mardi 27 février 2018

La douleur de Marguerite Duras


La dernière guerre, Marguerite Duras l'a vécue tout à la fois comme femme dont le mari avait été déporté, comme résistante, mais aussi, comme écrivain. Lucide, étonnée, désespérée parfois, elle a, pendant ces années, tenu un journal, écrit des textes que lui inspirait tout ce qu'elle voyait, ce qu'elle vivait, les gens qu'elle rencontrait ou affrontait. (Gallimard - P.O.L)

J'ai vu "La douleur" d'Emmanuel Finkiel, il me fallait lire le roman, retrouver les mots de Marguerite Duras et prolonger l'atmosphère que dégage le film.
C'est tout aussi beau à lire qu'à voir, j'ai retrouvé les images du films, elles se superposaient au fur et à mesure que je lisais, j'au lu les mots de Marguerite Duras et dans le même je les entendais prononcés à mes oreilles.
"La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie.", cette douleur c'est celle de l'attente, celle du retour - ou non - de Robert, le mari de Marguerite, membre du même réseau de résistance et arrêté et déporté.
"Il n'y a pas de raison particulière qu'il ne revienne pas. Il n'y a pas de raison pour qu'il revienne.", parfois Marguerite imagine que Robert va revenir, d'autres fois elle imagine depuis quand il est mort.
Marguerite ne sait rien, juste que la guerre est finie, que des camps sont découverts, que des prisonniers commencent à revenir, mais de Robert rien, aucune nouvelle, aucune lettre, Robert est-il mort dans un fossé le long d'un chemin ou va-t-il surgir demain en sonnant à la porte ?
Cette douleur, Marguerite la conservera tout au long de sa vie, et ce n'est que tardivement qu'elle publiera ses "Carnets de guerre".
Ce qui frappe à la lecture de cette oeuvre, outre le style de Marguerite Duras, c'est qu'elle parle sur les événements de l'époque, particulièrement sur la découverte des camps et les retours des déportés, sur les horreurs perpétrées par l'Allemagne nazie : "Une des plus grandes nations civilisées du monde, la capitale de la musique de tous les temps vient d'assassiner onze millions d'êtres humains à la façon méthodique, parfaite, d'une industrie d'état.", ce qui à l'époque n'était finalement pas si commun puisque mieux valait se taire pour que la vie reprenne son cours plus rapidement.
Elle décrit aussi la déchéance physique, la sienne rongée par l'attente mais surtout celle de Robert, son mari, flottant entre la vie et la mort mais ayant conservé intact sa pensée : "Au sortir de l'horreur, mourant, délirant, Robert L. avait encore cette faculté de n'accuser personne, sauf les gouvernements qui sont de passage dans l'histoire des peuples.".
Robert, cet homme qu'elle n'aime plus, l'attente de son retour ayant changé son amour, mais Robert cet homme avec qui elle restera en relation sa vie durant.
"La douleur" est la première nouvelle, la plus longue, composant ce livre.
Les autres sont des nouvelles issues de la guerre ou de l’après guerre, des choses que Marguerite a vécu comme le rapprochement avec l'homme qui a arrêté Robert, ses tentatives pour en savoir plus et faire passer des colis à son mari, ou encore cet interrogatoire d'un milicien attrapé par le réseau de résistance.
On sent que c'est à la fois très personnel mais avec une certaine distance, ce n'est pas tout à fait de la fiction ni complètement autobiographique.
Et puis il y a le style, la prose de Marguerite Duras à nul autre pareille, et la découverte de ce texte si longtemps repoussée.
Les mots de Marguerite Duras m'ont touchée, ce qu'elle raconte m'a parlé, c'était beau, j'ai savouré cette lecture, je ne voulais plus quitter ces mots.
Mais toute bonne chose a une fin.
Et je me suis promis de lire d'autres récits de Marguerite Duras, sans attendre encore vingt ans pour le faire, parce que je crois avoir atteint la maturité nécessaire pour apprécier pleinement son oeuvre.

"La douleur" est un magnifique recueil de nouvelles sur la guerre, l'après-guerre, l'attente et le retour des déportés, une oeuvre dans le pur style de Marguerite Duras qu'il me paraît nécessaire de découvrir sans plus tarder.

dimanche 25 février 2018

Replay de Ken Grimwood


À 43 ans, Jeff Winston meurt subitement d’une crise cardiaque, laissant derrière lui une vie médiocre et un mariage à la dérive. Quelle n’est pas sa stupeur lorsqu’il se réveille… dans sa chambre d’étudiant, âgé de 18 ans. Dans le passé, sa vie recommence comme avant. Sauf qu’il a gardé le souvenir de sa précédente existence… 
 Qui n’a jamais rêvé de pouvoir revivre son passé fort de son expérience d’aujourd’hui ? (Points)

Jeff Winston est terrassé à quarante trois ans par une crise cardiaque.
Il se réveille dans sa chambre d'étudiant, plus jeune mais avec ses souvenirs et sa vie recommence.
Puis, il meurt terrassé par une crise cardiaque à quarante trois ans.
Il se réveille de nouveau étudiant et revit sa vie jusqu'à la date et l'heure fatidiques de sa mort, et ainsi de suite plusieurs fois, sans savoir pourquoi lui et s'il est le seul : "Pourquoi ça ? Pourquoi moi ?", et surtout pourquoi recommencer car quoi qu'il fasse il finit immanquablement par mourir : "Mais pourquoi recommencer, si ses plus grands efforts devaient inévitablement s'avérer futiles ?".
Jeff crée des variations dans sa vie, quoi qu'il fasse plus rien ne subsiste lorsqu'elle recommence : "Il avait tout ce qu'il pouvait et réalisé tout ce qu'un homme était en droit d'espérer - sur le plan matériel, en amour et comme père - et de nouveau, il n'en restait rien : il demeurait seul et impuissant, les mains et le cœur vides.", mais au bout d'un moment il se lasse, il a essayé beaucoup de choses, en vain, et se demande ce qu'il fait encore là : "En un sens, il semblait revivre sa vie, la rejouer comme on repasse une cassette vidéo; pourtant il n'était apparemment pas soumis à ce qui avait eu lieu auparavant, du moins pas de façon rigide.", et surtout s'il est seul à vivre ce phénomène.
C'est alors que Pamela entre en scène, Pamela victime elle aussi d'une crise cardiaque et qui ne cesse de revivre sa vie depuis plusieurs cycles.
Vont-ils trouver le fin de mot de l'histoire et mettre fin à ces cycles ?

