mardi 29 septembre 2015

Top Ten Tuesday #120


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 meilleures trilogies

1) "Les semailles et les moissons" de Henri Troyat
2) "Le seigneur des anneaux" de JRR Tolkien
3) "Millénium" de Stieg Larsson
4) "Les malheurs de Sophie", "Les petites filles modèles" et "Les vacances" de la Comtesse de Ségur
5) "Le livre de Dina" de Herbjøg Wassmo
6) "Le journal de mon père" de Jirô Taniguchi
7) "Ça" de Stephen King
8) "La lignée" de Guillermo del Toro et Chuck Hogan

lundi 28 septembre 2015

XIII Tome 1 Le jour du soleil noir de William Vance et Jean Van Hamme


Un solide gaillard aux allures de baroudeur se retrouve sans nom, sans passé, sans souvenir, dans un lieu inconnu. Son seul début d'indice pour découvrir son identité est un chiffre, XIII, qu'il porte en tatouage. Sa position est d'autant plus inconfortable qu'une bande de tueurs est à ses trousses. De plus, il découvre que de hautes personnalités civiles et militaires s'intéressent à lui. (Dargaud)

Lui, c'est un homme qui est retrouvé échoué sur une plage et qui a complètement perdu la mémoire : "Un bébé adulte, sans souvenirs, sans famille, sans amis, sans passé, sans identité, sans rien ! J'ai beau me torturer à fouiller ma mémoire, je ne vois qe du blanc. Un blanc uniforme, immense, totalement vide !", son seul signe distinctif est le chiffre XIII tatoué.
Tandis qu'il se remet de ses blessures, des personnes en ont après lui et veulent avoir sa peau à tout prix : "Dans tout cet imbroglio, il n'y a qu'une seule chose certaine, mon pauvre vieux : avant de perdre la mémoire, tu n'étais pas un simple petit employé de ministère comme tout le monde !", mais selon un médecin son amnésie pourrait ne jamais disparaître : "Alors, je risque de ne jamais savoir ? Cette blessure par balle, ce tatouage ... qui suis-je, Martha ? Un flic ? Un gangster ? Un agent secret ? Un mercenaire ? Ou un simple touriste dévalisé par des truands ? Qui suis-je, bon sang ?".
En plus d'être poursuivi par des tueurs à gage et de devoir fuir, d'autres personnes cherchent à le capturer : "Je ne suis ni un flic ni un juge. La seule mission que j'ai reçue, à présent, que je t'ai retrouvé, est de te faire parler, XIII. Par n'importe quel moyen !", car apparemment il détiendrait les clés d'une opération de grande envergure baptisée "jour du soleil noir" (opération qui n'est pas sans rappeler l'assassinat du président Kennedy puisque le président des Etats-Unis nommé ici Sheridan a été abattu au cours de celle-ci).

Je connaissais la série XIII de nom, pourtant je ne m'étais jamais lancée dans sa lecture, et ce n'était pas faute de connaître et d'apprécier le travail de ses deux créateurs : William Vance et Jean Van Hamme.
J'ai (enfin !) remédié à cette grossière erreur en découvrant le premier tome de cette série, et je ne regrette absolument pas car ce premier tome déchire.
Tous les ingrédients sont là pour une histoire palpitante : un héros amnésique dont le lecteur ne sait s'il est bon ou mauvais mais auquel il s'attache très rapidement, une bonne dose de mystère, des rebondissements, et des dessins de qualité.
A ce stade je ne saurai dire la réelle nature de XIII, et j'ai envie de dire qu'importe, car je me suis très vite attachée à ce personnage, la dose de mystère l'entourant n'y étant sans doute pas pour rien.
Je ne peux que louer la qualité du scénario de Jean Van Hamme et c'est fort regrettable que le deuxième tome soit actuellement emprunté à ma bibliothèque car je m'y suis précipitée pour découvrir la suite (je vais donc devoir attendre un peu).
Quant aux dessins de William Vance j'adore, y compris la mise en couleurs réalisée par Petra.

"Le jour du soleil noir" ouvre formidablement la série littéraire "XIII", une bande dessinée conçue sous la forme d'un thriller et de laquelle se dégage une réelle ambiance.
Je vais m'empresser de lire la suite et je ne peux que vous inviter à découvrir cette série de grande qualité.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL




Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

dimanche 27 septembre 2015

Le silence des bombes de Jason Hewitt


Juillet 1940. La petite Lydia, 11 ans, traverse un village du Suffolk. Elle porte un masque à gaz. Les magasins sont fermés, les maisons vides, les fenêtres condamnées. Lydia coupe à travers champs et arrive bientôt devant une grande demeure. C'est là qu'elle a grandi. La fillette espère y retrouver sa famille, mais la maison est déserte. Plus tard, dans la nuit, un soldat portant un fusil et un uniforme anglais pénètre dans la maison. Avec un étrange accent, il lui explique qu'il ne lui fera pas de mal, mais qu'elle ne doit pas quitter les lieux et qu'elle doit obéir à certaines règles... Dit-il la vérité ? Que cherche-t-il ? Pourquoi lui semble-t-il aussi familier ? Et surtout, comment connaît-il le nom de Lydia ? (Préludes)

Ce premier roman de Jason Hewitt est un quasi huis-clos, entre la jeune Lydia, 11 ans, qui a fui la maison où elle a été placée en pension pour l'éloigner de la guerre pour revenir chez elle à Greyfriars, et Heiden, un soldat Allemand envoyé en reconnaissance avec un groupe pour préparer l'invasion de la Grande-Bretagne par l'armée du IIIème Reich.
Mais ce soldat n'est pas tout à fait comme les autres, il connaît le prénom de Lydia tout comme les lieux où il se trouve, mais il refuse de répondre à ses questions : "Tu devrais garder tes questions pour toi. Tu n'aimerais pas forcément les réponses.".
Il est parfois violent, parfois presque tendre, et bien souvent il se perd dans ses souvenirs, ce qui permet au lecteur de retracer son parcours, de l'Allemagne des années 30 à son enrôlement dans l'armée du IIIème Reich, de ses passions, de ses amours et des événements qui l'ont forgé et expliquent son attitude d'aujourd'hui vis-à-vis de cette fillette et le but qu'il cherche à atteindre.
Mais rien n'est facile ni évident, et on ne peut pas tirer un trait sur son passé, c'est en tout cas ce que Heiden va apprendre au cours de ces cinq jours : "On croit qu'on peut tout laisser tomber, mais c'est faux. Tout reste, tout s'accroche. Qu'importe ce qu'on fait, où on va.".
Il y a un fort contraste entre ces deux personnages, d'un côté il y a Lydia, jeune, innocente, naïve, croyant aux anges et parlant de Dieu; et de l'autre Heiden, un homme qui a vu la véritable nature du Mal et qui a connu bien des souffrances, il ne croit plus en rien et cherche à secouer Lydia, à faire tomber les oeillères de ses yeux pour qu'elle voit le monde tel qu'il est réellement : "Tu parles d'anges, de Dieu, mais tu n'as aucune idée de ce que tu dis. Ta tête est pleine d'histoires. Tu dois grandir. Tout le monde doit grandir. Même toi. Surtout toi.".
Il y a un aspect méchant dans tout cela, et à la fois tendre, car plutôt que de chercher à la brusquer Heiden tente de lui ouvrir les yeux, mais il s'y prend mal.
C'est en quelque sorte la rencontre de deux maladresses, Lydia ne sachant pas quelle attitude adopter vis-à-vis de cet homme et vice-versa, et de deux souffrances, l'un et l'autre ayant perdu récemment un être proche qu'ils aimaient.
Si j'ai beaucoup aimé ce principe du huis-clos, je regrette néanmoins qu'il finisse par tourner en rond et ne pas trouver de réel aboutissement.
Il fallait que quelque chose d'autre arrive, une sorte d'explosion finale qui mettrait un terme à toute la tension créée.
Mais elle ne vient pas, et c'est quelque peu dommage car les deux personnages étaient vraiment traités de façon intéressante, tout comme le choix du contexte historique.
Il s'agit du premier roman de Jason Hewitt et c'est sans doute ce qui explique cette fin mal aboutie et ces deux personnages qui restent suspendus en l'air plutôt que de redescendre sur terre dans un véritable final.
Le style est agréable, c'est pourquoi outre ces erreurs de débutant j'attends de voir ce que donnera le prochain roman de Jason Hewitt.
Je serai également curieuse de voir ce que ce roman pourrait donner en adaptation, soit théâtrale soit cinématographique, car la plupart des ingrédients sont réunis pour en rendre le traitement visuel intéressant.

