mercredi 28 mars 2018

Mektoub my love : Canto uno d'Abdellatif Kechiche

       
     

Sète, 1994. Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin - le mektoub - peut décider. (AlloCiné)


J'ai appris qu'Abdellatif Kechiche tournait un nouveau film par les difficultés financières qu'il rencontrait pour assurer le financement, j'ai même ouï dire qu'il aurait vendu sa Palme d'Or pour finir ce film.
Et puis rien, silence radio.
Et un beau jour au cinéma une musique, des images, des jeunes gens qui s'amusent, dansent, se cherchent, s'embrassent, aucune surprise quand le nom du réalisateur s'affiche à l'écran.
Après "La vie d'Adèle", le réalisateur a cherché ce qu'il allait faire : une histoire au Moyen-Âge, une suite à son précédent film (qui aurait d'ailleurs dû être en deux volets), puis il a décidé d'adapter un roman de François Bégaudeau et de faire ce qui lui tenait à cœur depuis tant d'année : un film en plusieurs volets, une forme de comédie humaine au cinéma.
Il fallait oser, et il n'y avait sans doute qu'un réalisateur de la trempe d'Abdellatif Kechiche pour le faire.


Nous sommes à l'été 1994 à Sète, Amin est revenu passer les vacances chez ses parents et il en profite pour revoir Ophélie son amie d'enfance et traîner avec Tony, son cousin grand séducteur.
Amin partage son temps entre le restaurant familial, la plage, les bars, les boîtes de nuit, et l'univers feutré de son atelier photo.
Fasciné par les figures féminines qui l'entourent et qu'ils rencontrent aussi au gré de l'été, Amin observe.
Il ne parle pas beaucoup mais il regarde, l'été, la chaleur, les sentiments qui agitent les cœurs et les corps.
Le recours à un appareil photographique par le personnage est d'ailleurs un prisme intéressant pour le découvrir ainsi que les personnes qui l'entourent, cela devient presque un film dans le film.
Il y a Tony, ce cousin beau parleur qui charme, séduit, et auquel ne succède que les larmes.
Fort contraste entre les deux garçons, l'un est aussi volubile que l'autre est muet, l'un est sûr de lui et n'hésite pas à se lancer dans un jeu de séduction tandis que l'autre n'ose pas et se contente d'observer.
Et puis il y a Ophélie, cette amie d'enfance aux formes plus que voluptueuses qui envoûte les hommes aussi bien que les femmes, de qui l'on médit dans le dos mais que l'on ne peut s'empêcher d'apprécier en face pour sa gentillesse.
Et pour qui Amin ressent des sentiments : platoniques ou non ?
J'ai du mal à avoir une réponse tranchée après avoir vu le film.
Comme à son habitude, Abdellatif Kechiche filme sous toutes les coutures son actrice phare pour en montrer toute la sensualité qui s'en dégage, sans jamais basculer dans le vulgaire.
Je crois que l'on va parler longtemps des fesses d'Ophélie Bau (et même de ses formes), elle a le boule qui chamboule et de quoi émoustiller le spectateur dans son fauteuil de cinéma.
Je n'ai jamais vu à ce jour un réalisateur autre qu'Abdellatif Kechiche sublimer autant ses comédiennes, jamais elles n'auront été autant si bien filmées et jamais elles ne le seront plus par la suite.
De quoi donner envie de tourner avec ce réalisateur.


La force d'Abdellatif Kechiche, c'est aussi de filmer de telle façon que l'on oublie que c'est un film que l'on regarde tant on a l’impression d'assister à des scènes du quotidien, à des personnes de la "vraie" vie.
Le film est assez long (presque 3 heures) mais je n'ai pas vu le temps passer, limite je n'aurai rien eu contre 30 minutes de plus (et j'ai soupiré de soulagement quand j'ai appris que la suite était dores et déjà tournée, je craignais de devoir attendre des années avant de la voir).
Ce naturalisme omniprésent dans les films de ce réalisateur est dû en grande partie à sa façon de filmer mais sans doute aussi au fait qu'il n'hésite pas à prendre des personnes n'ayant jamais joué devant une caméra au préalable.
Et des pépites inconnues, il y en a quelques-unes dans ce casting.
Comme Ophélie Bau, Lou Luttiau (espiègle au possible), Shaïn Boumedine, Alexia Chardard.
Première apparition à l'écran, et pour tout dire ils crèvent l'écran, mais comme à chaque fois dans un film de ce réalisateur.
Et puis il y a aussi des visages connus de cet univers si particulier : Salim Kechiouche et Hafsia Herzi, révélée il y a dix ans par ce même réalisateur qui lui offre un autre très beau rôle.
Quel plaisir de revoir cette actrice à l'écran, et surtout je ne l'ai jamais vu autant irradier à l'écran que lorsque c'est Abdellatif Kechiche qui la filme.
Outre sa façon particulière de fonctionner et de tourner, Abdellatif Kechiche aime le naturalisme dans ses films, ici la scène la plus représentative de son univers est celle du vêlage d'une brebis.
Certains diront que cette scène est trop longue, pour ma part je ne trouve pas d'autant qu'elle représente une symbolique forte par rapport à la scène suivante.
C'est aussi ce que j'apprécie chez ce cinéaste, il n'est jamais bavard et le spectateur finit par deviner et comprendre de lui-même les émotions des personnages.
J'ai été envoûtée par la mise en scène, ce film transporte littéralement le spectateur et j'avais l'impression de faire parti du décors et de l'histoire.
Grande leçon de cinéma qui, je l'espère, sera vu par le plus grand nombre (mais j'en doute étant donné le nombre de copies du film) et qui m'a fait me rappeler à quel point les films de ce réalisateur me touchent et me remuent au plus profond de moi.


Abdellatif Kechiche signe un beau et grand film avec "Mektoub my love : Canto uno", dans la lignée de ses précédents qui m'habite encore plusieurs jours après l'avoir vu, et je n'ai qu'une hâte : voir le canto due de cette magnifique comédie humaine.


       
     

lundi 26 mars 2018

The Disaster Artist de James Franco

       
     

En 2003, Tommy Wiseau, artiste passionné mais totalement étranger au milieu du cinéma, entreprend de réaliser un film. Sans savoir vraiment comment s'y prendre, il se lance … et signe THE ROOM, le plus grand nanar de tous les temps. Comme quoi, il n'y a pas qu'une seule méthode pour devenir une légende ! (AlloCiné)


Je n'avais jamais entendu parler du film "The Room" jusqu'alors, ni de Tommy Wiseau, bonne ou mauvaise chose ?
Si je n'avais pas eu un petit coup de cœur pour James Franco (et son sourire) dans la série "22/11/63" je ne serai peut-être pas non plus allée voir ce film (bonjour la midinette).
Et j'aurai raté quelque chose.
C'est tout d'abord une réalisation de James Franco et la première fois que je vois un film de ce comédien, et alors que le film aurait facilement pu tourner en ridicule Tommy Wiseau il offre au contraire un retour sur cette aventure sans méchanceté ni lynchage.
C'est en découvrant le livre éponyme de Tom Bissell et Greg Sestero (meilleur ami de Tommy Wiseau et l'un des acteurs principaux de "The Room") que James Franco a eu envie de l'adapter.
Cela a au moins le mérite de faire connaître cette histoire car je crains fort qu'en dehors des Etats-Unis elle n'était pas forcément connue (bon, et entre nous, qui perdrait du temps à voir et/ou à parler de ce qui est considéré comme l'un des plus grands nanars de tous les temps, si ce n'est le plus grand).
Tommy Wiseau est un homme mystérieux, nul ne sait d'où il vient ni quel âge il a, il n'empêche qu'il a financé de sa poche le film (6 millions de dollars tout de même), il a payé pour qu'il reste à l'affiche 2 semaines afin d'être sélectionné aux Oscars (mouahaha, désolée c'est plus fort que moi), il a viré plusieurs membres de l'équipe technique qui n'avaient pas la même vision que lui, et il a choisi de tourner en numérique et en pellicule.
Why ! But why !
Le film retrace bien le parcours de Tommy et de son ami Greg, apprenti comédien qui ne réussit pas, dans cette folle aventure d'un film qui aurait dû être un drame et a fini en nanar.
James Franco a été respectueux vis-à-vis des protagonistes, même si Tommy Wiseau aurait voulu un autre acteur pour l'incarner, genre Johnny Depp (le plus connu of course), c'est vraiment appréciable, j'ai ri évidemment mais jamais de façon méchante ou pour me moquer.
Et je trouve aussi qu'il rend hommage d'une certaine façon à Tommy Wiseau.


Le réalisme a été poussé loin, à la fois dans l'incarnation des personnages mais aussi dans les scènes où le film est tourné (au passage j'ai adoré cette mise en abîme particulièrement bien réussie).
"The Room" a été décortiqué et étudié pour reproduire devant l'écran la façon de filmer, avec toutes les erreurs que le film comporte, les attitudes des personnages, les répliques.
Je vous invite d'ailleurs à ne pas partir trop tôt car il y a après le générique une superposition des scènes originales et celles du film avec les répliques, c'est bluffant et prouve à quel point le travail a été soigné.
Outre la narration de cette histoire presque incroyable, ce film est aussi un hommage à James Dean, immense comédien dont il est question et qui est la source d'inspiration de Tommy et Greg.
Bon, clairement le résultat n'est pas là, mais il y a du James Dean malgré tout.
Pour sa première réalisation James Franco s'est entouré d'une équipe qu'il connaît particulièrement bien, cela se sent que c'est un film de potes fait avec des potes.
C'est évidemment une comédie, difficile de ne pas rire, et d'une certaine façon je crois qu'il deviendra culte parce que "The Room" l'est.
Ah la fameuse réplique : "I didn't hit her. I did nooooottttttt. Oh hi Mark !", celle-là restera gravée à jamais dans mon esprit (et je vous invite à voir les images).
Le personnage (ou la personne ?) de Tommy Wiseau est difficilement discernable, mais la relation d'amitié (improbable) qui se noue à l'écran est intéressante.
Là encore, cette relation aurait pu voler en éclat, et bien ils sont toujours amis dans la vraie vie !


