vendredi 31 janvier 2014

Ava préfère les fantômes de Maïté Bernard


Depuis l'âge de trois ans, Ava peut voir les fantômes, et leur parler. Mais personne ne la croit, et certainement pas ses parents qui n'aiment pas que les petites filles inventent des histoires pour se faire remarquer. Alors Ava a appris à cacher ce don qui l'embarrasse. Jusqu'au jour où, devenue adolescente, dans un manoir sur l'île de Jersey, elle tombe nez à nez avec le fantôme d'une jeune femme, Billie, que l'on vient d'assassiner. Tout étonnée d'être morte, Billie s'aperçoit qu'Ava est la seule à la voir et la supplie de l'aider... (Syros Jeunesse)

Ava est une adolescente ordinaire ou presque, puisque depuis l'âge de trois ans elle voit les fantômes mais ne sait pas pourquoi.
A force d'être considérée comme une enfant à l'imagination débordante, puis capricieuse, puis cherchant à faire son intéressante, elle a fini par se glisser dans un moule et faire comme si elle ne voyait pas les fantômes, comme si elle ne ressentait pas leur présence et le froid qu'ils dégagent.
Jusqu'à ce qu'Ava vienne passer ses vacances chez son oncle qu'elle ne connaît pas dans l'île de Jersey, elle ignorait tout de la raison pour laquelle elle pouvait voir et parler aux fantômes.
Sa rencontre avec Cecilia, une vieille dame de plus de quatre-vingt dix ans, va être déterminante puisque celle-ci va lui révéler qu'elle est un consolateur, une humaine chargée de libérer les fantômes de leur mal être pour leur permettre de mourir vraiment : "Tu n'es pas faite pour être seule ! Tu es faite pour être un passeur entre les vivants et les morts, un consolateur des âmes ! C'est ça, ta nature profonde, et si tu es seule, c'est uniquement parce que tu lui as tourné le dos pendant toutes ces années.".
Le temps est compté pour Cecilia, elle-même consolateur, car la présence d'Ava signifie que sa vie va bientôt s'achever et il lui faut enseigner à la jeune fille toutes les ficelles du rôle de consolateur.
Mais c'est sans compter sur l'exposition d'un trésor viking qui entraîne des morts, à commencer par celle de la jeune Billie qui va demander l'aide d'Ava.

"Ava préfère les fantômes" est un roman pour adolescent très bien écrit, présentant une intrigue prenante et des personnages loin des stéréotypes.
Ava n'est ni une jeune fille parfaite ni une adolescente rebelle, elle évite soigneusement de tomber dans les clichés et se révèle être une jeune fille équilibrée - ou presque -, avec des goûts simples et une curiosité liée à sa jeunesse.
C'est une héroïne à laquelle le lecteur s'attache très rapidement et ce, quelque soit son âge.
Ce premier tome sert surtout à introduire l'histoire, les personnages, le contexte général.
Il faut attendre assez longtemps pour que l'intrigue se mette en place, bien que deux meurtres la rythment, et finalement, c'est que vers la fin que celle-ci prend son envol, cela tenant surtout au fait qu'Ava finit par accepter sa vraie nature et retourne voir Cecilia pour obtenir l'aide et la formation de cette dernière.
Cela ne m'a pas gêné outre mesure, j'ai apprécié ce temps offert pour apprendre à connaître Ava et me familiariser avec les lieux et les personnages.
Quelle bonne idée d'avoir mis cette histoire à Jersey !
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire les descriptions de cette île anglo-normande qui permet à la fois de mêler le flegme britannique et le mystique du celtisme.
Dans son aventure, Ava n'est pas seule et si les humains sont majoritaires, les fantômes ne sont pas non plus en reste puisque Ava va être amenée à en côtoyer plusieurs, dont le redoutable Harald qui n'a plus parlé depuis huit cents ans et qui a même noyé un précédent consolateur.
C'est très bien écrit, l'histoire est prenante et se lit très rapidement, il y a à la fois du sérieux avec les meurtres et les relations compliquées qu'entretien Ava avec ses parents et son oncle, mais aussi de l'humour avec des fantômes qui, s'ils ont perdu la vie n'en ont pas pour autant perdu leur langue et leur répartie : "Me calmer ? Me calmer ?! Je suis morte ! Ca t'est déjà arrivé ? Non. Alors, ne me dis pas de me calmer.".
Certes, l'histoire met un peu de temps à se mettre en place mais une fois que cela est fait la mécanique s'enchaîne parfaitement et les pages se tournent à la suite les unes des autres.
Maïté Bernard a une jolie plume très agréable à lire et sa série dépoussière le sujet des fantômes dans la littérature de manière efficace et originale.

"Ava préfère les fantômes" est un très bon roman pour la jeunesse que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire, à tel point que j'ai enchaîné directement sur le deuxième tome.
Une belle découverte littéraire, à la fois pour la série mais également pour l'auteur.

Un grand merci au blog Read ! If you please grâce à qui j'ai découvert cette série et cette auteur !

Reflets dans un oeil d'or de Carson McCullers


Au début du siècle dernier, dans une garnison isolée du sud des Etats-Unis, le hasard tisse entre deux femmes et trois hommes des relations singulières. Rapports d'autorité, problèmes et conflits sexuels sont au cœur de l'intrigue que Carson McCullers développe avec cette exquise subtilité qui lui est propre. Coloré tour à tour de lyrisme, de suspense et d'humour, ce roman bref et dense dévoile les mécanismes d'un drame imputable moins au hasard des situations qu'à la psychologie des personnages et aux ressorts inconscients qui inspirent souvent notre conduite à tous. (Stock)