"Le silence des bombes" est un premier roman de Jason Hewitt globalement intéressant mais qui souffre de quelques maladresses.
J'en ai profité pour découvrir les éditions Préludes et j'ai été assez séduite par cette maison d'édition qui propose des livres intéressants tout en choisissant intelligemment les couvertures pour les illustrer.

Je remercie Babelio et les éditions Préludes pour l'envoi de ce livre.

samedi 26 septembre 2015

De l'autre côté du miroir de Lewis Caroll


Alice s'endort et rêve qu'elle passe de l'autre côté du miroir. Elle se retrouve alors dans la campagne anglaise, découvre un échiquier et le monde à l'envers.  (Le Livre de Poche)

Après avoir lu "Alice au pays des merveilles", j’ai logiquement enchaîné sur la suite : "De l’autre côté du miroir".
Aïe, autant j’ai aimé le premier autant je me suis ennuyée dans le second et je n’y ai pas retrouvé ce qui m’avait tant plu précédemment.
Par un tour de passe-passe avec un miroir, Alice va justement de l’autre côté et navigue là encore dans un monde où l’absurde est le maître mot.
Et si précédemment les têtes tombaient avec les reines, désormais Alice elle-même va finir couronnée après maintes péripéties : "Jamais je ne me serais attendue à être Reine si tôt.".
Autant Disney avait su garder l’essence du premier roman, autant Tim Burton a pris de très (trop) nombreuses libertés avec celui-ci, ce qui fait que je m’attendais (malheureusement) à lire ce que j’avais pu voir à l’écran.
Or ce ne fut pas le cas et c’est en grande partie la cause de mon ennui au cours de ma lecture, car j’ai trouvé moins de bizarreries et de légèreté dans celui-ci.
L’autre aspect qui m’a gêné c’est que contrairement au premier roman les situations s’enchaînent sans aucune suite logique et je n’ai pas apprécié de sauter systématiquement du coq à l’âne.
Le personnage d’Alice est un peu moins percutant, même si l’auteur continue toujours à se moquer parfois d’elle, notamment à cause de son côté très sérieux.
Je n’ai pas retrouvé la magie du premier, et j’ai envie de dire ni son côté poétique alors que ce roman regorge pourtant de poèmes.
Et c’est fort dommage que j’ai dû attendre la fin (et même la dernière phrase) pour enfin retrouver une belle phrase philosophique qui m’a tant fait aimer le premier tome : "Qu’est notre vie, sinon un rêve ?".
Peut-être est-ce parce que je l’ai lu à la suite, mais j’ai trouvé que ce deuxième tome était nettement plus sombre que le premier, comme s’il marquait la fin de l’enfance d’Alice et son basculement dans l’âge adulte.

"De l’autre côté du miroir" ne me laissera pas un souvenir impérissable et m’a nettement moins transportée qu’ "Alice au pays des merveilles".
Peut-être devrai-je le relire à un autre moment et sous un angle différent pour éventuellement l’apprécier.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge La face cachée des Disney


Lecture numérique

vendredi 25 septembre 2015

Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll


Tandis qu’elle s’ennuie sur la berge d’un fleuve, Alice voit tout à coup passer un lapin blanc, ce qui n’a rien d’exceptionnel, mais, chose plus surprenante, elle le voit également tirer une montre de la poche de son gilet. Intriguée, la voilà qui se lance à sa poursuite. Le lapin disparaît dans un grand terrier : elle décide d’y descendre à son tour. (Le Livre de Poche)

Depuis le temps que je comptais lire "Alice au pays des merveilles", il était temps que je le fasse.
Car pour être tout à fait honnête, hormis le dessin animé de Disney et la version de Tim Burton, je ne connaissais que les grandes lignes de l’histoire de cette petite fille qui décide un beau jour de suivre un lapin blanc pressé dans son trou de terrier : "Dévorée de curiosité, elle traversa le champ en courant à sa poursuite, et eut la chance d’arriver juste à temps pour le voir s’enfoncer comme une flèche dans un large terrier placé sous la haie.".
Fort heureusement, le dessin animé de Disney est assez proche du livre, aussi n’ai-je pas été trop surprise lors de ma lecture.
J’ai trouvé que cette histoire était loufoque à souhait, que certains passages étaient assez drôles et que les situations s’enchaînaient logiquement.
Il n’y a pas de logique à cherche là-dedans, à moins de vouloir devenir fou comme le chapelier et de perdre ses derniers neurones en cherchant à comprendre par exemple une telle phrase : "S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose.".
La plume de Lewis Caroll permet au lecteur de naviguer sans problème dans ce monde complètement absurde, où les reines n’ont qu’une obsession : trancher les têtes des sujets qui ne les satisfont point.
J’ai pris un certain plaisir à lire ce roman, et je ne regrette finalement pas d’avoir tant attendu pour le lire car je ne suis pas sûre que plus jeune j’aurai pu en saisir toutes les subtilités.

"Alice au pays des merveilles" est un très bon roman loufoque qui ne se démode pas et qui ravira petits et grands.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL


Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge La face cachée des Disney


Lecture numérique

jeudi 24 septembre 2015

Mille femmes blanches - Les carnets de May Dodd de Jim Fergus


En 1874, un chef cheyenne demande au Président Grant de lui donner mille femmes blanches pour les marier à ses guerriers afin de faciliter l'intégration et le mélange de leurs deux peuples. Partant de ce fait historique, Jim Fergus retrace l’odyssée, sur les terres sauvages de l’Ouest, de ces femmes recrutées pour la plupart dans des prisons ou des asiles psychiatriques. (Pocket)

Jamais je n’aurai lu tant de livres sur les Indiens d’Amérique que cette année, et il manquait au palmarès ce roman de Jim Fergus, "Mille femmes blanches", une fiction mettant en scène des jeunes femmes blanches qui obéissant à un programme du gouvernement Américain partent épouser et vivre avec des Cheyennes de la tribu du grand chef Little Wolf.
Soyons clair, c’est de la fiction et un tel arrangement n’a jamais existé, d’ailleurs l’auteur s’est permis quelques libertés quant à la réalité de la vie de Little Wolf et de certains évènements dont il est question en modifiant les dates.

