jeudi 30 août 2012

Avant d'aller dormir de S. J. Watson


La révélation 2011 du thriller. Un premier roman que les amateurs du genre n’oublieront pas. A la suite d’un accident survenu une vingtaine d’années plus tôt, Christine est aujourd’hui affectée d’un cas très rare d’amnésie : chaque matin, elle se réveille en croyant être une jeune femme célibataire ayant la vie devant elle, avant de découvrir qu’elle a en fait 47 ans et qu’elle est mariée depuis vingt ans. Son dernier espoir réside dans son nouveau médecin, Ed Nash. Celui-ci lui a conseillé de tenir un journal intime afin qu’elle puisse se souvenir de ce qui lui arrive au quotidien et ainsi reconstituer peu à peu son existence. Quand elle commence à constater de curieuses incohérences entre son journal, ce que lui dit son entourage et ses rares souvenirs, Christine est loin de se douter dans quel engrenage elle va basculer. Très vite elle va devoir remettre en question ses rares certitudes afin de faire la vérité sur son passé… et sur son présent. Ne le dis à personne, d’Harlan Coben, Shutter Island, de Dennis Lehane, Tokyo, de Mo Hayder… il est des livres dont la publication marque irrémédiablement le genre et hisse leur auteur au rang des incontournables du polar. Gageons que Avant d’aller dormir de S. J. Watson va tout de suite aller rejoindre ce cercle très fermé. Avec une héroïne à laquelle on s’attache instantanément, un récit à la construction aussi machiavélique qu’époustouflante et un suspense de tous les instants, une seule question hante l’esprit du lecteur une fois la dernière page refermée : à quand le prochain Watson ? Les éditeurs évoquent souvent « un livre qu’on ne peut pas lâcher ». Voici un livre qu’on ne peut véritablement pas lâcher ! (Sonatine)

"Je me réveille ce matin dans un endroit que je ne connais pas mais où je vis, apparemment, auprès d’un homme que je ne connais pas et qui me dit que je suis mariée avec lui depuis des années.", et c’est ainsi que se réveille Christine tous les matins.
Victime d’un accident dont elle n’a aucun souvenir il y a une vingtaine d’années, elle souffre d’un cas très rare d’amnésie et aucun traitement à ce jour n’a pu la guérir.
En thérapie avec le neuropsychologue Ed Nash elle tente de dérouler la pelote pour découvrir la cause de son amnésie et un moyen de la guérir : "Je mène peut-être une vie au cours fragmentaire, mais au moins, les fragments sont assez importants pour que je manifeste un semblant d’indépendance. J’imagine que cela signifie que j’ai de la chance.", c’est ainsi que le livre débute sur son journal : "Mais il n’y a rien que je puisse faire. Je tourne la page. Je commence à lire l’histoire de ma vie.".4

Sur le papier, ce résumé avait tout pour plaire mais j’aurai dû me méfier de la publicité sur la quatrième de couverture, car ce livre est trop surfait et encensé.
J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, d’ailleurs je suis toujours restée plus ou moins en dehors.
Je n’ai pas trouvé tant de suspens que ça, même si la construction n’est pas trop mal faite elle ne trouve une émulation que vers la fin de l’histoire.
L’héroïne, Christine, est loin d’être attachante, je n’ai eu aucun atome crochu avec elle et j’ai lu son histoire d’un œil extérieur, sans jamais craindre pour sa vie ni même souhaiter qu’elle découvre la vérité.
D’ailleurs le dénouement fini par être attendu et les ficelles sont un peu trop grosses dans le sens non réalisables dans la vie de tous les jours.
Il n’y a que dans la littérature qu’un tel rebondissement est possible et, puisque ce livre est comparé à un de Harlan Coben, lui propose toujours des conclusions réalisables et envisageables, contrairement à S. J. Watson avec "Avant d’aller dormir".

"Avant d’aller dormir" est le premier livre de S. J. Watson, non seulement je ne crie pas "au génie" mais je n’attends nullement avec impatience son second roman.
A part une construction correcte je suis restée de marbre face à ce livre qui n’a aucun côté machiavélique ni diabolique, n’ayant de plus ressenti aucune empathie pour l’héroïne.
Nouvel exemple d’un livre à la réputation surfaite et avec de la publicité racoleuse, à tel point que je pourrai en venir à faire une réaction épidermique à la maison d’édition qui se sert de la quatrième de couverture comme d’un matraquage publicitaire, une stratégie marketing qui ne prend plus avec moi.

W.E.S.T Tome 4 Le 46è Etat Cycle 2 : 1902 de Xavier Dorison, Fabien Nury et Christian Rossi


L’identité du redoutable révolutionnaire Islero, alias le docteur Carlos Finlay, n’a pas encore été révélée au W.E.S.T, envoyé à Cuba par le gouvernement américain afin de veiller au “bon déroulement des élections” (sic). Objectif avoué de la Maison Blanche : faire de Cuba un État aux bottes des Américains. La raison est d’abord économique : les richesses naturelles de l’île ont entraîné d’importants investissements notamment de la part de la United Fruit qui entend conserver sa main mise. Mais sur place la situation est explosive, la révolution couve, le candidat présenté par les Américains n’a pas le soutien d’une grande partie de la population qui ne jure que par Islero. Au comble des tensions, les membres de W.E.S.T sont écartelés par leur mission officielle et leurs sentiments personnels. (Dargaud)

Suite et fin des aventures cubaines du groupe W.E.S.T.4
Kathryn est tombée aux mains d’Islero et pour l’empêcher d’être un zombie il n’y a que peu de solutions, car comme le fait remarquer à Chapel l’un des protagonistes : "Vos amis ont une espérance de vie limitée, Chapel … ils paient cher les services qu’ils vous rendent.".
Comme pour le premier cycle, la résolution du mystère d’Islero trouve sa conclusion avant la fin, cette fois-ci les auteurs introduisent comme seconde intrigue l’indépendance de Cuba ou son rattachement aux Etats-Unis : "Personne ne veut d’un Cuba indépendant ! Personne … sauf les cubains !".
Cela permet aux personnages d’apparaître plus humains, d’exprimer leurs opinions et finalement, d’être montrés sous un nouvel angle : ce ne sont pas uniquement des mercenaires prêts à tuer mais aussi des hommes (et femme) se battant pour des idées, pour la liberté d’un peuple.
Car finalement, "Au bout du compte, mieux vaut un Cuba libre et productif plutôt qu’un territoire américain en pleine insurrection.".
Ce tome marque une évolution des personnages et permet également de plus s’attarder sur leur personnalité.
Résultat, ils n’en deviennent que plus attachants et se mettent définitivement le lecteur dans leur poche.
Côté dessins, c’est toujours aussi réussi et intelligent dans le choix des couleurs.

"Le 46è Etat" clôt le deuxième cycle de W.E.S.T et achève d’asseoir cette série comme une incontournable de la bande dessinée, en livrant au fur et à mesure les personnages au lecteur, le tout avec une histoire explosive déroulée à cent à l’heure et impossible à lâcher avant la fin.

W.E.S.T Tome 3 El Santero Cycle 2 : 1902 de Xavier Dorison, Fabien Nury et Christian Rossi


1902. Les Etats-Unis de Theodore Roosevelt ont « libéré » Cuba du joug espagnol et s’apprêtent à y organiser des élections « démocratiques ». Mais la crédibilité et la mainmise politique de l’Oncle Sam sont sérieusement minés par Islero, un sorcier vaudou. L’homme reste insaisissable et, sur son ordre, des cadavres se lèvent et marchent. Dépêchés sur l’île pour mettre un terme à cette menace, Morton Chapel et ses équipiers de l’agence W.E.S.T. réussiront-ils à vaincre le mauvais sort qui frappe la présence américaine ? Et surtout, le voudront-ils… ? Après un premier cycle des plus prometteurs, on retrouve l’équipe d’enquêteurs paranormaux dans une nouvelle configuration et un nouveau cadre, Cuba, île sensuelle, aux rythmes lourds et envoûtants, qui permet à Christian Rossi d‘expérimenter une nouvelle partition de couleurs. Xavier Dorison et Fabien Nury, pour leur part, affinent encore la narration et l’épurent pour, paradoxalement, raconter une histoire plus complexe, qui place les membres de W.E.S.T. face à un dilemme cornélien : Mercenaires ou véritables héros ? On croit connaître les gens… mais se connaît-on jamais soi-même ? Xavier Dorison s’est taillé une place de choix dans la B.D. grâce au scénario du Troisème Testament, un récit historico théologique plein de suspense. Depuis il a confirmé tout son talent de narrateur avec Prophet, Sanctuaire (Les Humanoïdes Associés), et W.E.S.T, qu’il écrit avec Fabien Nury. Ensemble les deux amis ont écrit le scénario de l’adaptation du film Les Brigades du Tigre. Ancien concepteur rédacteur diplômé de l’ESCP, Fabien Nury a commencé par écrire des vidéo-clips avant de rencontrer Xavier Dorison et de se jeter en sa compagnie dans le bain du 9e Art. Depuis, il continue W.E.S.T. et a également écrit Je suis Légion (Les Humanoïdes Associés). Né en 1954, Christian Rossi a débuté comme roughman avant de publier ses premières planches dans des magazines tels que Pif, Pilote ou Circus. De nombreuses séries telles que Les Errances de Julius Antoine, Capitaine La Guibole, La Gloire d’Héra ou encore Jim Cutlass l’ont consacré comme l’un des plus grands dessinateurs européens. Il se dédie aujourd’hui à la série W.E.S.T. (Dargaud)

Changement de décors pour le deuxième cycle de W.E.S.T, l’intrigue se déroule cette fois à Cuba en 1902.
L’armée américaine occupe l’île depuis quatre ans, mais voilà qu’un mystérieux sorcier connu sous le nom d’Islero sévit, laissant pour morts des soldats ou de riches exploitants américains pour les faire réapparaître en zombies passant le message du "Santero" galvanisant les Cubains contre les "Yankees" : "Bon, écoutez-moi bien : il faut éliminer ce sorcier, cet Islero … il y a six mois, personne ne le connaissait, et maintenant, les Cubains n’ont plus que son nom à la bouche ! … Si personne ne l’arrête, nous risquons de perdre les élections !".
La mission d’éliminer cet Islero est confiée à W.E.S.T et Kathryn va se pencher de près sur le mystère des zombies tombant ainsi entre les mains d’Islero : "Vous aviez raison. Les zombies ne sont pas réellement morts. Ils voient tout, entendent tout, sentent tout, mais sans mon ordre … ils ne peuvent agir.".