Carson McCullers a le mérite de ne pas tourner autour du pot et d'annoncer d'entrée de jeu l'intrigue de son roman : "Il y a un fort, dans le Sud, où il y a quelques années un meurtre fut commis. Les acteurs de ce drame étaient deux officiers, un soldat, deux femmes, un Philippin et un cheval.".
Ce n'est d'ailleurs pas plus mal puisque son récit va être centré exclusivement sur ces personnages, les relations qui se nouent et de dénouent entre eux.
Sous l'apparente banalité de l'intrigue, ce roman est en réalité complexe car livrant une étude de mœurs poussée dans ses moindres retranchements.
Impossible pour le lecteur de ne pas comprendre que l'intrigue se passe dans le Sud des Etats-Unis : il y a un racisme sous-jacent, ici à l'égard du serviteur Philippin; ainsi qu'un refus d'admettre sa différence par peur de perdre son statut social, représenté par le prisme du capitaine Penderton.
Dans ce roman, rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît et c'est ce qui en fait toute sa beauté.
Un commandant aime la femme du capitaine Penderton, sa femme devient folle de chagrin et meurt, tandis que le jeune soldat Williams s'éprend de la femme du capitaine et entre la nuit dans sa chambre pour l'observer.
Quant au capitaine, et bien celui-ci est très partagé, notamment envers sa femme qu'il déteste mais pas non plus complètement : "A cause d'elle, il souffrait. Il avait une malheureuse tendance à tomber amoureux des amants de sa femme.".
Le capitaine Penderton est un homosexuel refoulé qui n'arrive pas à se rendre compte de ce qu'il ressent, qu'il s'agisse des amants de sa femme ou du soldat Williams qui le fascine.
Il ne comprend pas les tourments de son âme, il adopte des réactions de défense et de facilité, en prenant en grippe le soldat Williams : "Il y a des moments où le besoin le plus pressant d'un homme est d'avoir quelqu'un à aimer, un point central où puissent se rassembler ses émotions diffuses. Il y a aussi des moments où les irritations, les déceptions, les craintes de la vie, exerçant leur poussée comme des spermatozoïdes doivent trouver une issue dans la haine. Le pauvre capitaine n'avait personne à haïr et, depuis des mois, c'était le plus malheureux des hommes.".
Mais cette attirance n'est pas que sexuelle, elle a aussi une autre dimension, une recherche de fraternité, l'idée que le capitaine Penderton pourrait être l'égal du soldat Williams, ce qui dans la vie réelle n'est pas vrai.
A propos de sexualité, ce roman en contient beaucoup, avec des allusions plus ou moins directes, ce qui venant de la part d'une femme et remis dans l'époque où ce roman a été écrit était plutôt novateur et osé.
La sexualité est essentiellement représentée par l'étalon, le cheval de la femme du capitaine. C'est cet animal qui la contient et peut l'exprimer librement, les autres personnages n'étant pas libres de s'exprimer à ce sujet.
Le soldat Williams passerait presque pour un être asexué tant il relève parfois de l'irréel : "Le soldat marchait comme un homme sur qui pèse un rêve sombre et ses pas étaient silencieux.", pourtant sa fascination à l'égard de la sensuelle femme du capitaine est bien là, tandis qu'elle-même l'ignore et ne le voit pas, à l'inverse de son mari :  "Il avait l'expression étrange, absente, d'un visage à la Gauguin.".
Si l'étalon est la sexualité, la femme du capitaine est le désir, qu'elle inspire à tout homme à l'exception de son mari, avec ses formes sensuelles, sa beauté de femme mûre que le temps n'a pas encore atteint.
Quant à Alison, la femme du commandant, elle trouble par son mal être et son désespoir, ainsi que par l'étrange relation qu'elle a avec son domestique Anacleto.
A lire cela il serait facile de penser que ce roman est vivant de par les émotions qui sont en jeu et s'affrontent. En réalité il est froid et cruel, et c'est cela qui marque le plus à la lecture.
Il est stérile parce qu'aucune des femmes de l'intrigue n'a d'enfant et les hommes sont tous, à l'exception du commandant Langdon, asexués dans le sens où ils n'ont pas de relations sexuelles et n'en éprouvent pas le désir et l'envie, drôle d'atmosphère qui saisit dès les premiers mots et ne s'estompe qu'après le point final.
Pendant un temps j'ai cherché qui pourrait incarner ce livre à l'écran, jusqu'à ce que je découvre que c'était déjà le cas, dans un film signé par John Huston avec dans les rôles titres Elizabeth Taylor et Marlon Brando.
Une évidence, ils sont les personnages de ce roman et il me tarde de voir cette adaptation.

"Reflets dans un œil d'or" est un cruel et impitoyable roman d'une beauté qui laisse sans voix, signé par Carson McCullers, une auteur américaine de grand talent à la plume aiguisée et ambitieuse, un véritable régal à lire.

Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines


Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2014 - Matière : Or



Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


Bilan cinématographique : avant-première 2014


Après un coup d’œil rapide, j’ai l’impression que ça ne va pas forcément être la joie au cinéma en 2014.

Tout d’abord, et c’est une bonne nouvelle, 2014 sera l’année Christian Bale !
J’ai cru pendant un temps que j’allais même pouvoir le voir tous les mois sur la toile, finalement non et c’est une légère déception.
Christian Bale sera donc visible dans "Les brasiers de la colère" de Scott Cooper en janvier, "American Bluff" de David O. Russell en février, "Exodus" de Ridley Scott en décembre et potentiellement dans "The Creed of Violence" de Todd Field, "Knight of Cups" de Terrence Malick, "Act of God" de Todd Haynes.

Sinon, dans la rubrique "Que sont-ils devenus ? " 2014 est le grand retour derrière et devant la caméra de Kenneth Branagh avec "The Ryan Initiative".
C’est aussi le retour de Kate Winslet, vous savez cette actrice qui même si elle était filmée pendant 2 heures à passer l’aspirateur, faire la vaisselle et récurer les toilettes rendrait encore le film captivant, dans "Last Days of Summer" de Jason Reitman.
A noter un mignon dessin animé : "Minuscule – la vallée des fourmis perdues" de Thomas Szabo et Hélène Giraud.
2014 est aussi l’année Yves Saint Laurent puisque deux films lui sont consacrés.
Mais 2014, c’est aussi l’année des adieux avec Hayao Miyazaki qui présente son ultime œuvre avec "Le vent se lève".


