours des choses ?".
Ce deuxième tome met un peu plus de temps à se mettre en place que le premier, j'y ai trouvé quelques longueurs dans sa première partie, tout particulièrement lors de l'arrivée d'Alice à Dublin, son installation et la découverte de ses cours.
C'était somme toute assez banal, tout à fait ce qui était recherché par le personnage soit-dit en passent, heureusement que l'intrigue se corse par la suite avec l'apparition d'une vieille connaissance (disons que ce ne fut pas une surprise pour moi car je sais que Douglas Kennedy n'a pas pour habitude d'oublier ses personnages ni de ne pas leur offrir un début et surtout une fin) et la relation qui se noue entre Alice et Ciaran.
Le plaisir de retrouver les personnages ainsi que le style de Douglas Kennedy est intact, cet auteur a décidément le chic pour rendre ses personnages attachants et avance bien dans son projet de saga littéraire de grande envergure.
Ayant habité en Europe il est aussi à l'aise pour parler de ce continent que des Etats-Unis et parvient de façon assez juste à retranscrire les différences dans les modes de vie et la façon de penser.
Si les Etats-Unis connaissent un mouvement de libération sexuelle, l'Irlande elle est déchirée et meurtrie par les exactions commises par l'IRA.

Même en Europe le destin d'Alice rejoint la grande histoire et les bouleversements dans sa vie sont encore nombreux, à suivre bien évidemment dans un troisième volet.

mercredi 26 décembre 2018

La symphonie du hasard Livre 1 de Douglas Kennedy


« Toutes les familles sont des sociétés secrètes. » 
En lisant ces mots, Alice reste frappée par leur justesse. Les secrets, les non-dits, elle connaît. Chez les Burns, on en a fait une spécialité. La dernière en date ? Cette révélation que son trader de frère, Adam, vient de lui faire depuis le parloir de sa prison… Et qui la ramène une quinzaine d’années en arrière. C’était l’Amérique des années 70, celle des droits civiques et des campus en ébullition. Un vent de liberté attisait les désirs et Alice rêvait d’évasion. C’était l’heure des choix. Les premières notes d’une symphonie à venir. (Belfond)

Cela faisait longtemps, bien longtemps, que je n'avais pas lu un roman de Douglas Kennedy.
Je ne savais plus trop quoi lire (oui, c'est paradoxal quand on connaît ma bibliothèque), je manquais d'inspiration, je me suis donc tournée vers ce roman.
Enfin le qualificatif "ce" n'est pas exact car Douglas Kennedy s'est lancé dans une oeuvre d'ampleur qui contient trois tomes à ce jour avec pour ambition de dresser un portrait de l'Amérique des années 70 à 90.
Le roman débute donc avec Alice, la narratrice, travaillant dans une maison d'édition new-yorkaise et dont la lecture d'un roman va la faire basculer dans son passé et son histoire familiale.
Car le titre du roman, "La symphonie du hasard", ne doit rien au hasard et annonce la couleur de l'oeuvre : "Nous ne sommes pas seulement la somme de tout ce qui nous est arrivé au cours de notre vie, mais aussi un témoignage vivant de la façon dont on a interprété ces événements. La symphonie du hasard mêlée aux accords infiniment complexes de nos décisions - une partition qu'on se surprend souvent à réécrire pour en effacer les erreurs de jugement et les nombreux gâchis.", et c'est exactement cette symphonie que Alice va faire vivre au lecteur.
Dans ce premier tome, il est question d'Alice et de sa famille, des relations tendues qu'elle entretient avec sa mère mais aussi l'un de ses frères, de ses amitiés et des difficultés qu'elle rencontre avec ses camarades de lycée, un univers qui basculera avec la disparition de sa meilleure amie, le tout sous fond d'Amérique des années 70, de racisme, de lutte pour les droits civiques, de pantalons patte d'éph', de libération sexuelle et de la musique de Van Morrison.
On ne peut pas reprocher à Douglas Kennedy de ne pas connaître son sujet ni cette époque, c'est retranscrit de façon précise et bien documentée, sans toutefois trop s'attarder, tout comme il est difficile de reprocher à Douglas Kennedy de ne pas réussir à se glisser dans la peau d'une femme lors de ses récits, c'est même l'une de ses marques de fabrique.
Et se glisser dans la peau et les pensées d'une femme lui réussit car je n'ai jamais été en désaccord dans la façon de penser ou dans les réactions de son personnage.
Douglas Kennedy a le chic pour brosser des portraits de famille captivants avec pour toile de fond une période historique des Etats-Unis, ses personnages sont bien bâtis, leurs réactions sont cohérentes et le plaisir de les retrouver à chaque fois que l'on ouvre le livre est intact.
L'histoire est rapidement prenante et une fois commencé il est difficile de lâcher le livre.
Autant dire que l'on rage lorsque la lecture s'achève sur ces quelques mots : "A suivre".

Le livre 1 de "La symphonie du hasard" tient toutes ses promesses et m'a permis de renouer avec les histoires de Douglas Kennedy, inutile de dire que j'ai immédiatement enchaîné sur le deuxième volume tant j'étais impatiente de découvrir la suite.


mardi 25 décembre 2018

The Rider de Chloé Zhao

       
     

Le jeune cowboy Brady, étoile montante du rodéo, apprend qu'après son tragique accident de cheval, les compétitions lui sont désormais interdites. De retour chez lui, Brady doit trouver une nouvelle raison de vivre, à présent qu'il ne peut plus s'adonner à l'équitation et la compétition qui donnaient tout son sens à sa vie. Dans ses efforts pour reprendre en main son destin, Brady se lance à la recherche d'une nouvelle identité et tente de définir ce qu'implique être un homme au cœur de l'Amérique. (AlloCiné)


Il pourrait y avoir de "L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux" dans ce film, en tout cas c'est la première référence qui vient à l'esprit lorsque le film s'ouvre sur un cheval, puis où le spectateur découvre dans un second plan un jeune homme qui se réveille en sursaut, gravement blessé à la tête.
Très vite on comprend qu'il va être question de chevaux, d'une grave blessure liée à cet animal, d'une personne aimant ces animaux plus que tout mais qui va devoir réapprendre à vivre avec eux tout en composant avec sa blessure.
Et puis la référence s'arrête-là, parce que tout de suite le film bascule dans un autre univers, pour ma part j'ai eu l'impression d'être projetée à travers l'écran et d'assister réellement en spectatrice à une véritable histoire de vie, à un combat du quotidien, à une lutte entre la passion et la raison, comme si ce n'était pas une fiction qui se déroulait sous mes yeux.
Et ce n'est qu'au générique de fin que j'ai compris pourquoi j'avais ressenti cela, et à quel point je ne m'étais pas trompée.
Ici point de fiction, juste des personnes interprétant leur propre rôle pour raconter leur propre histoire, tout simplement fascinant.
Et c'était sans compter sur le fait de tomber sous le charme de Brady qui dégage clairement quelque chose (sans doute l'effet du chapeau et du petit foulard noué autour du cou).