Il n’y a pas de temps mort dans cette nouvelle histoire et les auteurs ne perdent pas leur temps à représenter les différents protagonistes.
Le lecteur est ainsi tout de suite amené au cœur de l’intrigue.
Le changement de pays est le bienvenu, cela permet de diversifier les horizons et de changer de paysages.
Comme dans le cycle précédent, une dimension ésotérique est donnée à l’histoire mais elle reste dans le domaine du crédible.
Du côté des dessins, il y a toujours ce souci du détail et le Cuba de 1902 est bien représenté.
Il y a une forte dominante d’orange dans le choix des couleurs et Christian Rossi joue avec toute cette palette pour donner une impression de chaleur à l’histoire.

"El Santero", à n’en pas douter, ouvre en fanfare le deuxième cycle de W.E.S.T, avec une histoire tout aussi explosive et prometteuse que dans le premier.

W.E.S.T Tome 2 Century Club Cycle 1 : 1901 de Xavier Dorison, Fabien Nury et Christian Rossi


Séparément, ils sont dangereux, ensemble, ils sont incontrôlables. À leur tête, un Anglais aux nerfs d’acier, Morton Chapel, que Richard Clayton a réactivé “officieusement”. Ce conseiller à la Maison Blanche a en effet compris que le pays entier court un danger, que le chaos est aux portes du pays. En effet un climat de folie gagne la société américaine et plusieurs hommes influents semblent avoir perdu la tête, sans raison apparente. Quant aux autres, dont Lennox, leur sort est tout simplement entre les mains d’un personnage diabolique (…) qui fomente dans l’ombre. Son nom : Crowley. Suivi par des tueurs implacables qui n’ont plus rien d’humain, les Sicaires, Crowley installe un climat de terreur et le Président de la république lui-même est menacé. L’Histoire est en marche… (Dargaud)

Pas de temps mort avec ce deuxième tome qui enchaine directement sur la suite des évènements du premier.
L’histoire se déroule à New-York, en septembre 1901, et l’équipe spéciale W.E.S.T approche de la vérité pour trouver le manipulateur du Club Century qui, après avoir passé un pacte avec ses membres, les voue à une mort certaine et violente.

C’est vers l’ésotérisme que se tourne l’histoire : "On peut déchirer un contrat, oublier une promesse, nier un engagement … mais personne ne peut trahir un serment donné sous le sceau d’Aïfass, jamais.", tout en restant crédible.
L’enquête est menée rapidement et efficacement, je n’ai pas pu lâcher cette bande dessinée avant la fin.
Il y a des scènes d’action et une belle confrontation entre Chapel et l’homme derrière tout cela : "Rien n’a changé, depuis l’Antiquité. Du pain et des jeux, voilà tout ce qu’ils ont à nous offrir …".
L’histoire est efficace et prenante, le cadre de New-York en 1901 est bien reconstitué, tout comme les costumes.
Le tour de force des auteurs, c’est qu’ils insèrent une deuxième mini-intrigue après la résolution de la première, ce qui permet à ce tome de trouver une réelle conclusion, avec l’une des dernières images des plus surprenantes.
Les personnages sont attachants et fonctionnent bien entre eux puisqu’ils sont complémentaires.
A noter un petit changement à la fin : Angel quitte le W.E.S.T et c’est une femme, Kathryn Lennox, qui intègre le groupe après l’aide précieuse qu’elle a apportée dans la résolution de l’intrigue : "Ce n’est pas parce que je collabore avec vous que je vais prendre des leçons d’un vieux sociopathe suicidaire, … et ne comptez pas sur moi pour soigner vos rhumatismes.".
Les dessins sont de très belle qualité, très soignés et regorgent de détails.
Les paysages et les costumes sont très soignés, tout cela rendant la lecture de cette bande dessinée des plus agréables.

Avec "Century Club" se clôt le premier cycle de W.E.S.T, série entraînante et sans temps mort, à l’intrigue de qualité et aux dessins des plus agréables.
A découvrir !

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


W.E.S.T Tome 1 La chute de Babylone Cycle 1 : 1901 de Xavier Dorison, Fabien Nury et Christian Rossi


L’action démarre à Paris, le temps de quelques planches, avec un accident de train aussi spectaculaire qu’inexplicable en gare Montparnasse. Parmi les victimes un certain Studwater, retrouvé mort alors qu’il détenait une précieuse mallette. Un détail : celui-ci n’est pas décédé suite à l’accident de train. Il a tout bonnement été exécuté dans les décombres de l’accident, par un étrange personnage qui en voulait surtout au contenu de sa mallette destinée à Adam Clayton, le responsable de la sécurité du Président des U.S.A. États-Unis, la Maison-Blanche. Le vice-président Roosevelt discute avec Clayton et le président Mac Kinley. "L’affaire" a fait du bruit, surtout après la découverte d’un autre cadavre, celui de Mr Lennox, personnage influent, qui s’est fait sauter la cervelle après avoir éliminé sa femme et sa servante... Dans les deux cas un même personnage semble tirer les ficelles, pour une raison encore inconnue mais qui inquiète fort Clayton. On parle de conspiration, de magie noire, d’événements inexplicables, de folie qui s’empare de notables hauts placés... Clayton est le seul à vraiment comprendre la véritable nature du danger qui menace la société américaine : le chaos pur et simple ! Il décide alors de faire appel à un vieil ami, un baroudeur au passé mystérieux, et à son équipe de choc : Morton Chapel et ses trois acolytes qui formeront le W.E.S.T. (Weird Enforcement Special Team). (Dargaud)

Chaotique, c’est le moins que l’on puisse dire pour qualifier ce premier tome de la série W.E.S.T.
Et le chaos n’est pas seulement dans l’intrigue, mais aussi dans la présentation générale de la bande dessinée car certaines planches ne se lisent pas de gauche à droite mais en continu sur les deux pages.
C’est un peu déroutant mais une fois que l’on a compris l’astuce on entre bien dans la lecture.

L’histoire se déroule à New-York en 1901 et certains membres du Club Century, dirigé par le sénateur Charles Lennox, sont voués à une mort atroce.
Dans le même temps, son fils empoisonne une soupe populaire à la strychnine.
Quelqu’un tire les ficelles de tout cela et ambitionne la chute de New-York, l’équivalent de Babylone : "Elle est tombée, Babylone la grande … qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur … de son hypocrisie.".
Le mot d’ordre est simple : "Trouvez-moi le responsable de ce merdier et stoppez-le !", et pour cela quatre hommes, quatre parias que tout oppose, sont regroupés : "Cette équipe a une histoire, Monsieur Bishop, pour votre gouverne, Monsieur Rumble évoquait un nom que nous a un jour attribué le Président Ulysses T. Grant, alors que n’étiez qu’un vague projet pour vos parents.", leur nom de code : W.E.S.T Weird Enforcement Special Team.

Ce premier tome est assez déroutant car l’histoire est morcelée, tout comme l’arrivée des personnages, et il faut presque les trois quart du tome pour que l’histoire s’ancre et se déroule normalement.
Après une mise en place pouvant apparaître comme décousue, l’histoire se met en place et il devient difficile de la lâcher sans connaître la fin.
L’équipe W.E.S.T est finalement peu présente dans ce tome, mais les quatre hommes sont différents et à eux quatre ils créent une dynamique.
Ce premier tome est très riche en dessins et en couleurs, avec une dominante de nuances orange.
C’est visuellement bien réussi, agréable à lire sans être touffu et la ville de New-York est relativement présente, qu’il s’agisse des beaux ou des moins beaux quartiers.