L'idée de départ de ce roman ma plaisait assez, je trouve que pouvoir revivre son passé est un prisme intéressant en littérature comme au cinéma ("Un jour sans fin" pour citer un film).
Mais me voilà assez partagée sur ce roman que j'ai trouvé inégal dans sa construction et sa trame narrative.
Si le film précédemment nommé a un but dans le fait que le personnage revive sans cesse la même journée, je n'ai ici pas trouvé d'explication à ces cycles, d'autant que les personnages ont beau modifier leur attitude cela n'explique - et n'influe - en rien ce reboot incessant.
C'est sans doute ce qui m'a le plus manqué et que je reproche à ce roman : une véritable explication, un sens à tout cela.
J'ai espéré, puis j'ai cru que cela finirait pas être le cas mais non, et la fin est encore plus agaçante à ce sujet car elle ouvre d'autres perspectives et tout, ou presque, reste irrésolu.
J'ai également trouvé que le premier replay de Jeff était trop long, le sens du détail est poussé loin alors que pour les autres cela sera plus expéditif.
Or de mon point de vue ce n'était sans doute pas sur le premier qu'il fallait autant insister, mais sans doute sur d'autres qui proposent de nouvelles choses, sans aller jusqu'au bout, malheureusement.
C'est aussi ce qui m'a quelque peu chagriné au cours de ma lecture, certaines idées sont vraiment bonnes mais pas explorées complètement.
C'est dommage car il y avait tous les ingrédients pour en faire un très bon roman de science-fiction, passé le premier replay j'ai été prise par l'histoire mais le soufflé a aussi fini par retomber avant la fin, notamment parce que je ne voyais toujours pas si l'auteur avait réellement ou non un but à l'esprit.
Il en va de même avec les personnages, ils manquent de profondeur, le lecteur ne les connaît finalement que superficiellement, ce qui fait que je ne me suis pas attachée à l'un d'eux.
Ils ont été des personnages qui évoluaient devant mes yeux sans rien de plus, alors que je m'attendais sans doute à ressentir plus d'empathie vis-à-vis d'eux, particulièrement par rapport au côté cruel de ce qu'ils vivent : renaître sans cesse en ayant conscience de ce qui va se passer, de ce que l'on a connu, et surtout des êtres aimés à jamais disparus.
La réflexion sur ce sentiment n'a pas été assez poussé de mon point de vue, je suis un peu frustrée suite à cette lecture car il y avait des idées intéressantes que je m'attendais à voir explorées plus en profondeur.
Là où j'ai été agréablement surprise, c'est de découvrir que ce roman avait été écrit en 1986, il n'a pas vieilli dans le style ni même dans son contenu qui est (toujours) d'actualité, je trouve même cela fascinant la façon dont l'auteur imagine certaines directions prises par le monde et qui se révéleront exactes des années plus tard.
Mais, attendez ... Ken Grimwood ne serait pas venu du futur par hasard pour écrire ce roman ?

"Replay" est un roman qui ne fut pas assez cartésien pour moi et qui m'a laissée mi-figue mi-raisin, une lecture en demi-teinte qui pourra sans doute plaire à d'autres personnes, à chacun de voir.

samedi 24 février 2018

Jessie de Stephen King


II ne fallait pas jouer à ce petit jeu, Jessie. Vous voilà enchaînée sur votre lit, le cadavre de Gerald à vos pieds, condamnée à vous enfoncer dans la nuit, la terreur et la folie. Les femmes seules dans le noir sont comme des portes ouvertes... si elles appellent à l'aide, qui sait quelles créatures horribles leur répondront ? (Albin Michel)

Après "Dolores Claiborne", voici un autre roman de Stephen King faisant partie de sa trilogie féministe.
Jessie, mariée depuis de nombreuses années à Gerald, se retrouve dans l'un de leurs jeux amoureux enchaînée sur le lit.
Sauf que Jessie ne veut plus, mais que Gerald ne l'entend pas, ou pire, qu'il l'entend mais choisit volontairement de l'ignorer : "Elle le regarda de plus près et vit une chose terrible : il savait. Il savait qu'elle était sérieuse en disant ne pas vouloir continuer. Il savait, mais il avait choisi de ne pas savoir qu'il savait. Était-ce humainement possible ?".
Un accident fatal arrive à Gerald et voici Jessie seule dans la chambre, enchaînée au lit sans accès aux clés des menottes, et de surcroît seule dans une maison isolée près d'un lac où bientôt un chien errant pénètre, et peut-être un autre individu.
Ou est-ce l'esprit de Jessie qui divague ?
Jessie peut-elle se sortir de cette situation ? Si oui comment, et à quel prix physique et mental ?

Nouveau drame psychologique signé Stephen King où l'horreur ne se situe pas forcément là où on l'attend.
Si "Dolores Claiborne" était un monologue et une forme de huis-clos, "Jessie" est un monologue plongeant le lecteur dans l'esprit de Jessie et un huis-clos, l'action prenant uniquement place dans la chambre.
J'étais quelque peu sceptique au début de cette lecture, comment l'auteur allait-il faire pour tenir plus de trois cents pages avec une héroïne menotté à un lit ?
Et bien Stephen King y arrive !
Et il ballade le lecteur dans la tête de Jessie, dans les frayeurs de celle-ci, dans ses pensées les plus profondes et les plus intimes mais aussi ses terreurs refoulées qui manifestement prennent forme humaine à un moment donné.
Ou bien est-ce tout simplement Jessie qui délire et sombre dans la folie.
Si comme moi vous lisez ce roman avec (la grippe et) de la fièvre, vous verrez que cette introspection intérieure prend une toute autre dimension.
Limite je vivais ma propre folie en même temps que celle de Jessie.
J'ai aimé ce personnage de Jessie, menottée, dans une situation plus qu'inconfortable et qui essaye à tout prix de s'en sortir tout en vivant des moments de doute, d'abattement et finissant par s'en remettre à sa destinée : "Que Dieu m'accorde la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer celles que je peux changer, et la sagesse de faire la différence entre les deux. Amen.".
Comme pour le personnage de Dolores Claiborne, je trouve que la personnalité de Jessie est bien cernée par Stephen King et qu'il a savamment orchestré ses heures de torture, en la faisant passer par des phases d'euphorie et d'autres de découragement, en retranscrivant ses doutes et ses vaines tentatives, même les plus stupides, pour essayer de se sortir de cette situation.
Stephen King a décidément la faculté de se mettre dans la tête de ses personnages pour décrire assez justement les épreuves qu'il traverse, encore une fois cela rattrape son style qui n'est pas flamboyant, il faut bien le reconnaître.
Et quelle riche idée d'introduire également dans ce roman  l'éclipse solaire de 1963, si vous avez lu "Dolores Claiborne" vous savourerez ce clin d’œil qui explique l'une des choses vécues par l'héroïne de ce roman durant l'éclipse.
J'ai maintenant très envie de voir le film de Mike Flanagan sorti l'année dernière qui, me semble-t-il, a l'air d'être fidèle au roman.

"Jessie" est un drame psychologique signé Stephen King, l'un des maîtres du genre, et constitue là aussi une bonne introduction pour découvrir (ou re-découvrir) l'oeuvre de cet auteur, surtout si vous ne cherchez pas à avoir peur et à trembler dans le noir toute la nuit.

jeudi 22 février 2018

A la croisée des mondes - Tome 1 Les royaumes du Nord de Philip Pullman


Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée d'une prestigieuse université anglaise, est-elle l'objet de tant d'attentions ? De quelle mystérieuse mission est-elle investie ? Lorsque son meilleur ami, Roger, disparaît, victime des ravisseurs d'enfants qui opèrent dans tout le pays, elle n'hésite pas à se lancer sur ses traces... Un périleux voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui révélera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde. (Gallimard Jeunesse)

Voilà un roman jeunesse qui ne m'avait jamais intéressé jusqu'à présent, je n'ai pas non plus le film (apparemment médiocre) qui en a été tiré.
Lyra est élevée dans une prestigieuse université Anglaise, elle fait l'objet de nombreuses attentions mais voilà qu'une mission mystère l'attire et lui offre l'opportunité de sortir de son cocon : "Elle se sentait étouffée, privée de liberté, dans cette vie élégante et raffinée, si agréable fut-elle.", d'autant que son meilleur ami Roger semble avoir été victime des ravisseurs d'enfants qui sévissent dans le pays.
Elle s'invite alors dans un voyage dangereux vers le Grand Nord et y fait la rencontre de personnes mauvaises mais également fascinantes : "Elle n'aimait pas cet homme, elle ne pouvait pas lui faire confiance, mais elle ne pouvait s'empêcher de l'admirer, d'admirer ce luxe extravagant qu'il avait rassemblé dans ce lieu désolé et reculé, ainsi que la force de son ambition.".
Lyra n'est pas au bout de ses surprises et ce voyage pourrait s'avérer plus dangereux et dramatique que prévu : "Derrière eux régnaient la souffrance, la mort et la peur; devant eux s'étendaient le doute, le danger et des mystères insondables.".