Mais par-dessus tout, et comme le laissait présager (ou pas) l'illustration des Birds dessinés, 2014 sera l’année des super-héros et des colosses aux muscles d’acier au cinéma, avec en guise d’échantillons : 

- "I, Frankestein" de Stuart Beattie
- "Robocop" de José Padilha
- "Tarzan" de Reinhard Kloos
- "Pompéi" de Paul W.S Anderson
- "300 La naissance d’un empire" de Noam Murro
- "Hercule" de Renny Harlin
- "Hercule" de Brett Ratner
- "Captain America, le soldat de l’hiver" de Joe Russo
- "47 Ronin" de Carl Erik Rinsch
- "Sabotage" de David Ayer
- "Godzilla" de Gareth Edwards
- "X-Men : Days of Future Past" de Bryan Singer
- "La planète des singes : L’affrontement" de Matt Reeves
- "Les gardiens de la galaxie" de James Gunn

J’ai une tendresse particulière et entièrement ironique à l’adresse de "Pompéi" car la première fois que j’ai vu la bande annonce j’ai ouvert des yeux ronds, n’en croyant pas mes yeux.
Je l’ai donc visionnée une deuxième fois, là j’ai franchement éclaté de rire devant tant d’inepties et d’incohérences (le laveur de vitres au travail ne partage pas mon point de vue, il trouve que ça a l’air d’être un bon film, il en faut pour tous les goûts).
Sérieusement, c’est quoi ce film ?
Le héros, un gladiateur aux tablettes de chocolat (mais oui bien sûr, à l’époque il avait plutôt faim et battait pour survivre plutôt que de se bodybuilder à la caserne entre deux combats), tombe amoureux de la fille d’un riche pompéien (aux lèvres botoxées, 100% d'époque) et bien entendu elle l’aime aussi.
Ils arrivent même à se rencontrer, à parler (mais oui, mais oui, et la marmotte …).
Mais le pompon, c’est la fameuse éruption, Hollywood a les moyens de faire grandiose et qu’importe si ce n’est pas crédible : tsunami, jets de feu ; soyons clair : à l’époque filmer aurait été impossible puisque pendant près de deux jours cela a été la nuit à Pompéi, il était bien inutile de rajouter des effets spéciaux, d’autant plus que la BBC a fait un excellent docu-fiction sur Pompéi, avec éléments scientifiques à l’appui.
Et alors,  le bel esclave qui fuit à cheval avec sa douce en pleine éruption … bref, j’ai "Pompéi" dans le collimateur, vous l’aurez compris !

Sur ce, je vous laisse savourer la bande annonce de ce qui s’annonce comme le film le plus romantique de février !


Bilan cinématographique 2013


Je ne me suis pas pétée les mirettes au cinéma en 2013, c’est le moins que l’on puisse dire !

"L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S Spivet" de Jean-Pierre Jeunet
"Snowpiercer – Le transperceneige" de Bong Joon Ho
"Le Hobbit – La désolation de Smaug" de Peter Jackson
"Les garçons et Guillaume, à table ! " de Guillaume Gallienne
"La vie d’Adèle" d’Abdellatif Kechiche
"Blue Jasmine" de Woody Allen
"Insaisissables" de Louis Leterrier
"Le passé" d’Asghar Farhadi
"Gatsby le magnifique" de Baz Lurhmann
"Le temps de l’aventure" de Jérôme Bonnell
"Django Unchained" de Quentin Tarentino

Etant donné le nombre peu important de films vus, je ne fais pas de classement.
Quelques coups de coeur tout de même : "La vie d'Adèle", "Le passé", "Blue Jasmine", "Gatsby le magnifique", "Le Hobbit" et une belle surprise avec "Snowpiercer - Le transperceneige", et une réconciliation avec Jean-Pierre Jeunet.
La palme de la déception va à "Insaisissables", une belle daube américaine dont la suite se fera sans moi dans le fauteuil du cinéma.

Il y a plusieurs explications à cela, tout d’abord le cinéma municipal dans lequel j’ai mes habitudes a été en grève pendant plus de deux mois en début d’année, autant dire que cela a réduit les possibilités de voir les films qui m’intéressaient.
J’ai bien mis les pieds dans un complexe UGC, mais un peu avec le couteau sous la gorge et parce que le Tarentino me tentait vraiment.
Remarquez, extrêmement agacée en fin d’année je l’ai refait pour le Peter Jackson, mais avec moins de scrupules.
Pourquoi moins de scrupules ?
Parce que suite à cette grève justifiée, le directeur de la programmation a été remercié par Madame le Maire, qui a mis à la place une personne lui convenant plus.
A noter que deux employés ont aussi fait partie de la malle de départ.
Force est de constater que plusieurs mois après, cette personne convient peut-être à Madame le Maire mais pas aux habitué(e)s du Méliès dont je fais partie.
Je déplore une programmation qui a perdu en qualité et en diversité, les choix sont incompréhensibles : pourquoi ne pas programmer le deuxième volet du Hobbit alors que le premier avait été programmé l’an passé ? Pourquoi le programme de fin d’année ne comportait pas beaucoup de films pour les enfants ? Pourquoi pas de "Belle et Sébastien" ? Pourquoi faut-il attendre le Festival Télérama pour avoir le film de Jean-Pierre Jeunet ? Pourquoi a-t-on droit à une surexposition de certains films alors que d’autres sont totalement passés à la trappe ?
Je ne parle même pas que des films à gros budget, j’aurais bien été voir un film américain de cinéma indépendant sorti il y a quelques mois, inutile puisque auparavant ce film aurait été programmé désormais il ne l’est plus.
Que dire du "Casse-tête chinois" de Cédric Klapisch, oublié lui aussi de la programmation ?
Sincèrement, passer plus d’un mois à diffuser les aventures de nymphomane en deux volumes de Lars Von Trier je m’en tamponne les paupières avec une pelle à tarte, j’aurais préféré moins de programmation sur ce film (par exemple) pour avoir un choix plus varié.
J’en ai marre de me priver de cinéma parce que le film que je veux voir n’est pas diffusé, ou alors attendre des semaines avant qu’il le soit.
Résultat : je finis par retrouver le chemin des grands complexes que je combats, certes à ma modeste échelle, depuis plusieurs années.
Aujourd’hui passé sous la coupe de la Communauté d’Agglomération Est Ensemble j’ai pris avec espoir ma carte d’abonnement il y a quelques mois, acceptant la hausse de 50 centimes que je devais payer mais m’offrant la possibilité d’accéder à toutes les salles gérées par cette Communauté d’Agglomération.
Une carte s’est bien, mais quand finalement il n’y a rien ou presque à aller voir pour cause d’une programmation basée sur les choix très élitistes et arrêtés d’une tierce personne, ça ne sert à rien.
Je défends les cinémas indépendants, mais j’en viens à me dire que s’il y a carte à prendre, pourquoi ne pas se laisser tenter par les sirènes des complexes ?
La programmation y est plus ouverte que celle actuellement proposée dans le cinéma municipal que je fréquente.
Et alors, ne parlons pas du chantier qui avance à la lenteur d’une tortue pour le déménagement dudit cinéma et son passage de trois à six salles … avec une telle programmation c’est l’échouage assuré.