"La chute de Babylone", premier tome de la série W.E.S.T sert surtout à amener les personnages et la formation de cette équipe spéciale.
C’est parfois violent mais l’historie décolle en force et ne donne qu’une envie : de découvrir la suite dans le deuxième tome.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


mercredi 29 août 2012

La couleur des sentiments de Kathryn Stockett


Jackson, Mississippi, 1962. Lorsqu’elle rentre chez elle, Aibileen, seule dans sa bicoque du quartier noir de Jackson, dîne modestement, écrit ses prières dans un carnet, pense à son fils disparu et écoute du gospel, du blues ou le sermon du Pasteur à la radio. Nurse et bonne au service de familles blanches depuis quarante ans, Aibileen n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Elle vit pour “ses enfants” – les petits Blancs dont elle s’occupe jusqu’à l’âge où ils changent –, les aime tendrement et met un point d’honneur à leur transmettre l’estime de soi, luttant comme elle le peut contre les idées racistes que leurs parents leur enfonceront bientôt dans le crâne. Aibileen est une âme généreuse, dotée d’une grande sagesse et d’une bonhomie attendrissante. Elle a la vitalité, la douceur et la rondeur d’Ella Fitzgerald. Dans les pires moments, elle peut compter sur sa meilleure amie, Minny, bonne et cuisinière chez les Blancs depuis son plus jeune âge elle aussi, une forte tête qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Entre un mari alcoolique à la main lourde et cinq enfants à éduquer, son quotidien s’apparente à une lutte de survie. Ainsi dissimule-t-elle sa sensibilité sous les traits d’une maîtresse-femme à la langue bien pendue, ce qui lui a valu d’être maintes fois renvoyée. D’ailleurs, sa nouvelle patronne, pin-up désœuvrée au comportement étrange, lui donne déjà du fil à retordre. C’est alors qu’arrive Skeeter Phelan. Vingt-deux ans et fraîchement diplômée, elle est de retour à Jackson où elle retrouve ses anciennes amies. Contrairement à elles, Skeeter n’a pas encore la bague au doigt, attache peu d’importance à ses tenues et sa coiffure, possède un esprit plus ouvert que la moyenne et souhaite plus que tout devenir écrivain. Lorsqu’on lui confie la rubrique ménagère du journal local, elle demande à Aibileen de lui donner des tuyaux. Elle apprend à la connaître et comprend bientôt qu’elle tient son sujet : il y a peu, une certaine Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus ; un certain Martin Luther King se rend de ville en ville pour défendre la cause des droits civiques ; elle, Skeeter Phelan, va donner la parole aux bonnes de Jackson, leur demander de raconter ce que c’est qu’être une bonne noire au service d’une famille blanche du Mississippi, recueillir leurs témoignages et en faire un livre. Elle y tient d’autant plus que Constantine, la bonne qui l’a élevée et qu’elle aime profondément, a été congédiée par ses parents pour des raisons obscures. Ce projet fou auquel se rallient Aibileen et Minny va les mettre en danger et changer à jamais le cours de leur vie. (Editions Jacqueline Chambon)

A Jackson dans le Mississippi en 1962, les femmes noires travaillent pour les familles blanches.
Ce sont elles qui s’occupent des enfants, qui les élèvent, qui vivent avec eux leurs joies et leurs peines, qui les comprennent, qui les forgent pour l’avenir, qui entretiennent les maisons, qui préparent les plats ; pendant que toutes ces femmes de la bonne société prennent du bon temps entre elles, à jouer aux cartes ou à préparer la prochaine vente de charité pour venir en aide aux orphelins d’Afrique.
C’est l’époque de la ségrégation raciale, et ça ne viendrait à l’idée de personne d’écrire un livre sur le ressenti de ces femmes noires : "Avec des témoignages pour montrer ce que c’est de travailler pour une famille blanche.", à personne sauf à la jeune Skeeter qui cherche à savoir ce qu’il est advenu de Constantine, sa bonne qu’elle a tant aimée et qui l’a élevée.
Pour cela, elle va réussir après bien des difficultés à convaincre des bonnes de témoigner pour son livre, à commencer par Aibileen qui s’occupe d’une petite fille rejetée par sa mère et par la dure Minny qui n’a pourtant pas sa langue dans sa poche et qui se retrouve à travailler chez une jeune femme mal dans sa peau et rejetée par la bonne société bien pensante et charitable de Jackson.
Et comme lui dit Minny : "Si je vous le dis, c’est seulement pour le livre, vous savez. On est pas là pour se faire des confidences.", pas question de se faire des confidences ou de devenir amie, le but de ce livre c’est d’essayer de faire évoluer les choses : "N’était-ce pas le sujet du livre ? Amener les femmes à comprendre. Nous sommes simplement deux personnes. Il n’y a pas tant de choses qui nous séparent. Pas autant que je l’aurais cru.".

Ecrit selon trois points de vue, ceux d’Aibileen, de Minny et de Sketter, ce livre est une véritable bombe à émotions qui saute au visage, colle à la peau, ne se lâche plus et qui marque les esprits longtemps après l’avoir refermé.
Par moment j’ai souri, à d’autres j’ai eu la larme à l’œil, mais jamais je ne me suis ennuyée, jamais je n’ai trouvé que l’auteur inventait ou que ce qu’elle écrivait ne sonnait pas juste.
C’est humblement que Kathryn Stockett l’a écrit, parce qu’elle a connu cette époque et qu’elle a aimé sa bonne, mais qu’elle n’a jamais pu lui demander ce que cela faisait de travailler pour une famille blanche.
C’est toujours juste, particulièrement bien écrit, en somme, un véritable coup de maître pour un premier roman.
J’ai trouvé le fond de l’histoire vraiment dur, que ce soit pour Aibileen qui adore la petite fille dont elle a la charge alors que la mère ne s’y intéresse même pas, elle rejette sa fille, lui fait même peur, ne s’intéresse qu’à sa petite personne ou pour Minny, dont le lecteur finit par apprendre que son mari la bat, mais aussi pour la femme chez qui elle travaille, qui est la risée de tout Jackson, que tout le monde rejette et qui est tellement mal dans sa peau que c’en est un presque un miracle qu’elle ne se suicide pas.
Mais c’est ça aussi la magie de ce livre, de montrer le rôle de ces bonnes, qui parfois portent à bout de bras la femme pour qui elles travaillent, en la soutenant, en la réconfortant, en égayant sa journée et en lui donnant une raison de se lever chaque matin.
Je ne qualifierai pas cette histoire de triste, même si beaucoup de passages le sont, a contrario d’autres sont des instants de pur bonheur, mais ce qui prédomine, c’est l’espoir fou qu’il véhicule, la force de vie qu’il insuffle.
Longtemps la galerie de personnages qu’il dépeint me suivra, tout comme leur courage et leur dignité.

Bien belle histoire que celle de "La couleur des sentiments", un livre fort en émotion qui met en avant le courage et la dignité.
Une belle leçon de vie et d’humanité qui fait réfléchir sur la bêtise humaine, d’autant que 1962, ce n’est pas si éloigné que ça, et qu’en y regardant de plus près, les choses ont certes évolué, mais pas non plus tant que ça.

Le masque de l'araignée de James Patterson


A Washington D.C., Alex Cross, un détective noir, enquête sur le kidnapping de deux jeunes élèves d'une école privée : Michael Golberg, sept ans, fils du ministre des Finances ; Maggie-Rose Dunne, un peu plus âgée, fille d'une star et d'un financier célèbre. Mais Alex Cross n'est pas un détective comme les autres, il est pourvu d'un doctorat en psychologie ; sa propre femme a été assassinée par un de ces tueurs anonymes qui hantent le ghetto. Qui pourrait être plus motivé dans sa quête du tueur-kidnappeur ? Cependant Alex Cross n'est pas seul. Les agents du FBI et des services secrets ont d'autres intérêts. Ce " masque " n'est pas non plus porté par celui qu'on croit. Qui, en définitive, le fera tomber ? (Jean-Claude Lattès)

A Washington D.C., deux élèves d’une école privée sont kidnappés, tandis que dans les quartiers pauvres des familles noires sont massacrées.
Alex Cross, détective noir, originaire et habitant de ces quartiers pauvres de Washington D.C., se retrouve chargé dans un premier temps des meurtres, puis dans un deuxième du double enlèvement, contre son avis.
Mais voilà, les enfants kidnappés sont loin d’être des inconnus : Michael Golberg, fils du ministre des Finances, Maggie-Rose Dunne, fille d’une star et d’un financier célèbre.
Le personnage d’Alex Cross sort de l’ordinaire. Il est titulaire d’un doctorat en psychologie et sa femme a été assassinée.
Il se positionne comme un défenseur des opprimés et ne veut pas trop entendre parler de politique et encore moins de personnes influentes.
Sauf que là, il va se trouver confronter à un psychopathe plus que retors : Gary Soneji/Murphy.