Il y a de bonnes idées dans ce roman, malheureusement je crois que je l'ai lu trop tard, plus jeune il m'aurait sans doute beaucoup plu.
Commençons par les aspects positifs, comme tout (bon) roman de fantasy bien construit l'intrigue doit avoir un écho avec la religion, c'est effectivement le cas ici et ces subtilités sont sans doute plus faciles à identifier à l'âge adulte qu'en le lisant plus jeune.
J'aime particulièrement ces références dans ce genre littéraire, sur ce point le livre ne m'a pas déçue.
L'autre aspect intéressant c'est l'époque à laquelle se situe l'intrigue, les personnages sont habillés comme à l'époque Victorienne pourtant les avancées industrielles, notamment la présence de zeppelins, placerait l'histoire à la fin du dix-neuvième siècle voire juste avant la Première Guerre Mondiale.
Cette époque indistincte contribue aux côtés positifs du roman, il serait même à la limite d'être classé dans le genre "steampunk".
Sur le fond, j'ai donc globalement apprécié "Les royaumes du Nord".
Maintenant sur la forme, un peu moins.
Je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage de Lyra, un peu trop gamine à mon goût, trop fonceuse aussi dans le sens où ici cela la met systématiquement en danger.
Quelques personnages mystérieux mais qui révèlent assez vite leur véritable nature : la méchante Marisa Coulter, le vil Lord Asriel, des ours qui parlent comme Iorek, l'un des personnages au passé qui m'a le plus intéressée, ou encore la sorcière Serafina Pikkala, trop peu présente à mon goût dans le déroulement de l'intrigue.
Un peu comme dans "La passe-miroir", je me suis particulièrement attachée au daemon de Lyra, Pantalaimon, et c'est sans doute la meilleure invention du récit que je retiens.
Si j'ai été assez surprise par la fin de ce premier tome particulièrement sombre (d'ailleurs je doute que le film ait gardé cette fin tant elle est monstrueuse) le reste ne m'a pas emballée plus que cela.
Comme déjà dit, sans doute que plus jeune j'aurai follement adoré cette lecture, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

"Les royaumes du Nord" est un premier tome globalement honorable de la série "A la croisée des mondes", mais sans doute faut-il le lire plus jeune que moi pour l'apprécier, je ne suis d'ailleurs pas sûre du tout de vouloir poursuive ma lecture de cette série.


mercredi 21 février 2018

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson

       
     

Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa sœur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près. (AlloCiné)


Voir Daniel Day-Lewis à l'affiche d'un film est une raison suffisante pour y aller.
Mais quand on entend qu'en plus ce serait son dernier film, bon il a déjà fait le coup une fois, mais sait-on jamais ... c'est une autre très bonne raison pour aller au cinéma.
Si par hasard vous avez vécu retiré dans une grotte ces dernières années, Daniel Day-Lewis est l'un des plus grands acteurs de sa génération déjà auréolé de trois Oscars (et à mon avis un quatrième est tout à fait envisageable) et qui a une façon très particulière de préparer ses rôles : il s'immerge totalement dans le personnage (donc pour "Le dernier des Mohicans" il a vécu en pleine nature et appris à chasser des animaux, et pour d'autres personnages il était aussi infect et colérique qu'eux, autant vous dire que ses relations avec ses partenaires ne sont pas des meilleures).
J'avais oublié à quel point Daniel Day-Lewis avait un charme fou et dégageait une classe folle, pour ne pas dire un magnétisme, autant vous dire que ce personnage de Reynolds Woodcock lui va comme un gant.
Evidemment qu'il a dû beaucoup travailler pour son rôle, mais force est de constater une nouvelle fois à quel point il arrive à se glisser dans la peau d'un personnage, c'est l'un des rares acteurs à travailler de cette façon et cela se voit indiscutablement à l'écran.


L'histoire paraît au départ assez simple : Reynolds Woodcock, couturier de renom, croise le chemin de la jeune serveuse Alma en qui il voit son idéal féminin.
Très vite il en fait sa muse, la ramène avec lui pour travailler et la fait vivre dans la chambre à côté de la sienne et surtout partager son quotidien avec lui et sa sœur Cyril, qu'il écoute religieusement et qui a, selon lui, toujours raison.
Alma se retrouve donc sous la coupe de cet homme, elle lui obéit, elle vit dans son ombre et lui donne "chaque partie d'elle" ("every piece of me" en version originale) comme elle dit au début du film.
Oui mais tout n'est pas si simple, car l'ingénue Alma ne l'est peut-être pas autant et au jeu de la domination elle pourrait bien surpasser son maître et le réduire, à son tour, à sa merci.
Autant le dire, l'histoire finit par prendre une tournure étonnante, particulièrement l'une des scènes finales à laquelle je ne m'attendais absolument pas.
C'est d'une perversité jouissive, et une belle variation autour de la manipulation.
(Bon, et on en parle ou pas de la traduction du nom du couturier ? C'est fort de sens lorsque l'on a vu le film).
Pour ne pas trop en dévoiler je dirai juste que les champignons sont un met très tendance ces derniers temps au cinéma.
J'ai beaucoup apprécié la mise en scène de Paul Thomas Anderson, elle n'a pas été sans me rappeler certaines mises en scènes d'Alfred Hitchcock (qui n'aurait sans doute pas renié l'histoire ni la psychologie des personnages soit-dit en passant).
Il y a un côté romantisme noir dans le film, et puis la maison de couture (et d'habitation) des Woodcock est particulière, avec cet escalier en colimaçon qui offre de très belles prises de vue.
Si j'ai déjà dit tout le bien que je pense de la composition de Daniel Day-Lewis, il me reste à souligner qu'il tourne avec son véritable accent Anglais (donc voyez le film en version originale).
Quant au reste du casting, la jeune Vicky Krieps est une révélation et tient la dragée haute à son partenaire masculin, très belle prestation également de Lesley Manville dans le rôle de Cyril.
La musique qui accompagne l'ensemble est signée Jonny Greenwood, là aussi je l'ai trouvé très adaptée à l'histoire et aux situations dans lesquelles les personnages se retrouvent.


"Phantom Thread" est une très bonne variation de l'histoire de Pygmalion et Galatée portée par un réalisateur inspiré et des acteurs au sommet, tout particulièrement Daniel Day-Lewis dont ce serait le dernier rôle, non vraiment ?