Jim Fergus a bâti son roman sur des carnets fictifs écrits par une certaine May Dodd, une ancêtre du narrateur, qui aurait fait partie de ces femmes parties vivre chez les Cheyennes.
May Dodd était issue d’un milieu aisé, mais parce qu’elle s’est mise en ménage avec un homme dont elle a eu deux enfants et que cela ne se faisait pas à l’époque, ses parents l’ont fait interner.
Son seul salut pour quitter l’asile vient de la proposition du gouvernement, elle choisit alors de retrouver sa liberté, même si pour cela elle doit épouser un Cheyenne et lui faire des enfants.
Autant quitter une prison pour en retrouver une autre, mais en plein air cette fois-ci : "Je n’ai de toute façon aucun pouvoir sur hier ni sur demain. La même leçon vaut certainement pour ma vie ici chez les barbares, mon sentiment étant que j’ai en quelque sorte mis les pieds dans une autre forme d’asile, celui-ci étant le saint des saints de la folie.".
Elle n’aura pas à regretter son choix, car elle épousera Little Wolf, le grand chef, et entre-temps elle aura le temps de tomber amoureuse d’un autre homme, un gradé militaire responsable d’acheminer les femmes blanches aux Indiens.
A travers le regard de May Dodd, l’auteur dépeint non seulement le mode de vie des Indiens mais il fait s’interroger toutes ces femmes blanches sur leurs congénères et les actions qu’ils entreprennent vis-à-vis des Indiens, notamment celle de les parquer dans des réserves pour s’approprier leurs terres et les richesses qu’elles recèlent : "Pourquoi nous rendrions-nous à l’Agence, quand nous disposons de tout ce dont nous avons besoin, et que nous sommes un peuple libre sur une terre libre ?".
Car toutes ces femmes finissent par adopter les coutumes et le mode de vie des Cheyennes, et ça leur plaît car sans doute que pour la première fois de leur vie elles sont réellement libres, à la fois de mouvement et d’opinion.
Et elles s’interrogent : "Je ne peux m’empêcher de me demander ce que nous pouvons bien faire à ces gens pour que leurs vies et leurs moyens d’existence s’abîment à notre contact, qu’ils se "dégradent" à cause de nous, comme disait le capitaine Bourke.", elles se rendent bien compte qu’au contact des Blancs les Indiens perdent une partie de leur essence, ils se transforment et oublient leurs coutumes, à l’image de ces Indiens alcooliques qui errent près des casernes de soldats, ils ne sont plus Indiens mais pas non plus Blancs, ils n’appartiennent plus à aucun peuple.
Je ne sais trop quoi penser de ce livre, je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé, mais je ne peux pas non plus dire que c’est un coup de cœur.
Est-ce parce que l’auteur a pris des libertés historiques que j’ai du mal à adhérer complètement à l’histoire ?
Sans doute, car il faut reconnaître que c’est écrit de telle façon que le lecteur y croit, mais comme je savais que ce n’était pas vrai la sauce n’a pas complètement prise.
Ou alors le personnage de May ne m’a-t-il pas assez touchée ?
Certes, son histoire est plutôt triste, mais ce n’est pas non plus le genre de personnage féminin pour lequel je peux ressentir de l’empathie.
Je dois bien dire que ses états d’âme m’ont assez vite lassée.
Et je ne sais trop quoi penser non plus de la vision très simpliste présentée par l’auteur : les Blancs sont les gentils et les Indiens les méchants.
Est-ce volontaire ou non ?
L’originalité de ce récit est qu’il se fait à travers un regard féminin, chose rare dans la littérature traitant des Indiens d’Amérique ; et impossible de ne pas reprocher à l’auteur son implication et la justesse des questions soulevées.

"Mille femmes blanches" de Jim Fergus mérite d’être lu mais ce n’est pourtant pas ce roman que je citerai en premier pour un aperçu littéraire de l’extermination des Indiens d’Amérique ni que je retiendrai cette année dans mes lectures sur ce thème.


Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

mercredi 23 septembre 2015

La dernière réunion des filles de la station-service de Fannie Flagg


Point Clear, Alabama. Après avoir marié la dernière de ses filles, Sookie Poole aspire à un repos bien mérité. Elle aimerait se consacrer enfin à elle, à son couple, faire avec Earle, son mari, les voyages dont elle rêve. Mais elle doit encore compter avec sa mère, l'incroyable Lenore Simmons Krackenberry qui, à 88 ans, épuise les infirmières à domicile les unes après les autres. Si certains de ses coups d'éclat récents peuvent laisser penser qu'elle souffre de démence sénile, le diagnostic n'est pas aisé à établir car, toute sa vie, son comportement a été des plus excentriques.
Le jour où un mystérieux interlocuteur révèle à Sookie un secret de famille parfaitement inattendu, son existence vole en éclats, à commencer par ses rapports avec sa mère. Afin de comprendre qui elle est vraiment, Sookie va alors se mettre sur la piste d'une femme exceptionnelle, Fritzi, qui, en 1940, tenait avec ses trois sœurs une station-service dans le Wisconsin. Le destin incroyable de Fritzi donnera-t-il à Sookie une nouvelle inspiration pour sa propre vie ? (Cherche-Midi)

Sookie Poole est le parfait exemple de la femme américaine au foyer : elle a un gentil mari qui a une bonne situation, des enfants charmants – elle vient d’ailleurs de marier la dernière de ses filles, elle a une belle maison, un magnifique jardin ; bref, tout pour avoir une vie heureuse et enfin prendre un moment pour elle, pour respirer et se reposer.
Mais voilà, Sookie a aussi deux problèmes : une mère en incroyable forme qui est une véritable tornade, et un cruel manque de confiance en elle : "Tout le monde aimait Sookie, sauf elle-même.".
Et puis bientôt, elle a un troisième problème : un mystérieux interlocuteur lui révèle un secret de famille qui va tout simplement bouleverser Sookie et sa petite vie bien rangée, et la met sur la piste d’une femme au destin exceptionnel : Fritzi.

En débutant le récit avec Sookie et son quotidien, Fannie Flagg plante tout d’abord le décor et finit par emmener le lecteur dans le passé en lui faisant vivre le destin incroyable de Fritzi et de sa famille, jusqu’à le conduire à une probable rencontre entre ces deux personnages, mais avec bien entendu les craintes et les incertitudes de Sookie : "Ça mènerait à quoi, si je la rencontrais ? C’est peut-être une vieille femme acariâtre, qui ne me plaira pas.".
J’ai beaucoup aimé le personnage de Sookie, ainsi que celui de Fritzi, mais j’ai une tendresse toute particulière pour la première car c’est une femme peu sûre d’elle, qui doute uniquement d’elle-même et qui est son pire problème, et qui va pourtant se révéler à cinquante ans.
J’ai aimé parce que c’est un personnage tout à fait banal qui va être transfiguré par une aventure quelque peu exceptionnelle, et un secret de famille qui aurait pu la détruire va au contraire l’aider à s’émanciper du joug un peu trop fort de sa mère et enfin l’aider à s’accepter et à s’aimer tel qu’elle est.
Et c’est tout à fait plausible dans la vie de tous les jours, et cela peut arriver à n’importe qui.
C’est sans doute ce qui m’a le plus touchée à travers ce personnage, son côté très banal et familier.
Sookie pourrait être n’importe quelle femme ou mère de famille rencontrée dans la rue.
Malgré ses doutes elle conserve une bonne dose d’humour et d’autodérision, tout en craignant de finir comme d’autres membres de sa famille, en asile psychiatrique, car comme le dit sa mère : "On est comme ça, chez les Simmons, un peu fêlés.".
Le personnage de Fritzi m’a lui plus intéressée d’un point de vue historique, déjà car c’est une femme forte qui va faire un choix de vie contraire aux habitudes de son époque, et aussi car elle va révolutionner la place des femmes dans le noyau familial.
Elle va être une féministe avant l’heure, apprendre à piloter un avion et vivre de son art, et s’émanciper quelque peu des hommes.
Après avoir géré la station-service familiale avec ses sœurs elle va intégrer le WASP (Women Airforce Service Pilots) durant la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que d’autres de ses sœurs, et œuvrer ainsi à l’effort de son pays.
J’étais très intriguée de découvrir cette organisation para-militaire qui a réellement existé et qui est aujourd’hui quasiment passée sous silence.
En somme, Sookie et Fritzi n’ont pas vraiment de points communs, et pourtant … .
Depuis que j’ai lu le formidable et émouvant "Beignets de tomates vertes" j’attendais avec impatience un nouveau roman de Fannie Flagg, et bien je n’ai pas été déçue.
J’ai retrouvé avec grand plaisir la plume de cette auteur qui a une nouvelle fois réussi à créer une histoire mélangeant passé et présent avec beaucoup d’émotion et de rebondissements.
C’est tout à fait le genre de livre que j’apprécie pour me détendre car c’est bien écrit, il y a beaucoup de sentiments et c’est surtout tout à fait crédible et complètement réalisable dans la vie de tous les jours.
Arrivée à un certain stade, j’avais du mal à le lâcher tant je voulais connaître la fin, et même à ce moment-là l’auteur a réussi à me surprendre avec certaines révélations auxquelles je ne m’attendais pas.
Le seul petit reproche que je ferai à ce roman c’est que l’histoire s’accélère un peu trop à la fin, alors que l’intrigue avait bien pris son temps pour être posée j’ai regretté ce petit coup d’accélérateur et d’avancée dans le temps, car je n’aurai pas été contre quelques dizaines de pages en plus, bien au contraire.