Le lieu de l'action : la réserve indienne de Pine Ridge, car malgré leur teint clair toutes ces personnes sont nées et ont grandi dans la réserve et sont à la fois des cowboys et des Sioux Lakota Oglala.
L'Amérique que l'on ne connaît pas en somme, celle que l'on préfère taire et dont on ne parle quasiment jamais, l'Amérique comme j'aime la découvrir.
La réalisatrice a donc rencontré Brady, dresseur de cheveaux et ex étoile montante du rodéo.
Ex car lors d'un rodéo son cheval s'est cabré, l'a projeté au sol, lui a piétiné la tête et écrasé son crâne de manière fatale, enfin pas tout à fait puisque Brady a sombré dans le coma et a aujourd'hui une plaque de métal dans la tête et souffre de problèmes liés à cet accident, avec l'interdiction à vie de refaire du rodéo et de monter à cheval.
Mais comment fait-on lorsque c'est sa vie qui vole ainsi en éclat et la raison pour laquelle on se lève tous les matins ?
Là réside l'enjeu du film, comment un jeune homme se reconstruit suite à ce grave accident, et comment il arrive à vivre.
Evidemment que Brady n'a pas respecté les consignes, certes il ne fait plus de rodéo mais il remonte à cheval, et il continue de travailler avec ces animaux.
Ce film, c'est son combat, à la fois émotionnel et physique.
Dire que j'ai vécu un moment particulier au cours de cette séance ne serait pas un euphémisme, j'ai été touchée par la personne, son histoire, son combat, mais aussi son lieu de vie, les paysages, ce qui l'anime, et la mise en scène de Chloé Zhao.
Des paysages à couper le souffle, mais aussi des scènes comme celle où Brady dresse un cheval jusqu'à le monter à cru, son amitié avec Lane Scott devenu lourdement handicapé suite à un accident de voiture, une Amérique sauvage que l'on a pas l'habitude de voir et qui bouleverse lorsqu'elle se découvre sous nos yeux.
Dire qu'il m'a fallu des mois pour mettre des mots sur mon ressenti, et je suis encore en-dessous de la vérité.


Oscillant entre fiction et documentaire "The Rider" est un film émotionnellement bouleversant qui m'a tout particulièrement émue et demeure l'un des films forts de 2018.

dimanche 23 décembre 2018

Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda



Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets… (AlloCiné)


La Palme d'Or du Festival de Cannes 2018 a mis du temps à venir sur nos écrans, le film est enfin sorti cette semaine (à l'époque de Cannes aucune date de sortie n'était connue) et il fonctionne plutôt bien, en tout cas la salle était pleine pour assister à la séance dans le cinéma où je l'ai vu.
Le film propose de suivre le quotidien d'une famille mêlant plusieurs générations vivant sous le même toit et faisant des petits boulots et des vols pour survivre au quotidien.
Autant dire que le contexte est loin, très loin, de l'image "glamour" du Japon : mégapoles, technologies avancées; puisqu'ici il est question de misère, de pauvreté, et surtout de personnes vivant des allocations de personnes disparues dans leur famille et dont le décès a été tu, une réalité dans le Japon actuel.
Sans doute l'une des raisons pour lesquelles le Japon a si peu communiqué autour de cette récompense.
Je n'avais jamais eu l'occasion de voir un film de Hirokazu Kore-eda, grave erreur, car celui-ci m'a particulièrement touchée tant il est juste dans les sentiments dont il est question et les liens entre les personnes.
Je ne peux pas trop en dire plus sous peine de dévoiler l'une des révélations du film, mais cette famille ne laisse pas indifférent, il y a un lien fort entre toutes les personnes que la vie n'a pas épargné.
Il semblerait que ce film soit l'aboutissement de toutes les précédentes réalisations de ce cinéaste, j'ai désormais grande envie de voir ses autres œuvres, d'autant que l'une de ses actrices fétiches, Kiki Kirin est décédée récemment.
C'est aussi cela la marque de fabrique du réalisateur, avoir quelques comédiens fétiches qu'il met dans ses films en fonction des personnes qu'il a créé et des histoires qu'il raconte.
Aucun jugement n'est porté sur les personnages ni sur leur mode de vie, il aurait pourtant été facile de le faire et c'est aussi là l'un des atouts de ce film.
Dire qu'il s'agit d'une version moderne au pays du soleil levant de "Affreux, sales et méchants" d'Ettore Scola ne serait pas un mensonge, j'y ai en tout cas pensé, à la différence que les personnages sont ici un peu moins affreux que dans l'autre film.
Film simple mais fable sociale corrosive, "Une affaire de famille" est l'un des films les plus humains de cette fin d'année 2018.


"Une affaire de famille" est l'un des films les plus bouleversants de cette fin d'année, une Palme d'Or de l'émotion qui dispose de beaucoup d'atouts pour séduire un large public.

vendredi 21 décembre 2018

La saveur des Ramen (Ramen Teh) d’Eric Khoo

       
     

Masato, jeune chef de Ramen au Japon, a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ? (AlloCiné) 