       
     

       
     

       
     

       
     

mardi 20 février 2018

L'italienne d'Adriana Trigiani


Nous sommes en 1905, dans les Alpes italiennes. Enza et Ciro, deux enfants de la montagne, se rencontrent pour la première fois. Ciro, pour avoir découvert le comportement scandaleux du prêtre de la paroisse, est banni de son village et envoyé aux États-Unis, où il devient cordonnier. Enza doit à son tour s’exiler pour assurer l’avenir des siens. C’est à New York que le destin les réunira. Mais la Première Guerre mondiale éclate et Ciro s’engage dans l’armée. (Les éditions Charleston)

Tout commence en Italie au début du vingtième siècle, Ciro et son frère sont orphelins mais pour avoir découvert le comportement du prêtre de la paroisse Ciro est envoyé aux Etats-Unis pour y devenir cordonnier, laissant son frère en Italie : "Les Lazzari étaient frères de sang, et tout comme leur mère les avait abandonnés ensemble un certain jour d'hiver, ensemble ils resteraient, un océan dût-il les séparer !".
Peu de temps avant de partir, Ciro a aussi croisé Enza, une jeune fille de la montagne, qui va elle aussi s'exiler aux Etats-Unis pour offrir une vie meilleure à sa famille restée en Italie.
Enza, tout comme Ciro, laisse beaucoup derrière elle dans l'espoir d'une vie meilleure : "Un jour, on aura la vie dont on a rêvé.".
Le destin va réunir Ciro et Enza, et peut-être leur offrir cette vie rêvée : "Une vie avec Ciro serait une vie de famille, au plein sens du terme; une vie avec Vito serait une vie pour elle.", mais c'est sans compter sur la Première Guerre Mondiale qui éclate et met l'Europe à feu et à sang.

Ce roman avait beaucoup d'atouts pour me plaire, ce fut au final une déception car les atouts sont mal ou pas exploités et l'histoire souffre de trop de facilités et de lieux communs.
Je n'ai rien contre lire un roman sentimental de temps à autre, mais dans celui-ci tout est tellement prévisible dès le début, même pas l'once d'un gramme de suspens.
Beaucoup de lieux communs, des personnages trop simplistes dans le sens où ils manquent de profondeur psychologique et des incohérences uniquement présentes pour arranger l'auteur dans le déroulement de son intrigue.
Ainsi, quand on dit qu'Enza ne pourra plus jamais reprendre le bateau suite à son mal de mer dont elle a failli mourir, pourquoi à la fin une solution miracle est trouvée lui permettant de retourner en Italie voir les siens ?
Désolée mais je ne crois pas à ce genre de miracle littéraire uniquement présent car il permet de trouver une solution à une impasse dans l'intrigue.
Tout cela aurait pu faire une bonne histoire, le principe de départ était bon, mais le traitement qui en est fait n'est pas à la hauteur et ne m'a pas offert ce que j'attendais de cette intrigue.
Même les personnages n'ont pas su trouver un écho en moi, je n'ai pas réussi à m'attacher à eux, à leur histoire et à leur destin.
Si vous souhaitez lire un roman traitant de l'exil et d'une jeune femme qui part chercher fortune aux Etats-Unis je vous recommande le très bon "Brooklyn" de Colm Tóibín.

"L'italienne" fut une lecture décevante que je ne qualifierai même pas de lecture d'été, je ne suis d'ailleurs pas bien sûre de vouloir tenter une autre lecture d'Adriana Trigiani.


lundi 19 février 2018

Wonder Wheel de Woody Allen

       
     

Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l'effervescence du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses. (AlloCiné)


Plus d'un an s'est écoulé depuis le bon "Café Society" de Woody Allen, depuis que j'ai vu la belle affiche annonçant ce nouveau film j'avais très envie de le découvrir.
"Wonder Wheel" est un film très "Woody Allenien", c'est-à-dire typique de l'univers de ce réalisateur, tant par l'histoire que par le lieu de l'intrigue.
New York est la ville de cœur de Woody Allen, ce n'est pas non plus la première fois que Coney Island apparaît dans l'un de ses films, mais ici c'est un Coney Island des années 50 où quatre personnages vont se croiser et voir leur destin se mêler et s'entremêler.
Pour raconter cette histoire, Woody Allen utilise le procédé de la narration par l'un des personnages, c'est donc Mickey, le séduisant maître-nageur, qui se colle à la narration et entraîne le spectateur dans cette intrigue où amour et jalousie vont être intimement liés.
Mickey est un aspirant dramaturge, encore étudiant, avec un certain côté romantique et dont le coeur va s'emballer d'abord pour Ginny, une ex-actrice lunatique malheureuse dans son nouveau mariage et dont le fils passe son temps à allumer des incendies, et Carolina, la belle-fille de Ginny qui va revenir chez son père Humpty après avoir épousé un gangster qu'elle fuit désormais.
Dire que Mickey est une forme de double à Woody Allen il n'y a qu'un pas que je franchirai, disons que Mickey, comme d'autres personnages de films précédents, est effectivement une forme de double de Woody Allen qui demeure depuis plusieurs années derrière la caméra uniquement.


J'ai énormément aimé la mise en scène de Woody Allen et sa façon de filmer, le décors est beau mais il joue aussi intelligemment avec la lumière et met ainsi en valeur ses personnages féminins, à commencer par celui interprété par Kate Winslet, tout en modulant la luminosité, la couleur, en fonction de l'humeur du personnage.
Il n'y a qu'à voir l'affiche pour comprendre mon propos.
Sur le plan esthétique je trouve ce nouveau Woody Allen particulièrement soigné, j'y ai en tout cas été sensible, et ceci grâce à l'excellent travail de Vittorio Storaro en directeur de la photographie.
Les personnages sont également intéressants, particulièrement celui de Ginny, cette ancienne actrice lunatique qui aurait bien besoin de séances chez un psychothérapeute.
Là encore, un personnage féminin très typique des films de Woody Allen qui n'est pas sans rappeler Jasmine de "Blue Jasmine".
Elle est malheureuse dans sa vie, dans son mariage, son fils est pyromane sans qu'elle en sache la raison, elle se fait des films, elle devient jalouse de sa belle-fille et se révèle alors cruelle et méchante, c'est quasi extraordinaire comme j'ai pu avoir pitié de cette femme au début du film et finir par la détester à la fin dans sa façon d'agir.
Le film se clôture d'ailleurs sur elle, pour une fois je trouve que la fin du film est réussie et ne reste pas en suspension comme cela a déjà été le cas dans le passé.
Carolina est aussi un personnage féminin intéressant, elle apparaît comme ingénue alors qu'elle ne l'est pas tant que cela et alors qu'au début on pourrait avoir des doutes sur elle le spectateur finit par l'aimer.
Le jeu de miroir entre ces deux femmes est bien fait, avec au milieu un Mickey qui ne sait plus comment se positionner pour ne pas froisser l'une et l'autre et un père totalement sous le charme de sa fille délaissant sa femme, ou tout du moins c'est ce qu'elle lui reproche.
Il y a aussi le contraste entre Coney Island et sa fête foraine où chacun s'amuse et y rit, et l'envers du décors où certains s'ennuient avec des migraines carabinées et des rêves brisés.


Woody Allen soigne ses castings, il a pu tourner avec Kate Winslet pour la première fois, et je dois dire qu'elle est excellente et époustouflante, comme à son habitude.
C'est une actrice que j'apprécie beaucoup, elle apporte toujours une présence dans ses rôles et j'ai déjà dit que même filmée à passer l'aspirateur pendant deux heures elle serait encore formidable.
Je l'ai adoré dans ce rôle qui lui allait particulièrement bien, ce fut un régla de la voir à l'écran dans un univers qui lui va bien.
Face à elle James Belushi campe un Humpty plus vrai que nature; Juno Temple est d'une innocence et d'une fraîcheur à ravir et Justin Timberlake ne s'en sort pas si mal pour un personnage qui aurait vite pu devenir caricatural ou une pâle copie du réalisateur.
Mon seul souci, c'est que dès la première apparition de Juno Temple une autre actrice s'est imposée à moi pour le rôle : Jennifer Lawrence.
Je dois même dire qu'elle irait sans doute bien dans l'univers des films de Woody Allen.
Ceci ne retire rien à la prestation de Juno Temple, ce n'est pas ce que j'ai dit, mais c'est toujours légèrement gênant de voir une autre actrice pour un rôle.
Quant à la musique, là aussi elle est toujours soignée chez Woody Allen (qui est musicien en plus de cinéaste) et j'ai adoré la chanson sur Coney Island qui ponctue le film.
Woody Allen a décidément du mal à sortir de sa zone de confort mais quand il réussit son genre de prédilection le spectateur a quelque peu du mal à lui en vouloir, ceci ne s'appliquant pour ma part qu'au cinéaste et non à l'homme.