"La dernière réunion des filles de la station-service" de Fannie Flagg est dans la droite lignée de "Beignets de tomates vertes".
C’est un roman tout à fait succulent qui se dévore avec bonheur et procure une bonne dose d’émotion, je ne peux que le recommander chaudement.


Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines

mardi 22 septembre 2015

Top Ten Tuesday #119


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 livres de ma PAL pour cet automne 2015

1) "La dernière fugitive" de Tracy Chevalier
2) "Les ignorants" d'Etienne Davodeau
3) "Trente-six chandelles" de Marie-Sabine Roger
4) "La poupée - Nouvelles" de Daphné du Maurier
5) "Le roman de la momie" de Théophile Gautier
6) "La Bible selon le chat" de Philippe Gelluck
7) "Le prédicateur" de Camilla Läckberg
8) "Le sillage de l'oubli" de Bruce Machart
9) "La route" de Cormac McCarthy
10) "Le fait du prince" d'Amélie Nothomb

lundi 21 septembre 2015

Demain j'arrête ! de Gilles Legardinier


Et vous, quel est le truc le plus idiot que vous ayez fait de votre vie ?
Au début, c’est à cause de son nom rigolo que Julie s’est intéressée à son nouveau voisin. Mais très vite, il y a eu tout le reste : son charme, son regard, et tout ce qu’il semble cacher…
Parce qu’elle veut tout savoir de Ric, Julie va prendre des risques de plus en plus délirants…  (Pocket)

Je n’avais jamais lu de Gilles Legardinier, c’est désormais chose faite.
Le scénario est simple, Julie se trouve à une soirée organisée par un ami, un illustre inconnu lui pose la question suivante : "Dis-moi, Julie, c’est quoi le truc le plus idiot que tu aies fait dans ta vie ?", et voilà qu’elle se remémore son histoire des derniers mois et l’étrange relation qu’elle entretient avec son voisin beau comme un dieu et au nom prêtant à sourire.
Julie fait un gros travail d’introspection en racontant au lecteur sa vie de ces derniers mois : travail, famille, amours, amitié, tout y passe et plus particulièrement son fameux voisin pour qui elle a forcé le destin pour le connaître.
Et quand je dis gros travail d’introspection, c’est que la demoiselle est bien décidée à reprendre sa vie en main, réparer ses boulettes et éliminer tout ce qui complique sa vie : "Point par point j’ai passé en revue ma petite existence et j’ai décidé d’éradiquer tout ce qui me la compliquait.".

J’ai lu ce livre pour me détendre, il a parfaitement tenu son rôle.
Je le classifierai comme "feel good" car il montre la vie sous son bon côté, prône le bonheur, l’amour, les petits oiseaux, les arcs-en-ciel et les licornes.
Et si j’avais bel et bien envie de lire ce genre de littérature, et même si je reconnais que c’est bien écrit en ce sens, je vais devoir apporter un mais à tout cela.
Mais c’est trop, c’est un peu "too much" à mon goût, et c’est un peu cela qui me gêne dans ce genre de littérature.
Oui je le reconnais, Julie m’a fait sourire, plusieurs fois (mais pas rire aux éclats), il n’y a jamais de drame et cela fait plutôt du bien de lire quelque chose où les soucis finissent toujours par se résoudre et ne sont jamais très importants.
Mais personnellement, je n’ai jamais eu un voisin mystérieux beau comme un dieu avec qui je finis totale "in love", mes voisins ont plutôt été pas très beaux avec pour certains des tendances violentes voire agressives.
Le genre que tu as plutôt tendance à fuir qu’à chercher à nouer connaissance.
Et donc ça me gêne toujours de lire du bisounours alors que je sais pertinemment que dans la vie de tous les jours ça n’est pas possible (la vie, ça n’est pas une tartine de nutella).
Non, je ne croise jamais de licornes sous des arcs-en-ciel (mais si vous oui, tant mieux, vous avez de la chance. Car j’aimerai bien croiser des licornes de temps en temps).
Même dans les contes de fée c’est plus tragique.
Bref, je reconnais que Gilles Legardinier maîtrise bien son style, il a un certain humour et maîtrise bien le livre zéro prise de tête (et peut-être même que je lirai d’autres livres de cet auteur), mais pour ma part il me faut un semblant de réalisme.
Et encore, il n’y a pas ici le côté cucul que peut avoir la chick lit, sinon c’est rédhibitoire pour moi.

"Demain j’arrête !" est un roman qui ne prend pas la tête et qui se lit facilement en vacances.

Une fois de temps en temps cela ne fait pas de mal de se vider la tête, maintenant ce n’est pas non plus ma came littéraire.

dimanche 20 septembre 2015

22/11/63 de Stephen King


22 novembre 1963 : 3 coups de feu à Dallas. Le président Kennedy s’écroule et le monde bascule. Et vous, que feriez-vous si vous pouviez changer le cours de l’Histoire ? 2011. Jake Epping, jeune professeur au lycée de Lisbon Falls dans le Maine, se voit investi d’une étrange mission par son ami Al, patron du diner local, atteint d’un cancer. Une « fissure dans le temps » au fond de son restaurant permet de se transporter en 1958 et Al cherche depuis à trouver un moyen d’empêcher l’assassinat de Kennedy. Sur le point de mourir, il demande à Jake de reprendre le flambeau. Et Jake va se trouver plongé dans les années 60, celles d’Elvis, de JFK, des grosses cylindrées, d’un solitaire un peu dérangé nommé Lee Harvey Oswald, et d’une jolie bibliothécaire qui va devenir l’amour de sa vie. Il va aussi découvrir qu’altérer l’Histoire peut avoir de lourdes conséquences. (Albin Michel)

Si vous aviez la possibilité d’aller dans le passé et d’empêcher un ou plusieurs événements tragiques de survenir, que feriez-vous ?
C’est la possibilité qui est offerte à Jake par son vieil ami Al en train de mourir du cancer : "Si tu as un jour désiré changer le monde, copain, c’est ta chance. De sauver Kennedy. Son frère. Martin Luther King. D’empêcher les émeutes raciales. Empêcher le Vietnam, peut-être.".
Car il se trouve que la faille spatio-temporelle, ou bulle, fait arriver en 1958, soit cinq ans avant l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy.
Et cela tient beaucoup à cœur à Al de sauver le président Kennedy, car pour lui cela changerait la face de l’Histoire : "Tu peux changer le cours de l’Histoire, Jake. Comprends-tu ? John Kennedy peut vivre.".
Pendant des années, Al a utilisé cette bulle temporelle sans se soucier de savoir si cela avait des conséquences, et à de nombreuses questions de Jake il ne peut répondre mais qu’importe : "Les explications, de la poésie trop bon marché.", et seul compte le fait de changer l’Histoire.
Et Jake va se laisser tenter, il va pénétrer dans le monde de 1958, tout faire pour enquêter et empêcher le meurtre de John Kennedy à Dallas, mais il va aussi y découvrir et y vivre bien des choses auxquelles il ne s’attendait pas.