Film plein d’émotions sur une histoire familiale pleine de secrets et de non-dits avec pour toile de fond la Seconde guerre mondiale.
Si j’ai été touchée par l’histoire, très émouvante il faut bien le reconnaître, j’ai aussi découvert les rancœurs ou l’amertume qui subsistent de la Seconde guerre mondiale avec la domination du Japon sur Singapour et les atrocités commises.
Car le secret familial est bien situé à cet endroit, Masato est issu de ces deux cultures : son père vient du Japon et sa mère de Singapour, s’il a vécu une partie de son enfance à Singapour son père l’a ramené au Japon à la mort de sa mère.
De la famille de sa mère, il ne connaît presque personne, c’est l’une des raisons qui le pousse à aller à Singapour à la mort de son père, ainsi que l’apprentissage de nouveaux plats et retrouver la saveur des plats cuisinés par sa mère.
Il est terrible de constater que même plusieurs décennies après la fin de ce conflit la violence et les massacres sont toujours présents dans l’esprit de certaines personnes qui refusent une réconciliation, quitte à se rendre malheureux eux-mêmes.
Mais c’est aussi un film où il est aussi question de nourriture, de beaucoup de nourriture.
Il ne doit pas se passer cinq minutes sans que l’un des personnages ne mange pas quelque chose ou ne cuisine pas un plat.
Au début, vous avez l’eau qui vient à la bouche, puis l’estomac qui se met à gargouiller, et vous finissez par baver avec une envie urgente de manger des Ramen ou tout autre plat vu dans le film.
Autant dire que quand je suis ressortie de la salle j’avais faim, très faim.
D’où la raison pour laquelle je ne m’étendrai pas sur la mise en scène, classique mais réussie, ni les acteurs, tous très bons dans leur rôle, parce que rien que d’écrire ces quelques lignes je revois les plats cuisinés et je me mets à avoir faim.


"La saveur des Ramen" est un film plein d’émotion qui vous fera certainement venir la larme à l’œil et vous mettra à coup sûr en appétit.

jeudi 20 décembre 2018

Les vieux fourneaux de Christophe Duthuron

       
     

Pierrot, Mimile et Antoine, trois amis d’enfance de 70 balais, ont bien compris que vieillir était le seul moyen connu de ne pas mourir et ils sont bien déterminés à le faire avec style ! Leurs retrouvailles à l’occasion des obsèques de Lucette, la femme d’Antoine, sont de courte durée … Antoine tombe par hasard sur une lettre qui lui fait perdre la tête. Sans fournir aucune explication à ses amis, il part sur les chapeaux de roue depuis leur Tarn natal vers la Toscane. Pierrot, Mimile et Sophie, la petite fille d’Antoine enceinte jusqu’aux dents, se lancent alors à sa poursuite pour l’empêcher de commettre un crime passionnel… 50 ans plus tard ! (AlloCiné) 


Certes, j’ai entendu parler de la bande dessinée mais je ne l’ai jamais lue (d’un autre côté il n’est pas possible de tout lire), en partie parce que je ne suis pas forcément hyper fan du graphisme.
Alors voir le résultat au cinéma, pourquoi pas, d’autant que le casting est alléchant avec quelques pointures du cinéma.
On peut être jeune et chiant, lorsque l’on vieillit on est vieux et chiant, et ces trois-là en connaissent un rayon.
Alors quand Antoine, veuf récent, tombe sur une lettre et découvre que sa femme a été la maîtresse de l’industriel du coin qui coule des jours paisibles en Toscane son sang ne fait qu’un tour et il part sur les chapeaux de roue régler son compte au malotru.
Talonné de près par Pierrot et Mimile, ses copains de toujours, et Sophie, sa petite-fille enceinte jusqu’aux dents revenue vivre à la campagne parmi eux et portrait craché de sa grand-mère.


Si l’histoire est déjà jouissive en elle-même il faut reconnaître que le film est réussi en grande partie grâce aux comédiens qui interprètent les vieux fourneaux : Pierre Richard, Eddy Mitchell et Roland Giraud.
Ces trois-là sont non seulement de bons comédiens mais leur trio fonctionne à merveille, on a même l’impression qu’ils ont toujours tourné ensemble tant leur entente passe à l’écran.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu Pierre Richard à l’écran, c’est un plaisir de le retrouver, quand à Eddy Mitchell il a accepté de sacrément se grimer pour coller au personnage et cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu dans un rôle lui allant aussi bien.
Roland Giraud a lui aussi accepté de se griser les cheveux pour coller à son personnage.
La touche de jeunesse vient du personnage de Sophie, interprété par Alice Pol. Là aussi plaisir de voir cette comédienne à l’écran que je n’avais vu jusqu’alors que dans les films de Dany Boon, d’autant qu’elle arrive à bien s’intégrer au milieu de ses trois partenaires à l’écran.
L’image du film est belle, les paysages ont été bien choisis et comportent beaucoup de couleur, un choix en forme de clin d’œil à la bande dessinée d’où est issue cette histoire. 


Christophe Duthuron signe ici un premier film, il serait dommage de bouder son plaisir avec "Les vieux fourneaux", comédie réussie qui vous assurera un bon moment de détente.

mercredi 19 décembre 2018

Princesse Maorie de Bernard Simonay


Laura, jeune aristocrate anglaise, part pour la Nouvelle-Zélande afin de retrouver sa véritable mère, Cécilia. Guidée par un espoir fou, Laura parcourt le pays, en quête d’indices et de personnes l’ayant connue. Elle remonte ainsi le cours d’une existence tumultueuse et sans compromis. 
Trahie par des colons corrompus, Cécilia s’était juré de se venger. Elle s’est réfugiée auprès des Maoris. En dépit de son rang, elle a épousé l’un des leurs et s’est impliquée passionnément dans leur lutte pour reconquérir leurs territoires. Mais les démarches de Laura aboutissent toutes à cette impasse : on a perdu la trace de la « princesse maorie » au cours de sanglantes rébellions. Contre toute logique, Cécilia pourrait-elle être encore vivante ? (Presses de la cité)

Il s'agissait d'une relecture, ayant lu ce roman il y a plusieurs années au moment d'une panne de lecture (lecture qui m'avait donc été bénéfique).
J'ai pris autant de plaisir à relire cette histoire même si j'en connaissais les rebondissements et le dénouement.
Les personnages féminins sont forts, qu'il s'agisse de Cécilia ou de Laura, elles n'hésitent pas à braver les convenances pour suivre leurs idées et défendre leurs idéaux.
Dit comme cela on pourrait penser que le livre est un peu "gnan-gnan" mais pas du tout, si ce n'est le final expédié un peu trop vite à mon goût.
J'ai beaucoup aimé le lieu de l'action : la Nouvelle-Zélande, ainsi que le peuple Maori dont il est question.
Ce peuple a beaucoup souffert, a connu de la malveillance de la part des Néo-Zélandais qui ont cherché à les exterminer et/ou à les sortir de leurs traditions ancestrales et de leur mode de vie.
Aujourd'hui nous avons le recul nécessaire pour nous rendre compte de tout le mal qui leur a été fait, l'ancrage de l'histoire est en tout cas ce qui m'a le plus séduite dans ce récit.
(Concernant le massacre de populations autochtones je vous invite à regarder le très beau Rendez-vous en terre inconnue avec Cristiana Reali qui part à la rencontre d'aborigènes au Nord-Ouest de l'Australie qui aujourd'hui cherchent à retourner sur les pas de leurs ancêtres et ré-adopter leur mode de vie)
Pour en revenir à l'intrigue, elle connaît de nombreux rebondissements, le récit alternant entre le présent et le passé, afin de suivre la jeune Laura mais aussi les traces de sa mère, la rebelle Cécilia qui a décidé de tout quitter par amour pour un Maori.
Le style de Bernard Simonay est fluide et se lit bien, j'ai trouvé son roman bien construit et la curiosité me poussera sans doute à lire d'autres romans de cet auteur.