Pour le casting, James Franco a fait appel à son frère Dave pour le rôle de Greg Sestero.
C'est la première fois qu'ils jouent ensemble à l'écran, je dois dire que James Franco a fait un beau cadeau à son frère qui malheureusement n'est pas toujours à la hauteur du rôle.
Il est bien, mais il n'est pas exceptionnel, il faut dire que James Franco, qui ne souhaitait pas incarner Tommy Wiseau à l'origine, livre une performance éblouissante en Tommy.
Certes, il y a eu une grande préparation de maquillage et de postiches (il n'est même pas évident à reconnaître au début), mais il a aussi travaillé l'allure et je trouve que sa prestation fait partie des meilleures de sa carrière (et promis, le sourire n'y est pour rien cette fois-ci).
Il a également fait un gros travail sur la voix et la prononciation.
James Franco est resté dans la famille pour ce casting, il offre l'un des rôles féminins principaux à Alison Brie qui n'est autre que la compagne de son frère.
Il se paye aussi quelques grandes comédiennes comme Sharon Stone ou Melanie Griffith pour des apparitions.
La bande son est sympathique également, elle permet de retourner au début des années 2000 (et en l'écrivant j'ai l’impression d'être déjà nostalgique).


"The Disaster Artist" est un portrait plein d'empathie sur un artiste, si nul soit-il pour l'opinion générale, et une réussite à tout point de vue pour James Franco qui y tient l'un des meilleurs rôles de sa carrière si ce n'est le meilleur.


       
     

dimanche 25 mars 2018

Lady Bird de Greta Gerwig

       
     

Christine « Lady Bird » McPherson se bat désespérément pour ne pas ressembler à sa mère, aimante mais butée et au fort caractère, qui travaille sans relâche en tant qu’infirmière pour garder sa famille à flot après que le père de Lady Bird a perdu son emploi.


Le film s'ouvre sur une citation de Joan Didion : "Anybody who talks about California hedonism has never spent a Christmas in Sacramento.", à partir de là le ton du film est donné et tout n'est, heureusement, pas dit.
Christine, qui tient à ce qu'on l'appelle du surnom qu'elle s'est donnée : Lady Bird, est donc en dernière année de lycée à Sacramento.
Son rêve : partir sur la côte Est pour y vivre son rêve, se sortir de cette fichue ville de Sacramento où elle se sent à l'écart et surtout ne pas ressembler à sa mère, butée mais aimante, qui ne compte pas ses heures au travail pour garder sa famille à flot.
Si au début Lady Bird est touchante, le spectateur finit bien vite par découvrir la vraie nature de ce personnage, à tendance égoïste qui fait du mal autour d'elle, aussi bien à sa famille qu'à sa meilleure amie.
Au passage, c'est une belle déclaration d'amour à la ville de Sacramento que fait la réalisatrice à travers ce film.
C'est une jeune fille qui a un but bien précis et qui compte bien l'atteindre, pour cela elle est aveugle aux personnes l'entourant et leur fait bien souvent du mal.
Finalement, elle a le comportement typique d'une adolescente, et en cela le spectateur peut s'identifier à elle, qu'importe d'où l'on vienne car ce qu'elle ressent on l'a tous ressenti à un moment donné.
Greta Gerwig a réussi à montrer les défauts de son personnage sans que le spectateur se mette à ne plus l'aimer, c'est assez fort pour être souligné.
Elle a également réussi à insuffler de la tendresse et de l'humour dans ce film qui comporte aussi des passages graves et durs, c'est un savant mélange bien dosé qui fonctionne à l'écran.
En somme, pour une quasi première réalisation c'est une réussite sans fausse note et sans erreur, Greta Gerwig a travaillé son sujet, s'est inspirée d'elle-même pour créer le personnage de Lady Bird et a su doser les émotions.
Je n'ai vu que peu de films où elle est comédienne mais j'ai tout à fait retrouvé son univers et ce qu'elle dégage dans ce film.


L'époque à laquelle est située l'histoire est également intéressante : quelques mois après les attentats du 11 septembre, les portables n'en étaient qu'à leur début et surtout il n'y avait pas de smartphone, ce qui sert l'histoire pour le coup et lui évite de tomber dans certaines facilités.
Il y a aussi une certaine psychose qui règne, c'est une bonne idée d'avoir placé l'intrigue à cette époque, c'est une photographie de l'Amérique post-11 septembre 2001 d'un prisme différent de celui politique, j'aime assez ce parti-pris.
La symbolique d'un personnage choisissant de se baptiser d'un autre nom est forte également, c'est notamment l'un des fils conducteurs de l'histoire et une belle façon pour le personnage d'évoluer.
La photographie est aussi travaillée et contribue à mettre en valeur la ville de Sacramento.
Côté casting, Greta Gerwig a fait appel à la talentueuse Saoirse Ronan (alors, ça se prononce comment ?), une actrice que j'ai apprécié dans d'autres films et qui livre ici une prestation émouvante de sensible de cette Lady Bird.
Face à elle, sa mère est incarnée par une Jessie Metcalf inspirée, la relation mère-fille fonctionne d'ailleurs bien à l'écran, pour l'anecdote l'une des premières scènes du film lorsqu'elles sont en voiture a en fait été tourné à la fin, une fois que la complicité entre les actrices étaient établies.
Du côté des hommes, j'ai revu Lucas Hedges (que l'on croise beaucoup au cinéma ces temps-ci), ainsi que LA coqueluche du cinéma du moment : Timothée Chalamet (à moins que vous n'ayez pas entendu parler de sa prestation dans "Call me by your name"), qui conforme sa présence à l'écran et les espoirs qui reposent sur lui.
J'ai passé un bon moment de cinéma en compagnie de ces personnages, je me suis sentie plus légère en sortant de la salle, prête à m'envoler comme une coccinelle.


Avec "Lady Bird" Greta Gerwig offre un film à la fois bouleversant et drôle saupoudré de nostalgie, où sa maîtrise de l'art des dialogues sert ses personnages et sa mise en scène, une belle réussite pour un passage derrière la caméra.


       
     

       
     

       
     

       
     

       
     

       
     

samedi 24 mars 2018

Seuls Tome 6 : La quatrième dimension et demie de Gazzotti et Velhmann


A la fin du premier cycle, les cinq enfants faisaient une terrible découverte : ils sont morts ! Ils réagissent de manière différente à cette macabre nouvelle : Camille décide d'organiser leurs funérailles, Yvan tente une séance de spiritisme « inversée » (pour entrer en contact avec les vivants), Leïla décide d'enquêter sur sa propre mort et Dodji ne renonce pas à chercher un moyen de quitter cet endroit, ni enfer, ni paradis, mais où l'on peut toujours souffrir...
Mais Saul, leur ennemi de toujours, a des visées beaucoup plus pragmatiques et tente, avec les gamins de son clan, de s'approprier un maximum de quartiers de la ville, forçant les cinq enfants à réagir et entraînant tout le monde dans une escalade de violence. (Dupuis)

Le premier cycle se terminait en fanfare, les cinq enfants réalisant qu'ils étaient morts, mais ce sixième tome ouvrant un nouveau cycle démarre de la même façon.
Chacun réagit à sa façon : soit en organisant des funérailles, soit en cherchant une explication à cela, l'hypothèse de la quatrième dimension et demie dans laquelle ils se trouveraient : "J'ai appelé ça "la quatrième dimension et demie", parce que c'est une dimension cachée dans le temps, et le temps c'est la quatrième dimension.", mais voilà que de nouvelles menaces surgissent : Saul, leur ennemi, refait surface et n'a évidemment pas de bonnes intentions à leur égard, et dans le même temps une séance de spiritisme leur reparle et les met en garde contre les 15 familles, ce qui soulève de nombreuses questions : "Comment c'est possible ? Que ces familles aient existé dans le monde des vivants et qu'elles nous menacent encore ici dans ce monde des morts ?".

Ce nouveau cycle est beaucoup plus sombre que le précédent et ce, dès le premier tome.
Il est même plus violent, les enfants ne se font pas de cadeau entre eux et Saul revenant dans la partie, autant dire qu'une nouvelle guerre se déclare entre les deux clans.
Saul précipite la chute du groupe en brûlant les cairns, le groupe de Dodji et Leïla tentent alors de fuir la zone mais en vain malheureusement, tandis que des personnages disparus font leur retour en fin de tome et parlent de l'une des fameuses familles dont il a déjà été question : "J'ai tellement hâte qu'ils nous rejoignent ... qu'ils rejoignent la 9è famille.".
La dose de mystère est bien relevée pour ce sixième tome qui poursuit très bien l'histoire entamée, en commençant un nouveau cycle et donc un nouvel arc scénaristique.
Les auteurs ont su se renouveler, il faut dire que l'histoire s'y prête et que les rebondissements peuvent être aussi divers que variés.
J'aime également la vie de groupe décrite dans cette histoire, les personnages sont jeunes, ils ont des réactions en cohérence avec leur âge, mais ils dupliquent aussi les modèles auxquels ils ont été habitués par les adultes, en reproduisant des comportements de violence et en déclenchant une guerre alors que le groupe aurait dû rester soudé.
Les dessins sont très bien faits, tout comme la mise en couleur, ils sont aussi variés et offrent une nouvelle vision de la ville, même si certains lieux étaient déjà présents dans les tomes précédents.
J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver le groupe d'amis et les questions soulevées sont encore nombreuses, de quoi m'occuper un petit moment avec cette très bonne série en bande dessinée.