"Wonder Wheel" est un peu comme "Magic in the Moonlight" : un délicieux bonbon à la fois sucré et acidulé que le spectateur déguste avec plaisir.


dimanche 18 février 2018

Dolores Claiborne de Stephen King


À Little Tall, on attend toujours de savoir ce qui s'est passé le 20 juillet 1963, jour de l'éclipse et de la mort de Joe, le mari de Dolores. Mais aujourd'hui, la police s'intéresse surtout aux circonstances du décès de Vera Donovan, dont Dolores fut la dame de compagnie pendant des décennies. (Albin Michel)

"Dolores Claiborne" s'inscrit dans une lignée de romans de Stephen King qualifiés de trilogie féministe avec "Jessie" et "Rose Madder".
C'est un thriller psychologique mais qui ne contient pas une horreur comme l'auteur a pu habituer son lectorat depuis quelques années.
La forme peut surprendre, le roman est un monologue, celui de Dolores Claiborne, face aux inspecteurs qui la soupçonnent du meurtre de Vera Donovan, sa riche employeuse.
Mais Dolores nie ce meurtre, bien décidée à rétablir la vérité sur ce qui s'est passé peu de temps avant mais aussi trente ans plus tôt lors d'une éclipse solaire où elle a tué son mari violent envers elle et leurs enfants : "Moi, c'est Dolores Claiborne, d'ici-même, Little Tall Island, notre petite île haute. Comme je disais, avec tout ce que j'ai à vous raconter, ça va être un vrai marathon jusqu'à ce que le jour se lève, et tu vas comprendre que je mens pas.".
Ce meurtre-là, Dolores ne le nie pas, pour la première fois elle va même révéler la vérité sur ce qui s'est passé, sur cet homme avec qui elle vivait et qui a dépassé les limites en s'en prenant à leur fille : "Mes yeux étaient grands ouverts, et je comprenais que je vivais avec un homme sans amour ni pitié qui croyait qu'il pouvait prendre tout ce qui passait à portée de sa main, même sa propre fille.".
Alors Dolores a agi, mais auparavant elle a été conseillée implicitement par Vera Donovan, cette femme qualifiée de garce par tous mais qui cache elle aussi un lourd secret expliquant son attitude :
"J'ai serré sa main, et j'ai pensé au monde dans quoi on vit - aux mauvais hommes qui ont parfois des accidents et aux femmes de valeur qui deviennent des garces.", et comme Dolores le dit si bien aux enquêteurs : "Et quand un mauvais homme a un mauvais accident, ça peut parfois être aussi une excellente chose.". 

Il est difficile de ne pas être touché par Dolores Claiborne, cette femme victime d'abus par un mari violent pendant de nombreuses années et qui portait sur ses épaules le poids de sa famille.
C'est une mère qui n'a pas hésité à protéger ses enfants, et aujourd'hui ses enfants n'en sont même pas conscients, d'ailleurs ils ne lui donnent quasiment jamais de leurs nouvelles : "C'est l'amour le plus fort qu'il y a dans ce monde, et c'est le plus terrible.".
Dolores est une femme seule, portant un lourd secret, et qui aujourd'hui se retrouve accusée d'un meurtre qu'elle n'a pas commis.
J'ai été touchée par cette femme, son histoire, et le courage qu'il lui a fallu pour se sortir de ce mauvais pas et continuer à vivre.
Il y a des scènes très poignantes, le paroxysme étant atteint avec l'éclipse de 1963, une scène assez longue qui est sans doute celle la plus importante du roman.
C'est la seule incursion du surnaturel dans ce roman, mais c'est aussi le moment clé qui permet le mieux de saisir le personnage de Dolores.
Stephen King n'est pas connu pour être le roi de la syntaxe et de la grammaire, cela donne des phrases avec des tournures plus que moyennes : "Si on se contentait des apparences, rien avait changé. Les choses semblent jamais changer beaucoup sur l'île ... si on regarde qu'à la surface.", mais l'intrigue l'emporte souvent sur le style, c'est une nouvelle fois le cas dans ce roman.
Je conseille également le film éponyme réalisé par Taylor Hackford avec Kathy Bates dans le rôle de Dolores Claiborne, c'est une adaptation très honnête du roman qui a su préserver toute sa sensibilité.

"Dolores Claiborne" est sans doute le plus beau personnage féminin créé par Stephen King que j'ai pu lire à ce jour, c'est en tout cas un bon roman qui découvrir ou re-découvrir cet auteur prolifique.


vendredi 16 février 2018

La métamorphose de Franz Kafka


«Lorsque Gregor Samsa s'éveilla un matin au sortir de rêves agités, il se retrouva dans son lit changé en un énorme cancrelat. [...] "Que m'est-il arrivé?" pensa-t-il. Ce n'était pas un rêve. [...] "Et si je continuais un peu à dormir et oubliais toutes ces bêtises", pensa-t-il, mais cela était tout à fait irréalisable, car il avait coutume de dormir sur le côté droit et il lui était impossible, dans son état actuel, de se mettre dans cette position. Il avait beau se jeter de toutes ses forces sur le côté droit, il rebondissait sans cesse sur le dos.» (Gallimard - Folio)

Je suis allée à Prague, je me suis dit à mon retour qu'il serait de bon ton de lire au moins une oeuvre de Franz Kafka, mon choix s'est porté sur "La métamorphose".
Le principe est simple : un beau matin Gregor Samsa, jeune voyageur de commerce, tente de se lever de son lit mais la surprise qui l'attend est de taille : "En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte.".
Gregor est sur le dos, il n'arrive pas à se redresser ni même à bouger, derrière la porte sa famille (son père, sa mère et sa sœur) s'inquiètent car d'ordinaire il est déjà parti au travail.
Un représentant de son employeur passe, la voix de Gregor commence à le trahir et c'est l'horreur lorsqu'il entrouvre la porte de sa chambre et que sa famille le voit ainsi.
Sa famille l'enferme dans sa chambre tout en décidant de le garder, Gregor vit dans une solitude terrible alors qu'il ne demande qu'un peu d'amour mais se transforme bien vite en charge pour sa famille : sans rentrée d'argent tous sont obligés de travailler tout en le cachant aux yeux du monde.
Quel sera l'impact et la conséquence de cette métamorphose ?