"Princesse Maorie" est un bon roman d'été pour lire à la plage ou se détendre, mais c'est aussi un roman qui a un fond historique intéressant et bien documenté, une lecture que je ressortirai peut-être dans quelques années pour la relire de nouveau.



mardi 18 décembre 2018

Fleuve noir d'Erick Zonca

       
     

Au sein de la famille Arnault, Dany, le fils aîné, disparaît. François Visconti, commandant de police usé par son métier, est mis sur l’affaire. L’homme part à la recherche de l’adolescent alors qu’il rechigne à s’occuper de son propre fils, Denis, seize ans, qui semble mêlé à un trafic de drogue. Yan Bellaile, professeur particulier de Dany, apprend la disparition de son ancien élève et propose ses services au commandant. Il s’intéresse de très près à l’enquête. De trop près peut-être… (AlloCiné)


Un film d’Erick Zonka est assez rare pour s’apprécier et mériter un déplacement dans une salle obscure.
Le réalisateur présente ici un film policier noir, très noir, servi par un Vincent Cassel complètement borderline, un Romain Duris aimant fourrer son nez dans les affaires des autres et sortir des théories sur les uns et les autres et une Sandrine Kiberlain trouble et sans doute pas si fragile qu’elle le laisse paraître.
Outre l’excellente interprétation des comédiens, je souligne une nouvelle fois un Vincent Cassel au sommet de son art, Erick Zonka retoruve aussi la comédienne Elodie Bouchez, l’une des héroïnes de son excellent premier film "La vie rêvée des anges".
Vincent Cassel et Romain Duris se recroisent également plusieurs années après avoir tourné ensemble dans un précédent film.
Pour trouver son histoire, Erick Zonka a adapté le roman Une disparition inquiétante de Dror Mishani.
Le personnage de flic interprété par Vincent Cassel est usé, il sombre dans l’alcool, il est plus que souvent hors-limite et tout cela va au final le desservir dans la résolution de cette disparition inquiétante, dont il finira d’ailleurs par faire éclater la vérité malgré lui.
Le film a un contenu très noir, pourtant ce ne sont pas les nuances qui ressortent en premier lieu de la mise en scène, Erick Zonka ayant fait appel au chef-opérateur de Gomorra.
Le choix des lieux de tournage a été minutieux, cette résidence proche d’un bois est excellente comme cadre de l’intrigue et avec ses grandes glaces permet d’accentuer le personnage campé par Romain Duris qui aime tant observer ses voisins.
Il n’y a pas de temps mort dans cette histoire, le spectateur s’enfonce avec le personnage de Vincent Cassel vers des zones sombres et fouille toute la noirceur de l’âme humaine.
Tant de noirceur et de violence peuvent mettre mal à l’aise, l’atmosphère est en tout cas éclatante à l’écran et particulièrement bien rendue.
Preuve, s’il en était encore besoin, qu’Erick Zonka est certes un réalisateur rare mais talentueux.


"Fleuve noir" est un bon film sombre et inquiétant, pour ne pas dire glauque, malheureusement sans doute passé un peu trop inaperçu avec une sortie au mois de juillet.

lundi 17 décembre 2018

Les hommes protégés de Robert Merle


À la suite d'une épidémie d'encéphalite qui ne frappe que les hommes, les femmes les remplacent dans leurs rôles sociaux, et c'est une Présidente, Sarah Bedford, féministe dure, qui s'installe à la Maison-Blanche. Le Dr. Martinelli, qui recherche un vaccin contre l'encéphalite, est enfermé avec d'autres savants à Blueville, dans une «zone protégée» qui les tient à l'abri de l'épidémie mais dans un climat de brimades, d'humiliations et d'angoisse. Martinelli acquiert vite la conviction que son vaccin ne sera pas utilisé, du moins sous l'Administration Bedford. C'est paradoxalement chez les femmes qu'il trouvera ses alliées les plus sûres et par les femmes qu'il sera libéré. Mais, une fois Bedford remplacée à la Maison-Blanche par une féministe modérée, Martinelli saura-t-il s'adapter à une société où les hommes ne jouent plus qu'un rôle subalterne ? (Gallimard)

Depuis le temps que je voulais lire du Robert Merle, il était temps que je franchisse le pas.
D'autant que ce n'était pas le roman avec lequel je voulais commencer la découverte de cet auteur, mais le hasard fait bien les choses.
Ici il s'agit de science-fiction, un mystérieux virus sous forme d'encéphalite fait son apparition et touche exclusivement les hommes, toutefois ceux en-dessous de la soixantaine.
Cela va évidemment ravager la population mondiale, inverser les rôles et bouleverser les politiques de tous les pays, à l'exception de la France qui a à sa tête des hommes âgés.
Tout cela est suivi à travers le personnage du Docteur Martinelli, un américain se retrouvant enfermé dans un camp avec d'autres scientifiques pour les préserver du virus et leur permettre de mener des travaux de recherche pour l'endiguer.