Des rebondissements, ce livre n’en manque assurément pas, car Gary est un psychpathe redoutable : "Gary avait toujours son maître plan." et "Le plan allait marcher, naturellement.".
A chaque fois que l’on croit que s’est fini, il se passe un retournement de situation et l’intrigue repart de plus belle, avec un tueur/kidnappeur dans la nature alors que la "chasse à l’homme" aurait pu être achevée à mi-roman : "Gary était libre. Comme il l’avait toujours prévu depuis le début … Gary Soneji/Murphy était de nouveau dans la nature.".
Toutefois, si je reconnais des qualités sur le suspens et les rebondissements à ce livre, je n’y ai pas totalement adhéré.
Gary Soneji/Murphy n’a ni le charisme ni la subtilité d’un Hannibal Lecter, c’est le méchant et aucune forme d’attachement n’est possible, l’auteur n’en laissant pas la possibilité.
Alex Cross est un inspecteur qui manque lui aussi de charisme et en privilégiant une narration à la première personne du singulier de son point de vue, James Patterson a donné à son histoire trop de réactions affectives et personnelles qui nuisent à l’intrigue.
Le ressenti intervient trop et les tentatives d’humour d’Alex Cross tombent quelque peu à l’eau.
Il est périlleux de développer à la fois une intrigue à multi-rebondissements et des relations personnelles entre les protagonistes, même si cela, au final, joue un rôle dans l’intrigue.
Dans le cas présent, le mélange ne prend pas toujours et l’un l’emporte souvent sur l’autre, déséquilibrant l’histoire globale.

Avec "Le masque de l’araignée", James Patterson a écrit un roman psychologique moins puissant et fort que Thomas Harris a pu le faire, la comparaison ne m’ayant jamais quitté au fil de ma lecture.
Malgré beaucoup de rebondissements et un psychopathe retors, ce livre se perd un peu trop dans une narration personnelle et émotive qui m’a quelque peu toujours maintenue à distance.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre P


Le goût du chlore de Bastien Vivès


"- Tu t'es déjà posé cette question, pour quelles choses tu es prête à mourir ou celles que tu ne lâcheras jamais ? 
-... 
- Dis moi. 
 - je réfléchis. " 
Le Goût du Chlore c'est un peu acre. Ça débouche le nez et irrite les bronches. Ça laisse comme un arrière-goût au fond de la gorge quand on a trop bu la tasse. C'est la rencontre entre un jeune homme et une jeune fille. Lui, sur les conseils de son kiné, s'entraîne au dos crawlé pour soigner sa scoliose. Elle, ancienne championne de natation, lui apprend à mieux nager. Ce sont des jeux d'enfants qui deviennent grands. Finalement, malgré les progrès accomplis, elle attendra qu'il soit sous l'eau pour lui avouer. Avouer quoi ? Il n'a pas compris. Elle reviendra pour lui dire de vive voix. Mais garde à lui de ne pas se noyer ! Loin des clichés de sorties de lycée aux petit durs dragueurs et aux filles émerveillées, dans le Goût du Chlore, c'est lui qui n'ose pas et c'est elle qui d'une manière ou d'une autre va l'aider à sortir de l'eau, à trouver le tempo de sa propre respiration. (Casterman)

"C’est mon kiné qui me force à venir … j’ai une scoliose.", tel est le point de départ de cette histoire de chlore.
En allant à la piscine faire du dos crawlé il va rencontrer une jeune fille, ancienne championne de natation, et nouer avec elle une relation oscillant entre amitié et amour, où des questions de nage sont abordées mais aussi d’autres plus graves : "u t’es déjà posé la question : pour quelles choses es-tu prête à mourir et que tu ne lâcheras jamais ?".

J’ai retrouvé dans "Le goût du chlore" des thèmes chers à Bastien Vivès : les relations entre homme et femme, le sport, la naissance d’un sentiment amoureux, le doute.
Mais voilà, il s’agit d’une des premières bandes dessinées de l’auteur et cela se ressent à la lecture.
L’histoire manque de complexité et est reléguée au troisième plan, étant relativement absente.
Il y a peu de dialogues, bien que ce point soit moins gênant, la fin trop imprécise l’est par contre.
Je n’ai pas trouvé de réelle chute à cette histoire et au final, elle laisse un goût d’inachevé.
Une trame d’histoire est clairement l’élément manquant à cette bande dessinée.
Par contre, graphiquement elle est très réussie.
Comme à son habitude Bastien Vivès joue avec des formes parfois précises, parfois imprécises, et c’est réussi.
Pour cet album se déroulant quasi exclusivement en piscine, il utilise une dominante de vert toujours utilisée de façon intelligente et sans que cela soit redondant.
J’aime beaucoup le coup de crayon de Bastien Vivès, il arrive à dessiner des émotions sur le visage de ses personnages et c’est toujours une belle réussite visuelle.

Graphiquement réussi, "Le goût du chlore" est un régal pour les yeux mais pèche par une absence de trame d’histoire.
A lire pour le style graphique de Bastien Vivès.

Nestor rend les armes de Clara Dupont-Monod


« Lui, c’était un homme d’excès. Un homme qui n’avait pas peur des outrances, prêt à vivre avec un corps et une mémoire démesurés. Il mangeait trop, dormait en criant, ne passait pas les portes et ne faisait aucun effort pour se lier. » C. D.-M. Clara Dupont-Monod, avec ce nouveau portrait d’un être des marges, poursuit une œuvre forte et singulière. Nestor est obèse. De cet homme désigné au regard des autres comme un monstre, elle tente, avec une paradoxale économie de mots, de saisir le mystère. Au fil des pages, et comme à l’insu du lecteur, le gros père prend la dimension d’un être humain riche de son histoire. Celui dont le seul horizon est la photo d’un phare du bout du monde devient sous nos yeux un personnage : argentin, arrivé en France pendant la dictature, il y a retrouvé une jeune femme qu’il a épousée et avec qui la vie était douce. Jusqu’au drame qui inexorablement les a éloignés l’un de l’autre, au point qu’il finisse enfermé dans la rassurante forteresse de sa propre chair. À force de patience et de tendresse, une jeune femme médecin parviendra peut-être à conjuguer sa propre solitude à celle de ce patient peu ordinaire. La langue riche et précise de Clara Dupont-Monod agit comme un charme puissant pour suggérer l’indéfinissable attachement qui naît entre ces deux-là. L’écrivain se garde bien de conclure : trois issues s’offrent au lecteur, comme s’il était impossible qu’une histoire aussi improbable et bouleversante finisse mal. (Sabine Wespieser Editions)

"Chaque tentative de vivre lui coûtait. Sa terre natale l’avait chassé, il ne reconnaissait plus sa maison, il avait banni sa femme et il n’avait plus d’enfant. Alors, il avait seulement essayé de sortir la tête de l’eau.", mais il a eu beau essayer, il n’y est pas arrivé et parce qu’il n’en peut plus, Nestor a décidé de rendre les armes.
Nestor n’est pas comme les autres, il est obèse, il ne sort presque pas de chez lui, il ne veut pas du regard des autres : "On le montrait du doigt. On riait de ses gestes d’amputé, lui, le lourdaud aux lacets défaits, le "gros père".", mais sous cette apparence il cache une blessure profonde.
Alors, pour échapper au monde, Nestor s’est construit une carapace : "Rester sourd aux souffrances, à l’horrible pesanteur, aux rigoles de sueur sous les vêtements, soulever des jambes de fonte et s’éloigner. L’urgence valait le risque. Tant pis pour la chute. Rien n’était pire qu’un avait soudain incarné, surgissant devant lui avec un sourire de loup.".

Nestor est un personnage très touchant et il n’est pas possible de ne pas s’y attacher et de ne pas ressentir d’émotion à la lecture de son histoire.
Ce livre est petit par la taille mais grand par toute la palette de sentiments qu’il contient ainsi que le côté humain qui m’a particulièrement marquée.
Il n’y a pas de superflu, l’auteur va à l’essentiel et livre un condensé d’émotions pures avec l’histoire de Nestor.
Et comme pour mieux accentuer la singularité de ce roman, Clara Dupont-Monod propose au lecteur trois fins alternatives aussi différentes les unes des autres : l’une porteuse d’espoir, l’autre de tristesse et enfin une mixant ces deux sentiments.
Ces trois fins se valent et conviennent toutes pour conclure ce roman, même si l’une a ma préférence j’avoue ne pas avoir été capable de trancher tant cette histoire peut se conclure d’une façon ou d’une autre.

"Nestor rend les armes" de Clara Dupont-Monod est un beau roman aux effluves d’une sensibilité rare et pétri de sentiments humains qu’il est bon de rappeler de temps à autre au gré d’un roman.
Un livre à déguster pour changer son regard sur l’autre.

Le prince de la brume de Carlos Ruiz Zafón


« Le Prince de la Brume n'avait jamais complètement disparu. Il était demeuré dans l'ombre en attendant, sans hâte, que quelque force occulte le ramène dans le monde des vivants. » 1943, Angleterre. Fuyant la guerre, la famille Carver – les parents et leurs trois enfants, Max, Alicia et Irene – se réfugie dans un village de bord de mer. Leur nouvelle maison appartenait précédemment à un riche couple qui a quitté le pays après la mort de leur petit garçon, Jacob. Peu après son emménagement, la famille Carver est confrontée à de troublants événements. La maison de la plage paraît hantée. Quelque chose ou quelqu'un rôde entre les murs. Max et Alicia commencent à enquêter sur les circonstances obscures de la mort de Jacob. Roland, un adolescent du village, les aide. Il les entraîne dans des plongées autour d'un cargo qui a coulé dans la baie après une tempête, des années auparavant. Autour de cette épave, tout respire la peur : les poissons ne s'y risquent jamais, des ombres paraissent à l'affût derrière les cloisons rouillées et dans les coursives délabrées... Et c'est Roland qu'elles épient, Roland dont elles veulent se saisir. Qui accumule les pièges mortels autour du jeune homme ? Pourquoi Roland est-il l'objet d'une si terrible haine ? En menant leur enquête, Max et Alicia exhument involontairement les secrets du passé. Un passé terrible dont émerge un être machiavélique, le Prince de la Brume... Doté de pouvoirs diaboliques, le Prince de la Brume peut emprunter toutes les formes et tous les visages. Il est le maître d'une troupe de grotesques statues à demi-vivantes qui ont élu domicile dans le jardin de la maison des Carver... Le Prince de la Brume réclame le paiement d'une dette contractée peu avant la naissance de Jacob. Une dette dont Roland est le prix... S'ils veulent sauver leur ami, Max et Alicia doivent affronter l'être maléfique sur son territoire : dans le jardin des statues vivantes mais aussi dans le terrifiant cargo enseveli sous les eaux. (Robert Laffont)

Avec "Le prince de la brume", Carlos Ruiz Zafón a écrit tel qu’il aurait souhaité lire dans sa jeunesse et il faut bien reconnaître que c’est un enchantement que de le découvrir.
Avec une histoire oscillant entre réalité et fantastique, ce livre ne se lâche plus une fois commencé.