Ce qui devait être un bilan cinématographique 2013 s'est fini en coup de gueule mais il fallait que ça sorte.
J'espère vraiment que 2014 ne sera pas sous le même signe que 2013 et que la programmation retrouvera le chemin de l'excellence qu'elle connaissait jusque là.

mardi 28 janvier 2014

Top Ten Tuesday #33


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 univers livresques dans lesquels vous ne souhaiteriez surtout pas vivre
Ou
Les 10 personnages que vous n'aimeriez surtout pas être, avec qui vous ne changeriez pas de place

Pour ma part, ça sera le premier thème : les univers livresques.

1) L'île du Docteur Moreau;
2) Le monde perdu;
3) La Terre du Milieu (pendant la période de Sauron);
4) Toute dictature dans les dystopies;
5) La préhistoire;
6) Globalement dans tout univers décrit dans la fantasy;
7) Quartier de Whitechapel à Londres à l'époque de Jack l'Eventreur (certes, il ne s'en prenait qu'aux prostituées mais tout de même);
8) Le centre de la Terre chez Jules Verne;
9) Star Wars;
10) La planète où si situe l'action du livre "Des milliards de tapis de cheveux".

dimanche 26 janvier 2014

Instinct primaire de Pia Petersen


Un ciel bleu, une église, un mariage, une foule rassemblée pour célébrer l'amour, la montée vers l'autel, une mariée souriante... Une mariée aux yeux brouillés de larmes qui s'enfuit, laissant derrière elle l'homme de sa vie. C'était un an plus tôt, et la narratrice n'a plus jamais revu celui qu'elle a choisi de ne pas épouser. Elle souffre : il lui manque, elle lui écrit. Malgré son apparence criminelle, cette fuite devait sauver un homme et une femme de ce qu'ils repoussaient tous deux au début de leur passion : les conventions, les automatismes, la résignation. Elle se croyait aimée et donc comprise ; mais en cours de route, rattrapé par les réflexes du conformisme, il a oublié qu'elle ne lui avait jamais demandé de quitter sa femme, qu'elle aimait être sa maîtresse, qu'elle ne voulait pas d'enfant, et que l'amour qu'elle lui portait était absolu, puisqu'il était aussi amour de sa liberté. Or, la liberté semble demeurer le plus encombrant des cadeaux... À force d'entendre les héritières du féminisme décréter qu'une femme n'est jamais « complète » si elle ne devient pas épouse et mère, un homme peut-il admettre un discours différent de la part de celle avec qui il souhaite partager sa vie ? N'a-t-il pas, d'ailleurs, été forgé, éduqué, dressé par sa propre mère à ne jamais concevoir aucune autre représentation de la femme ? (Nil Editions)

J'ai repéré ce livre depuis quelques temps sur la blogosphère et j'avoue que son contenu m'intéressait fortement.
Ce très court roman, sous forme de lettre de la narratrice à l'homme qu'elle a abandonné un an auparavant au pied de l'autel, à de quoi interpeller tout lecteur et le faire réagir, en bien ou en mal sur son contenu.
Le thème développé m'intéressait, sans doute de par ma situation personnelle actuelle, et j'étais curieuse de voir les arguments avancés par l'auteur pour la prise de position de sa narratrice, bien que je m'interroge dans quel mesure il n'y a pas du vécu et jusqu'à quel point l'auteur et la narratrice ne se confondent pas.
Au final, je partage certains arguments et points de vue, mais je ne suis pas non plus d'accord avec tout.