Ce roman est paru pour la première fois en 1974, et bien il est toujours d'actualité et n'a pas vieilli en ce qui concerne l'intrigue, ceci est peut-être moins vrai pour le style.
Il est particulièrement intéressant d'observer ce qui se passe au niveau des nations lorsque les hommes tombent des mouches et doivent être remplacés par des femmes.
Déjà, on découvre que des pans de la société s'écroulent car même si les femmes sont capables d'énormément de choses certaines leur demeurent inaccessibles, ou difficilement réalisables.
Ensuite, on constate que les femmes ne font pas forcément mieux que les hommes ni ne prennent de meilleures décisions.
Certains hommes se retrouvent dans la même situation que les femmes : ils sont à leur tour violés, les discriminations ethniques et les disparités sociales ne disparaissent pas, tout comme la guerre et la violence.
Certaines femmes n'hésitent même pas à abuser de leur situation et de leur pouvoir.
Ce récit m'a d'ailleurs énormément fait penser au roman de Naomi Aldemran "Le pouvoir", comme quoi plus de quarante ans avant Robert Merle avait lui aussi montré que la domination des femmes n'amènerait pas forcément du mieux par rapport à celle des hommes.
Certains hommes se retrouvent donc parqués, soit-disant pour leur protection et leur permettre de travailler sereinement à une solution à ce virus, mais la vérité est toute autre et là encore les femmes usent et abusent, pour certaines, du pouvoir entre leur main : "On nous donne l'impression que nous sommes tolérés en raison de nos travaux, mais qu'aucune estime ne nous est due, et encore moins, de sympathie.".
Il y a toutefois de l'humour dans ce roman, le personnage de Martinelli est d'ailleurs bien souvent au centre ou la cause de cet humour.
De par ses origines Italiennes il a une certaine conception des rapports hommes/femmes qui se retrouve mise à mal avec la situation courante.
Il est aussi souvent dépassé par les événements et entouré de femmes bien plus malignes que lui qui l'utilisent d'ailleurs pour parvenir à leur fin.
J'ai également noté une dimension érotique dans ce récit : de la part des hommes qui enfermés profitent du moindre moment pour épier les femmes et pour qui le moindre geste peut avoir une signification profonde et entraîner des rêves chauds, très chauds, mais aussi des femmes pour qui les hommes deviennent une denrée rare.
Et puis il y a la fin, cette fin si ... comment dire ... difficile de la qualifier avec des mots, mieux vaut la lire, elle m'a en tout cas fait penser à un autre roman lu il y a quelques temps : "Ravage" de René Barjavel.

"Les hommes protégés" est un bon roman de science-fiction qui n'a pas pris une ride et mérite d'être découvert, pour ma part je vais continuer de découvrir les récits de Robert Merle.

dimanche 16 décembre 2018

Le pouvoir de Naomi Alderman


Aux quatre coins du monde, les femmes découvrent qu'elles détiennent le "pouvoir". 
Du bout des doigts, elles peuvent infliger une douleur fulgurante - et même la mort. 
Soudain, les hommes comprennent qu'ils deviennent le "sexe faible". 
Mais jusqu'où iront les femmes pour imposer ce nouvel ordre ? (Calmann Lévy)

Et si un beau matin les femmes se réveillaient avec une étrange sensation, comme un grésillement dans le corps suivi d'étincelles et la possibilité de faire jaillir du courant du bout de leurs doigts ?
Et si ces femmes se mettaient à utiliser ce pouvoir, à renverser celui à la tête des états et à imposer leurs règles, leurs lois ?
Et si ces femmes se vengeaient de tout ce qu'elles ont enduré depuis des années par et à cause des hommes et de leur domination ?
Mais si certaines décidaient aussi d'utiliser ce pouvoir à bon escient, de ne pas en abuser ni se faire craindre avec ?
Et si la peur changeait de camp ?

Lorsque l'on est femme on a toutes voulu, à un moment ou à un autre, que la peur change de camp, voire de pouvoir infliger ce que l'on a trop de fois subi : les brimades, les moqueries, les insultes, les places chipées ou refusées, parce que l'on est femme.
Je n'ai aucune honte à avouer que c'est mon cas et qu'il m'arrive encore de le penser parfois, parce que trop c'est trop et que la coupe est pleine; et depuis cette lecture j'en viens aussi parfois à souhaiter me réveiller un beau matin avec cet aiguillon, quitte à envoyer une légère décharge à celui qui me traite de salope parce que j'ai refusé de lui répondre.
Le récit s'ouvre sur un étrange dialogue, soyez vigilant lors de votre lecture pour comprendre le pourquoi du comment.
Quant aux premières manifestations du pouvoir, elles sont discrètes et les hommes sont encore sûrs d'eux et prêts à en découdre avec les premières femmes présentant ce nouveau pouvoir : "Ces salopes ont vraiment besoin que les choses changent. Faut qu'elles apprennent ce que justice veut dire.".
Puis au fil du temps le pouvoir se développe de plus en plus en intensité, mais aussi auprès des femmes du monde entier : "Tunde comprend alors que ce truc va prendre comme une traînée de poudre, embraser la planète tout entière et changer le monde. Plus rien ne sera jamais comme avant et cela le comble d'une telle joie qu'il se met à crier avec les femmes au milieu des flammes.".
Car il suffit qu'une femme en touche une autre pour réveiller son pouvoir et le déclencher : "La forme du pouvoir est toujours la même, c'est la forme d'un arbre : des racines à la cime, un tronc central d'où naissent des branches d'où renaissent d'autres branches, toujours plus longues, toujours plus fines. La forme du pouvoir est semblable au tracé d'une chose vivante qui se démène pour se projeter vers l'extérieur, pour étendre ses vrilles un peu plus loin, toujours un peu plus loin.".
Le récit se découle sur plusieurs années, permettant de saisir les bouleversements qui s'instaurent partout dans le monde, mais suit aussi plusieurs personnages : quasi exclusivement des femmes à l'exception de Tunde, un homme journaliste.
J'ai énormément apprécié la structure du récit ainsi que les personnages, et évidemment le fond.
Le principe de départ est à mes yeux particulièrement alléchant, et l'auteur a eu l'intelligence de ne pas faire un récit tout noir ou tout blanc mais avec du gris, et même si le discours est majoritairement féministe Naomi Alderman n'a aps hésité à montré les effets pervers engendrés par ce pouvoir et le fait que certains femmes se comportent aussi mal que les hommes une fois qu'elles sont à la tête d'un gouvernement ou d'un état.
Il y a également la chute particulièrement surprenante, à moins d'avoir été attentive au début du récit et aux dessins qui émaillent le récit et permettent de se forger sa propre idée sur la réalité et l'espace temporel de l'intrigue.
C'est un récit qui ne m'a pas laissée indifférente et qui engendre beaucoup de discussions à la suite de la lecture, ainsi que de avis divergents, c'est aussi ça la beauté de la lecture.
J'imagine de surcroît ce roman tout à fait transposable à l'écran, le travail serait en tout cas excitant car il y a matière à faire un film fort et marquant, à l'image de ce roman signé Naomi Alderman, dont j'ai fort envie de découvrir les autres récits désormais.