Pour Max, c’est le déménagement dans une ville inconnue du bord de la mer, tandis que la guerre est en toile de fond, jamais visible mais parfois évoquée.
Il y a quelque chose dans cette ville, à commencer par le mystère entourant la maison dans laquelle la famille emménage, avec son étrange jardin de statues et une brume quasi persistante, et puis l’horloge de la gare fonctionne à l’envers.
Le mystère prend forme lorsque Max rencontre un garçon un peu plus âgé que lui qui l’initie à la plongée : "Max plongea pour la première fois de sa vie sous la surface de la mer et découvrit, ébloui, un univers de lumière et d’ombre qui dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer.", dont le passé semble jalousement gardé par son grand-père.
Le prince de la brume n’est jamais bien loin, il rôde en attendant sa proie, et c’est tout le mystère du livre de Carlos Ruiz Zafón.
Le fantastique est extrêmement présent, il y a beaucoup d’évènements surnaturels, et c’est avec un vocabulaire très riche et imagé que l’auteur l’illustre : "Quand vinrent les derniers jours de septembre qui annonçaient le début de l’automne, le souvenir du Prince de la Brume paraissait d’être définitivement effacé de leur mémoire comme un rêve à la lumière du jour.".
C’est particulièrement bien écrit et c’est surtout très addictif puisque je n’ai pas pu lâcher le livre une fois commencé.
De plus, il s’agit aussi d’un récit initiatique, car Max non seulement grandira avec cette histoire, mais il découvrira aussi sa sœur aînée et apprendra un certain nombre de choses sur la vie.

Carlos Ruiz Zafón a su créer dans "Le prince de la brume" une atmosphère de magie et de mystère à nul autre pareil, la rendant intrigante pour le lecteur qui ne peut arrêter sa lecture avant la fin, le tout servi par une très belle plume et des mots enchanteurs.
Une belle découverte pour les plus jeunes mais aussi pour les plus grands.

lundi 27 août 2012

Joséphine Tome 3 Change de camp de Pénélope Bagieu


Joséphine a toujours « la trentaine », n’est toujours pas mariée, et n’a toujours pas d’enfant. Gaffeuse et complexée par ses hanches, l’héroïne de Pénélope Bagieu qui nous ressemble tant vit toujours avec son chat Bradpitt, mais elle ne dort plus avec toutes les nuits… La voici désormais dans le camp des « maquées » ! Criant de vérité et drôle à souhait, le couple du XXIe siècle subit jour après jour ses petits tracas qui animent la vie. Le tout avec un splendide savoir-faire, des situations évocatrices et cocasses. Dessin simple et expressif, d'une fraîcheur et d'une vitalité irrésistible, Pénélope Bagieu signe avec ce tome 3 une trilogie délicieuse ! (Jean-Claude Gawsewitch)

Dans ce troisième tome, Joséphine a changé de camp : "Mais parce que tu es en couple ! Tu … tu vas devenir chiante en soirée ! Joséphine ! Tu as rejoint L’AXE DU MAL !!", et même doublement puisqu’en plus d’être en couple elle va être enceinte et basculer dans le camp des mères de famille : "Tu veux dire mon apéro "Crèche & Episio" ?".
Mais dans le fond, Joséphine n’a pas changé : elle est toujours là pour ses ami(e)s, notamment pour arranger des coups à son meilleur ami homosexuel : "Oui. A tous sauf aux hétéros. Quelle ironie, hein ?", elle est encore peu sûre d’elle, elle a toujours autant d’humour, elle vit toujours des situations qui amènent au comique et elle a toujours quelques difficultés dans ses relations avec sa mère : "Il faut que ce soit loin. Trèèès TRES loin. Tellement loin qu’elle ne puisse même plus me téléphoner, par exemple. Et si ça fait trop cher, ne vous embarrassez pas, je vous en SUPPLIE. Prenez-lui un aller simple, ce sera parfait.".

J’ai apprécié l’évolution du personnage de Joséphine tout au long de ces trois tomes, particulièrement dans le dernier.
Elle mûrit, elle finit par trouver un homme, elle travaille sur elle-même et grandit au cours de cette histoire constituée de scénettes.
C’est toujours drôle et jamais grotesque, avec un petit grain de folie bienvenu.
Le coup de crayon de Pénélope Bagieu me plaît beaucoup et les dessins sont réussis, plaisants à regarder et donnent un côté moderne.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette série, c’est frais et pétillant, c’est drôle, en résumé c’est réussi et ça mérite le détour, on voudrait presque que ça continue pour connaître la suite de la vie trépidante de Joséphine à laquelle on a fini par s’attacher.

Résolument moderne, "Joséphine" est une bande dessinée franchement réussie de Pénélope Bagieu et qui trouve sa conclusion (provisoire ?) dans ce troisième volume.
"Joséphine change de camp" est une bande dessinée très agréable à lire et rafraîchissante qui offre à Pénélope Bagieu une place largement méritée dans l’univers de la bande dessinée actuelle.

Joséphine Tome 2 Même pas mal de Pénélope Bagieu


Joséphine revient ! On retrouve avec un plaisir jubilatoire l’humour corrosif de Pénélope Bagieu, son regard acéré et tendre sur les petites choses de la vie. Dans ce deuxième tome, Joséphine tombe folle amoureuse d’un homme… marié… mais plus pour longtemps, il l’a promis. Toujours aussi gaffeuse et complexée par ses hanches, Joséphine a décidé d’adopter une nouvelle philosophie de vie : elle s’est mise au yoga et relativise… (Jean-Claude Gawsewitch)

Pour Joséphine c’est la rupture dans ce deuxième tome, mais plus dur encore, elle va devoir accepter que son ex sorte avec sa DRH et, summum de l’horreur, qu’ils se marient alors que son ex refusait toute forme d’engagement ou même que Joséphine laisse une brosse à dents chez lui.
Après une période en célibataire : "Mais tu le sais pourtant, que c’est un calvaire de faire un plan de table pour un nombre impair d’invités, Joséphine ! C’est encore une de tes stratégies pour essayer de me punir, c’est ça ?", elle va bien se retrouver un amoureux, sauf qu’il est marié et père de famille.
Alors, comme Joséphine l’explique à sa nièce : "Honnêtement, entre faire la bonniche pour sept vieux garçons à moitié chauves dans une ferme pourrie, ou te faire la malle avec un prince plein aux as, tu hésiterais toi ?".
Et puis Joséphine va aussi connaître les affres du déménagement : "Non, Joséphine, ce n’est pas "normal", je t’assure qu’ils ne rajoutent JAMAIS une vis en trop "juste au cas où".".

Ce deuxième tome est toujours constitué de scénettes, pourtant je trouve l’histoire plus liée que dans le premier tome, à tel point que l’on oublierait presque qu’il ne s’agit pas d’une histoire en continu mais de tranches de vie.
"Même pas mal" est d’ailleurs plus comique que le premier tome, Joséphine s’y révèle plus drôle que dans le premier et subit moins, au contraire elle finit par se prendre en main et la conclusion est même plutôt optimiste.
L’histoire est plus structurée, elle a plus de continuité et de suite logique et c’est à cela que l’on se rend compte que Pénélope Bagieu affute ses crayons et se creuse une place sûre dans l’univers de la bande dessinée.
Graphiquement j’aime toujours autant. Les personnages féminins sont réussis, avec des traits arrondis et beaucoup de différences, quant aux personnages masculins même si physiquement ils sont différenciés le trait de crayon est un peu trop le même et manque de structures, de formes plus précises.

"Même pas mal", deuxième tome des aventures de Joséphine, gagne en puissance et en force humoristique et rend le personnage de Joséphine encore plus attachant.
Suite et fin des aventures de Joséphine dans le troisième tome, où Joséphine "Change de camp".