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu de Stephen King, il faut dire que ma dernière expérience remonte à mes 11/12 ans et que j’avais lu "Ça".
Pas forcément une très bonne idée, trop d’horreurs et de cauchemars m’ont détournée pendant plusieurs années de cet auteur.
Et puis j’ai eu envie d’en relire, de découvrir autre chose que les livres d’horreur qu’il a pu écrire, alors pourquoi pas "22/11/63".
Grand bien m’en a pris car cette lecture m’a réconciliée avec Stephen King et j’ai désormais envie de lire d’autres œuvres de lui de façon régulière.
Certes, j’ai été un peu surprise lorsqu’au début le personnage de Jake croise à Derry les jeunes Beverly et Richie qui lui racontent comment quelques mois plus tôt la ville de Derry a été le siège de crimes atroces perpétrés par un clown.
Si Stephen King commence par parler de son roman qui m’a à ce jour le plus marquée, voire traumatisée, je n’allais pas redevenir copine avec lui.
C’est en tout cas un joli petit clin d’œil qu’il se fait à lui-même, et ce n’est pas le seul dans ce roman puisqu’il y est question plusieurs fois d’une Plymouth Fury rouge et blanche, voiture croisée dans "Christine", et également de deux autres romans que je n’ai pas lus : "La tour sombre" et "Le fléau".
Mais la suite se révélait passionnante, car Stephen King a réussi à faire plus de huit cents pages pour une histoire qui aurait pu se résoudre en quelques trois cents pages.
Propulser Jake dans le passé avec une mission à accomplir n'était pas suffisant, il fallait aussi qu'il rencontre des imprévus, comme une certaine jeune femme du nom de Sadie dont il va éperdument tomber amoureux.
Et c'est presque ça que j'ai adoré dans ce roman, les imprévus de Jake, le fait qu'il se met à adorer la vie dans les années 60, qu'il s'y sente chez lui et qu'il ne veuille plus forcément en repartir.
Il fallait meubler autour de l'assassinat de JFK, Stephen King le fait d'une main de maître et prend le lecteur à ce jeu.
La vie dans les années 60 est très réaliste, peuplée de petits détails, c'est très précis et cela renforce le plaisir que l'on a à lire ce livre.
Le thème du voyage dans le temps est également bien traité et l'effet papillon a ici une importance capitale.
La version de Stephen King du voyage dans le temps est d'ailleurs complètement crédible, ce qui lui permet de s'attacher le lecteur qui ne peut arrêter sa lecture une fois commencée.
Je ne reprocherai que deux petites choses à ce roman : une traduction quelque peu maladroite parfois (même en sachant que la spécialité de Stephen King n'est pas de belles tournures de phrases) et une partie trop courte consacrée au futur que Jake a créé.
Le livre faisant déjà un plus de neuf cents pages cela ne m'aurait pas gêné que cette partie soit développée un peu plus et non rapidement expédiée comme elle l'est, cette partie m'a un peu laissée sur ma faim.
J'avoue par contre que la fin est bien trouvée et très touchante, il se dégage d'ailleurs beaucoup d'émotion de ce roman.

"22/11/63" est un excellent roman que je ne saurai que trop conseiller de lire, il ne faut surtout pas être rebuté par le nombre de pages car ce livre se lit facilement et somme toute rapidement par rapport à son volume.
Et si la musique avait son "king" avec Elvis Presley, la littérature américaine a certainement le sien en la personne de Stephen King !

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

vendredi 18 septembre 2015

Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin


La conquête du Brésil par les Français est un des épisodes les plus extraordinaires et les plus méconnus de la Renaissance.
Rouge Brésil raconte l'histoire de deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans cette expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre : la baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. Les personnages - et d'abord le chevalier de Villegagnon, chef de cette expédition, nostalgique des croisades, pétri de culture antique, précurseur de Cyrano ou de d'Artagnan. Les événements : le huis clos dramatique de cette France des Tropiques est une répétition générale, avec dix ans d'avance, des guerres de religion. (Gallimard)

Que les Français aient lancé une expédition pour conquérir le Brésil en pleine période de la Renaissance je n’en savais rien avant de lire ce roman.
"Rouge Brésil", c’est l’histoire de deux enfants : Just et Colombe, arrachés à la terre de France pour aller servir d’interprètes dans la baie sauvage de Rio que les Français sont bien décidés à conquérir face aux Portugais ; c’est aussi l’histoire du chevalier de Villegagnon, le chef de l’expédition, un homme pétri de certitudes et muni d’œillères qui ne jure que par la création de la France Antarctique à n’importe quel prix ; mais c’est aussi et surtout l’histoire des Indiens aujourd’hui disparus qui habitaient cette baie, de leurs us et coutumes, de leur sens du sacré et de leur vie en harmonie avec la nature.
C’est à travers les choix des différents personnages que Jean-Christophe Rufin fait revivre cette époque et ce pays.
Pour le chevalier de Villegagnon point de salut, il restera du début à la fin campé sur ses positions et ne cherchera même pas à comprendre le mode de vie des indigènes, tout obnubilé qu’il est de la mission qui lui a été confiée et de son caractère sacré : "Leur honneur est désormais celui du roi de France. Il ne peut pas leur en faire un plus grand que de les commettre à construire le premier monument de son nouveau royaume.".
Si Just se perd pendant un temps en épousant les idéaux de Villegagnon, il va finir par réaliser qu’il s’est fourvoyé dans ses choix et qu’il est incapable d’assumer le chemin choisi : "Il aimait trop la lumière, l’honneur, la beauté du combat pour pratiquer lui-même l’art obscur du guet-apens." ; tandis que Colombe sera dès les premiers instants séduite par ce pays, ses habitants et leurs coutumes.
La vie parmi les Indiens est une véritable révélation pour la jeune femme qui va découvrir son corps dans le double sens du terme, à la fois par la puberté mais surtout grâce au mode de vie des Indiens : "Tout à coup, elle prenait conscience du mystère de ses propres mouvements, de l’affleurement, à la surface du corps, de forces communes à l’univers des minéraux et des bêtes. Et elle sentait dérisoire l’obstination que mettent les hommes de par deçà à n’exprimer l’intelligence que par les minuscules mouvements de leurs visages, quand ceux, amples et superbes, de leurs corps les reflètent si parfaitement.".
C’est d’ailleurs grâce à Colombe et à cette nature qu’elle aime tant que Just va finir par réaliser son erreur : "Aimer la forêt, c’était porter sur les efforts de la colonie le regard le plus impitoyable, formuler le jugement négatif le plus radical.", pour mieux épouser la façon de voir les choses de Colombe.
Il y a beaucoup de poésie dans le style de Jean-Christophe Rufin, et si j’ai pu trouver certains passages un peu trop longs et descriptifs, j’ai été littéralement emportée par ceux décrivant la vie des Indiens en harmonie parfaite avec la nature, en somme, le bonheur que tout le monde cherche désespérément à atteindre.
Je me demande aussi pourquoi je repoussais cette lecture depuis si longtemps : l’inconnu, le fait de ne pas savoir de quoi traitait ce livre.
Et puis j’ai vu l’adaptation en téléfilm, j’ai beaucoup aimé, et c’est à ce moment-là que j’ai compris que j’allais aussi aimer cette lecture.
Pourtant, j’ai encore attendu, parce que les images étaient trop fraîches dans ma tête, parce que je craignais trop d’écart entre le roman et le scénario.
Au final, il y a certes des écarts entre les deux mais chacun reste intelligent et cohérent dans sa globalité, et c’est bien là le principal.
J’ai autant aimé le Just et la Colombe du récit que du téléfilm, c’est d’ailleurs le personnage féminin de Colombe qui me plaît le plus, pour la candeur de sa jeunesse qui lui permet de s’ouvrir à une culture différente de la sienne et de l’assimiler pour la faire sienne.
J’aime sa liberté d’esprit et de corps, elle a tout compris bien avant les autres à la notion de bonheur et de liberté.
J’aurais également du mal à ne pas aimer un roman qui parle parfois d’Italie, de cette si belle Toscane que j’aime tant et de ces formidables villes de Florence et de Sienne dans lesquelles je déambulais il n’y a encore pas si longtemps.
Et puis c’était agréable de voir les personnages et les paysages au cours de ma lecture, cela a contribué à la rendre encore plus vivante.
Alors oui, finalement j’ai bien fait d’attendre pour découvrir ce roman, cela m’a permis d’en profiter pleinement et de l’apprécier à sa juste valeur.