"La quatrième dimension et demie" est une excellente suite au premier cycle de "Seuls" et tient d'ores et déjà le lecteur en haleine qui n'a qu'une hâte : découvrir ce que les auteurs lui ont réservé pour la suite.

dimanche 18 mars 2018

Call Me By Your Name de Luca Guadagnino

       
     

Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais. (AlloCiné)


"Call My By Your Name" est un film d'atmosphère, mais d'atmosphère très Italienne comme cela pouvait se voir dans les années 60/80, âge d'or du cinéma Italien.
C'est l'été 1983, il fait chaud, très chaud, il n'y a pas grand chose à faire dans cette grande maison proche d'un petit village de Lombardie à part lire, se baigner dans la rivière, faire la sieste à l'ombre sur la pelouse.
Elio passe son été à jouer de la musique classique, à transcrire ses partitions, lire, flirter avec son amie Marzia, mais il est aussi intrigué par Oliver, le séduisant étudiant Américain venu passer l'été dans leur villa et aidant son père, professeur de culture gréco-romaine, dans ses recherches et ses classements.
Elio et Oliver sentent naître un désir entre eux, ils vont se fuir avant de se chercher et de vivre un été passionné sous le soleil de l'Italie.
Dit comme ça, il ne se passe au final pas grand chose, et bien c'est vrai aussi à l'écran mais c'est sans compter sur la caméra et la mise en scène de Luca Guadagnino.
La première partie du film, je le reconnais, est quelque peu soporifique car il ne se passe pas grand chose, hormis des jeunes qui flirtent et Elio qui éblouit par son talent musical.
A partir d'une scène dans la campagne où Elio et Oliver flirtent, scène qui voit naître l'éveil du désir en eux, le film prend une autre tournure et bascule dans une deuxième partie qui m'a nettement plus touchée et marquée que la première.
Le paroxysme de cette beauté est atteint lors d'une dernière scène où le père d'Elio tient à son fils un discours juste et émouvant sur la profondeur des sentiments, il sait la réelle nature des sentiments entre Elio et Oliver et il fait ainsi comprendre à son fils que non seulement il le sait mais qu'il a eu de la chance de connaître des sentiments aussi purs et forts au moins une fois dans sa vie.
A titre personnel cette scène arrive en deuxième position dans mon classement, la plus belle étant pour moi la scène finale avec un Elio pensif et triste devant le feu suite à un appel téléphonique d'Oliver.
Cette scène reflète très justement la nature des émotions qui envahissent Elio à ce moment-là et conclue de belle façon ce film d'amour.


Car il s'agit bien d'un film racontant une histoire d'amour, rien d'autre.
Je n'ai pas lu le roman original duquel il est tiré mais je reconnais que James Ivory (réalisateur dont j'aime énormément le travail) a fait de l'excellent travail en l'adaptant pour le cinéma.
La mise en scène de Luca Guadagnino offre un bel écrin à cette histoire, filmée en 35 mm cette réalisation offre une photographie magnifique et sublime les paysages Italiens.
Comme dit précédemment, c'est un film d'atmosphère, certaines personnes s'y ennuieront donc profondément.
Il y a ainsi une scène un peu surréaliste où la mère d'Elio décide de leur lire un passage de son livre, mais elle ne l'a qu'en Allemand, qu'importe, elle leur annonce qu'elle va lire et leur traduire.
On se demande un peu ce que cela vient faire dans ce film, mais j'y ai surtout ressenti l'ambiance de ces étés chauds où il faut passer le temps en attendant la fraîcheur, c'est en tout cas ainsi que j'imagine souvent l'été et la période des vacances.
La musique est également importante, la bande originale est signée en grande partie par Sufjan Stevens, la musique contribue grandement à l'ambiance qui se dégage du film et j'ai trouvé les deux chansons originales "Mystery of love" et "Visions of Gideon" très belles.
Il se dégage de l'ensemble une nostalgie des années 80, certaines musiques de l'époque étant reprises dans le film.
La bande sonore est donc envoûtante et me reste dans la tête plusieurs jours après avoir vu le film.
Quant au casting, c'est un sans faute.
La révélation est évidemment le jeune Timothée Chalamet, qui non seulement donne vie au personnage d'Elio mais a aussi été très studieux dans la préparation de ce rôle : cours de piano, de guitare, d'Italien, afin de bien se fondre dans le personnage.
J'ai beaucoup aimé l’interprétation d'Armie Hammer, acteur que je découvrais aussi pour la première fois, il fait plus mâture qu'Elio (alors qu'ils n'ont que quelques années d'écart) mais il arrive à faire croire à cette passion qui le lie à ce jeune homme.
Quant aux parents, Michael Stuhlbarg est formidable dans le tôle du père et Amira Casar excellente, comme à son habitude, dans le rôle de la mère.
Les seconds rôles sont aussi très bons, j'ai beaucoup aimé le casting de ce film car il colle parfaitement aux personnages.
Je n'ai vraiment pas grand chose d'autre à dire sur ce film, je l'attendais avec une certaine impatience et je n'ai pas été déçue.


"Call Me By Your Name" me laisse toujours ce sentiment de beauté deux semaines après l'avoir vu, une belle histoire d'amour pur sous un chaud été Italien, sans doute l'un des films les plus mélancoliques de ce début d'année, mais dans le bon sens du terme.


       
     

       
     

       
     

       
     

vendredi 16 mars 2018

Wonder de R. J. Palacio


Né avec une malformation faciale, August, dix ans, n’est jamais allé à l’école. Aujourd'hui, pour la première fois, ses parents l'envoient au collège… Pourra-t-il convaincre les élèves qu’il est comme eux ? (Pocket Jeunesse)

August, dit Auggie, Pullman est né avec une malformation faciale rare née de la combinaison de deux chromosomes défaillants.
Si tout le monde a comme premier réflexe de détourner le regard face à lui, Auggie est pourtant un petit garçon tout ce qu'il y a de plus ordinaire : "Alors qu'en fait je ne suis que moi. Un garçon ordinaire.".
Jusqu'alors, c'était la mère d'August qui lui faisait cours à la maison, mais à l'entrée en sixième ses parents décident de l'inscrire dans un collège.
Auggie va-t-il s'en sortir plongé dans un univers qu'il ne connaît pas et saura-t-il convaincre les élèves de voir au-delà de son apparence physique ?

Je n'ai pas eu l'occasion de voir le film sorti fin 2017, je me suis donc rattrapée en lisant le livre.
Et bien je comprends qu'il ait eu un tel succès à sa sortie, il est très bien !
D'autant que c'est le premier roman publié par son auteur, belle réussite car il ne souffre d'aucun défaut d'une première publication et se lit avec bonheur.
L'auteur commence la narration du point de vue d'August, ce petit garçon qui jusqu'à présent n'a jamais été confronté au regard en permanence des autres élèves face à sa malformation faciale va se retrouver plongé plusieurs heures par jour dans un univers tout ce qu'il y a de plus hostile ou presque.
Mais Auggie va se faire des amis, certes il va aussi souffrir, mais il va surtout sortir plus grand de cette aventure et pousser chacun à chercher le meilleur en soi.
Ensuite, le récit alterne les points de vue entre Via, la soeur d'Auggie qui rentre au lycée et s'interroge sur le ressenti de son frère : "August voit-il le regard que les gens portent sur lui, ou a-t-il tellement l'habitude de faire semblant de ne pas le voir que cela ne le dérange plus ?", Jack son nouvel ami, Summer, l'amie d'Auggie qui dès le premier jour s'est assis à sa table pour le déjeuner, et d'autres personnes croisées au fil de l'histoire.
Ce roman se lit très rapidement, j'ai tout de suite accroché et j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir les aventures d'Auggie.
La narration est fluide, les personnages sont très attachants et humains, certains cachent des secrets que le lecteur découvre au fil du récit, on ne s'ennuie pas une minute dans cette histoire vraiment belle qui aurait facilement pu tourner à la mièvrerie.
Il est aussi intéressant de voir comment Auggie fédère les gens autour de lui et devient un astre indispensable dans leur vie, une "merveille" (wonder en anglais) comme le lui dit dit sa mère à la fin du récit.
Finalement, après cette lecture j'ai d'autant plus envie de voir son résultat à l'écran tant j'ai été touchée par le récit et les personnages.