Joséphine de Pénélope Bagieu


Joséphine a "la trentaine", comme elle dit pudiquement. Elle n’est pas mariée, n'a pas d'enfant, mais elle a un chat. Elle est blonde et menue, mais s'épaissit sensiblement au niveau des hanches. Elle travaille dans un bureau, avec plein de gens qui ne connaissent pas son nom, et un macho abject dont elle ne parvient pas à clouer le bec. Elle a aussi une sœur qui est mariée, et a des enfants blonds, souriants et polis plein sa grande maison. Elle a des parents qui n’habitent pas la même ville mais qui réussissent à l’envahir et à la culpabiliser par téléphone. Elle a des copines mais aucune n’arrive à la cheville de Rose, sa meilleure amie, solidaire de ses misères quotidiennes. Elle est terriblement fleur bleue et ne désespère pas de rencontrer l'homme idéal, ce à quoi elle s'emploie activement (bars, salles de gym, clubs d'oenologie, Meetic...). En attendant, elle pleure devant les films à l'eau de rose. Joséphine a des tas de malheurs dont elle est bien souvent à l'origine : elle est maladroite, ne gère pas très bien ses relations professionnelles, peine à se faire entendre, fait des gaffes assez embarrassantes, et enchaîne les faux-pas dans sa vie amoureuse. Elle est en quelque sorte l'artisan de son propre malheur, mais veille à ne surtout jamais tirer de leçons de ce qui lui tombe dessus. (Jean-Claude Gawsewitch)

Joséphine est une jeune femme moderne, un peu timide, assez mignonne, à la recherche d’un homme pour partager sa vie et pas très sûre d’elle sur ce point, car Joséphine manque de confiance en elle, affublée de grosses fesses.
Hormis cela, elle a un appartement qu’elle partage avec son chat Bradpitt, un travail, une meilleure amie et un meilleur ami, et pour finir une famille légèrement coincée avec une sœur mariée et mère d’une petite fille.

La quête de ce premier tome est la recherche d’un homme pour partager sa vie et Joséphine ratisse large pour se trouver la perle rare : "Ah, et avant que tu ne m’embarrasses inutilement devant un ami : Non, le cœur du Père Benoît n’est pas à prendre.".
Le problème, c’est que son amoureux, celui qu’elle a fini par trouver, semble allergique à toute forme d’engagement et que ça sera vite la rupture.
Même la bonne fée de Joséphine finira par démissionner : "Tiens, ma chérie. Je démissionne, désolée.", heureusement que les meilleurs amis sont là.

"Joséphine" n’est pas une bande dessinée avec une histoire dans le sens où on l’entend ordinairement mais est une suite de petites scénettes qui forment un tout.
Plus libre et plus détaché (dans le sens moins autobiographique) que "Ma vie est tout à fait fascinante", c’est tout de même largement inspiré de la vie quotidienne d’une trentenaire.
Le ton est léger et drôle, il y a de l’humour dans cette histoire et la lecture en est extrêmement plaisante.
J’aime beaucoup le coup de crayon de Pénélope Bagieu avec ses personnages au visage arrondi, le souci du détail sur certains éléments et la mise en couleur de ses planches.
Le personnage de Joséphine est attachant et c’est avec un plaisir non dissimulé que le lecteur suit ses aventures et ses déboires sentimentaux.
Ce premier tome ne se lit pas, il se dévore.

Avec "Joséphine", Pénélope Bagieu a créé une nouvelle héroïne extrêmement attachante, et c’est sous couvert d’une bande dessinée humoristique que Pénélope Bagieu, jeune dessinatrice, confirme son talent et sa capacité à créer un personnage différent de son alter ego Pénélope Jolicoeur.

Cet instant-là de Douglas Kennedy


À la fois drame psychologique, roman d’idées, roman d’espionnage mais surtout histoire d’amour aussi tragique que passionnée, une œuvre ambitieuse portée par le talent exceptionnel de Douglas Kennedy. Écrivain new-yorkais, la cinquantaine, Thomas Nesbitt reçoit à quelques jours d’intervalle deux missives qui vont ébranler sa vie : les papiers de son divorce et un paquet posté d’Allemagne par un certain Johannes Dussmann. Les souvenirs remontent… Parti à Berlin en pleine guerre froide afin d’écrire un récit de voyage, Thomas arrondit ses fins de mois en travaillant pour une radio de propagande américaine. C’est là qu’il rencontre Petra. Entre l’Américain sans attaches et l’Allemande réfugiée à l’Ouest, c’est le coup de foudre. Et Petra raconte son histoire, une histoire douloureuse et ordinaire dans une ville soumise à l’horreur totalitaire. Thomas est bouleversé. Pour la première fois, il envisage la possibilité d’un amour vrai, absolu. Mais bientôt se produit l’impensable et Thomas va devoir choisir. Un choix impossible qui fera basculer à jamais le destin des amants. Aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, Thomas est-il prêt à affronter toute la vérité ? (Belfond)

"Peut-on vraiment échapper à l’instant ?", vaste question dont il est question à travers ce roman de Douglas Kennedy.
Qu’est-ce que l’instant ? Quelle est la frontière entre l’instant présent et le moment où il devient trop tard ?
C’est toute la question que se pose Thomas Nesbitt, après une discussion avec sa fille et réception d’un colis en provenance d’Allemagne : "A quel instant "pas maintenant" se transforme en "jamais" ?".

Thomas Nesbitt a la cinquantaine, il est écrivain, vient de divorcer et a reçu un paquet en provenance d’Allemagne posté par un certain Johannes Dussmann, faisant remonter les souvenirs de son séjour à Berlin en pleine Guerre Froide, là où il a rencontré Petra Dussmann, une Allemande de l’Est réfugiée à l’Ouest.

Ce livre traite des fantômes du passé, d’un amour perdu et jamais retrouvé ni inégalé, de la confrontation au passé pour essayer de mieux appréhender le futur.
Mais voilà, l’histoire est trop longue à démarrer, elle tourne autour du sujet pendant trop longtemps, se perd dans d’inutiles détails qui n’apportent rien à l’histoire et dont l’auteur aurait pu se passer.
Et puis il y a beaucoup trop de mélanges entre la vie personnelle de Douglas Kennedy et celle de son personnage de Thomas Nesbitt.
Ainsi Thomas Nesbitt est écrivain, a voyagé et écrit des récits de voyage notamment en Egypte (au passage ça fait trop publicité pour son récit de voyage qui est sorti en poche il n’y a pas longtemps), est en instance de divorce.
A force de trop mélanger, ce livre pourrait être assimilé à un exutoire pour l’auteur, une façon d’exorciser une partie de sa vie actuelle.
Un livre peut servir à y mettre du personnel, mais en aucun cas il ne peut être une thérapie.
Cette confusion est d’ailleurs accentuée par le fait que la narration se fasse à la première personne du singulier.
De plus, attendre la page 150 pour que Petra arrive et que Thomas Nesbitt se plonge dans son passé à Berlin, c’est clairement trop long.
A partir de là, l’histoire se met vraiment en place et se lit beaucoup plus facilement.
J’ai trouvé que ce passage était le plus intéressant, bien que je lui reproche finalement de peu se passer du côté Est de Berlin.
L’ambiance à Berlin dans le début des années 80 est assez bien retranscrite et donne une dimension historique à l’histoire intéressante : "En quelques pas, j’étais de retour à l’Ouest. Avant d’entrer dans le métro, je me suis retourné pour regarder une dernière fois Checkpoint Charlie, mais même cette porte massive avait disparu derrière les rafales de neige, la neige qui ensevelit et purifie tout, effaçant ce que nous préférons ne pas voir.".
Par contre, l’histoire d’amour entre Petra et Thomas est un peu trop mièvre et s’attarde sur des détails non nécessaires, le lecteur ayant bien saisi la puissance de l’attraction entre ces deux personnages.
Et puis, une fois le passé évoqué, le livre retombe dans la redite avec la découverte des cahiers de Petra qui sont, en grande partie, une répétition de la version de Thomas.
C’est dommage de lire deux fois ou presque la même chose dans un livre, d’autant que le personnage de Petra est uniquement abordé du point de vue de Thomas, et si peu de celui de Johannes.

"Cet instant-là" n’est clairement pas le livre à retenir de Douglas Kennedy et m’a déçue sur plusieurs aspects, avec un mélange peu subtil entre la vie personnelle de l’auteur et celle de son personnage, trop de redites et une histoire qui tarde à entrer en action.
Seule la partie sur la vie de Thomas Nesbitt à Berlin au début des années 80 a su éveiller mon intérêt.
Il reste que la traduction de Bernard Cohen est toujours excellente, Douglas Kennedy ayant le même traducteur depuis ses débuts, celui-ci connaît et maîtrise la plume de l’auteur.
Cru moyen pour ce roman de Douglas Kennedy, espérons que le prochain sera de meilleure facture.

Les passagers du vent Tome 6 La petite fille Bois-Caïman Livre 1


Pour se venger et fuir, Isa choisit l'exil. Passagère du vent sur les routes océanes, elle subit les guerres, rencontre les prisons et découvre l'horreur des traites négrières qui assurent l'enrichissement des Amériques et des Antilles. A jamais éprouvée par tourtes ces expériences, lsa n'en aime pas moins la vie. Elle aimera des hommes. Elle aimera des femmes... et encore plus sa liberté. Elle n'oubliera jamais de demeurer rebelle. (12 Bis)

Louisiane, 1863.
Zabo, jeune fille d’à peine dix-huit ans, se retrouve seule : ses parents sont morts, son petit frère a été assassiné un an auparavant et elle vient d’être chassée de sa maison à la Nouvelle-Orléans.
Il ne lui reste plus comme famille qu’une vieille dame de près de cent ans qu’elle va rejoindre, escortée d’un reporter : Quentin Constans.

