lundi 30 septembre 2019

The lighthouse de Robert Eggers

       
     

Le film se passe dans une île lointaine et mystérieuse de Nouvelle Angleterre à la fin du XIXe siècle, et met en scène une " histoire hypnotique et hallucinatoire " de deux gardiens de phare. (AlloCiné)


Ne me demandez pas ce qui m'a pris d'aller voir ce film en avant-première, je n'en sans trop rien hormis la curiosité.
C'est effectivement très perché, "hypnotique et hallucinatoire", sans doute pas le meilleur film à voir en soirée après une journée de travail parce qu'il m'a perdue et qu'à l'image des personnages j'ai sombré.
Dans l'ennui, parce qu'il n'y a pas vraiment d'histoire, et ce n'est pas tant le sens logique qui m'a manquée mais que cela finisse par aller quelque part : la folie, le rêve, l'hallucination.
Sauf que l'histoire va à la fois vers tout ça mais aussi vers le néant.
Difficile de reprocher quelque chose à la mise en scène, il y a du travail derrière, le choix du noir et blanc n'est pas anodin, il y a des plans forts et une musique perturbante, à l'image des personnages et des dialogues.
Petit moment de frisson à la fin du film lorsque j'ai vu que certains dialogues étaient extraits de mémoires de gardiens de phare (comme quoi la solitude, le vent, la tempête, ça n'arrange pas toujours le ciboulot).
Les deux rôles sont de composition et permettent à Willem Dafoe et Robert Pattinson de composer avec une large gamme d'émotions, de troubler plus d'une fois le spectateur, de lui faire peur également, et pour le plus jeune des deux de faire taire les mauvaises langues qui se contentent de gloser sur sa "performance" d'acteur dans "Twilight".
(Scoop : Robert Pattinson est bel et bien un acteur et sait jouer des rôles)
Il y a tellement de références et de métaphores dans ce film que je suis bien en peine d'en avoir saisi la majorité, à part le phare (et encore, certaines subtilités ont dû m'échapper).
Cauchemar marin qui m'a laissée sur la côte, "The lighthouse" est un film trop ambitieux que le réalisateur a alourdi de paroles et dans lequel il s'est perdu, il ne doit sa planche de salut qu'à l’interprétation des deux comédiens et doit une fière chandelle à son directeur de la photographie.


"The lighthouse" sort en décembre 2019, faites comme vous le sentez, allez le voir ou non, je suis en peine de vous conseiller quoi que ce soit, c'est une expérience de cinéma dans tous les cas.

dimanche 29 septembre 2019

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma

       
     

1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde. (AlloCiné)


Il est des films que l'on a envie de voir dès que l'on en entend parler, "Portrait de la jeune file en feu" est l'un de ceux-là.
Première incursion de la réalisatrice Céline Sciamma dans le film en costume, et quasi huis-clos pour cette histoire féminine et féministe.
Peu d'hommes, ils ne sont qu'une apparition, des laquais bons à porter quelques bagages, l'histoire est bien centrée autour des femmes : de Marianne (Noémie Merlant), cette peintre à qui l'on demande de réaliser le portrait d'Héloïse (Adèle Haenel), jeune femme sortie du couvent pour remplacer sa sœur qui vient de mourir dans le mariage auquel sa mère (Valeria Golino) la destine avec un riche Milanais, l'occasion pour elle de retourner dans son pays d'origine, et de Sophie (Luàna Bajrami), la servante qui va se lier d'amitié avec Marianne et Héloïse.
Il est ici question de la place de la femme dans la société, de se frayer son chemin, de vivre et de montrer sa personnalité dans un monde d'hommes, quasi exclusivement réservés à eux : Marianne n'a pas le droit de peindre des modèles d'hommes nus mais il faut qu'elle le fasse si elle veut accéder à la reconnaissance; quant à Héloïse elle a déjà usé un peintre en refusant de poser, refus que son visage soit gravé sur une toile pour être apporté à un homme à qui on la mariera derrière, sans qu'elle ait son mot à dire, d'autant qu'elle remplace sa sœur morte dans des circonstances étranges.
Cette histoire se passe en 1770, force est de constater que les thèmes abordés sont toujours malheureusement d'actualité pour les femmes.