"Wonder" est une belle leçon de tolérance qui devrait pousser chacun de nous à apprendre à voir au-delà des apparences, cela plaira aux lecteurs de n'importe quel âge à partir du moment où ils ont une once de sensibilité.

mercredi 14 mars 2018

L'amour après de Marceline Loridan-Ivens et Judith Perrignon


« Le téléphone sonne. C’est Charlotte qui m’appelle d’Israël. Nous étions dans la même classe à Montélimar. Elle a été arrêtée après moi, mais je ne l’ai pas croisée à Birkenau. 
 — Qu’est-ce que tu fais en ce moment ? demande-t-elle. 
— Je travaille sur l’amour. 
Un silence alors, comme si le mot amour s’égarait, se cognait dans sa tête. Elle ne sait qu’en faire.
 — L’amour au camp ou quoi ? 
— Après les camps. 
— Ah, c’est mieux. L’amour au camp, j’en ai pas vu beaucoup. » 
 Comment aimer, s’abandonner, désirer, jouir, quand on a été déportée à quinze ans ? Retrouvant à quatre-vingt-neuf ans sa « valise d’amour », trésor vivant des lettres échangées avec les hommes de sa vie, Marceline Loridan-Ivens se souvient. (Grasset)

Après le magnifique "Et tu n'es pas revenu", Marceline Loridan-Ivens, avec Judith Perrignon, se replonge dans ses souvenirs, ceux de son retour de déportation et tout particulièrement ses relations amoureuses, son rapport à son corps, aux relations sexuelles, les hommes qui ont traversé sa vie et compté.
Voilà un point de départ fort intéressant car jamais réellement abordé, me semble-t-il, dans les témoignages sur la Shoah.
Marceline n'est plus toute jeune, la mort ne la chagrine pas plus que cela, parce qu'elle l'a déjà vu : "Je me fous de mon âge. Ce sont les images de ma jeunesse qui m'affolent. J'ai vu la mort déjà. Des images trop nettes, des corps et des corps. Je sais qu'on meurt seul. Et je n'ai jamais compris pourquoi les yeux restent ouverts.".
Elle a gardé la fougue de sa jeunesse, elle qui déclare : "Je suis une fille de Birkenau et vous ne m'aurez pas.", et qui revient sur l'après déportation, cette jeune fille qui couche parce qu'à l'époque ça ne se faisait pas vraiment, qui passe d'un homme à un autre, jusqu'à en épouser un pour lui permettre de fuir sa mère qui cherchait à lui faire faire un bon mariage : "La jeune fille était probablement plus exigeante, plus gourmande que la moyenne. Elle avait déjà deux tentatives de suicide derrière elle.".
Marceline était très jeune quand elle a été déportée : "J'étais un très jeune bourgeon que la guerre avait gelé sur pied. Et pour longtemps.", elle a vu l’indicible et la mort de nombreuses fois : "J'ai tout vu de la mort sans rien connaître de l'amour." et a, d'une certaine façon, grandi bien plus vite que son âge réel ne l'imposait, tout cela expliquant le rapport qu'elle a ensuite entretenu avec son corps : "Jamais, avant le camp, je ne m'étais déshabillée devant quelqu'un, jamais je n'avais vu le corps de femmes nues, ni celui de ma mère, ni celui de mes sœurs. J'ai découvert le mien en même temps que je l'ai su condamné. J'en ai fait une quantité négligeable.".
Je trouve ça beau de se dévoiler ainsi face au lecteur, de porter sur soi un regard aussi juste et sans concession, de n'avoir honte de rien, de tout assumer, et de ne pas hésiter à ouvrir "sa valise d'amour" face à un large public d'inconnus.
Marceline Loridan-Ivens a vécu dans la transgression, elle a rencontré le grand amour de sa vie Joris Ivens, un homme plus âgé qu'elle, puis elle a vécu avec lui et Jean un trio amoureux, une façon de vivre que l'on ne comprend pas de prime abord mais que la lecture de ce témoignage permet.
Je crois qu'au-delà de l'époque où les mœurs se libéraient c'est bel et bien le vécu de Marceline Loridan-Ivens qui la pousse à agir ainsi, cette lecture m'a en tout cas donné les clés pour mieux la comprendre, le tout sous un éclairage original dans le sens où jamais auparavant il n'avait été abordé.
Qui, parmi les survivants des camps, a déjà abordé la problématique de son rapport au corps ?
Oui, il y a bien l'image de soi qui est renvoyé, la déchéance physique, mais non, jamais sous le prisme des relations sexuelles, de la mise à nu face à un homme pour une femme et inversement.
Jusqu'à présent je ne m'étais jamais posée la question de comment on avait pu aimer en revenant d'Auschwitz-Birkenau, c'est chose faite à présent.
Ce récit permet aussi de se replonger dans les souvenirs et les amours d'une femme à travers des lettres, des notes, des petits mots laissés au hasard, le tout précieusement conservé dans un valise.
Marceline Loridan-Ivens y parle aussi de son amie Simone qui vient de mourir, cette amitié née dans les camps qui a repris des années après au hasard d'une rencontre.
Et puis elle aborde aussi son travail avec son mari Joris Ivens, et j'ai depuis lors une furieuse envie de voir leurs films, à la lire j'ai l'impression d'être passée jusque-là à côté de quelque chose.
Sans doute y avait-il une raison pour que Marceline Loridan-Ivens tarde tant à coucher sur le papier son témoignage et ses souvenirs, mais elle a aussi bien fait d'attendre, la lecture de ses publications n'en est que plus agréable à chaque fois.

"L'amour après" constitue une belle continuité dans le témoignage de Marceline Loridan-Ivens et offre un autre regard sur la Shoah à travers deux personnes, la jeune fille et la survivante, cohabitant dans un même corps, un récit bouleversant et de toute beauté.

lundi 12 mars 2018

Les loyautés de Delphine de Vigan


"Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d'innommable susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révélerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même ce démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ?" (Editions J. C Lattès)

Delphine de Vigan définit très bien elle-même le titre de son roman dès la première page : "Les loyautés. Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres - aux morts comme aux vivants -, ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l'écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d'ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.", tout est dit et cela sera la seule citation relevée au cours de ma lecture, pour le reste j'ai littéralement plongé dedans et n'ai relevé le nez qu'une fois ma lecture achevée.
Delphine de Vigan se lance dans le roman choral, et cela lui réussit plutôt bien.
L'un de ses précédents romans, "Rien ne s'oppose à la nuit", m'avait particulièrement touchée, j'ai attendu très longtemps avant de relire cette auteur car j'avais peur.
Peur de ne pas retrouver l'émotion qui m'avait envahie lors de ma lecture, peur que l'histoire ne soit pas à la hauteur, que plus aucune histoire ne soit à la hauteur de celle de ce roman personnel.
Je crois que j'ai bien fait d'attendre, car "Les loyautés" est un roman certes moins personnel mais tout aussi touchant que l'opus précédemment nommé.
Ici, il est question des loyautés, celles que l'on a envers soi-même mais aussi envers les autres, mais aussi d'enfants qui dissimulent de lourds secrets, d'enfants qui se perdent et noient leur mal-être et le mal-amour dont ils sont victimes dans l'alcool, d'enfants qui se retrouvent partagés entre des parents séparés, les secrets de l'un qu'il faut taire à l'autre et vice-versa.
Le sujet, sensible, est traité avec justesse et finesse, sans trop en faire.
La construction alterne les voix des personnages, entre cette professeur si impliquée vis-à-vis de ses élèves et qui sent que quelque chose ne va pas avec l'un d'eux, entre les enfants, entre les mères, cela permet de livrer une histoire, surtout les ficelles qui la composent et expliquent la situation dans laquelle les personnages se sont retrouvés.
J'ai autant aimé la forme que le fond, j'ai juste trouvé la fin trop abrupte, elle rompt l'histoire d'un coup et offre la possibilité au lecteur d'imaginer la suite, ce qu'il a envie de croire sur ce qui va se passer, d'un autre côté j'aurai sans doute aimé en savoir plus, rester un peu plus avec les personnages.
Car ce roman est court et se lit très rapidement, mais il n'en est pas moins intense.
J'ai été touchée par le thème, notamment parce qu'il est question d'une forme de jeu de dupe, du visage que l'on présente aux autres alors que l'on cache derrière une toute autre réalité.
Dans le monde professionnel, il y a aussi cette forme de jeu de dupe, et de loyautés, voilà sans doute pourquoi ce livre a trouvé un écho en moi.

Avec "Les loyautés" Delphine de Vigan revient à un livre intimiste qui m'a touchée, parce qu'il traite de la société actuelle sans fard et que dans le fond il frappe juste et met chacun face à ses loyautés.

vendredi 9 mars 2018

Gen d'Hiroshima - Tome 9 de Keiji Nakazawa


Plus de cinq années ont passé depuis qu'Hiroshima a été ravagée par la Bombe atomique. La vie reprend son cours et Gen, devenu adolescent, s'interroge désormais sur son avenir. Il va dans ce volume faire une rencontre décisive, celle de l'homme qui va lui enseigner le dessin. Instinctivement, il devine qu'il a trouvé là un moyen de faire connaître au monde l'horreur qu'ont subie les habitants d'Hiroshima. (Vertige Graphic)

Dans ce neuvième volume de "Gen d'Hiroshima", dont l'action se situe de décembre 1950 à avril 1951, Gen va évoluer encore plus que dans les précédents volumes, grâce à une rencontre décisive pour sa vie future avec un peintre.
Ce n'est pas la première fois qu'un peintre croise le chemin du garçon (Cf. le troisième tome), mais celui-ci va lui apprendre l'art du dessin, et conforter Gen dans son choix de devenir peintre pour raconter les horreurs de la guerre et des bombardements atomiques dont les stigmates frappent encore les Japonais et tout particulièrement le clan rapproché de Gen.
Car si la misère se fait moins ressentir auprès des populations, particulièrement celles des grandes villes, Gen et ses amis ont du mal encore à s'en sortir : "Sans la guerre et sans la bombe, on n'aurait pas à pleurer tous les jours !", d'autant qu'ils sont montrés du doigt et rejetés par bon nombre de personnes qui jugent sans savoir leurs conditions de vie et leur façon d'être.
Gen va croiser le chemin d'un petit garçon et de son grand-père, c'est ce dernier qui va l'initier aux rudiments du dessin et le prendre sous sa coupe pour lui apprendre cet art à travers le métier de dessinateur d'affiches.
Mais Gen va aussi croiser le chemin d'un garçon envieux et jaloux, qui cherchera à briser son rêve de dessinateur avant de lui révéler sa vraie nature et la raison de son mal-être, un individu lui aussi durement frappé par la guerre et le bombardement atomique d'Hiroshima et qui comme Gen ne croit plus en un dieu quelconque : "Si Dieu et Bouddha existent, pourquoi est-ce que les guerres et la bombe atomique ne disparaissent pas ?".