"Le pouvoir" est sans nul doute un livre électrisant qui suscitera des réactions négatives comme positives et qui durera dans le temps, l'une de mes dernières lectures les plus marquantes avec "La servante écarlate" de Margaret Atwood.

vendredi 14 décembre 2018

Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu


Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. (Actes Sud)

Ce roman, c'est le récit d'une génération sacrifiée, foutue par le chômage et la désindustrialisation, c'est celle des années 90, des chansons de Nirvana et autres groupes de musique, des pétards que l'on fume pour passer le temps l'été et des bières que l'on s'enfile pour oublier sa misère, et puis c'est 1998 et le premier succès de l'équipe de France au mondial de football.
C'est la France de l'Est, celle des hauts fourneaux, des villes qui se sont bâties autour des usines de métallurgie, une France loin des clichés de la Côte d'Azur et qui ne fait pas rêver, une France dont on ne parle que lorsque tout va mal ou qu'il y a des bagarres et des règlements de compte.
Pourtant, c'est aussi ça la France.

Ce roman a beau se passer dans les années 90 il s'étale sur presque dix ans en allant de deux ans en deux ans et toujours l'été, la belle saison, celle où il y a un peu de soleil et de chaleur; et puis il est  écrit dans un style moderne, celui que l'on parle aujourd'hui entre amis.
Ce roman a un côté très moderne, pourtant ce n'est pas par son style qu'il brille, en tout cas c'est le genre de style qui ne me plaît pas trop mais dont je reconnais qu'il est tout à fat ancré dans la vie actuelle.
Ce que j'ai surtout apprécié dans ce roman ce sont les personnages dont il est question et l'époque, car finalement elle n'est pas si éloignée que cela et pourtant il n'en a jamais été réellement question dans les romans actuels, ou alors pas concernant cette frange de la population.
C'est surtout cela que je retiens du récit, et le pire c'est que la situation aujourd'hui n'a pas vraiment évolué et que certaines personnes connaissent toujours cette misère dont il est question ici.
Il est terrible de constater que les années passent et la misère demeure toujours autant dans certaines régions de France.
Les personnages ont également un côté attachant, j'ai pris plaisir à les suivre, à les voir grandir et mûrir ainsi que les interactions entre eux, le récit étant bâti sous forme de roman choral.
Par contre je ne suis pas bien sûre que cela méritait un Goncourt, certes le principe de base est plutôt inhabituel et met à l'honneur un territoire et des personnes que l'on a tendance à oublier voire mépriser, mais il n'y a rien d'éblouissant au niveau du style ou de l'ensemble, voilà un prix qui me laisse quelque peu dubitative.

"Leurs enfants après eux" est la photographie de l'Est de la France dans les années 90, une période dont il est finalement peu question dans la littérature, un roman à découvrir pour cet aspect mais un Goncourt qui ne restera sans doute pas dans les annales.

mercredi 12 décembre 2018

La vraie vie d'Adeline Dieudonné


Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs. 
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant. (Editions Iconoclaste)

La rentrée littéraire me laisse souvent de marbre, et puis il y a eu ce livre dont j'ai vu de la réclame dans le métro et qui très vite a fait parler de lui.
Ce livre à la couverture si étrange, dont la quatrième de couverture laisse à penser que c'est une sorte de "Desperate Housewife" à hauteur d'enfant, dans une famille plus qu'étrange et un quartier aseptisé.
Pour son premier roman Adeline Dieudonné a réussi à créer une oeuvre singulière à l'atmosphère si malsaine qu'elle finit par se ressentir au cours de la lecture.
Il y a cette narratrice qui observe sa famille : son père violent dont une pièce de la maison est consacrée aux trophées de chasse, sa mère qu'elle compare à une amibe et qui rase les murs pour se faire le plus discrète possible, et son frère Gilles qu'elle aime très fort mais qui finit par pencher du côté obscur du père suite à la mort violente du glacier.
J'étais loin d'imaginer en ouvrant ce livre qu'il se déroulerait sur plusieurs années, c'est là l'une des forces de cette écriture : l'intrigue se déroule sur plusieurs années et uniquement pendant les vacances d'été, tout le reste est elliptique.
Il n'est pas difficile d'imaginer le quartier dans lequel habite la narratrice, toutes les maisons qui se ressemblent, tous les couples avec enfants, les beaux trottoirs, la nature à proximité.
L'écriture d'Adeline Dieudonné a le mérite d'être très visuelle et d'imaginer sans problème les lieux où se déroulent l'intrigue, même si la description des personnages reste floue.
Son héroïne est également forte, elle va se battre pour son frère, pour le sauver d'un péril qu'elle sent imminent, elle va redoubler d'efforts et se révéler surdouée, mais aussi finir par sortir au grand jour la part sombre qui vit en elle, comme pour le reste des membres de la famille : "Celle-là était hideuse. Son visage abject vomissait d'autres créatures, ses enfants. Cette bête-là voulait manger mon père. Et tous ceux qui me voulaient du mal. Cette bête m'interdisait de pleurer.".
Cette narratrice, c'est presque une super-héroïne des temps modernes, un personnage rare dont je n'avais pas croisé la route depuis un bout de temps.
Il y a véritablement quelque chose qui se dégage de ce roman, il ne peut pas laisser indifférent et quelle bouffée d'oxygène il représente parmi les sorties en masse de livres.
Et quel beau coup de projecteur sur la maison d'édition Iconoclaste qui a su repérer ce nouveau talent et oser le publier.