Pia Petersen mène une réflexion sur deux fronts : tout d'abord celui du mariage, assimilé à un contrat et à toute l'horreur de ce terme : "Le mariage, c'est signer un contrat dans lequel il est stipulé qu'il ne faut plus jamais tomber amoureux de quelqu'un d'autre. Est-ce que l'on a si peur de perdre l'autre que l'on soit obligé de lui mettre un contrat autour du cou ?"; ainsi que sur le conditionnement des femmes à devoir faire des enfants et surtout de le désirer sous peine de passer pour un animal de foire :  "Depuis mon enfance, on m'a raconté qu'une femme doit désirer se marier, elle doit vouloir des enfants et si ce n'est pas le cas, elle n'est pas normale, une vraie femme cherche l'homme avec qui construire le nid, un homme prêt à s'engager jusqu'au bout, ce bout étant la construction de la famille et accessoirement, elle peut viser une carrière mais toujours accessoirement, l'enfantement étant le but final.".
Grand bien m'en fasse, et j'en remercie mes parents, je n'ai pas été élevée dans cette vision archaïque et dépassée de la femme et de sa condition, mais je dois reconnaître que malheureusement pour certaines personnes ce point de vue est toujours d'actualité.
Pourtant, qu'il s'agisse de cette vision ou d'autres phrases venues de "bonnes" amies ou de personnes moins proches, comme quoi ce n'est pas possible de ne pas fondre d'admiration devant un bébé, de ne pas le désirer depuis mes quinze ans, de dire que je suis bien toute seule cela veut en fait dire que je préférerai être en couple, j'ai entendu tout cela au moins une fois dans ma vie.
Je rejoins donc l'auteur sur certaines anecdotes de son récit, ce sont des situations que j'ai plus ou moins vécues et où j'ai eu plus ou moins envie d'expliquer que la vie ne correspond pas à une seule case bien définie à laquelle il faut se conformer et/ou d'étriper la personne en face de moi devant tant de bêtises et de lieux communs débités à la seconde.
Mais là où je suis moins d'accord, c'est le manque de nuance qu'il y a.
Soit la femme est totalement hors cadre, soit elle s'inscrit dans le schéma et juge la précédente.
Heureusement qu'il y a des femmes plus nuancées, de celles qui même mariées avec enfants acceptent la célibataire ne désirant pas d'enfant.
Le propos développé passe trop d'un extrême à l'autre, il y a aussi un juste milieu, des femmes qui ne jugent pas d'autres femmes.
La femme n'est pas que carriériste ou désirant fonder un foyer avec un mari aimant, il y en a qui choisissent les deux, finalement j'aurais bien aimé entendre parler d'elles également, car elles ont fait avancer le féminisme à leur façon et ne sont pas non plus une minorité.
Là où je rejoins l'auteur, c'est que je pensais également que le féminisme aurait rendu les femmes plus tolérantes les unes envers les autres, or il n'en est rien : "Je pensais qu'après le féminisme, les femmes seraient plus tolérantes envers celles qui font des choix de vie différents, comme celui de ne pas avoir d'enfant mais non. Je me suis longtemps demandé pourquoi et c'est assez incroyable mais les femmes se définissent encore aujourd'hui d'après leur ventre.".
Mais encore une fois, ce propos bienvenu n'est pas nuancé et tout de suite l'auteur lui fait face avec son opposé : "Moi, je dis que la femme devrait penser plus avec son cerveau qu'avec son utérus.".
Non, la femme ne pense pas qu'avec son utérus ou qu'avec son cerveau, certaines utilisent très bien leur cerveau, ce qui n'est pas incompatible avec l'utilisation de son utérus.
Tout comme une femme écrivain n'écrit pas soit un roman dégoulinant d'amour appartenant à la catégorie Harlequin soit une autofiction.
Tout comme sa vision de la femme, cette classification des écrivains féminines est elle aussi réductrice.
L'autre point intéressant de cette lettre, c'est que Pia Petersen y dé-diabolise la vision de la maîtresse, cette horrible femme qui s'accapare l'époux d'une autre dans des intentions toutes plus mauvaises les unes que les autres.
Il y a des femmes qui vivent très bien leur condition de maîtresse et qui l'acceptent, c'est le cas de la narratrice à qui cette situation convenait très bien et qui n'a jamais demandé à en changer : "Je crois que c'est ce que j'aimais dans notre histoire, notre liberté, la tienne, la mienne. C'était fondamental. On n'avait pas besoin d'un contrat d'appartenance.".
Là où j'ai été interpellée dans ma lecture, c'est que malgré les fautes reconnues de la narratrice et celles qu'elle énonce de son ex-compagnon à aucun moment il n'est vraiment question de communication entre ces deux êtres.
Car finalement, ce qui a conduit à leur rupture, à cette fuite à l'église, c'est bel et bien un manque de communication, de dialogue.
A force de trop se reposer sur des non-dits, des certitudes que l'on croyait connues de l'autre, cela a conduit à la séparation de deux êtres : "J'ai probablement eu tort en n'abordant jamais la question mais je n'acceptais plus ce droit de propriété induit et bétonné par le contrat de mariage où l'on appartient entièrement à quelqu'un, où l'on est dépossédé de soi et de sa liberté élémentaire.".
Cet aspect d'un couple n'est qu'effleuré et c'est dommage car pour être complète cette confession sous forme parfois de remise en question n'aurait pas dû porter que sur la femme-mariée et la femme-mère car finalement, les erreurs reconnues ne le sont qu'à moitié et n'expliquent pas tout.

A lire cette chronique, il ne faut pas croire que je ne garderai de ce texte qu'un sentiment mitigé, d'autant plus qu'il s'agit de ma première lecture d'une oeuvre de Pia Petersen mais j'ai d'ores et déjà un de ses romans en attente, c'est donc avec grand plaisir que je continuerai de la découvrir.
Au contraire, cette lecture a tenu ses promesses et même si mon propos est parfois nuancé, je reconnais que Pia Petersen a fait preuve d'un courage littéraire en écrivant un tel texte, qu'il soulève des questions qui touchent plus ou moins chaque lecteur en le renvoyant à son propre vécu, qu'il dépoussière le féminisme et permet d'y apporter un regard neuf, et dont la plus grande qualité est de ne laisser personne indifférent.
C'est un écrit qui suscite le débat et les échanges de point de vue, à mon sens l'un des récits les plus intéressants de cette rentrée littéraire 2013/2014.

"Instinct primaire" fait partie de ces livres couillus qui malmènent le lecteur en énonçant des vérités ou tout du moins des points de vue qui ne sont pas toujours plaisants à entendre et qui ont le mérite de lancer et de nourrir le débat.
Un beau manifeste féministe à lire et à relire, à faire circuler autour de soi et dont l'encre versée jusqu'à présent à son égard est pleinement justifiée.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


Au pays de Tahar Ben Jelloun


A quelques mois de la retraite, Mohamed n'a aucune envie de quitter l'atelier où il a travaillé presque toute sa vie depuis qu'il est parti du bled. Afin de chasser le malaise diffus qui l'envahit, il s'interroge sur lui-même avec simplicité et humilité. Il pense à son amour profond pour l'islam, dont il n'aime pas les dérives fanatiques ; il se désole de voir ses enfants si éloignés de leurs racines marocaines ; il réalise surtout à quel point la retraite est pour lui le plus grand malheur de son existence. 
Un matin, il prend la route de son village natal, décidé à construire une immense maison qui accueillera tous ses enfants. 
Un retour "au pays" qui sera loin de ressembler à ce qu'il imaginait. (Folio)