L'horizon semble s'éclairer pour Gen, après une première partie de récit ponctuée par la mort, la perte d'êtres chers et des décisions importantes à prendre pour son avenir.
Malgré toute la noirceur de l'histoire il y a toujours une éclaircie pour les personnages, ici sous la forme d'un arc-en-ciel, c'est très poétique et j'aime beaucoup la façon dont ce termine cet avant-dernier volet de Gen.
Pour la première fois de la série, l'auteur Keiji Nakazawa s'est permis de prendre quelques libertés avec l'Histoire, en prêtant à MacArthur des velléités d’utiliser la bombe atomique en Corée, ce qui n'a jamais été évoqué ni même pensé.
Mais il faut bien reconnaître que l'auteur, tout comme son double Gen, a été frappé par ce bombardement atomique et qu'il a sans doute vécu toute sa vie durant dans la crainte que celle-ci soit utilisée de nouveau.
La guerre en Corée est une trame de fond à l'histoire, elle permet aussi de parler de MacArthur à qui l'autorité du Japon avait été confié et qui se voit retirer cette tâche, ainsi que celle concernant la guerre de Corée au cours de l'année 1951, à la surprise générale et surtout du principal intéressé.
MacArthur disparaît de l'écran de l'Histoire et ne fera plus parler de lui jusqu'à sa mort, pourtant le Japon n'en a pas encore fini avec sa reconstruction, bien que l'économie ait redémarré tout comme l'industrie cinématographique.
On sent ici que les personnages commencent à s'en sortir et à vivre plus confortablement, cela ne veut pas dire pour autant que tout est oublié mais pour la première fois le lecteur pressent qu'un avenir est vraiment possible et que Gen a trouvé une forme d'apaisement à travers le dessin, sans oublier ses rêves de paix : "Gen se disait que ce serait fantastique de pouvoir dresser un arc-en-ciel entre tous les pays du monde pour pouvoir voyager librement en ignorant les frontières et pour que tout le monde se comprenne, s'entende bien et vive dans un monde de paix.".
Une nouvelle fois je ne peux que souligner toute la beauté et l’importance de ce texte ainsi que des dessins l'illustrant, même si je constate une nouvelle fois que l'auteur attache peu d'importance aux détails de ses personnages, ne les faisant pas vraiment grandir et surtout ne changeant pas leurs vêtements depuis plusieurs années.
Dans le fond, il a bien raison, l’important n'est pas là mais dans tout le reste qui constitue son poignant témoignage de survivant de la bombe.

C'est avec un pincement au cœur que j'ai refermé ce neuvième tome de "Gen d'Hiroshima", parce que l'histoire touche à sa fin et que bientôt je vais devoir me séparer de Gen et de ses compagnons, mais quelle histoire, quelle superbe et incontournable histoire il vous faut découvrir à tout prix.

mercredi 7 mars 2018

Gen d'Hiroshima - Tome 8 de Keiji Nakazawa


Dans ce huitième volume qui se passe de juin à octobre 1950, la conscience politique de notre jeune héros qui n'a encore que douze ans) se fait plus précise grâce à l'influence d'un professeur pacifiste. De plus, la guerre de Corée vient d'éclater. (Vertige Graphic)

Dans ce huitième tome, dont l'action se déroule de juin à octobre 1950, Gen va devoir faire des choix : celui de se séparer des siens pour permettre à son frère d'épouser la jeune femme qu'il aime, tandis que son autre frère choisit de partir dans une grande ville.
Le comportement du frère aîné pourrait apparaître comme égoïste, d'autant qu'il a tendance à vite se laisser déborder par ses émotions lorsqu'il s'agit d'agir pour sa famille, mais Gen va décider de rejoindre Ryûta et ses autres camarades qui gagnent de l'argent grâce à de la confection de vêtements, Gen lui décide de continuer à aller à l'école.
C'est d'ailleurs à l'école que la conscience politique de Gen va s'éveiller, grâce à un professeur pacifiste, car la guerre de Corée vient de se déclencher et cela a réveillé des démons en Gen comme chez beaucoup d'autres personnes : "C'est pas normal que ce soit toujours les gens honnêtes qui payent ! Faut démolir ce monde dirigé par des malhonnêtes et des profiteurs de guerre !".
Gen et ses amis vont tenter de manifester, de s'exprimer pour changer l'opinion : "Les espoirs de Gen et de ses amis furent vains ... mais il n'est pas trop tard. Comme eux, vous pouvez marcher pour la paix et pour ne pas oublier les horreurs de la bombe et de la guerre.", mais qu'importe, quand les puissants ont décidé de faire la guerre rien ne peut les arrêter.
Un malheur n'arrivant jamais seul, le destin va encore se manifester de façon cruelle auprès de Gen et de ses proches, le mettant dans une rage d'impuissance : "Même quand ils se relèvent, les pauvres finissent toujours par pleurer !".

Ce tome est tout aussi intéressant que les précédents, il faut dire qu'actuellement on parle beaucoup de la situation des deux Corée et que ce tome a le mérite de planter le décors, expliquer la séparation du pays en deux entités et de la guerre qui sévira, une guerre pour lutter contre l'installation du régime communiste et la peur des Américains que cette idéologie ne gagne d'autres pays dans le monde, particulièrement en Asie.
Cela a eu lieu dans les années 50, un peu plus de soixante dix ans après la situation n'a malheureusement pas beaucoup changé.
Pour les Japonais, cette situation les inquiète, car en tant que pays occupé par les Américains ils craignent d'être la cible de bombardements, particulièrement de bombardements atomiques puisque la bombe ne cesse d'être améliorée et des pays dans le monde de l'acquérir.
Ceci engendre l'émergence de manifestations pacifistes, comme Gen et ses amis vont tenter de la faire, mais aussi de personnes qui se prononcent ouvertement contre la guerre, comme ce professeur qui finira renvoyé de l'école.
Cinq ans après la bombe, le Japon est encore fortement marqué par les conséquences des deux bombardements atomiques et la population n'a pas fini de souffrir.
Cela n'empêche pas une nouvelle guerre de se déclencher.
Il y a une forme de fatalité dans ce huitième tome, une fatalité qui révolte Gen mais il prend aussi conscience qu'elle continuera pendant longtemps de frapper et qu'il faudra composer avec, vivre avec les moments de joie et ceux plus nombreux de peine, de douleur et de deuil.
Malgré des éclaircies, il est difficile pour nos jeunes personnages de sortir du trou dans lequel ils ont été plongés malgré eux.
J'ai ressenti beaucoup de peine à la lecture de ce tome, bien que Gen grandisse et que sa conscience politique se forge il y a encore tant de malheurs, tant de difficultés, j'ai ressenti toute la difficulté pour ce garçon de trouver encore la force d'avancer et une raison de le faire.
Quand le sort s'acharne autant on pourrait facilement avoir envie de baisser les bras, Gen s'accroche pourtant, j'ai donc été sensible à sa force de caractère.
Tout comme j'ai été touchée par le destin réservé à Natsue, cette jeune fille qui aura beaucoup souffert et qui ne manque pas de courage et de détermination lorsqu'elle sent son heure approcher.
J'ai même l'impression que les jeunes filles sont plus touchées que les garçons par les conséquences de la bombe, finalement au cours de cette série je me rappelle avoir vu de nombreuses femmes ou jeunes filles défigurées par la bombe et moins d'hommes ou de garçons, chez eux les plaies ne sont pas visibles et les conséquences de la bombe prennent une autre forme.
D'un autre côté, je ne m'étais jamais non plus rendue aussi compte de toutes les conséquences que les bombardements atomiques d'Hiroshima avaient entraînées, cette oeuvre a eu le mérite d'élargir mon champ de vision.
J'aime toujours autant la puissance du dessin de Keiji Nakazawa, chaque détail a son importance et le graphisme est d'un réalisme saisissant, comme seule une personne ayant vécu ces événements auraient pu le faire.

De la douleur mais aussi de l'espoir dans ce huitième tome de "Gen d'Hiroshima", et la conscience politique de Gen qui s'éveille avant une rencontre décisive pour sa vie future dans le prochain tome.

lundi 5 mars 2018

Au revoir là-haut de Pierre Lemaître


Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu'amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts. (Albin Michel) 