Je ne saurais que trop conseiller la lecture de cet excellent "Rouge Brésil" qui met en lumière un épisode mal connu de l’histoire de France à travers des personnages touchants et lumineux en quête d’un bonheur à construire dans un ailleurs inconnu.
Parce que lire c’est aussi voyager à travers les pays et les époques.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL




Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

mercredi 16 septembre 2015

L'homme au complet marron de Hughot et Mohammed El Baïri


Une danseuse russe est retrouvée morte dans la villa d'un Lord, tandis qu'un homme " au complet marron " est tué dans le métro... Rien ne relie ces deux crimes étranges. Pourtant, avide de sensations fortes, une jeune aventurière, Anne Beddingfeld, a sa petite idée... Voilà qu'elle embarque pour une traversée à haut risque. Destination : l'Afrique du Sud, sur la piste des meurtres et d'un trafic de diamants.  (Emmanuel Proust)

"L’homme au complet marron" fait partie des romans d’Agatha Christie qui n’appartiennent pas à une série, aussi il est inutile d’attendre d’y voir apparaître Hercule Poirot ou Miss Marple.
Là aussi, je n’ai pas lu le roman original et sans doute aurai-je dû le faire avant de me lancer dans cette adaptation car j’avoue ne pas avoir compris grand-chose à cette intrigue pourtant riche en rebondissements.
Le scénario de Hughot a été difficilement compréhensible, arrivée à la fin de la bande dessinée je n’avais toujours pas assimilé certains personnages, ce qui est quelque peu gênant.
Certes il y a la pétillante Anne Beddingfeld qui se lance à corps perdu dans le mystère : "La voilà, la solution ! Adieu employeurs exploiteurs et abusifs ! Je vais devenir Aventurière-Détective.", mais hormis cette figure féminine centrale j’ai eu bien du mal avec les personnages masculins.
J'avoue ne pas non plus avoir bien saisi les relations des différents personnages entre eux, ainsi j'ai bien vu un fils, revenant apparemment d'une affaire ayant mal tournée renié par son père : "On ne ternit pas le nom de Eadersley ! Disparais, je n'ai plus de fils !", puis je l'ai recroisé par la suite et il avait même un rôle important dans l'histoire, mais j'ai eu la sensation d'avoir sauté des pages et de ne pas avoir compris ce qui lui était arrivé en début de roman (remarquez, mes neurones étaient peut-être en vacance au moment de ma lecture).
Renseignements pris, le roman est rédigé à la première personne du singulier en alternant deux points de vue, ceci pourrait expliquer que la transcription du scénario à la bande dessinée n’ait pas été évidente.
Et puis les dessins de Mohammed El Baïri ne m’ont pas convaincue, je n’ai apprécié que très moyennement son style et cela ne m’a pas aidé dans ma lecture.

Je suis passée à côté de cette adaptation en bande dessinée de "L’homme au complet marron" et sans doute faudra-t-il que je lise le roman original pour mieux apprécier cette histoire et les personnages.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL




Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

mardi 15 septembre 2015

Meurtre en Mésopotamie de François Rivière et Chandre


Imaginé par Agatha Christie, le quotidien d'un champ de fouilles, en Irak, réserve bien des surprises... Pourquoi un archéologue de renom demande-t-il à une infirmière de surveiller sa femme : la belle et fantasque Mrs Leidner, qui vient de recevoir des menaces de mort ? Au bord du Tigre, dans un décor de rêve, le crime se prépare tandis que Hercule Poirot, le célèbre détective, entre en scène pour une enquête exotique... (Emmanuel Proust)

Un champ de fouilles en Irak, la femme d’un archéologue de renom nécessitant les soins d’une infirmière pour cause de dérangement mental :"Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une malade ... Disons plutôt une personne sujette à des obsessions. C'est la femme d'un américain, le directeur d'un important chantier de fouilles !", des menaces de mort et finalement la mort de l’épouse, tous les ingrédients sont là pour que Hercule Poirot entre en scène pour résoudre un nouveau casse-tête.

Je n’ai pas lu le roman aussi ai-je découvert l’histoire à travers cette bande dessinée.
L’intrigue est comme d’ordinaire complexe, il s’agit d’un meurtre en vase clos puisque le ou la coupable ne peut venir que du champ de fouilles, et là aussi comme d’ordinaire la fin révèle quelques surprises, heureusement que Hercule Poirot est là pour apporter la solution de l’énigme et mettre à jour le ou la coupable.
L’atmosphère d’Agatha Christie est bien retranscrite dans les dessins de Chandre, les personnages sont bien représentés, à commencer par Hercule Poirot, les paysages sont jolis et se prêtent tout à fait à l’intrigue.
Le scénario de François Rivière est bien construit et je m’avance peut-être mais je le crois fidèle au roman dont il est tiré.
Il a su transcrire à l’image et au format de la bande dessinée les différents personnages rencontrés ainsi que leur caractère.
Madame Leidner est donc mystérieuse à souhait, elle s’attire à la fois les foudres ou l’admiration des personnes qui l’entourent, en somme elle est insaisissable et de ces femmes qui suscitent forcément une opinion sur elle : "C'était une femme étonnante, ensorcelante ! Elle possédait un charme fatal ... et c'est elle qui est morte !".
L’infirmière Miss Leatheran est elle aussi intéressante car elle apporte un autre regard à l’histoire, l’ayant vécu de l’intérieur mais cherchant aussi à démasquer le ou la coupable.
En somme, c’est très exotique avec beaucoup de tension et de rebondissement, un bon polar sous forme de bande dessinée.

"Meurtre en Mésopotamie" de François Rivière et Chandre est une adaptation réussie en bande dessinée d’Agatha Christie et m’a donné envie de découvrir le roman original dont elle est tirée.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL




Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

Top Ten Tuesday #118


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 romans peu médiatisés qui méritent d'être connus

Présentement, j'ai du mal à trouver des romans.