Mohamed est un homme perdu : marocain de naissance il est venu avec sa femme et ses enfants en France pour leur offrir une vie meilleure, aujourd'hui proche de la retraite il ne veut pas en entendre parler et n'arrive pas à imaginer sa vie sans aller travailler à l'atelier tous les jours, d'autant plus que presque tous ses enfants ont quitté le domicile familial pour vivre une vie qu'il ne comprend pas, une vie complètement occidentalisée et loin de celle à laquelle il rêvait pour eux.
Mohamed ne sait plus ni que faire ni que penser pour faire revenir à lui ses enfants, c'est la chute de cet homme que Tahar Ben Jelloun décrit dans ce roman, une chute qui l'enfermera dans une forme de folie dont le lecteur pressent l'issue.
Mohamed porte un regard juste sur les conditions de vie des immigrés en France : regroupés dans des HLM ils font l'objet de méfiance et de racisme de la part de certains français mais également d'autres immigrés, à tel point que Mohamed ne sait plus d'où vient le racisme : "Mohamed ne savait plus si le racisme était suscité par par la couleur de la peau ou par l'extrême pauvreté.", mais que tout cela est lié au climat général qui règne dans ces cités : "Mais la pauvreté, l'insécurité et la promiscuité ne laissaient pas de place au dialogue et à la tolérance. Les gens étaient à bout et ne contrôlaient plus rien.".
Cette analyse en début de roman est particulièrement juste et donne le ton de ce que sera la suite des réflexions de Mohamed qui réussit si bien à comprendre tout ce qui est du domaine de l'impersonnel mais qui est perdu lorsqu'il s'agit de sa dimension personnelle et de sa sphère familiale.
Mohamed s'interroge beaucoup, il cherche à comprendre le comportement de ses enfants et ne les comprend pas, il a tout fait pour leur donner une bonne éducation mais ces derniers préfèrent se perdre dans la culture occidentale plutôt que de retrouver leurs racines marocaines; il se pose d'autant plus de questions que la retraite lui fait peur.
Sa femme ne dit rien, parce que c'est son éducation et qu'elle soutient son mari en tout, mais elle, à la différence de lui, a tout compris : "Elle avait compris depuis longtemps que ses filles et garçons ne leur appartenaient plus, qu'ils avaient été engloutis dans le tourbillon de la France, qu'ils aimaient leur vie et qu'ils n'avaient ni remords ni regrets.".
Ce personnage féminin restera muet en permanence mais se révélera finalement le plus clairvoyant.
Mohamed se définit également par sa religion : "Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré; l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix; c'est la dernière religion révélée, elle est arrivée pour clore un long chapitre que Dieu a commencé il y a très longtemps. Ici, ils ont leur religion et nous avons la nôtre. Nous ne sommes pas faits pour eux et ils ne sont pas faits pour nous.", un point de vue intéressant et bien développé, tout comme j'ai apprécié de suivre ce personnage dans ses interrogations, son retour au pays, sa quête désespérée de vivre sa retraite entouré de sa famille, dans son pays et dans son village qu'il aime tant.

De Tahar Ben Jelloun, j'avais lu le très beau "Cette aveuglante absence de lumière".
Ce roman, bien que posant des questions pertinentes, n'a pas la beauté de ce dernier et ne m'a pas touchée de la même façon.
J'ai été légèrement dérangée par une construction manquant parfois de logique : le passé se mélange au présent, à un moment il est à la retraite à un autre il est question de sa retraite.
Dommage que les événements se télescopent parfois, sans perdre le fil je mettais quelques instants à retrouver le fil de la pensée de Mohamed.
Il y a de très beaux passages, extrêmement émouvants, notamment lorsque Mohamed raconte à quel point il aimait regarder ses enfants travailler leurs devoirs le soir à la maison, ou lorsqu'il aborde le sujet de son dernier enfant qui n'est en fait pas le sien mais celui de sa sœur qu'il a pris avec lui car étant handicapé il avait plus de possibilités d'étudier et de s'épanouir en France qu'au bled.
Il en ressort tout l'amour que Mohamed éprouve à l'égard de ses enfants, même si aujourd'hui il ne parle plus à une de ses filles car elle a épousé un européen, un homme qui ne lui plaisait pas du tout.
Le lecteur perçoit également très bien la complexité de l'âme de ce personnage, il cherche à imposer à autrui une vision archaïque et dépassée de la vie tel que lui la conçoit sans prendre le temps un instant de considérer que celle d'autrui est aussi valable.
Mohamed est un homme qui reste buté sur ses positions et ne se remet pas toujours de la bonne manière en cause, ce sont ses imperfections qui le rendent humain et proche du lecteur.
La plus belle partie de ce roman, mais aussi la plus dure, est à mon sens le retour au bled de Mohamed, là où son entêtement et son aveuglement atteignent des sommets, à tel point qu'il s'attire la pitié du lecteur.
J'avais mal pour lui, de le voir s'enterrer ainsi en perdant tout sens de la mesure et de la raison.
Il n'empêche que j'ai aussi trouvé qu'avant d'en arriver là il fallait trop de temps au récit pour introduire cette notion qui pourtant me paraissait essentielle et plus intéressante à développer qu'en quelques pages.
Il y a donc eu des passages où j'accrochais totalement et d'autres moins, le style de Tahar Ben Jelloun étant toujours aussi agréable à lire, d'autant plus que les questions qu'il soulève dans son roman sont toutes plus pertinentes les unes que les autres et, malgré les années qui passent, toujours d'actualité.

"Au pays" est un roman intéressant pour les réflexions qu'il porte et son côté humain, servi par la plume fluide et agréable de Tahar Ben Jelloun, mais auquel il manque, de mon point de vue, un certain degré de beauté pour en faire un réel coup de cœur.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2014


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014




mardi 21 janvier 2014

Top Ten Tuesday #32


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 choses que vous aimeriez voir traitées dans un livre

Les thèmes cités ont bien souvent déjà été traités en littérature mais j'ai un peu de mal à trouver mon bonheur car ils ont peu souvent été utilisés et pourtant ils m'intéressent.