Il n'est pas étonnant que ce roman ait reçu autant d'éloges et de prix, il en aurait même mérité d'autres, car "La vraie vie" est sans doute le seul vrai roman et véritable découverte de cette rentrée littéraire d'automne 2018.

lundi 10 décembre 2018

L'annulaire de Yôko Ogawa


Dans un ancien foyer de jeunes filles transformé en laboratoire, M. Deshimaru, taxidermiste du souvenir, prépare et surveille des “spécimens”, tandis que la narratrice de ce récit, assistante et réceptionniste, accueille les clients venus confier au mystérieux spécialiste d’insolites bribes de leur histoire : des ossements d’oiseau, quelques champignons microscopiques, une mélodie, une cicatrice… Amputée d’une infime partie d’elle-même depuis un accident du travail, la jeune assistante tombe peu à peu sous le charme du maître de ce lieu de mémoire malsain et fascinant. (Actes Sud)

Lire du Yôko Ogawa c'est s'assurer de basculer dans l'étrange, c'est se sentir à la fois mal à l'aise et transporté dans un autre lieu, voire un autre temps, bref c'est une lecture qui ne laisse jamais indifférent.
Que dire de roman, court par le nombre de pages mais fort en émotion.
Juste deux personnages : Monsieur Deshimaru le taxidermiste et la narratrice, son assistante et réceptionniste.
Et de temps à autre quelques personnages traversent fugacement le récit.
La narratrice se livre, elle parle de son passé, de son présent, mais étrangement jamais de son futur, et de la fascination qu'elle ressent pour son employeur, l'énigmatique Monsieur Deshimaru.
Voilà le personnage du récit que j'ai le moins cerné, mais tout ceci est volontaire et permet de se poser mille questions et d'inventer les réponses.
J'ai eu l'impression tout au long de ma lecture que le récit se passait dans un Japon surréaliste, pas tout à fait réel mais pas complètement irréel, quant aux personnages ils semblent flotter entre deux-mondes : celui des vivants et celui des morts, c'est en tout cas comme cela que j'ai perçu le taxidermiste, cet homme qui ne sort jamais de son cabinet et semble y vivre, ne pas s'y nourrir et ne pas dormir.
Quant à son travail, il est des plus mystérieux, pourrait s'apparenter à de la fumisterie pourtant il n'en est rien et les personnes ont une énorme croyance et confiance en ce qu'il fait.
Finalement, Mr Deshimaru ne serait-il pas une sorte d'embaumeur permettant aux gens de repartir soulager pour continuer leur vie ?
Ou un pont entre les vivants et les morts ?
Comme bien souvent chez Yôko Ogawa l'atmosphère est angoissante, l'intrigue énigmatique et forte en sens caché tandis que l'ensemble se teinte d'une touche d'érotisme particulièrement présente dans ce roman.

"L'annulaire" fait partie de ces romans envoûtants qui ne laissent pas indifférent même une fois la lecture achevée.

samedi 8 décembre 2018

L'ambulance 13 Tome 7 Les oubliés d'Orient de Patrice Ordas et Alain Mounier


Après la mort d’Émilie, Bouteloup est désespéré. Ses deux amours, son père et trop de ses amis ont été tués au cours de la Grande Guerre. Mutilé de la face et mis en disponibilité, il se sent inutile. Jusqu’au jour où le lieutenantcolonel d’Avrainville lui demande d’accompagner la folle équipée du général Jouinot-Gambetta en Orient. Louis accepte, à condition de reformer l’Ambulance 13. Au terme du voyage : Uskub, théâtre à venir de la dernière charge de la cavalerie française. (Bamboo)

Bouteloup est désabusé : il a perdu de nouveau la femme qu'il aimait, ainsi que son père et de nombreux amis durant cette guerre qui a fait de lui une gueule cassée.
Il n'a plus le goût à rien, il songe même à en finir mais voilà qu'une mission lui est confiée : accompagner l'équipée du général Jouinot-Gambetta en Orient.
Il accepte mais à une condition : reformer l'ambulance 13.

Le personnage de Bouteloup est marqué par la guerre et tous les disparus, c'est un homme qui n'a plus goût à rien et qui porte un regard cynique sur le monde.
C'est un personnage qui a connu beaucoup d'évolution depuis le début.
L'histoire de ce tome a le mérite d'aborder la guerre sur le front d'Orient, un pan historique méconnu de cette guerre et peu abordé dans les manuels d'histoire, et dont j'ai découvert l'existence, comme beaucoup de personnes, à travers le film "Capitaine Conan" de Bertrand Tavernier.
Il est aussi toujours question d'histoire médicale en même temps que celle des personnages, ici le dossier en fin de tome est consacré au développement et à l'évolution du ravitaillement sanitaire.
Ces dossiers sont toujours bien faits et riches d'informations, celui-ci ne déroge pas à la règle, d'autant qu'il est agrémenté de photographies d'époque et permet de mieux saisir toutes les implications de cette guerre, tant sur le plan terrestre qu'humain.
Malgré son cynisme, c'est tout de même l'humanisme du personnage de Bouteloup qui reprend le dessus.
Il y a aussi une certaine résignation, pour ne pas dire lucidité, de la part des personnages quant à ce conflit qui dure depuis tant d'années :
"- Comme dit le général, nous entrons dans l'histoire.
- Ouais. Celle des pauvres cons sacrifiés."
J'ai également noté un beau contraste dans les couleurs et les paysages, le seul petit reproche que je pourrai faire concernerait les visages des personnages qui se ressemblent trop à mon goût pour permettre de bien les distinguer.

En ce centenaire d'armistice, "L'ambulance 13" est l'une des bandes dessinées que je conseillerai le plus pour découvrir, ou re-découvrir, la guerre de 14-18 car elle est faite de façon pédagogique avec des personnages attachants.

vendredi 7 décembre 2018

Zombillenium Tome 3 Control freaks d'Arthur de Pins


C'est l'effervescence au parc Zombillénium. Envoyé par Behemoth lui-même, le vampire Bohémond Jaggar de Rochambeau est officiellement censé seconder Francis dans sa gestion du parc. Inquiets, les employés s'attendent au pire : ne le décrit-on pas comme un authentique tueur ? D'autant qu'à y regarder de plus près, les motivations de sa venue semblent bien moins anodines qu'annoncées. Sa mission, c'est de faire du chiffre, pour les actionnaires, certes, mais surtout pour Behemoth qui, lui, attend son comptant d'âmes. Francis, ulcéré, est obligé de courber l'échine devant ce consultant tout-puissant, bien décidé à prendre le pouvoir et à pervertir les règles de Zombillénium. Tandis que se préparent pour le parc de sombres moments, Aurélien traverse une mauvaise passe. Déprimé par sa condition d'immortel et par l'absurdité de sa vie... pardon sa mort, il fait un burn out. Et un burn out, chez un démon aussi puissant, cela peut être dévastateur. Retenu in extremis par Gretchen, il évite le pire. Et cela tombe bien, car Gretchen a un projet pour lui. (Dupuis)