J'ai repoussé cette lecture, parce que l''engouement suite au Prix Goncourt, et c'est à la faveur de l'été - de la sortie dans les mois qui suivaient du film - que je me suis décidée à ouvrir ce roman, après avoir été quelque peu déçue par son adaptation en bande dessinée.
J'ai bien fait d'attendre car j'ai pu profiter pleinement de cette lecture à contre-courant de tout le monde, et c'était sans savoir qu'un deuxième tome allait voir le jour en ce début d'année 2018.
Bon, et pour être tout à fait honnête, je m'interrogeais sur Pierre Lemaître comme auteur d'une fiction historique, l'ayant connu avec "Robe de marié", l'un de ses romans policiers.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins (surtout celui des Dames), j'ai beaucoup aimé ce roman, les personnages et son côté très politiquement incorrect.
Limite je regrette même d'avoir lu la bande dessinée car je connaissais malheureusement les ressorts de l'intrigue et une partie de la surprise était ainsi gâchée.
Albert, c'est un brave gars (et j'ai déjà expliqué ici que dans ma bouche - enfin sous ma plume, bref mon clavier - ce n'était pas forcément un compliment, loin de là), mais là, c'est un brave gars que j'aime bien, même s'il n'est pas toujours très malin dans ses réflexions, quoi qu'il a aussi des moments de lucidité : "Mourir le dernier, se disait Albert, c'est comme mourir le premier, rien de plus con.".
Et puis il a bon cœur Albert, il n'hésite pas à sauver Edouard Péricourt et à se plier en quatre pour lui procurer une nouvelle identité, du soulagement avec de la morphine, et finir par marcher dans sa combine d'arnaque aux monuments aux morts.
Albert a donc des moments de lucidité mais aussi de philosophie : "Il savait qu'on se remet de tout, mais depuis qu'il avait gagné la guerre, il avait l'impression de la perdre un peu plus chaque jour.", et des principes.
Mais il a aussi une forme de revanche à prendre, d'abord sur l'effroyable lieutenant Pradelle qui a tenté autant qu'il l'a pu de faire mourir Albert (qui détient un vilain secret sur cet odieux personnage), tout comme Edouard, dessinateur de génie mais rejeté par son père à cause de son homosexualité (et de ses dessins).
Au sortir de la guerre, la France ne plaisante pas avec ses morts, mais elle a aussi besoin d'apaiser les pleurs des nombreuses familles endeuillées, et quoi de mieux qu'un monument aux morts pour honorer la mémoire des disparus ?
Sauf qu'Edoaurd a tout prévu, avec Albert ils empochent l'argent puis quittent la France couler des jours paisibles ailleurs.

La galerie de personnages est formidable, si Albert et Edouard sont les personnages principaux, que l'on finit bien vite par aimer avec leurs qualités et leurs défauts, je me suis régalée avec le lieutenant Pradelle, le père d'Edouard Péricourt et aussi les deux personnages féminins du roman : Madeleine Péricourt, la sœur d'Edouard, et Pauline, la bonne des Péricourt, et ce fameux Joseph Merlin, inspecteur raffolant du poulet qui va découvrir le trafic de cercueils.
Si l'arnaque aux monuments aux morts est une invention de Pierre Lemaître il n'en est pas de même pour le trafic de cercueils.
Outre les personnages, j'ai énormément apprécié le pied-de-nez de l'histoire et son côté politiquement incorrect.
Il y a des passages drôles, d'autres plus durs, et d'ailleurs cela m'a fait revoir mon jugement sur la catégorie de cette oeuvre, exit le roman historique et bonjour le roman picaresque.
Car Albert va vivre des aventures pittoresques, plus relevées que celles que connaissent les gens ordinaires, tandis que le livre présente une étude de mœurs de l'époque, en n'hésitant pas à esquinter les bourgeois représentés par les Péricourt et Pradelle.
Il n'est pas étonnant que ce roman tienne une place toute particulière dans l'oeuvre de Pierre Lemaître, c'est un roman joliment ficelé et abouti qui se lit avec délectation.
Sans doute aurai-je plus apprécié la bande dessinée si j'avais lu le roman en premier, la prochaine fois je ne ferai pas les choses à l'envers et je commencerai par le roman mais avec le recul cette bande dessinée n'est pas si mauvaise que cela, loin de là, même si sa couverture révèle malheureusement un moment fort de l'intrigue.
Et je ne peux que vous inviter à voir le film d'Albert Dupontel si ce n'est déjà fait, une adaptation remarquable du roman et extrêmement bien réussie.

"Au revoir là-haut" est un livre jouissif à lire, avec une intrigue captivante et des personnages attachants.
Vite vite maintenant, il ne me reste qu'à me précipiter sur "Couleurs de l’incendie", deuxième tome de cette trilogie annoncée par Pierre Lemaître et paru en ce début d'année.


dimanche 4 mars 2018

La forme de l'eau (The Shape of Water) de Guillermo del Toro

       
     

Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultra-secret, Elisa mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres. (AlloCiné)


Dire que j'attendais avec impatience la sortie de ce film est un doux euphémisme, j'ai passé la semaine à trépigner en attendant que la journée du samedi arrive pour pouvoir y aller.
J'ai repéré ce film il y a plusieurs semaines, l'affiche m'a séduite, tout comme la bande annonce.
Et le résultat à l'écran ne m'a lui non plus pas déçu, il y a beaucoup à dire sur ce très beau film.
Commençons tout d'abord par l'histoire, assez belle et tout à fait dans l'esprit des films de Guillermo del Toro.
Elisa est une jeune femme muette, elle aime les chaussures, son voisin et a très bon cœur, à tel point que lorsqu'elle découvre avec sa collègue Zelda l'existence d'une créature aquatique sur laquelle sont pratiquées des expériences elle décide de la sauver.
Et sa vie va basculer à jamais grâce à cette émouvante rencontre forte en émotions.
Il n'est pas étonnant d'y trouver une créature aquatique, Guillermo del Toro aime mettre en scène des créatures et c'est clairement un hommage à de vieux films ("L'étrange créature du lac noir" pour citer la référence la plus appuyée).
Là où j'ai apprécié la touche de Guillermo del Toro, c'est qu'il ne montre pas une jeune femme naïve mais qui aime la vie et ses plaisir charnels, et surtout il permet à la créature et à cette jeune femme de vivre une histoire d'amour.
Honnêtement, j'ai été un peu surprise par la fin (mais dans le bon sens du terme) car j'étais partie dans quelque chose de plus sombre.
Il faut dire que l'histoire se situe dans les années 60, en pleine guerre froide, autant dire que le contexte ne se prête pas à quelque chose de joyeux.
Le film montre aussi que le monstre n'est pas celui auquel on croit, le personnage de Richard Strickland (bien humain) campé par Michael Shannon est à n'en point douter le plus cruel et le plus monstrueux et le véritable monstre de l'histoire.
A ce propos, je trouve très forte de sens la scène où l'amphibien s'enfuit et découvre sa condition (et sa différence par la même occasion) dans une salle de cinéma déserte face à un film d'époque.


Non seulement l'histoire est belle mais il y a beaucoup de poésie dans ce film, qui au passage cumule les clins d’œil et les hommages au cinéma de genre, avec des films en noir et blanc et une très belle scène de pas de danse effectués par Elisa et son voisin Giles.
On ne pourra pas reprocher à Guillermo del Toro de ne pas avoir son cœur dans l'ouvrage, d'ailleurs on ne peut rien lui reprocher tant ce film est une réussite, sans doute l'un de ses plus personnels et un auquel il tient particulièrement, quitte à jouer l'avenir de sa carrière avec.
J'ai souvent entendu parler de ce réalisateur sans vraiment franchir le pas, je le regrette mais de le découvrir tardivement me permettra de savourer ses autres films.
J'ai en tout cas été très sensible à tout le côté personnel qu'il a mis dedans, c'est une belle déclaration d'amour au cinéma, aux comédiens, difficile de rester de marbre face à ce film.
On pourrait aisément parler de toutes les références au cinéma de genre contenu dans ce film, j'en ai vu certaines, d'autres m'ont échappé, j'étais plus absorbée par l'histoire lors de ce premier visionnage que par le reste.
J'ai été particulièrement sensible au travail développé pour le film : la création du monstre évidemment, mais aussi celui pour les décors et plus particulièrement l'attention portée à la photographie et à l'ambiance d'ensemble.
Les nuances sont plutôt sombres, dans des déclinaisons de vert, mais la lumière est particulièrement travaillée et donne un bel aspect à l'ensemble.
Visuellement, ce film est donc magnifique, musicalement aussi puisque c'est un compositeur Français bien connu qui en signe la bande originale : Alexandre Desplat.


Mais une histoire originale, une belle mise en scène et une atmosphère ne suffisent pas à faire un bon film, et là Guillermo del Toro a sans doute trouvé sa pépite en choisissant Sally Hawkins pour interpréter Elisa.
Cette actrice est d'une justesse et d'une sensibilité pour incarner cette jeune femme somme toute banale en apparence qui va pourtant vivre une aventure extraordinaire et faire une rencontre qui va changer le cours de son existence.
J'ai découvert une Sally Hawkins différente, très mâture, et dont la nomination à l'Oscar de la meilleure actrice ne surprend pas.
J'ai aussi une tendresse toute particulière pour Octavia Spencer incarnant Zelda, la fidèle amie d'Elisa, voilà un personnage secondaire qui apporte du cœur et de l'humour à l'ensemble.
Et que dire de la prestation de Michael Shannon ... voilà un acteur qui se remarque dans chacun de ses rôles et que l'on adore, même si on déteste son personnage comme c'est le cas ici.
Le casting est donc parfait et m'a permis de découvrir quelques bons acteurs, notamment Michael Sthulbarg campant un scientifique communiste qui va connaître une belle rédemption ou encore Doug Jones méconnaissable sous les traits de l'amphibien.


Si vous ne le savez pas, Guillermo del Toro s'est aussi diversifié vers la littérature avec la trilogie "La lignée" ("The Strain" en VO), réinventant le mythe du vampire sous forme de fléau aux origines bibliques, et a participé à l’adaptation de cette trilogie en une série télévisée de quatre saisons qui est tout aussi bonne et flippante que les romans.
A vous de découvrir Guillermo del Toro en auteur et à moi de découvrir ses films, un moment que je n'ai que trop retardé depuis le temps.


Guillermo del Toro signe avec "La forme de l'eau" un beau conte devenant réalité et sans doute son plus beau film à ce jour, pas étonnant qu'il soit reparti auréolé du Lion d'or à la Mostra de Venise 2017.