1) L'Allemagne des années 30 avec la montée du nazisme et la vie des allemands durant la Guerre, jusqu'à présent j'ai trouvé peu de livres où cette période était évoquée;
2) La Nouvelle-Zélande particulièrement sur les Maoris;
3) Un événement historique tombé dans l'oubli;
4) La politique mais peut-être de façon comique ou en tout cas moins intellectualisée que cela peut l'être;
5) La vie dans le sud des Etats-Unis;
6) Un pays réel peu connu et/ou médiatisé;
7) Florence à l'époque des Médicis;
8) La mafia en Italie (dans une saga par exemple);
9) Une vraie réflexion sur l'environnement et les énergies fossiles;
10) Un métier qui n'existe plus aujourd'hui.

lundi 20 janvier 2014

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet



T.S. Spivet, vit dans un ranch isolé du Montana avec ses parents, sa soeur Gracie et son frère Layton. Petit garçon surdoué et passionné de science, il a inventé la machine à mouvement perpétuel, ce qui lui vaut de recevoir le très prestigieux prix Baird du Musée Smithsonian de Washington. Sans rien dire à sa famille, il part, seul, chercher sa récompense et traverse les Etats-Unis sur un train de marchandises. Mais personne là-bas n’imagine que l’heureux lauréat n’a que dix ans et qu'il porte un bien lourd secret… (AlloCiné)


Jean-Pierre Jeunet et moi, on s'était plutôt quitté en mauvais terme.
J'avais passablement peu aimé sa douce et sirupeuse mièvrerie du "Fabuleux destin d'Amélie Poulain", et même s'il n'en allait pas de même pour son "Long dimanche de fiançailles" il n'empêche que je boudais ce réalisateur, bien décidée à ne plus trop m'intéresser à ce qu'il faisait.
Mais comme il ne faut jamais dire "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau", je suis pourtant allée voir son dernier film, piquée par la curiosité de cette histoire et du titre à rallonge.


Je suis finalement satisfaite et sans doute réconciliée avec Jean-Pierre Jeunet tant la surprise a été bonne.
Avec l'histoire émouvante du jeune et prodigieux T.S. Spivet, Jean-Pierre Jeunet retrouve une forme de poésie dans son scénario et sa mise en scène qui l'avait quitté lors de ses derniers longs métrages.
Ici, il y a un peu de rire et quelques sourires mais surtout beaucoup d'émotion, ce qui donne une toute autre dimension à son film et lui confère une forme de beauté.
Il y a du drame dans cette histoire, d'ailleurs je trouve qu'indiquer ce film à partir de 6 ans n'est pas bien judicieux, mais aussi de belles rencontres et au final une famille composée d'êtres disparates qui est malgré tout soudée, une belle leçon de vie et de courage.
Si je devais apporter un petit bémol, cela serait sur la construction de la narration qui présente parfois des images du passé sans le préciser, la frontière entre le passé et le présent est parfois trop fine et pourrait perdre un jeune spectateur.


Jean-Pierre Jeunet a une façon de filmer bien à lui et facilement reconnaissable.
Si cela le desservait dans ses derniers films, ici elle prend tout son sens et permet d'apporter une touche poétique au récit, à travers les magnifiques paysages américains et la si jolie maison des Spivet qui laisserait presque croire que cette maison a été incrustée dans le paysage.
Mais au-delà des images et de la mise en scène, il y a également le choix des acteurs pour interpréter les personnages.
Jean-Pierre Jeunet a fait un sans faute, en choisissant le jeune Kyle Catlett pour incarner T.S. Spivet, il a misé sur le bon cheval tant cet enfant arrive à jouer parfaitement son personnage, réussissant à attendrir le spectateur sans tomber dans le racoleur.
Et que dire de la mère interprétée par une Helena Bonham Carter particulièrement inspirée, toujours juste dans son jeu d'actrice et formant un couple quelque peu original avec son mari interprété par Callum Reith Rennie.
Et difficile de ne pas dire quelques mots sur Judy Davis campant une femme absolument horripilante et profiteuse, car comme toujours, il y a d'un côté les bons et de l'autre les mauvais, et autant dire que ces derniers ne gagnent jamais la partie.
Ce film a désormais piqué ma curiosité de lectrice et j'aimerai bien lire l'ouvrage dont il est tiré, d'autant plus qu'il s'agissait du premier roman de Reif Larsen et que, pour avoir entre-aperçu ce livre, il a l'air d'être curieusement bâti, à l'image du jeune T.S. Spivet et de ses idées géniales d'inventions.


"L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet" montre bien que pour faire de grandes choses il est inutile d'avoir des muscles sur-développés et des pouvoirs hors du commun, puisqu'un petit garçon tout à fait ordinaire réussit à vivre une grand périple à travers qui le mènera du Montana à Washington.
Un très beau film épique de Jean-Pierre Jeunet mêlant poésie et émotion, à voir à tout âge (ou presque).










dimanche 19 janvier 2014

Pour seul cortège de Laurent Gaudé


En plein banquet, à Babylone, au milieu de la musique et des rires, soudain Alexandre s’écroule, terrassé par la fièvre. Ses généraux se pressent autour de lui, redoutant la fin mais préparant la suite, se disputant déjà l’héritage – et le privilège d’emporter sa dépouille. Des confins de l’Inde, un étrange messager se hâte vers Babylone. Et d’un temple éloigné où elle s’est réfugiée pour se cacher du monde, on tire une jeune femme de sang royal : le destin l’appelle à nouveau auprès de l’homme qui a vaincu son père… Le devoir et l’ambition, l’amour et la fidélité, le deuil et l’errance mènent les personnages vers l’ivresse d’une dernière chevauchée. Porté par une écriture au souffle épique, Pour seul cortège les accompagne dans cet ultime voyage qui les affranchit de l’Histoire, leur ouvrant l’infini de la légende. (Actes Sud)

Alexandre fut Grand en repoussant les frontières de son Empire là où aucun homme ne s'était aventuré jusqu'à présent, aujourd'hui il s'écroule en plein banquet à Babylone et est mourant.
Avec lui, c'est l'Empire qui agonise, avant les inévitables déchirements entre ses amis d'hier qui deviendront les ennemis de demain et se battront tels des charognes pour cet Empire si durement acquis.
Au milieu de cette fratrie masculine et guerrière, il y a Dryptéis, vivant désormais recluse du monde, que l'on vient pourtant chercher pour qu'elle amène avec elle sa grand-mère, seule personne capable de prédire la vie ou la mort à Alexandre : "C'est l'Empire. Il ne me laissera jamais en paix. Il fait mine de m'oublier, puis me reprend, joue avec moi sans cesse, où que je me cache, du bout de la patte, avec la cruauté d'un chat. Je ne m'appartiens pas.".