C'est une nouvelle, soit un texte court, néanmoins le style de Franz Kafka en fait une oeuvre qu'il faut prendre le temps de découvrir et d'analyser.
Si la métamorphose de Gregor est aussi soudaine qu'inexpliquée, elle va engendrer une propre métamorphose au sein de la famille : le père va voir remonter des envies de meurtre à l'égard de son propre fils et passer d'un statut apathique à vigoureux, la mère va le prendre en pitié tout en étant incapable de le regarder sans s'évanouir, quant à la sœur elle va s'en occuper jusqu'au jour où elle décide de se prendre en main, ainsi que le reste de sa famille, et précipite le rejet de Gregor, ce frère devenu bien encombrant sous sa forme d'insecte.
C'est à cette métamorphose que le lecteur assiste, ainsi qu'au rejet et à la chute du pauvre Gregor transformé malgré lui en un insecte répugnant, et c'est sans doute cette métamorphose qui donne son titre à la nouvelle, et non celle de Gregor.
Il y a évidemment beaucoup de Franz Kafka dans cette nouvelle, écrite très rapidement et suite à une difficulté de l'auteur de s'extraire de son lit un matin tant il attendait une lettre d'une jeune femme rencontrée quelques temps auparavant.
Je m'attendais à découvrir un peu Prague dans cette nouvelle, c'est plutôt raté car l'action est concentrée dans un huis-clos familial, par contre j'ai aimé le style incisif et sombre de Franz Kafka, ce qui m'a donné envie de lire d'autres récits où j'aurai peut-être un peu plus de chance d'y retrouver Prague.

Première incursion dans l'univers de Franz Kafka avec "La métamorphose", je vais bien entendu continuer mon exploration avec d'autres de ses récits.


mercredi 14 février 2018

Les animaux fantastiques : le texte du film de J. K. Rowling


J. K. Rowling, créatrice de la mythique saga Harry Potter, nous invite à découvrir une nouvelle ère du Monde des Sorciers, au côté du jeune explorateur et magizoologiste Norbert Dragonneau. (Gallimard Jeunesse)

Ayant beaucoup aimé le film de David Yates "Les animaux fantastiques", et attendant avec impatience la sortie cette année du deuxième volet de cette série, je me suis plongée avec plaisir dans le texte du film.
Certes, il n'y a pas les images, mais c'est avec bonheur que j'ai lu les dialogues tandis que dans le même temps je retrouvais les personnages et que les images du film me revenaient à l'esprit.
Norbert Dragonneau est un personnage attachant, plutôt timide, qui arrive à New York pour une raison bien particulière, avec son bestiaire d'animaux fantastiques contenu dans une valise, et va y vivre des aventures incroyables et faire des rencontres qui vont le marquer, à commencer par celle du si touchant moldu Jacob Kowalski :
"Norbert, au fait, pourquoi vous m'avez gardé avec vous ?
Norbert doit s'expliquer, ce qui n'est pas facile.
Norbert - Parce que je vous apprécie. Parce que vous êtes mon ami."
Et bien entendu les sœurs Tina et Queenie Goldstein.

J'invite quiconque a aimé le film à le découvrir sous un autre angle à travers ce livre, ce fut pour ma part une lecture certes rapide mais ô combien divertissante.


lundi 12 février 2018

L'amie prodigieuse - L'enfant perdue d'Elena Ferrante


À la fin de "Celle qui fuit et celle qui reste", Lila montait son entreprise d’informatique avec Enzo, et Elena réalisait enfin son rêve : aimer Nino et être aimée de lui, quitte à abandonner son mari et à mettre en danger sa carrière d’écrivain. Car elle s’affirme comme une auteure importante et l’écriture l’occupe de plus en plus, au détriment de l’éducation de ses deux filles, Dede et Elsa. L’histoire d’Elena et de Nino est passionnelle, et bientôt Elena vit au gré de ses escapades pour retrouver son amant. Lors d’une visite à Naples, elle apprend que Lila cherche à la voir à tout prix. (Gallimard)

Pendant plusieurs jours, j'ai arrêté de parler au monde, j'ai vécu dans ma bulle, si l'on me parlait je répondais : "Je ne peux pas, j'ai Elena Ferrante".
Un an que j'attendais la parution de ce dernier tome, un an que je me demandais ce qui allait arriver à Elena, à Lila, après un an d'attente je n'ai pas attendu une journée pour me plonger dans ce livre, c'était plus qu'un besoin c'était presque vital, rarement une série littéraire n'aura eu cet effet sur moi.
Et rarement une écrivain m'aura autant marquée, non pas par le mystère qui entoure son identité réelle, mais par son style si viscéral, par cette retranscription si juste de l'Italie, d'une époque, d'une ville : Naples.
A propos de Naples, Elena finit par y retourner, y vivre, l'appartement au-dessus de celui de Lila, avec ses deux filles issues de son mariage et sa dernière fille née de sa liaison passionnelle avec Nino, son amour de jeunesse.
Quant à Lila, elle ne change pas, toujours la même, toujours aussi versatile, insaisissable, mordante envers Elena pour la pousser au mieux : "Comme toujours, elle s'attribuait le devoir de me planter une aiguille dans le cœur, non pour qu'il s'arrête mais pour qu'il batte plus fort.".
Et là, le doute qui s'était insinué lors du troisième tome ne fut plus permis : ce n'est pas Lila la méchante, la jalouse, c'est Elena qui envie son amie, la jalouse, et comme c'est elle la narratrice, elle a bien failli prendre le lecteur à son jeu, mais il y a des phrases qui permettent de voir que le doute n'est plus permis et que l'envie ne va pas forcément dans le sens auquel on pensait : "Elle possédait une intelligence qu'elle n'exploitait pas : au contraire, elle la gaspillait comme une grande dame pour qui toutes les richesses du monde ne seraient que signe de vulgarité.".
Ce quatrième tome est effectivement celui de la maturité, pour Elenea en tout cas, qui prend conscience que depuis des années elle a une vision biaisée de sa relation avec Lila : "Moi, j'aimais Lila. Je voulais qu'elle dure. Mais je voulais que ce soit moi qui la fasse durer. Je croyais que tel était mon devoir. Et j'étais convaincue que c'était elle-même, fillette, qui me l'avait assigné.", et que cette amitié est le centre de sa vie, Lila est le centre de sa vie, quelque soit la distance ou les personnes présentes, comme le lui fait remarquer une de ses filles : "Avoir une véritable relation avec toi est impossible, tout ce qui compte pour toi, c'est ton travail et tante Lina, et il n'y a rien qui ne finisse aspiré là-dedans !".
Ce quatrième tome offre la vision d'une Elena égoïste, uniquement préoccupée par sa relation avec Nino et pour qui rien d'autre ne compte en dehors : "Ce qui comptait, c'était Nino et moi, et même scandaliser le petit monde du quartier me semblait une agréable façon de ratifier notre couple.", à tel point qu'elle s'oublie, oublie ses filles, mais le revers de la médaille sera cruel et la vérité finira par lui sauter aux yeux.
Et quand ce n'est pas Nino, c'est son travail qui l'occupe, et tout le temps, en toile de fond, Lila.