1) "Aucun de nous ne reviendra" de Charlotte Delbo, un témoignage sur la Shoah moins connu que d'autres;
2) "Notre Dame du Nil" de Scholastique Mukasonga;
3) "Le livre de Dina" de Herbjørg Wassmo.

lundi 14 septembre 2015

Une affaire de charme d'Edith Wharton


Ce recueil de sept nouvelles peint l'univers mondain et cosmopolite des maris trompés, des nantis et des belles intrigantes et décrit une société bourgeoise tissée de simulacres, une écriture féroce et tendre qui plonge au cœur des tourments humains. (J’ai Lu)

Edith Wharton excellait dans l’art de la nouvelle.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire ce recueil en contenant sept, présentant à chaque fois des portraits de femmes tous plus saisissants les uns que les autres, et surtout tous plus mordants et cruels.
Toutes ces nouvelles se passent dans la société bourgeoise tissée de simulacres et de règles de bonne conduite qu’il faut obligatoirement respecter sous peine d’être rejeté au ban de la société, un univers que connaissait et maîtrisait parfaitement bien Edith Wharton et qu’elle retranscrivait à merveille dans ses écrits.
Il n’y a qu’à voir le personnage de l’épouse d’un professeur dans la nouvelle intitulée "Le prétexte" qui entrevoit l’amour avec un jeune Anglais de passage, allant ainsi contre toutes les règles de bienséance qu’on lui a inculquées depuis l’enfance : "Dès l’enfance on lui avait appris à se « ressaisir » - mais il ne lui était jamais encore arrivé de sentir ses petites émotions et ses petites aspirations aussi largement dispersées, ni perdues de la sorte dans une étendue vague et inexplorée.".
Comme d’ordinaire, la plume d’Edith Wharton est acérée, féroce, et fouille jusqu’au plus profond les sentiments humains et décrit avec brio et précision les émotions qui agitent les personnes, particulièrement les femmes, et toujours sans concession : "Bien des personnes sont comme des statues mal conçues, qui débordent de leur niche ou bien y paraissent perdues.".
Si parfois les choses s’arrangent pour les personnages : "C’était étrange, vraiment, comme les choses s’arrangeaient d’une façon inattendue.", bien souvent cela ne se fait pas sans drame.
Il y a quelques touches d’humour dans ce recueil, notamment avec la nouvelle "La permanente", c’est presque la première fois que je saisis cette forme d’humour ironique chez Edith Wharton, et cela est toujours aussi mordant.
L’ironie est aussi présente dans la nouvelle "La plénitude de la vie", avec une femme qui laisse penser qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut et qui finalement fait le choix que l’on attendait d’elle et n’ose sortir des sentiers battus.
Mais la nouvelle qui m’a le plus émue est "Le tableau mouvant",  car étrangement la femme dont il est question l’est sous forme de tableau et non de personnage interagissant avec d’autres, mais le comportement des hommes au cœur de cette nouvelle se cesse de graviter autour d’elle, comme quoi la femme et les relations qu’elle entretient avec les hommes demeurent inexorablement au cœur des écrits d’Edith Wharton.

"Une affaire de charme" est un recueil de nouvelles d’Edith Wharton se lisant rapidement et avec plaisir, une bonne façon de découvrir cette auteur et son talent pour le genre littéraire qu’est la nouvelle.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL



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dimanche 13 septembre 2015

Les carnets d'Esther de Florence Roche


Esther Lescure est une jeune femme à qui tout sourit. Elle dirige sa propre entreprise de stylisme et nage dans une certaine insouciance... jusqu'au jour où Bertrand, son père adoré, à qui elle doit tout, est assassiné. Le meurtrier présumé est un certain Elzear, ancien ami de son père ! D'origine juive, celui-ci avait pourtant offert son entreprise à Bertrand juste avant d'être déporté. Sur les traces de cet homme mystérieux envers lequel Esther nourrit une haine sans bornes, son enquête la plonge dans les plus obscures années de la Seconde Guerre. Mais à travers les lignes du journal intime d'Elzear, les choses se révéleront bien plus complexes. (De Boree Editions)

C’est toujours avec une petite appréhension que j’ouvre un roman traitant de la Seconde Guerre Mondiale et notamment de la déportation.
Il faut dire que je venais d’achever le poignant "Et tu n’es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivens, et qu’enchaîner sur une œuvre de fiction n’était sans doute pas la meilleure idée.
Pourtant, le résumé de ce roman m’avait plu et je dois lui reconnaître une qualité : il entraîne très vite le lecteur dans la quête de son héroïne, Esther, pour découvrir la vérité sur son père Bertrand qui vient de mourir, une enquête qui va la conduire bien au-delà qu’elle imaginait et qui surtout trouve son commencement en juillet 1942, au cours de la Rafle dite du Vel’ d’Hiv’.
C’est un roman que l’on peut qualifier de "page-turner", pour le reste et bien que dire, c’est du cousu de fil blanc mélangé d’invraisemblable.
Bref, ce n’est pas le roman fiction à retenir sur la Seconde Guerre Mondiale et les évènements de la Rafle du Vel’ d’Hiv‘.
Tout d’abord, Esther est une jeune femme parfaite : belle, grande, talentueuse, riche, en somme le genre d’héroïne qui donne envie de lui décocher une baffe devant tant de perfection, ce qui dans la vie de tous les jours se rencontrent tout de même peu souvent.
Elle a donc tout pour elle, mais voilà que son père bien-aimé meurt dans des circonstances tragiques et louches, elle décide alors de partir sur ses traces pour découvrir la vérité, qui était son meilleur ami qui lui a cédé sa boutique en 1942, pourquoi ses frères semblent vouer une certaine rancœur à l’égard de leur père (un homme parfait aux yeux d’Esther).
"Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait. Elle ne calculait plus rien. Elle agissait, spontanément, pour aller au contact de ce personnage mystérieux qui devait lui expliquer les causes de la mort de son père.", elle vit donc à l’instinct, rencontre comme par hasard une vieille dame qui va l’aider dans sa quête à New York et qui a croisé le meilleur ami de son père à Pithivers (à croire que c’était LE lieu à être de l’année 1942).
C’est gros mais ça ne fait que commencer.
Non seulement elle plaque tout du jour au lendemain, elle vit d’amour et d’eau fraîche car comme elle est riche, inutile de se soucier de l’argent (ça pousse sur les arbres), mais en prime elle tombe directement sur la bonne personne pour l’aider dans ses recherches.
Qu’est-ce que c’est crédible tout ça … et qu’est-ce que certaines ficelles étaient grosses, à tel point que je les avais devinées dès le début ou presque.
Mais ce qui m’a fondamentalement gênée dans ma lecture, ce sont les erreurs et les incohérences historiques de l’auteur (impossible qu’une enfant de 3 ans ait pu être cachée à Auschwitz pendant plus de 3 ans, tout comme il n’y a quasiment personne de la Rafle du Vél’ d’Hiv qui soit revenue des compas d’extermination).
La moindre des choses lorsqu’on décide d’écrire un roman avec une trame historique, c’est de se documenter sur la période.
Là, aucune documentation, et le pire, c’est lorsque j’ai lu que l’auteur avait fait des études universitaires d’histoire, et qu’elle est aujourd’hui enseignante au collège.
Et bien mazette !
Alors certes ce roman ne prend pas la tête, se lit rapidement, en somme ce que l’on peut rechercher comme lecture d’été, mais il est truffé d’incohérences et ceci est quelque chose que non seulement je n’accepte pas mais qu’en plus je ne pardonne pas à un auteur.
C’est à la fois se foutre des lecteurs mais également des personnes qui ont connu cette période et qui en ont souffert, un manque de respect total.


"Les carnets d’Esther" est un roman qui ne prend pas la tête mais qui mérite d’être rangé fiça aux oubliettes, quant à son auteur, je l’invite à se documenter si l’envie la reprenait d’écrire un autre roman historique, voire même de refaire des études universitaires en histoire.

Et tu n'es pas revenu de Marceline Loridan-Ivens


« J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. » (Grasset)

Ceci n’est ni une nouvelle ni un roman, mais une longue lettre de Marceline Loridan-Ivens à l’adresse de son père, déporté avec elle mais qui, contrairement à elle, n’est pas revenu.
En somme, la prédiction qu’il lui avait faite s’est réalisée.
Elle lui fait part de sa vie, celle quand elle était déportée et que son unique but était d’essayer de survivre, celle qu’elle a essayé de bâtir quand elle est revenue : "Pourquoi une fois revenue au monde, étais-je incapable de vivre ?".

