vendredi 18 septembre 2015

Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin


La conquête du Brésil par les Français est un des épisodes les plus extraordinaires et les plus méconnus de la Renaissance.
Rouge Brésil raconte l'histoire de deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans cette expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre : la baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. Les personnages - et d'abord le chevalier de Villegagnon, chef de cette expédition, nostalgique des croisades, pétri de culture antique, précurseur de Cyrano ou de d'Artagnan. Les événements : le huis clos dramatique de cette France des Tropiques est une répétition générale, avec dix ans d'avance, des guerres de religion. (Gallimard)

Que les Français aient lancé une expédition pour conquérir le Brésil en pleine période de la Renaissance je n’en savais rien avant de lire ce roman.
"Rouge Brésil", c’est l’histoire de deux enfants : Just et Colombe, arrachés à la terre de France pour aller servir d’interprètes dans la baie sauvage de Rio que les Français sont bien décidés à conquérir face aux Portugais ; c’est aussi l’histoire du chevalier de Villegagnon, le chef de l’expédition, un homme pétri de certitudes et muni d’œillères qui ne jure que par la création de la France Antarctique à n’importe quel prix ; mais c’est aussi et surtout l’histoire des Indiens aujourd’hui disparus qui habitaient cette baie, de leurs us et coutumes, de leur sens du sacré et de leur vie en harmonie avec la nature.
C’est à travers les choix des différents personnages que Jean-Christophe Rufin fait revivre cette époque et ce pays.
Pour le chevalier de Villegagnon point de salut, il restera du début à la fin campé sur ses positions et ne cherchera même pas à comprendre le mode de vie des indigènes, tout obnubilé qu’il est de la mission qui lui a été confiée et de son caractère sacré : "Leur honneur est désormais celui du roi de France. Il ne peut pas leur en faire un plus grand que de les commettre à construire le premier monument de son nouveau royaume.".
Si Just se perd pendant un temps en épousant les idéaux de Villegagnon, il va finir par réaliser qu’il s’est fourvoyé dans ses choix et qu’il est incapable d’assumer le chemin choisi : "Il aimait trop la lumière, l’honneur, la beauté du combat pour pratiquer lui-même l’art obscur du guet-apens." ; tandis que Colombe sera dès les premiers instants séduite par ce pays, ses habitants et leurs coutumes.
La vie parmi les Indiens est une véritable révélation pour la jeune femme qui va découvrir son corps dans le double sens du terme, à la fois par la puberté mais surtout grâce au mode de vie des Indiens : "Tout à coup, elle prenait conscience du mystère de ses propres mouvements, de l’affleurement, à la surface du corps, de forces communes à l’univers des minéraux et des bêtes. Et elle sentait dérisoire l’obstination que mettent les hommes de par deçà à n’exprimer l’intelligence que par les minuscules mouvements de leurs visages, quand ceux, amples et superbes, de leurs corps les reflètent si parfaitement.".
C’est d’ailleurs grâce à Colombe et à cette nature qu’elle aime tant que Just va finir par réaliser son erreur : "Aimer la forêt, c’était porter sur les efforts de la colonie le regard le plus impitoyable, formuler le jugement négatif le plus radical.", pour mieux épouser la façon de voir les choses de Colombe.
Il y a beaucoup de poésie dans le style de Jean-Christophe Rufin, et si j’ai pu trouver certains passages un peu trop longs et descriptifs, j’ai été littéralement emportée par ceux décrivant la vie des Indiens en harmonie parfaite avec la nature, en somme, le bonheur que tout le monde cherche désespérément à atteindre.
Je me demande aussi pourquoi je repoussais cette lecture depuis si longtemps : l’inconnu, le fait de ne pas savoir de quoi traitait ce livre.
Et puis j’ai vu l’adaptation en téléfilm, j’ai beaucoup aimé, et c’est à ce moment-là que j’ai compris que j’allais aussi aimer cette lecture.
Pourtant, j’ai encore attendu, parce que les images étaient trop fraîches dans ma tête, parce que je craignais trop d’écart entre le roman et le scénario.
Au final, il y a certes des écarts entre les deux mais chacun reste intelligent et cohérent dans sa globalité, et c’est bien là le principal.
J’ai autant aimé le Just et la Colombe du récit que du téléfilm, c’est d’ailleurs le personnage féminin de Colombe qui me plaît le plus, pour la candeur de sa jeunesse qui lui permet de s’ouvrir à une culture différente de la sienne et de l’assimiler pour la faire sienne.
J’aime sa liberté d’esprit et de corps, elle a tout compris bien avant les autres à la notion de bonheur et de liberté.
J’aurais également du mal à ne pas aimer un roman qui parle parfois d’Italie, de cette si belle Toscane que j’aime tant et de ces formidables villes de Florence et de Sienne dans lesquelles je déambulais il n’y a encore pas si longtemps.
Et puis c’était agréable de voir les personnages et les paysages au cours de ma lecture, cela a contribué à la rendre encore plus vivante.
Alors oui, finalement j’ai bien fait d’attendre pour découvrir ce roman, cela m’a permis d’en profiter pleinement et de l’apprécier à sa juste valeur.

Je ne saurais que trop conseiller la lecture de cet excellent "Rouge Brésil" qui met en lumière un épisode mal connu de l’histoire de France à travers des personnages touchants et lumineux en quête d’un bonheur à construire dans un ailleurs inconnu.
Parce que lire c’est aussi voyager à travers les pays et les époques.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL




Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

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