Suivre le périple de Zabo, c’est suivre le cours du Mississipi, traverser le Sud des Etats-Unis, se perdre dans les bayous.
Il se dégage de ce livre 1 une ambiance moite, lourd du Sud des Etats-Unis, avec en toile de fond l’opposition Nord/Sud, entre les abolitionnistes et les esclavagistes.
Le personnage de Zabo est extrêmement attachant et ce dès le début.
C’est une jeune fille vive, qui ne mâche pas ses mots, avec du caractère, un brin aguicheuse qui lui vaudra cette mise en garde de Quentin : "Ne jouez pas trop avec les hommes ! … Et jamais avec les soldats ! Mieux vaut passer pour une gourde que de leur sembler garce. Bien loin de provoquer, faites plutôt en sorte qu’on vous croie mariée.".
Zabo est sûre d’elle, sans doute un peu trop, et sûre de ses choix : "Moi ? Je ne veux aimer personne ! … Comme ça, pas de désillusion. Attendez-vous au pire, vous ne serez jamais déçu !".
Sa relation avec Quentin, constituée de pics et de joutes verbales, est intéressante et se développe tout au long de l’album : "Je déteste votre façon de m’imposer le silence.".
Mais la surprise de ce sixième tome, et ce pour la plus grande joie du lecteur, c’est de retrouver Isabeau en vieille femme de près de cent ans, et Zabo lui doit d’ailleurs son prénom : "Deux Isabeau Murrait, c’est un peu compliqué.".
Ainsi, le lecteur découvre ce qu’il est advenu d’Isabeau depuis ce 29 mars 1782 où le lecteur l’avait laissée.
Elle revient par le biais de ses notes sur son passé et très vite la curiosité de Zabo la pousse à l’interroger et c’est alors un retour dans le passé.

Ce sixième tome était attendu car j’avais trouvé que le cinquième se terminait avec un goût d’inachevé.
Plus volumineux que les précédents albums, il est encore plus prenant et se découpe lui-même en deux livres, la fin donnant envie de savoir la suite (et la fin) du périple d’Isabeau.
"La petite fille Bois-Caïman" est un régal à lire.
Je trouve que le contexte est très bien choisi, et visuellement il est plus réussi que les précédents.
Les traits du personnage de Zabo sont sûrs et je trouve ce personnage très joli, plus harmonieux qu’Isabeau.
Par contre, du côté des hommes le trait est encore un peu hésitant et Quentin, sans en être une pale copie, est un soupçon trop proche de John.
Les couleurs sont très belles et contribuent à l’ambiance générale qui se dégage de cet album.

Deux générations se sont écoulées depuis la solitude d’Isabeau en mars 1782.
La jeune femme a mûri : "Voir n’est pas savoir.", a vécu des moments difficiles mais finalement s’est mariée et semble avoir mené une vie palpitante.
"La petite fille Bois-Caïman" livre 1 est non seulement agréable à lire mais également addictif et c’est avec plaisir que le lecteur découvre ce qu’il est advenu d’Isabeau.
François Bourgeon a ressenti la nécessité de conclure l’épopée d’Isabeau et ce sixième tome est le bienvenu, suite et fin des aventures d’Isabeau et de Zabo dans le livre 2.

Les passagers du vent Tome 5 Le bois d'ébène


"La Marie-Caroline" a repris sa route en direction des Antilles françaises, avec à son bord 340 esclaves qui constituent ce qui est convenu d'appeler "le bois d'ébène". Cette nouvelle étape en haute mer sera ponctuée de révoltes et de tempêtes. A jamais éprouvée par toutes ces expériences, Isa n'en aime pas moins la vie, les hommes, les femmes... mais encore plus sa liberté. (12 Bis)

Avec ce cinquième tome se clôt la série des "Passagers du vent".
Cet album aborde des thèmes plus graves, particulièrement celui de l’esclavagisme et est celui de la maturité, à la fois pour François Bourgeon et également pour le personnage d’Isabeau.

Isabeau se retrouve avec une esclave, offerte par le roi Kpëngla et, pétrie de bons sentiments, pense bien agir avec elle en lui laissant une certaine liberté.
Mal lui en prend lorsque son esclave se fera corriger et que celle-ci se mettra à la haïr et prendra la tête de la révolte des esclaves sur le bateau : "Vous avez cru bien agir, mais sans le vouloir vous l’avez enfermée dans vos rêves. Son réveil fut brutal ! … Vous tentez de lutter contre un monde qui vous révolte, comme je lutte contre la maladie, la souffrance et la mort. Ces sortes de combats se perdent beaucoup plus souvent qu’ils ne se gagnent.".

Ce tome se passe entièrement à bord d’un navire et se caractérise par une situation de crise non rencontrée jusqu’à présent.
Les esclaves, le "bois d’ébène", transportés à bord de la Marie-Caroline vont se révolter et prendre possession du navire, poussant les quelques Blancs dont Isabeau restant à bord à se retrancher dans un coin du navire.
C’est l’un des temps forts de ce tome et c’est très bien fait.
Il transparaît une situation tendue et angoissante, cela se ressent dans les dialogues et dans les dessins.
Toute cette scène est une réussite et est vraiment plaisante à lire.

L’histoire développée est intéressante, plus riche et plus complexe que dans les précédents tomes.
Ce tome est un véritable aboutissement tout en mettant un point final, ou presque, à l’épopée d’Isabeau.
Mais c’est aussi celui des adieux, du lecteur avec les personnages, mais également d’Isabeau avec Mary et sa petite fille Enora, puis avec Hoel, c’est ainsi qu’elle se retrouve à la fin : "Seule … Vraiment seule … Sans personne à aimer … Sans personne à haïr … Ou bien haïr la mer ? … qui sait si bien donner pour toujours tout reprendre … Qui sait si bien reprendre …".
Il y a un petit goût d’amer à la fin de ce tome et j’ai même été déçue par cette fin qui pour moi n’en est pas une.
François Bourgeon laisse son héroïne seule face à la mer et à son destin : "Ce jour-là, j’ai failli oublier que je n’avais, somme toute, que dix-huit ans … et encore toute la vie devant moi.", et le lecteur désireux de savoir ce qu’il advient d’elle par la suite.
Graphiquement, ce cinquième tome est, comme tous les autres, très réussi et laisse une belle place à des palettes de couleurs très variées, rendant la lecture des plus agréables et traduisant à la perfection l’histoire développée et toute sa complexité.

"Le bois d’ébène", cinquième tome de la série "Les passagers du vent" et censé la clore, est un album très réussi sur l’aspect de l’histoire, de l’évolution des personnages et graphique.
Toutefois, il laisse un goût d’inachevé car tout reste ouvert à la fin et rien ne se conclut vraiment.
Au contraire, l’impression laissée par François Bourgeon est celle d’ouvrir vers une suite, ou tout du moins une conclusion digne de ce nom.

Les passagers du vent Tome 4 L'heure du serpent


Pour gagner son pari dont la finalité est de posséder Isa, Estienne de Viaroux, teneur de livres du fort Saint-Louis n'hésite pas à faire empoissoner Hoël. Démasqué, il avoue. Mais l'un après l'autre, disparaissent ceux qui sont à même d'aider Isa pour retrouver le "Vodounô" qui tient Hoël en son pouvoir... (12 Bis)

Août 1781.
Isabeau est l’enjeu d’un pari d’Estienne de Viaroux qui compte la mettre dans son lit et a pour cela eut recours à un empoisonnement par un vodounô.
Dans le même temps, John a complètement perdu ses esprits et cherche à s’approprier Mary à n’importe quel prix.
Isabeau, convoquée par le roi Kpëngla, doit, avec les Blancs, assister au jugement d’une sombre affaire de sérail.
Et si ce n’était qu’un prétexte pour rendre une autre justice ?

Isabeau dans ce quatrième tome, devra suivre les conseils avisés du sage et fidèle Aouan, user de diplomatie et manier avec habilité la flatterie pour parvenir à ses fins avec le roi Kpëngla : "Un roi qui n’ignore rien de ce qui se passe dans son royaume est un grand roi.".
Tout ça dans l’unique but de sauver Hoel de son empoisonnement : "Ainsi quand on le chasse, le mal repart là d’où il est venu.".

Dans la continuité du précédent tome, l’aventure se poursuit et est, là encore, riche en rebondissements, en exploits : "Tu as tué le lion. C’est bien pour une femme …", mais également en perte de compagnons fidèles.
Isabeau en est sans nul doute le personnage central et c’est un personnage vraiment très attachant, qui le devient de plus en plus au fil des tomes.
C’est un personnage qui s’apprivoise et c’est l’une des réussites de François Bourgeon car plutôt que de la rendre sympathique dès le début il va créer un lien plus fort entre le lecteur et elle, en la montrant tantôt forte, tantôt faible, tantôt sentimentale, tantôt dans la décision.
C’est en tout cas un personnage qui en veut et qui ne reste pas insensible aux évènements qu’elle vit : "Le destin tue nos amis ! Le destin réduit des peuples en esclavage ! Il est responsable des crimes que l’on laisse faire et pourquoi pas ? De ceux que l’on commet !".
Ce quatrième tome est de plus très joli visuellement, avec beaucoup de couleurs et de très beaux paysages.
La qualité de l’histoire atténue certains dialogues ou expressions trop modernes utilisés par moment.