J'ai été frappée une nouvelle fois par la justesse de l'analyse des personnes, de la ville de Naples et des mécanismes régissant la vie des quartiers, c'est dit avec détachement mais sans aveuglement aucun : "A Naples, on était dans l'excès sans faux-semblants, de façon frontale et avec une satisfaction totale.", ce qui tendrait à prouver une nouvelle fois qu'Elena Ferrante a a minima vécue à Naples voire même elle y est née et y habite toujours.
Ce quatrième tome fait beaucoup appel au premier, c'est très intelligent car cela permet de mettre un point définitif à cette histoire et de lever le voile sur des mystères, mais cela montre aussi que dès le début l'auteur savait où elle voulait arriver, ce n'est pas toujours évident de tenir la construction d'un récit sur plusieurs tomes mais elle s'en est sortie avec brio.
Comme lors de ma lecture du premier tome, j'ai failli m’esclaffer haut et fort dans les transports en commun avec des mots que je ne répéterai pas ici tant la fin de la première partie du récit m'a laissée sur le cul.
Cela faisait bien longtemps qu'une auteur ne m'avait pas autant scotchée sur la durée avec un récit qui se déroule de façon fluide et dont rien dans la construction n'est laissé au hasard.
En toile de fond, c'est l'histoire de l’Italie qui se joue, pas juste celle d'un quartier de Naples.
Il y a tellement de richesse dans ce récit que je ne suis pas bien sûre d'avoir tout saisi à la première lecture, je reste marquée par contre par les deux personnages féminins si emblématiques : Lila et Elena, la reine blanche et la reine rouge, l'une étant le reflet inverse de l'autre dans un miroir.
J'espère sincèrement que l'adaptation télévisuelle en cours de ce récit saura conserver la richesse et la complexité de tous les personnages, car c'est bel et bien une comédie humaine à l'Italienne dont il est question dans ce récit, riche de toutes les personnalités qui la compose avec pour toile de fond l'une des villes emblématiques d'Italie : Naples.

"Contrairement aux récits, la vraie vie, une fois passée, tend non pas vers la clarté mais vers l'obscurité.", c'est avec ces mots que se termine ma chronique de ce quatrième tome de "L'amie prodigieuse", une saga littéraire qui me marquera encore pour longtemps et que je relirai dans quelques années, c'est une certitude, tout comme je retournerai à Naples m'imprégner de cette ville si sulfureuse et fascinante.

dimanche 11 février 2018

Voyage aux îles de la Désolation d'Emmanuel Lepage


Pour la mer — afin de la comprendre et de savoir la dessiner —, pour les Terres australes — qui sont comme la promesse d’un temps qui n’est plus —, en mars et avril 2010, pendant plusieurs semaines, Emmanuel Lepage a embarqué sur le Marion Dufresne, au départ de Saint-Denis de La Réunion, pour faire le voyage dans les T. A. A. F., les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Les Terres australes : îles de Crozet, d’Amsterdam, de Saint-Paul et, la plus connue, de Kerguelen, jadis surnommées les îles de la Désolation. Des confettis d’empire, égarés dans l’immensité bleue à des milliers de kilomètres de toute terre habitée. Îles inconnues, sauvages, inhospitalières, mystérieuses. Battues par des vents violents, elles ne comptent d’humains que les scientifiques, de toutes disciplines, venus le temps de missions pouvant durer plusieurs mois, et les quelques militaires et contractuels chargés de faire fonctionner leurs bases d’habitation et de travail. Emmanuel Lepage, le Breton, en toute contradiction, n’avait jamais pris la mer. Il a été servi ! Cap au Sud ! (Futuropolis)

J'étais prévenue, une oeuvre d'Emmanuel Lepage est d'une beauté à couper le souffle, mais j'ai tout de même été surprise, et éblouie.
Pour ce récit, Emmanuel Lepage a pris la mer, direction les Terres Australes, à bord du Marion Dufresne en compagnie de scientifiques, pour essayer d'approcher ces îles lointaines, si sauvages et si belles : Crozet, Amsterdam, Saint-Paul, Kerguelen.
Belles et fascinantes, j'ajouterai : "Il me faudrait des jours, des semaines,, des mois même, pour appréhender ces lieux, en saisir l'essence, percer l'étrange fascination qu'ils exercent. Mais le temps manque et je ne suis pas seul. Une sourde frustration s'installe en moi et ne me quittera plus. Je ne fais que passer.", autant pour le lecteur que pour Emmanuel Lepage qui malgré sa crainte réussit à retranscrire toute la complexité et la beauté de ces paysages, de ces îles qui aujourd'hui ne servent que pour la recherche et qu'il faut préserver le plus possible de l'empreinte humaine.
Cette bande dessinée a un aspect documentaire intéressant à explorer et à découvrir, d'autant que ce sont des endroits que peu de personnes fréquentent et que le commun des mortels n'a même aucune chance d'aborder de près.
C'est aussi une aventure humaine que vit Emmanuel Lepage, en rencontrant des scientifiques, des personnes habituées à ces îles qui y retournent régulièrement dans le cadre de leur travail, mais aussi les marins du Marion Dufresne, toutes ces personnes enrichissant à la fois l'auteur et le lecteur par leurs anecdotes, leurs souvenirs.
Ce fut une communauté, des liens qui se créèrent comme seul une odyssée de ce type le permet : "C'est le crépuscule de notre communauté. Celle du Marion. Nous chemins vont s'éloigner, nous nous perdrons sans doute de vue, mais cela n’altérera en rien l'intensité de ce que nous avons vécu ensemble.", comme j'aurai aimé en faire partie !
Comme j'aimerai voir ces endroits au moins une fois dans ma vie !
Emmanuel Lepage offre des dessins qu'une qualité exceptionnelle, les paysages de ces îles sont à couper le souffle, il y a des planches en pleine page dont le terme magnifique pour les qualifier est encore trop peu, non seulement j'ai voyagé mais j'ai aussi eu l'impression d'être transportée dans un autre monde, voire sur une autre planète.
Difficile d'imaginer que de tels paysages existent bien sur Terre, c'est pourtant le cas et cette bande dessinée a le mérite de les mettre en lumière.
J'ai également été très sensible à la dimension écologique de ce récit, il met en lumière l'importance de préserver ces paysages et les espèces animales qui les peuplent, d'autant que l'on peut voir les dégâts que le présence de l'Homme ont pu causer à certains endroits.
Et alors je suis littéralement sous le charme du coup de crayon d'Emmanuel Lepage.

"Voyage aux îles de la désolation" est une bande dessinée de toute beauté qui invite au voyage et qui permet à chacun de s'enrichir sur un plan personnel, un voyage littéraire qui m'a bouleversée.

samedi 10 février 2018

Rétro cinéma 2017 - Portrait chinois

J'ai un peu tardé pour faire ma chronique sur les rétrospectives 2017 au cinéma, mais je réfléchissais à la forme à lui donner.
J'ai retenu celle du portrait chinois, car je n'arrivais pas à me fixer sur 10 films, il y en aura donc 12 qui auront marqué mon année 2017.
Ils sont classés par ordre de préférence, le choix ne fut pas simple car j'ai vu beaucoup de films en 2017 (je n'ai pas compté mais la moyenne est facilement d'un par semaine), beaucoup de bons films, certains m'ont particulièrement touchée et au moment de faire le bilan le choix est toujours difficile.
Je ne parlerai pas de "Django", "La promesse de l'aube", "Patti Cake$", "The Young Lady", "The Lost City of Z", "Loving", "Jackie", "Moonlight", "Lala Land", pourtant ces films sont très bons mais malheureusement tous ne peuvent pas figurer dans ma shortlist, j'ai fait le choix du cœur, des émotions et du ressenti.

Ma plus grande émotion : "120 battements par minute"


Mon plus beau voyage : "Le Caire Confidentiel"


Ma plus grande rêverie : "Blade Runner 2049"


Ma meilleure adaptation : "Au revoir là-haut"


Mon meilleur endroit : "Dans un recoin de ce monde"


Ma pépite incroyable : "Okja"


Ma belle découverte historique : "Lumière ! L'aventure commence"


Ma plus grande drôlerie : "Le sens de la fête"


Ma plus grande peur : "The Jane Doe Identity"


Ma plus grande injustice : "Detroit"


Ma plus grande révolte : "La belle et la meute"


Ma plus belle larme : "Le musée des merveilles"


Qui dit palmarès dit aussi pires films vus en 2017, voici le classement de mes 3 douleurs cinématographiques.