       
     

       
     

       
     

       
     

samedi 3 mars 2018

Oscars 2018


Après les Césars et les Oscars 2017, voilà venu le temps des pronostics et des favoris pour la cérémonie des Oscars 2018.
Je n'ai évidemment pas vu tous les films (d'ailleurs certains ne sont pas encore sortis en France) mais je sens que cette année 2 films feront parler d'eux : The Shape of Water et Three Billboards, les panneaux de la vengeance, 2 films que je vous recommande chaudement.

Comme l'an passé je n'ai pas fait de traduction pour les titres et les catégories, mais avec un peu d'imagination vous allez vous en sortir.

Actor in a leading role 

TIMOTHÉE CHALAMET - Call Me by Your Name
DANIEL DAY-LEWIS - Phantom Thread
DANIEL KALUUYA - Get Out
GARY OLDMAN - Darkest Hour
DENZEL WASHINGTON - Roman J. Israel, Esq.

Mon pronostic : Gary Oldman ou Daniel Day-Lewis.

Mon favori : Daniel Day-Lewis.

Et l’Oscar est attribué à … GARY OLDMAN - Darkest Hour

Actor in a supporting role 

WILLEM DAFOE - The Florida Project
WOODY HARRELSON - Three Billboards outside Ebbing, Missouri
RICHARD JENKINS - The Shape of Water
CHRISTOPHER PLUMMER - All the Money in the World
SAM ROCKWELL - Three Billboards outside Ebbing, Missouri 

Mon pronostic : Sam Rockwell.

Mon favori : Sam Rockwell.

Et l’Oscar est attribué à … SAM ROCKWELL - Three Billboards outside Ebbing, Missouri 

Actress in a leading role

SALLY HAWKINS - The Shape of Water
FRANCES MCDORMAND - Three Billboards outside Ebbing, Missouri
MARGOT ROBBIE - I, Tonya
SAOIRSE RONAN - Lady Bird
MERYL STREEP - The Post

Mon pronostic : Frances McDormand.

Mon favori : Frances McDormand, bien que les autres actrices nommées soient très bonnes, particulièrement Sally Hawkins.

Et l’Oscar est attribué à … FRANCES MCDORMAND - Three Billboards outside Ebbing, Missouri

Actress in a supporting role

MARY J. BLIGE - Mudbound
ALLISON JANNEY - I, Tonya
LESLEY MANVILLE - Phantom Thread
LAURIE METCALF - Lady Bird
OCTAVIA SPENCER - The Shape of Water

Mon pronostic : Octavia Spencer.

Mon favori : Octavia Spencer, gros coup de cœur pour cette actrice. 

Et l’Oscar est attribué à … ALLISON JANNEY - I, Tonya

Animated feature film 

THE BOSS BABY - Tom McGrath and Ramsey Naito
THE BREADWINNER - Nora Twomey and Anthony Leo
COCO - Lee Unkrich and Darla K. Anderson
FERDINAND - Carlos Saldanha and Lori Forte
LOVING VINCENT - Dorota Kobiela, Hugh Welchman and Ivan Mactaggart

Mon pronostic : Coco.

Mon favori : Coco.

Et l’Oscar est attribué à … COCO - Lee Unkrich and Darla K. Anderson

Cinematography 

BLADE RUNNER 2049 - Roger A. Deakins
DARKEST HOUR - Bruno Delbonnel
DUNKIRK - Hoyte van Hoytema
MUDBOUND - Rachel Morrison
THE SHAPE OF WATER - Dan Laustsen

Mon pronostic : j’ai du mal à cerner cette catégorie … The shape of water.

Mon favori : Blade runner 2049 ou The shape of water.

Et l’Oscar est attribué à … BLADE RUNNER 2049 - Roger A. Deakins

Costum design 

BEAUTY AND THE BEAST - Jacqueline Durran
DARKEST HOUR - Jacqueline Durran
PHANTOM THREAD - Mark Bridges
THE SHAPE OF WATER - Luis Sequeira
VICTORIA & ABDUL - Consolata Boyle

Mon pronostic : Phantom Thread.

Mon favori : Phantom Thread.

Et l’Oscar est attribué à … PHANTOM THREAD - Mark Bridges

Directing 

DUNKIRK - Christopher Nolan
GET OUT - Jordan Peele
LADY BIRD - Greta Gerwig
PHANTOM THREAD - Paul Thomas Anderson
THE SHAPE OF WATER - Guillermo del Toro

Mon pronostic : The shape of water – Guillermo del Toro.

Mon favori : The shape of water – Guillermo del Toro.

Et l’Oscar est attribué à … THE SHAPE OF WATER - Guillermo del Toro

Film editing 

BABY DRIVER - Paul Machliss and Jonathan Amos
DUNKIRK - Lee Smith
I, TONYA - Tatiana S. Riegel
THE SHAPE OF WATER - Sidney Wolinsky
THREE BILLBOARDS OUTSIDE EBBING, MISSOURI - Jon Gregory

Mon pronostic : Three billboards outside Ebbing, Missouri.

Mon favori : Three billboards outside Ebbing, Missouri.

Et l’Oscar est attribué à … DUNKIRK - Lee Smith

Foreign language film 

A FANTASTIC WOMAN - Chile
THE INSULT - Lebanon LOVELESS - Russia
ON BODY AND SOUL - Hungary
THE SQUARE - Sweden

Mon pronostic : On body and soul.

Mon favori : difficile, je n’ai pas tout vu et ceux vus ont déclenché quelques réactions, je partirai sur On body and soul.

Et l’Oscar est attribué à … A FANTASTIC WOMAN - Chile

Makeup and hairstyling 

DARKEST HOUR - Kazuhiro Tsuji, David Malinowski and Lucy Sibbick
VICTORIA & ABDUL - Daniel Phillips and Lou Sheppard
WONDER - Arjen Tuiten

Mon pronostic : Darkest hour.

Mon favori : Darkest hour.

Et l’Oscar est attribué à … DARKEST HOUR - Kazuhiro Tsuji, David Malinowski and Lucy Sibbick

Music (original score) 

DUNKIRK - Hans Zimmer
PHANTOM THREAD - Jonny Greenwood
THE SHAPE OF WATER - Alexandre Desplat
STAR WARS: THE LAST JEDI - John Williams
THREE BILLBOARDS OUTSIDE EBBING, MISSOURI - Carter Burwell

Mon pronostic : The shape of water.

Mon favori : The shape of water.

Et l’Oscar est attribué à … THE SHAPE OF WATER - Alexandre Desplat

Music (original song) 

MIGHTY RIVER - from Mudbound; Music and Lyric by Mary J. Blige, Raphael Saadiq and Taura Stinson
MYSTERY OF LOVE - from Call Me by Your Name; Music and Lyric by Sufjan Stevens
REMEMBER ME - from Coco; Music and Lyric by Kristen Anderson-Lopez and Robert Lopez
STAND UP FOR SOMETHING - from Marshall; Music by Diane Warren; Lyric by Lonnie R. Lynn and Diane Warren
THIS IS ME - from The Greatest Showman; Music and Lyric by Benj Pasek and Justin Paul

Mon pronostic : This is me.

Mon favori : je n’ai quasiment vu aucun des films, ça va être au hasard ! Remember me. Après avoir vu Call me by your name la chanson Mystery of love est aussi très bien.

Et l’Oscar est attribué à … REMEMBER ME - from Coco; Music and Lyric by Kristen Anderson-Lopez and Robert Lopez

Best picture 

CALL ME BY YOUR NAME - Peter Spears, Luca Guadagnino, Emilie Georges and Marco Morabito, Producers
DARKEST HOUR - Tim Bevan, Eric Fellner, Lisa Bruce, Anthony McCarten and Douglas Urbanski, Producers
DUNKIRK - Emma Thomas and Christopher Nolan, Producers
GET OUT - Sean McKittrick, Jason Blum, Edward H. Hamm Jr. and Jordan Peele, Producers
LADY BIRD - Scott Rudin, Eli Bush and Evelyn O'Neill, Producers
PHANTOM THREAD - JoAnne Sellar, Paul Thomas Anderson, Megan Ellison and Daniel Lupi, Producers
THE POST - Amy Pascal, Steven Spielberg and Kristie Macosko Krieger, Producers
THE SHAPE OF WATER - Guillermo del Toro and J. Miles Dale, Producers
THREE BILLBOARDS OUTSIDE EBBING, MISSOURI - Graham Broadbent, Pete Czernin and Martin McDonagh, Producers

Mon pronostic : ça va se jouer entre Three billboards outside Ebbing, Missouri et The shape of water.
 
Mon favori : Three billboards outside Ebbing, Missouri.

Et l’Oscar est attribué à … THE SHAPE OF WATER - Guillermo del Toro and J. Miles Dale, Producers

Production design

BEAUTY AND THE BEAST - Production Design: Sarah Greenwood; Set Decoration: Katie Spencer
BLADE RUNNER 2049 - Production Design: Dennis Gassner; Set Decoration: Alessandra Querzola
DARKEST HOUR - Production Design: Sarah Greenwood; Set Decoration: Katie Spencer
DUNKIRK - Production Design: Nathan Crowley; Set Decoration: Gary Fettis
THE SHAPE OF WATER - Production Design: Paul Denham Austerberry; Set Decoration: Shane Vieau and Jeffrey A. Melvin

Mon pronostic : Blade runner 2049.

Mon favori : Blade runner 2049 ou The shape of water.

Et l’Oscar est attribué à … THE SHAPE OF WATER - Production Design: Paul Denham Austerberry; Set Decoration : Shane Vieau and Jeffrey A. Melvin

Sound editing

BABY DRIVER - Julian Slater
BLADE RUNNER 2049 - Mark Mangini and Theo Green
DUNKIRK - Richard King and Alex Gibson
THE SHAPE OF WATER - Nathan Robitaille and Nelson Ferreira
STAR WARS: THE LAST JEDI - Matthew Wood and Ren Klyce

Mon pronostic : The shape of water.