"L’heure du serpent" est le quatrième tome de la série "Les passagers du vent" et, tout en offrant une trame riche et de très beaux paysages, introduit une dimension dramatique qui devrait trouver toute son intensité dans le cinquième et dernier tome.

Les passagers du vent Tome 3 Le comptoir de Juda


Ballottés depuis près d’un an de vaisseaux en prison, Isa et Hoël, n’ont touché le sol de France que pour devoir le fuir à bord de "La Marie-Caroline", négrier nantais qui va jeter l’ancre en rade de Juda, au royaume du Dahomey. Isa sera la première femme blanche à prendre la route d’Abomey pour pénétrer au coeur d’un fascinant royaume. (12 Bis)

Obligés de fuir la France, Isabeau, Mary, Hoel et John ont trouvé refuge sur la "Marie-Caroline", un navire négrier nantais.
Bientôt ils font escale au comptoir de Juda et l’aventure continue.

Après avoir situé majoritairement l’histoire des deux premiers tomes à bord d’un navire, l’action de ce troisième tome se situe à terre, au comptoir de Juda.
Seule la scène d’ouverture se situe à bord du navire et apporte d’ailleurs une touche d’humour à une histoire plutôt sombre.
Très vite Isabeau fait l’objet avec Mary d’un pari de Viaroux : il compte les mettre toutes les deux dans son lit, et pour cela il va jusqu’à empoisonner Hoel.
Isabeau trouve alors du réconfort auprès du prêtre qui, malgré la franchise de la jeune fille : "Soyez-en remercié ! Mais tant de mains suppliantes sont en vain tendues vers le ciel, que j’ai depuis longtemps cessé de croire qu’il est habité.".

Il y a beaucoup de diversités dans ce tome : dans les paysages, dans les couleurs, dans les personnages rencontrés mais aussi beaucoup d’oppositions, avec Isabeau découvrant l’Afrique et ses habitants et se faisant un ami fidèle d’Aouan.
Tout oppose ces deux personnages mais étrangement ça fonctionne et les dialogues entre les deux sont savoureux.
Mais la principale opposition réside entre les hommes et les femmes, faisant dire à Isabeau : "Le niveau du plafond de cette pièce limite, sans doute, l’élévation de vos pensées.", ou à Mary : "Toi, tu deviens con ! Et la bêtise, c’est pire que la méchanceté.".
Je reprocherai parfois des expressions trop modernes mises dans la bouche des personnages.
Certes, les femmes de François Bourgeon sont libres, modernes et féministes, mais je doute fort que de telles expressions étaient utilisées au 18è siècle.

"Le comptoir de Juda" est un troisième tome qui joue sur les oppositions le Yin et le Yang et qui introduit une touche dramatique, donnant une nouvelle dimension à cette série, alors qu’Isabeau est la première femme blanche à prendre la route d’Abomey pour plaider sa cause et sauver Hoel auprès du roi Kpëngla.

Les passagers du vent Tome 2 Le ponton de François Bourgeon


Recueillis par les anglais dans la mer des Caraïbes, Isa, Hoël et le major Saint Quentin sont débarqués à Portsmouth. La jeune fille est rapidement libérée et obtient même un permis de séjour. Hélas il n’en est pas de même pour ses deux compagnons envoyés rejoindre les prisonniers de guerre qui croupissent entre les planches d’un sinistre ponton ancré sur une vasière au large de Chatham.... (12 Bis)

Si Isabeau a retrouvé la liberté, il n’en est pas de même pour Hoel et le major Michel de Saint-Quentin, tous les deux étant retenus prisonniers par les anglais entre les planches d’un ponton (bateau) ancré au large de Chatham.
Mais Isabeau a plus d’une corde à son arc et avec Mary, sa nouvelle amie enceinte d’un officier hors mariage, elle va tout tenter pour les libérer.

Changement radical avec ce deuxième tome, exit le passé d’Isabeau, ce sont de nouvelles perspectives d’aventures qui s’ouvrent avec ce tome sur une idée de Mary : "On pourrait, tous ensemble, quitter l’Angleterre !".
Et très vite, nos héros se retrouvent embarqués pour la France après moultes péripéties, pays qu’ils devront fuir très vite à l’exception de Saint-Quentin et qui arrachera cette remarque à Isabeau, la déracinée : "C’est idiot ! Mais voilà que je me prends à aimer cette terre dès lors qu’elle nous repousse !".

Il est aussi beaucoup question d’oppositions, et même si ce sont les femmes qui commandent, les couples formés sont plus qu’improbables, à commencer par Isabeau et Hoel : "Comment un type comme moi … Merci ! Quelqu’un me pose quotidiennement cette même question !", tout comme les amitiés et les alliances.

L’introduction du personnage de Mary insuffle un petit grain de folie bienvenue et ce personnage, aux abords simples, est plus complexe qu’il n’y paraît.
Le personnage d’Isabeau est toujours aussi fort et porte l’histoire sur ses épaules.
Cette série donne la part belle aux femmes et c’est grâce à une petite fille que les héros pourront s’enfuir tandis qu’elle connaîtra le même destin qu’une étoile : "Venir de si loin pour ne briller qu’un seul instant avant de rendre l’âme … Quelle pitié !".

Il y a dans ce deuxième tome une large palette de couleurs utilisée.
Que de contrastes entre une Angleterre grise et pluvieuse et une France ensoleillée et verdoyante !

"Le ponton" tient toutes ses promesses et ouvre une aventure qui se déroulera sur plusieurs tomes.
Quel destin que celui d’Isabeau et quel plaisir de le suivre ! 

Les passagers du vent Tome 1 La fille sous la dunette de François Bourgeon


"La Fille sous la dunette" est le premier des cinq tomes des "Passagers du Vent", créée par François Bourgeon. XVIIIe siècle, à bord d’un navire. Hoël Tragan aperçoit deux jeunes femmes sous la dunette. Piqué par la curiosité, il s’aventure dans la zone interdite à l’équipage. Repéré, il est arrête et mis aux fers. Il reçoit alors la visite d’un "jeune homme" qui s’avère être Isa, l’une des filles qu’il avait vues. Isa lui racontera comment, jeune enfant, elle avait échangé d’identité avec son amie par jeu, ce qui lui valut de perdre son titre de noblesse. Après diverses péripéties, notamment un combat contre des vaisseaux britanniques, Hoel est fait prisonnier par la Royal Navy.... (12 Bis)

"Les passagers du vent" est sans nul doute une grande aventure maritime et ce premier tome tient à ce propos toutes ses promesses.

D’aventure, il en est beaucoup question puisque cette histoire se passe sur un navire, mais il y a également une intrigue qui se met en place dès les premières images avec la mort d’un marin et une attaque d’albatros, et, encore plus troublant, avec la présence de deux femmes à bord, ce dont Hoel, jeune marin breton, en fera l’amère expérience.
Très vite, le lecteur fait la connaissance d’Isabeau, jeune femme se déguisant en homme pour aller et venir à sa guise sur le bateau et au caractère bien trempé.
Isabeau a une relation particulière avec sa maîtresse Agnès, et très vite le lecteur devine qu’il y a un secret derrière cette façade, et que son caractère fort et son manque apparent de sentiment prend racine plus profondément dans l’enfance des deux jeunes femmes.

Finalement, ce secret sera vite dévoilé par Isabeau à Hoel et plutôt que de constituer le cœur de l’histoire il constituera le point de départ de l’aventure, ce qui est un choix de l’auteur qui peut apparaître en premier lieu hasardeux mais qui est au final une réussite.

L’histoire est prenante et malgré une situation sur un navire elle n’est pas statique.
Il y a de la dynamique, une volonté de créer une histoire sur plusieurs volumes et tout cela tend à rendre cette série prenante.
C’est presque le personnage d’Isabeau qui porte l’histoire sur ses épaules, mais celui de Hoel n’est pas non plus en reste.
Isabeau est un personnage particulier, à la fois forte et fragile, avec du caractère mais aussi de l’ironie : "Disons simplement que j’ai un petit faible pour les bretons aux yeux bleus avec une balafre sur la joue droite. Si de surcroît mes fesses les passionnent au point qu’ils soient fichus de risquer leur peau pour les entrevoir quelques instants à travers une vitre embuée alors là, je ne réponds plus de rien !".

Je trouve que le trait de François Bourgeon s’affirme au cours de ce premier tome.
Les traits du personnage d’Isabeau sont trop marqués dans les premières bulles et la rendent trop sévères, ils s’adoucissent par la suite et la rendent plus jolie.
Les couleurs utilisées se prêtent assez bien à l’histoire et la palette employée est large et adaptée à chaque situation.
Visuellement, cette bande dessinée est très agréable à lire.

La conclusion de ce premier tome est une invitation à poursuivre l’aventure : "Passagers du vent, seront-ils longtemps condamnés à observer immobiles, à travers des barreaux, la course des nuages ?" et a tenu toutes les promesses pour en faire une grande série captivante.