Ce troisième tome commence sur les chapeaux de roue et ne connaît aucun temps.
Cette série se bonifie décidément comme le bon vin de tome en tome.
C'est avec plaisir que j'ai retrouvé tous les personnages dans cette nouvelle aventure qui réserve de sacrées surprises aux employés du parc, et pas forcément dans le bon sens du terme.
J'ai trouvé ce troisième volet particulièrement réussi, avec l'entrée en piste de nouveaux personnages et ceux habituels qui prennent de plus en plus corps et auxquels ont finit par s'attacher.
Le personnage d'Aurélien est tout particulièrement touchant, avec sa crise et son burn-out lorsqu'il se rend compte qu'il en a pour l'éternité à vivre dans ce corps et dans ce parc.
Il montre assez bien ce que les employés du parc ont pu ressentir lors des premières années de leur existence (immortelle) sous contrat avec le diable.
Le personnage de Gretchen se révèle aussi moins angélique qu'il n'y paraît, car la petite sorcière a de la suite dans les idées.
Les tons et les couleurs de ce tome sont tout particulièrement réussies.
J'avoue avoir été quelque peu frustrée à la fin car j'étais persuadée que cette série ne comportait que trois volumes et donc que je connaîtrai le mot de fin : que nenni !
Ce tome se termine sur un suspens quelque peu insoutenable quant à l'avenir du parc et celui de Gretchen qui entend parler d'une vieille connaissance, et je ne peux que ronger mon frein en attendant que la bibliothèque investisse dans l'achat du quatrième.

"Zombillenium" est une très bonne série de bande dessinée basée sur une histoire originale et des personnages qui se révèlent attachants au fil des tomes, je conseille également le film d'animation qui en a été tiré.

jeudi 6 décembre 2018

Zombillenium Tome 2 Ressources humaines d'Arthur de Pins


Tags sur les murs, avertissement du curé du coin : visiblement les esprits s'échauffent autour de Zombillénium. Quand on n'embauche que des morts (ou des sorcières !) dans une région où le taux de chômage est à 25%, il faut bien s'attendre à quelques frictions. Si l'on ajoute à ça des visiteurs une miette pénibles et des employés qui, pour être morts, n'en aimeraient pas moins prendre des vacances, on comprend que ce n'est pas trop le moment de venir parler revendications salariales à Francis Von Bloodt. (Dupuis)

Avec ce deuxième volume les aventures du parc Zombillenium continuent, pour le plus grand bonheur des lecteurs.
Cette fois-ci les employés du parc ont du souci à se faire car ce sont les villageois qui leur en veulent et sont bien décidés à en découvre avec eux.
Bon, ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'ils sont déjà morts.
Et que le parc a besoin de ressources humaines, enfin non humaines, pour y travailler.
C'est ce que risque de découvrir un couple venu y passer la journée avec leur fils.

Ce deuxième tome a du me plaire autant que le premier, j'ai déjà apprécié le contexte avec les voisins humains du parc qui en veulent aux morts y travaillant, sans connaître le fin mot de l'histoire.
Le personnage d'Aurélien prend aussi de l'ampleur et s'impose comme l'un des personnages incontournables.
J'ai un peu moins accroché au début à la trame secondaire dans ce tome, à savoir la famille en visite au parc où la mère se révèle moins lisse que son apparence avec en prime un secret, et le fils qui est quelque peu bizarre.
Il faut attendre les dernières pages pour connaître le fin mot de l'histoire, cette trame secondaire met un peu de temps à se mettre en place mais elle finit par trouver sa place dans la trame plus globale.
Finalement je m'habitue au graphisme que je qualifie de moderne et complètement ancré dans son époque ainsi que dans l'histoire.

L'histoire s'assombrit quelque peu, j'aime assez la tournure que prend cette histoire, raison pour laquelle sitôt ce tome finit j'ai enchaîné sur le suivant.

dimanche 2 décembre 2018

Zombillénium Tome 1 Gretchen d'Arthur de Pins


Francis von Bloodt, vampire de son état, gère en bon père de famille le parc d'attractions Zombillénium. On n'embauche pas n'importe qui, chez Zombillénium : les simples mortels n'ont qu'à passer leur chemin, ici on ne travaille qu'avec d'authentiques loups-garous, vampires et momies. C'est ce que va découvrir Aurélien, un homme au bout du rouleau, trompé par sa femme ; et qui va se retrouver embauché malgré lui dans cette étrange entreprise. Gretchen, sorcière stagiaire, va l'aider à faire ses premiers pas. (Dupuis)

Zombillénium est un parc d'attraction quelque peu ... particulier.
Si les visiteurs y viennent pour avoir peur, ou s'amuser à avoir peur, les employés de ce parc ne sont autres que des personnes mortes : loups-garous, vampires, momies etc.
C'est ce qu'Aurélien, simple mortel, va découvrir à l'issue d'un malencontreux incident, suivi d'une malencontreuse transformation en une créature démoniaque.
Mais c'est aussi dans ce parc qu'il va faire la rencontre de Gretchen, sorcière stagiaire qui va devoir le prendre en charge et lui apprendre les rouages du métier.

J'avais bien entendu parler de cette bande dessinée, ainsi que du dessin animé sorti l'année dernière, mais je ne m'y étais pas plus intéressée que cela jusqu'à présent.
C'était avant de voir le dessin animé, que j'ai trouvé bien fait, avec une idée originale et de l'humour.
Il y a un écart entre le scénario du dessin animé et celui de la bande dessinée, et un fossé pour le personnage d'Aurélien.
J'ai préféré la bande dessinée, je trouve ce personnage beaucoup plus attachant, avec un passé en cohérence avec son devenir, Gretchen est également bien présente et c'est sans nul doute le personnage qui a subi le moins de changement avec son passage à l'écran.
L'histoire est plutôt originale, j'ai bien aimé le principe des morts travaillant dans un parc d'attractions, il fallait avoir l'idée et la transposer sur le papier.
Le graphisme n'est pas des plus beaux, je le qualifierai de moderne mais il reste plaisant à regarder et à lire.
Les personnages et leur allure sont fortement ancrés dans notre époque (jean taille basse etc.), je me demande comment vieillira cette bande dessinée mais c'est une question qui me dépasse et à laquelle je n'ai pas la réponse.
J'ai souri plusieurs fois en lisant ce premier tome, et j'ai aussitôt sauté sur le deuxième, ce qui est bon signe.

"Zombillenium" est une bande dessinée plutôt originale et bien conçue, une découverte intéressante, je me demande même pourquoi je ne m'y étais pas intéressée avant.