Film en costumes, certes, mais follement moderne et d'actualité dans son propos.
Je reste toutefois dubitative face à ce Prix du scénario à Cannes, ce n'est pas forcément celui-là que j'aurais attribué mais plutôt celui de la mise en scène.
Car la mise en scène est époustouflante, il y a des plans de toute beauté, à commencer par l'un des tous premiers avec une Marianne nue devant la cheminée, fumant la pipe et cernée de deux toiles blanches.
J'ai aimé la nature hostile de la Bretagne, la mer qui se déchaîne ainsi que le vent, à l'image des sentiments qui bouillonnent dans les héroïnes, et puis l'un des autres plans magnifiques est sans nul doute cette sorte de sabbat au coin du feu avec une chanson envoûtante et le jeu de regard entre Marianne et Héloïse qui l'est tout autant.
A noter que les plans finaux sont eux aussi de toute beauté.
C'est sans doute ce que j'ai préféré dans ce film, ainsi que le traitement de l'histoire d'amour entre deux femmes, fort joliment filmé et décrit, tout en délicatesse, en fragilité et à fin programmée, à l'image de certaines histoires d'amour.
Céline Sciamma évite avec justesse et agilité les écueils auxquels sont histoire auprès pu se confronter.
Elle choisit également d'épurer la bande son du film, un choix fort judicieux car seulement deux thèmes musicaux très forts y apparaissent et comme la mise en scène sont à l'image des sentiments qui habitent ses héroïnes.
J'ai beau chercher mais je ne trouve rien à redire à ce film, tout y est maîtrisé du début à la fin et il offre à Noémie Merlant un très beau rôle, tout comme Adèle Haenel que je vois pour la première fois dans un rôle d'époque et qui démontre une fois de plus toute l'étendue de son talent.


"Portrait de la jeune fille en feu" est un film qui ne laisse pas de glace mais s'apparente au contraire à un diamant qui brille de mille éclats, l'un des plus beaux films de cette rentrée et sans doute de l'année 2019.

dimanche 22 septembre 2019

Ad astra de James Gray


L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers. (AlloCiné)


J'avais particulièrement apprécié le dernier film de James Gray, "The Lost city of Z", un virage dans la cinématographie de ce réalisateur, qui en prend ici un nouveau et offre, une nouvelle fois, un sublime moment de cinéma.
Après l'histoire vraie d'un explorateur en Amazonie, James Gray signe son premier film de science-fiction.
La science-fiction est ici abordée, comme c'était le cas dans son précédent film, comme un territoire métaphorique, privilégiant le poétisme au réalisme.
Voilà une science-fiction comme je l'aime, aucunement dans le spectaculaire mais tout dans l'imaginaire et l'introspection.
D'autant que la conclusion finale va à l'encontre de la SF habituelle.
Le but du voyage n'est pas tant de retrouver son père et mettre fin à un programme d'exploration spatiale qui aujourd'hui menace la Terre, mais un lent voyage psychanalytique pour Roy McBride (Brad Pitt), un moment de solitude extrême lui permettant de faire le point sur sa vie, lui-même, ses relations aux autres.
Plus il s'éloigne de la Terre, plus il prend conscience de ce qu'il laisse derrière lui, de ce qu'il a arrêté, de ce qu'il aurait dû mieux faire.
Il a recherché la solitude, aujourd'hui qu'il la vit elle l'affecte comme il n'aurait jamais pu l'imaginer.
A l'image des derniers astronautes filmés au cinéma ces dernières années (notamment dans "First Man"), le personnage de Roy McBride promène son chagrin et ses regrets, son spleen, il a certes la tête dans les étoiles mais des idées sombres.


Pourtant, les premières notes de la bande originale ont réveillé en moi l'ouverture de "Blade Runner", finalement la bande son s'éloigne assez vite de son aîné pour écrire sa propre partition et accompagner les images en apesanteur et ce voyage à la fois cosmique et intérieur.
J'ai aimé que les personnages secondaires ne fassent que peu d'apparitions, souvent uniquement par le biais d'images interposées, et que le personnage principal occupe tout l'écran, partage ses sentiments avec la compagnie spatiale mais aussi le spectateur.
Plus il s'éloigne de la Terre plus il sonde son âme intérieure, et même si la quête est lente elle est aussi ponctuée de frissons, à l'image de cette course-poursuite sur la Lune haletante et superbe, ou encore de cette course pour rejoindre la navette en partance pour Mars.
En moins d'un mois Brad Pitt se retrouve deux fois à l'écran, deux fois dans des rôles forts qu'il éclabousse de son talent, et cela faisait bien longtemps qu'on ne l'avait point vu sur les écrans.
Si Brad Pitt signe une retour en force, j'ai également beaucoup apprécié les seconds rôles, notamment Ruth Negga ou Tommy Lee Jones (qui fait d'ailleurs un clin d’œil au film "Space Cowboys" en apparaissant dans la même combinaison orange), ou encore Liv Tyler qui rôde sans cesse dans les pensées de Roy.
Et comme nous sommes chez James Gray, les relations familiales sont aussi au cœur de l'intrigue, avec une relation père-fils plus que déséquilibrée et s'illustrant par un manque flagrant d'amour d'un côté.
Non mais c'est vrai ça, j'ai encore une fois failli oublier que je regardais un film de James Gray, réalisateur qui arrive à maintenir de film en film une grande maîtrise et qualité dans la réalisation ainsi que le fil conducteur de ses différents histoires.


Les images de Neptune resteront longtemps gravées dans mon esprit, tout comme ce film absolument sublime, triste, flamboyant, un véritable coup de cœur et sans doute le plus beau film de James Gray à ce jour.