J’ai beau avoir lu Elie Wiesel ou Charlotte Delbo, les témoignages sur la déportation me remuent toujours autant, et celui de Marceline Loridan-Ivens, écrit à quatre mains avec Judith Perrignon, ne fait pas exception.
Est-ce parce qu’elle s’y raconte à cœur ouvert, qu’elle met à nu la moindre de ses pensées et le moindre de ses sentiments ?
Sans doute.
Elle y parle de la mort, de cette voisine toujours à rôder et toujours prête à sévir : "Nous ne vivions plus que le présent, les prochaines minutes. Plus rien ne pouvait nourrir l’espoir. Il était mort.", cette mort qui a anéanti le moindre sentiment chez ces survivants : "Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s’y noyer.".
Mais ce qui m’a sans doute le plus bouleversée, c’est son récit du retour, l’incompréhension de sa famille et de ses proches qui refusent qu’elle parle de quoi que ce soit, la peur qu’elle suscite chez eux, la fascination qu’exerce cette période de l’histoire sur son frère qui pourtant n’a pas connu les camps de la mort et qui finira par se suicider à cause d’eux.
C’est l’histoire d’une femme qui a vécu de lourds traumatismes qui ne disparaîtront jamais et qui pourtant s’est battue, notamment aux côtés de son mari, pour changer le monde selon leurs idéaux.
C’est une femme qui avait une forme de revanche à prendre sur la vie, et qui l’a fait : "J’ai été quelqu’un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d’être triste et rire quand même.".
Et c’est là que réside tout le paradoxe de Marceline Loridan-Ivens, car pour la première fois elle se livre sous un jour différent que celui que le public lui connaît.
Mais c’est aussi une femme qui espère un jour pouvoir répondre positivement à la question de savoir si elle a bien fait de revenir des camps, parce qu’aujourd’hui elle n’est pas sûre de pouvoir le faire.
C’est à la fois violent et douloureux de lire une telle chose, parce qu’à ce moment-là on entraperçoit les répercussions qu’ont pu avoir l’internement dans les camps de la mort sur les personnes qui en ont été victimes.
J’ai aussi été frappée par le titre et toute la force de la douleur qui s’en dégage.
Mais plus que tout par l‘ensemble de cette confession de ce petit bout de femme qui a pourtant tout d’une grande.


"Et tu n’es pas revenu" n’est plus ni moins qu’un émouvant cri d’amour d’une fille envers son père disparu, un texte dur mais nécessaire pour tenter d’appréhender au plus près et au plus juste ce que fut la Shoah.

samedi 12 septembre 2015

La belle saison de Catherine Corsini



1971. Delphine, fille de paysans, monte à Paris pour s’émanciper du carcan familial et gagner son indépendance financière. Carole est parisienne. En couple avec Manuel, elle vit activement les débuts du féminisme. Lorsque Delphine et Carole se rencontrent, leur histoire d'amour fait basculer leurs vies. (AlloCiné)


De Catherine Corsini, j’avais vu "Partir", avec une Kristin Scott-Thomas déchirée entre son mari qu’elle n’aime plus et son amant qu’elle aime à la folie.
Et puis il y a eu ce film, "La belle saison", qui m’a attirée pour son titre, son histoire, mais surtout pour ses deux actrices.
Certes, Cécile de France a déjà joué le rôle d’une homosexuelle dans des films de Cédric Klapisch, mais il y a ici une dimension historique qu’il n’y a pas dans les films de ce dernier.
Et puis Izïa Higelin, je la connais surtout pour ses performances scéniques en tant que chanteuse, alors après "Samba" j’avais envie de voir si elle garderait la même énergie à l’écran.
Et bien j’ai été enchantée par le jeu de ces deux actrices et le couple qu’elles forment à l’écran.
Je trouve qu’Izïa Higelin a un côté lumineux qui ressort particulièrement à l’écran de par son jeu, même dans ce rôle moins gai pour lequel on ne penserait pas forcément à elle en premier lieu.
Delphine, son personnage, n’est pas complètement émancipée. Elle a certes quitté la ferme de ses parents pour la capitale, mais elle a du mal à assumer non pas son homosexualité mais sa relation avec Carole, particulièrement vis-à-vis de sa mère.
Elle se soucie trop de ce que penseront les gens, de ce qu’ils pourraient voir, de ce qu’ils pourraient dire.
Et si pendant un temps l’histoire laisse à penser que leur amour est bien parti pour durer, le carcan que Delphine s’impose à elle-même va empiéter sur sa relation avec Carole.
Même si cela se passe en 1971, je ne suis pas sûre pour autant qu’aujourd’hui des personnes ne s’imposent pas les mêmes contraintes que Delphine, ce qui en fait finalement un film de quasi actualité.
Le personnage de Carole est lui aussi très intéressant, car elle est en couple avec Manuel lorsqu’elle rencontre Delphine, elle aussi au début lutte et dit qu’elle n’aime pas les filles, pourtant elle va aimer Delphine.
Elle ne vient clairement pas du même milieu que Delphine, elle appartient à un certain cercle intellectuel à Paris et participe activement aux débuts du féminisme, pourtant elle va finir par foutre en l’air son petit confort, sa gentille relation bien comme il faut pour suivre Delphine retournée dans l’exploitation familiale à la suite de l’accident vasculaire de son père.
Parce qu’elle aime Delphine et qu’elle ne peut plus vivre sans elle.
C’est aussi pour cela qu’elle va accepter de ne rien dire face à la mère de Delphine, se faire passer juste pour une amie, attendre patiemment que Delphine s’accepte et fasse accepter aux autres leur relation.


Outre les relations entre les deux personnages féminins, ce film m’a aussi plu car il s’intéresse au féminisme dans les années 70.
C’est d’ailleurs en quelque sorte un hommage rendu à toutes les femmes qui se sont engagées dans ce mouvement.
J’ai failli rire à la scène de rencontre entre les deux personnages car Carole avec d’autres féministes sont en train de mettre la main aux fesses des hommes croisés dans la rue, un geste que ces messieurs n’apprécient pas alors qu’ils ne se gênent pas pour le faire dans le cas contraire.
Failli rire parce que c’est une idée que j’ai évoqué plusieurs fois de mettre en pratique, pour voir les réactions.
Je n’ai absolument rien inventé et d’autres l’ont fait avant moi, si le féminisme a progressé depuis quelques dizaines d’années il reste encore du chemin à faire.
J’ai pu voir les débuts du féminisme, l’organisation du mouvement, je ne savais finalement que peu de choses là-dessus et le personnage de Carole vient éclairer Delphine sur tout cet aspect, et le spectateur qui comme moi n’a pas connu cette époque.
Là où Catherine Corsini aurait pu tomber dans la facilité en présentant des personnages masculins caricaturaux elle ne le fait pas.
Car les rares personnages masculins ne cherchent jamais à attacher la femme, à l’empêcher d’évoluer. Ils la soutiennent au contraire, à l’image du compagnon de Carole.
Si je devais reprocher un tout petit quelque chose à ce film, cela serait une mise en scène qui a parfois tendance à rabâcher les choses, ainsi il n’était peut-être pas utile de montrer cinq fois Delphine sur un tracteur, tout le monde a bien compris qu’elle fait et tient la place d’un homme dans la ferme.
D’un autre côté, il y a aussi de très belles scènes qui se passent de dialogues pour être comprises, tout comme les scènes de nudité ne sont pas superflues mais contribuent à renforcer la passion qui habite les deux personnages.



Avec "La belle saison" de Catherine Corsini il n’y a pas à en douter, en cette rentrée l’amour est bel et bien dans le pré.