Mon ennui le plus profond : "Barbara" de Mathieu Amalric


Mon second ennui le plus profond : "Lucky" de John Carroll Lynch


Ma perplexité devant le vide abyssal : "Une femme fantastique" de Sebastian Lelio

vendredi 9 février 2018

Les huit montagnes de Paolo Cognetti


Pietro est un garçon de la ville, Bruno un enfant des montagnes. Ils ont 11 ans et tout les sépare. Dès leur rencontre à Grana, au cœur du val d’Aoste, Bruno initie Pietro aux secrets de la montagne. Ensemble, ils parcourent alpages, forêts et glaciers, puisant dans cette nature sauvage les prémices de leur amitié. Vingt ans plus tard, c’est dans ces mêmes montagnes et auprès de ce même ami que Pietro tentera de se réconcilier avec son passé – et son avenir. (Stock) 

Il suffit de placer l'intrigue d'un roman en Italie pour que je cherche à le lire, il n'est donc pas étonnant que ce roman de Paolo Cognetti se soit retrouvé entre mes mains.
"Les huit montagnes", c'est l'histoire de Pietro, le garçon de la ville dont le père est féru de montagne, qui rencontre Bruno, le garçon de la montagne qui va l'initier aux secrets de la montagne.
Le père de Pietro aime plus que tout la montagne et la parcourir pendant de longues heures durant ses congés d'été, avant de repartir pour de longs mois en ville travailler : "L'hiver, la montagne n'était pas faite pour les hommes et il fallait la laisser en paix. Dans la philosophie qui était la sienne, qui consistait à monter et à descendre, ou plutôt à fuir en haut tout ce qui lui empoisonnait la vie en bas, après la saison de la légèreté venait forcément celle de la gravité : c'était le temps du travail, de la vie en plaine et de l'humeur noire.".
Pietro va suivre un temps son père, ainsi que Bruno, puis il va suivre son propre chemin, et finir par se réconcilier avec son passé qui, même si on le fuit, demeure.
Et puis Pietro va aussi découvrir et apprendre beaucoup sur la vie : "Je commençais à comprendre ce qui arrive à quelqu'un qui s'en va : les autres continuent de vivre sans lui.".

L'implantation de cette histoire, le Val d'Aoste, offre au lecteur des paysages splendides, une montagne à couper le souffle et des paysages encore sauvages qui n'ont pas été (encore) dénaturés par l'homme.
L'intrigue ne se situe pourtant pas si loin dans le passé.
L'histoire offre aussi deux personnages très différents mais tout aussi intéressants l'un que l'autre : Pietro qui va se rebeller, fuir loin pour finalement revenir à ses racines et se réconcilier avec son passé et particulièrement son père; et Bruno, l'enfant de la montagne qui ne la quittera jamais, même pour quelques heures, qui y connaîtra de grands bonheurs mais aussi des tristesses tout aussi profondes.
Chacun vivra des revers de vie différents, chacun les affrontera à sa manière et en sortira de toute façon grandi.
Pas tout à fait un roman d'apprentissage, c'est surtout un roman familial que livre-là Paolo Cognetti, avec une relation père-fils difficile pour Pietro, à toujours vouloir plaire à ce père féru de grands espaces en altitude et qui finira par se fâcher avec lui, mais tout autant pour Bruno avec un père absent et désintéressé de son fils.
Et puis pour chacun des deux garçons, il y a leur mère, qui jouera un rôle important dans leur vie, comme toute mère diront certains, pas forcément répondrai-je.
Sur le fond j'ai donc beaucoup aimé ce roman, un peu moins sur la forme car je trouve qu'il met un peu trop de temps à se mettre en place.
L'enfance des deux garçons prend une place importante, à tel point que j'ai même cru que tout le roman se déroulerait sur ce laps de temps.
J'ai nettement préféré le traitement de l'âge adulte, plus ramassé dans l'écriture tout en étant plus étalé dans le temps.
Quant à la fin, je ne m'y attendais certainement pas, mais c'est une belle conclusion à ce récit.

Belle découverte de Paolo Cognetti avec "Les huit montagnes", un roman de la rentrée littéraire 2017 qui s'est vu récompenser du Prix Médicis étranger.

mercredi 7 février 2018

La passe-miroir - Tome 3 La mémoire de Babel de Christelle Dabos


Deux ans et sept mois qu'Ophélie se morfond sur son arche d'Anima. Aujourd'hui, il lui faut agir, exploiter ce qu'elle a appris à la lecture du Livre de Farouk et les bribes d'information divulguées par Dieu. Sous une fausse identité, Ophélie rejoint Babel, arche cosmopolite et joyau de modernité. Ses talents de liseuse suffiront-ils à déjouer les pièges d'adversaires toujours plus redoutables? A-t-elle la moindre chance de retrouver la trace de Thorn ? (Gallimard Jeunesse)

J'avais laissé une Ophélie complètement déboussolée, la revoici deux ans et quelques mois après la fin du second tome de la série "Le passe-miroir".
De retour sur son arche d'Anima, la voilà qui se morfond et prend la décision de rejoindre l'arche de Babel sous une fausse identité : "A Babel, les gens ne voient que ce qu'ils veulent voir.".
Sous le pseudonyme de Miss Eulalie, elle mène l'enquête suite aux événements déclenchés sur l'arche de la Citacielle, découvre cette arche cosmopolite où le savoir règne en maître : "Certains humains sont des objets de leur vivant, Miss Eulalie.", tout en recherchant Thorn, ce mari si obtus pour qui elle s'est découvert une affection (ah ... loin des yeux, près du coeur) : ""Au fait : je vous aime." Où étaient-ils passés, ces cinq mots maladroits que Thorn lui avaient soufflés à l'oreille juste avant de disparaître de sa vie ?".
Et il se trouve qu'il y a un être sur Anima qui ressemble beaucoup en trait de caractère à Thorn : "C'était un être anguleux de corps comme de caractère, sans jamais une formule aimable, ni un geste galant, ni un mot d'humour, préférant la compagnie des chiffres à la société des hommes.".

J'ai été extrêmement déçue par ce troisième tome qui n'a malheureusement rien pour se rattraper, contrairement aux deux autres.
Il condense à lui seul les défauts constatés dans les deux premiers et les aggrave même.
L'histoire est très longue à démarrer, il ne se passe pas grand chose pendant une bonne partie du récit, l'intrigue, si tant est qu'il y en ait une, enfonce des portes ouvertes et tout est d'un prévisible ... .
Je regrette l’absence d'imagination et d'innovation, Ophélie est un personnage qui se traîne et perd le lecteur, tout comme son écharpe magique pendant une bonne partie du récit.
Ce que je craignais a fini par se produire, non seulement les personnages sont toujours aussi manichéens mais il ne fallait pas être sorcier pour deviner ce qui allait se produire dans ce troisième tome.
J'ai même eu l'impression que l'auteur s'essoufflait et ne savait plus trop quoi inventer pour ses personnages.
Changer d'arche n'a pas été suffisant, il manque à ce tome une réelle intrigue pour le rendre palpitant, dommage que cela ne soit le cas que dans les dernières pages, je me suis bien ennuyée avant d'en arriver-là.

Et dire que je pensais que c'était le dernier ... que nenni !
Mais je ne suis pas bien sûre de vouloir m'infliger de nouvelles souffrances en lisant un quatrième tome à paraître, qui lui-même ne serait peut-être pas encore la conclusion de cette histoire qui aurait pu être tellement mieux exploitée qu'elle ne l'est.