Mon favori : The shape of water.

Et l’Oscar est attribué à … DUNKIRK - Richard King and Alex Gibson

Sound mixing 

BABY DRIVER - Julian Slater, Tim Cavagin and Mary H. Ellis
BLADE RUNNER 2049 - Ron Bartlett, Doug Hemphill and Mac Ruth
DUNKIRK - Gregg Landaker, Gary A. Rizzo and Mark Weingarten
THE SHAPE OF WATER - Christian Cooke, Brad Zoern and Glen Gauthier
STAR WARS: THE LAST JEDI - David Parker, Michael Semanick, Ren Klyce and Stuart Wilson 

Mon pronostic : Blade runner 2049.

Mon favori : Blade runner 2049.

Et l’Oscar est attribué à … DUNKIRK - Gregg Landaker, Gary A. Rizzo and Mark Weingarten

Visual effects

BLADE RUNNER 2049 - John Nelson, Gerd Nefzer, Paul Lambert and Richard R. Hoover
GUARDIANS OF THE GALAXY VOL. 2 - Christopher Townsend, Guy Williams, Jonathan Fawkner and Dan Sudick
KONG: SKULL ISLAND - Stephen Rosenbaum, Jeff White, Scott Benza and Mike Meinardus
STAR WARS: THE LAST JEDI - Ben Morris, Mike Mulholland, Neal Scanlan and Chris Corbould
WAR FOR THE PLANET OF THE APES - Joe Letteri, Daniel Barrett, Dan Lemmon and Joel Whist

Mon pronostic : Blade runner 2049.

Mon favori : Blade runner 2049.

Et l’Oscar est attribué à … BLADE RUNNER 2049 - John Nelson, Gerd Nefzer, Paul Lambert and Richard R. Hoover

Writing (adapted screenplay) 

CALL ME BY YOUR NAME - Screenplay by James Ivory
THE DISASTER ARTIST - Screenplay by Scott Neustadter & Michael H. Weber LOGAN - Screenplay by Scott Frank & James Mangold and Michael Green; Story by James Mangold
MOLLY'S GAME - Written for the screen by Aaron Sorkin
MUDBOUND - Screenplay by Virgil Williams and Dee Rees

Mon pronostic : Call me by your name.

Mon favori : Call me by your name.

Et l’Oscar est attribué à … CALL ME BY YOUR NAME - Screenplay by James Ivory

Writing (original screenplay) 

THE BIG SICK - Written by Emily V. Gordon & Kumail Nanjiani
GET OUT - Written by Jordan Peele
LADY BIRD - Written by Greta Gerwig
THE SHAPE OF WATER - Screenplay by Guillermo del Toro & Vanessa Taylor; Story by Guillermo del Toro
THREE BILLBOARDS OUTSIDE EBBING, MISSOURI - Written by Martin McDonagh

Mon pronostic : The shape of water.

Mon favori : The shape of water et/ou Three billvoards outside Ebbing, Missouri, j’aime beaucoup (beaucoup) ces deux films.

Et l’Oscar est attribué à … GET OUT - Written by Jordan Peele

Edit du 05 mars : J'ai visé plutôt juste dans mes pronostics, comme l'an dernier.
Une belle surprise : le scénario original attribué à "Get Out", le film ne repart pas bredouille, et quelques prix "techniques" attribués à "Dunkerque", n'ayant pas vu le film dans les meilleurs conditions je suis sans doute passée à côté des effets de son et de mixage.
Je trouve ce Palmarès équilibré et reflétant bien le meilleur du cinéma Américain de ces derniers mois, des films qui m'ont en tout cas plu.

Sexe et mensonges La vie sexuelle au Maroc de Leïla Slimani


Sexe et mensonges, c’est la parole, forte et sincère, d’une jeunesse marocaine bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme pourtant comme une marchandise. 
Les femmes que Leïla Slimani a rencontrées lui ont confié sans fard ni tabou leur vie sexuelle, entre soumission et transgression. Car, au Maroc, la loi punit et proscrit toute forme de relations sexuelles hors mariage, tout comme l’homosexualité et la prostitution. 
Dans cette société fondée sur l’hypocrisie, la jeune fille et la femme n’ont qu’une alternative : vierge ou épouse. 
Sexe et mensonges est une confrontation essentielle avec les démons intimes du Maroc et un appel vibrant à la liberté universelle d’être, d’aimer et de désirer. (Les Arènes)

Leïla Slimani, je l'ai découverte, comme bon nombre de personnes, avec "Chanson douce", Prix Goncourt en 2016.
Ce fut une agréable surprise de la découvrir comme féministe par la suite, une féministe doublée d'une auteur qui a des choses à dire et qui ne se prive pas pour le faire.
C'est pourquoi j'ai tout de suite eu envie de découvrir sa nouvelle publication, un recueil de paroles fortes sur une jeunesse Marocaine bâillonnée dans le monde arabe et entravée par le poids des traditions dès qu'il s'agit de relations sexuelles.
Une seule solution pour cette jeunesse : se cacher, et mentir aussi : "Tous ceux qui détiennent l'autorité - gouvernants, parents, professeurs - tiennent le même discours : "Faites ce que vous voulez, mais faites-le en cachette.".".
Car bon nombre de personnes préfère se voiler la face au Maroc (ou dans d'autres pays du monde arabe) et se raconter une belle histoire à laquelle ils aimeraient croire plutôt que d'ouvrir les yeux sur la réalité : "Nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer la réalité sous prétexte qu'elle n'est pas conforme à la religion, à la loi ou tout simplement à l'image que nous voudrions donner de nous-mêmes.".
Avec ce livre, Leïla Slimani donne la parole à des femmes qui livrent des témoignages poignants et bouleversants et leur offre aussi la possibilité de s'émanciper, ou d'avoir les clés pour le faire : "Les femmes doivent retrouver le moyen de peser sur une culture qui est l'otage des religieux et du patriarcat.".

C'est un Maroc loin de la carte postale de vacances que découvre ici le lecteur : "Dans une société comme la nôtre, l'honneur passe avant tout.".
L’événement majeur dans la vie d'une femme, c'est le mariage, le seul acte qui lui permet enfin d'avoir une existence.
Et avant le mariage, une femme doit évidemment rester vierge.
Quel recours pour la jeunesse ?
Au mieux se cacher et ne pas se faire prendre, sinon il y a la sodomie, la reconstruction de l'hymen au moment du mariage, et dans tous les cas le mensonge.
"Exercer sa citoyenneté sexuelle, disposer de son corps comme on l'entend, mener une vie sexuelle qui soit sans risque, source de plaisir et libre de toute coercition sont des besoins fondamentaux et des droits qui devraient être inaliénables et garantis pour tous.", c'est en somme ce que demande la jeunesse Marocaine, car au-delà des relations sexuelles ces témoignages mettent aussi en avant qu'il n'est pas bien vu de se donner ou de recevoir du plaisir, ça aussi c'est un sujet tabou.
Quant à l'avortement ... là aussi le lecteur Occidental réalise à quel point il a de la chance d'avoir un tel droit, car au Maroc l'avortement est très limité et en dehors des cas prévus considéré comme illégal.
J'ai ressenti à travers tous ces témoignages un cri de détresse pour obtenir la liberté, celle de vivre comme on le souhaite avec qui on le souhaite : "Je ne demande pas la lune, juste vivre ce que je veux avec qui je veux !" et surtout que ce contrôle exercé sur les femmes, tout comme les injonctions qu'elles reçoivent depuis leur plus jeune âge, n'a que comme seul but de les asservir, de les oppresser.
Et puis cela permet de distraire les esprits des réelles préoccupations que sont le chômage, la pauvreté, et ainsi éviter une révolte de la population jeune.
"Au Maroc, quand on vous montre votre reflet, vous cassez le miroir.", et il y a de quoi, car le véritable visage du Maroc apparaît au cours de cette lecture et il est loin d'être aussi rutilant que ce que l'on voudrait bien nous faire croire, ou que l'affichent les publicités pour des séjours à prix cassés dans ce pays soit-disant de rêve (d'ailleurs il me semble important que les personnes souhaitant se rendre au Maroc pour leurs vacances lisent auparavant cet ouvrage, cela leur ouvrira un peu mieux les yeux sur là où ils vont réellement).
J'ai également fortement apprécié le chapitre consacré au film "Much Loved" de Nabil Ayouch, film que j'ai énormément apprécié et que je vous recommande fortement de voir, car comme le dit justement l'auteur : "Nous ne supportons pas un film comme Much Loved alors que tout le monde sait que c'est exactement ce à quoi ressemble notre société.".
J'ai été révoltée à la lecture de ces témoignages, mais il me paraissait essentiel de les lire pour mieux comprendre ce qui anime la jeunesse des pays arabes ainsi que de plus en plus de réalisateurs/trices issus de ces pays.
Tout cela paraît d'un autre siècle malheureusement c'est bien à notre époque que les mentalités sont aussi peu évoluées ou tout du moins régressives, et évidemment envers les femmes, un thème qui me tient particulièrement à cœur.
Cette lecture fut une claque nécessaire qui rappelle combien la situation des femmes est loin d'être idyllique partout dans le monde et combien il est important de prôner et de défendre les valeurs du féminisme.

Plus que jamais avec "Sexe et mensonges - La vie sexuelle au Maroc" Leïla Slimani donne une clé essentielle de l'émancipation pour les femmes : le savoir, c'est le pouvoir.
Un livre essentiel à lire, à partager et à faire circuler.