"Pour seul cortège" est un livre choral mêlant plusieurs voix : celle d'Alexandre qui même mort continuera à parler à ses proches, de Dryptéis en tant que figure féminine du récit, d'Ericléops en fidèle compagnon d'Alexandre prêt à l'ultime sacrifice pour servir ce dernier.
Alternant les points de vue et de narration, ce récit se lit d'une seule traite tant il est animé par un souffle qui pousse le lecteur à avancer, tel le cortège funéraire de pleureuses d'Alexandre.
Son avancée est lente et pourtant il y a beaucoup de rythme dans ce récit, particulièrement à travers le regard du personnage de Dryptéis présent du début à la fin, femme prise entre deux feux et partagée entre son devoir de mère et celui pour l'Empire : "Le convoi progresse avec une lenteur d'insecte. Les femmes pleurent toute la journée, le regard dans le vide, comme en transe. Dryptéis se laisse bercer par leurs voix. Elle essaie de se concentrer sur l'idée qu'elle est là pour disparaître. Elle se fond dans la foule et elle sait que c'est le meilleur endroit pour se dissimuler aux yeux du monde. Elle n'est plus rien. Elle accepte d'être une pleureuse pour mieux semer l'Empire.".
Alexandre lui aussi est tiraillé par sa conscience guerrière et son corps qui le lâche, il lutte et résiste à la mort, il ne sait pas mourir, il ne veut rien lâcher tel le guerrier et le conquérant qu'il est, mais la mort finira par être plus forte que lui : "Alexandre et la mort vont rester face à face pour se jauger. Tout le monde quitte la salle, tête basse, sidéré de voir qu'un homme peut conserver, à l'instant de mourir, avec une telle force, le plein éclat du vivant.".
Alexandre a du panache et c'est ainsi que l'auteur le présente au lecteur, même mort il se drape encore de dignité et en impose par sa prestance.
Quelle est la part de vérité et celle d'imaginaire dans tout cela ?
Difficile à dire, certainement un subtil mélange des deux dont seul Laurent Gaudé a la recette exacte.
La vérité, c'est qu'il a réussi à redonner vie à Alexandre le Grand ainsi qu'à tous ces compagnons d'une manière très vivante et que son récit avance au rythme du cortège funéraire, tout comme il a su recréer la Perse, l'Egypte, l'Inde, d'une façon si réaliste qu'il transporte littéralement le lecteur dans ces pays antiques.
Laurent Gaudé a du style et une très belle plume, il a su insuffler à la fois la vie et la mort dans ce récit s'étirant comme un long chant funéraire, ultime éloge à Alexandre avant la chute et le démantèlement de son Empire.

"Pour seul cortège" de Laurent Gaudé est une mise en scène savamment orchestrée de la mort d'Alexandre et de la chute inéluctable de son Empire, un roman au souffle épique digne d'intérêt et servi par une plume de toute beauté.


Aristote et Alexandre


Les reines de Perse aux pieds d'Alexandre de Charles Le Brun


L'entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone de Charles Le Brun

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2014


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


Snowpiercer - Le Transperceneige de Bong Joon Ho



2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais… (AlloCiné)


"Snowpiercer" fait partie de ces films à la bande annonce alléchante, mêlant science-fiction et révolte, le tout dans un train tournant perpétuellement autour de la Terre puisque le monde extérieur est devenu inhabitable, conséquence du déclenchement d'une nouvelle ère glaciaire de la main même de l'Homme.
Adapté de la bande dessinée de Jean-Marc Rochette, Benjamin Legrand et Jacques Lob, le film est majoritairement une réussite et une belle surprise.


Les premières minutes du film servent à camper le décor et expliquer le pourquoi de la situation : simple, rapide et efficace, le spectateur a très vite compris de quoi il en retourne et surtout, que l'élément principal du film ne va pas être ce désastre écologique ayant résulté sur une nouvelle ère glaciaire, ce n'est que le prétexte de l'histoire et de l'existence de ce train géant.
Dans le "Snowpiercer", baptisé en français "Le Transperceneige", les personnes sont situées en fonction de leur caste et de leur place dans la société et surtout, du prix payé pour pénétrer et vivre dans le train.
A l'arrière ce sont donc les resquilleurs, ceux qui vivent entassés les uns sur les autres, dans une promiscuité ne leur permettant même pas de voir la lumière du jour et dans laquelle ils doivent se contenter d'une ration quotidienne de nourriture; et plus on avance dans le train plus les personnes sont aisées et vivent dans l'opulence pour ne pas dire le luxe.
Bien évidemment, l'Homme étant ce qu'il est, l'arrière du train va se révolter, emmené par Curtis, pour atteindre la voiture de tête, le cœur de la machine et en prendre le contrôle.
C'est donc cette révolte qui est présentée dans le film, mais pas que.
L'histoire soulève beaucoup de questions, particulièrement vers la fin, et interroge sur le bien fondé de l'existence de ce train et sur la façon de le diriger.
Il y a de la violence : physique lors des affrontements entre les révoltés et les gardes armés, mais également psychologique et c'est sans doute la plus cruelle des deux.
Difficile de me prononcer sur l'adaptation, je n'ai pas encore lu l'intégrale de la bande dessinée que Papa Noël a gentiment déposé au pied du sapin, mais ce scénario est en tout cas très bien fait et pose beaucoup de questions, à chacun d'y apporter sa ou ses réponses.


Côté décor et ambiance, c'est très loin d'être cosy, le film donne même la sensation d'étouffer pendant une bonne partie, jusqu'à ce que les insurgés avancent dans les wagons et finissent par voir la lumière du jour et les paysages arctiques.
Plus on avance dans le train plus c'est beau, mais plus on étouffe aussi, d'une autre manière.
Wilford, le créateur/propriétaire/bienfaiteur du train soulève d'ailleurs un point intéressant : dans le Transperceneige impossible d'être seul(e) un instant, de pouvoir écouter le silence et réfléchir sans bruit.
Il y a toujours du monde, toujours un fond sonore, la solitude est abolie et la vie en communauté règne en maître.
Disons qu'il est plus agréable de vivre en communauté dans les premiers wagons que dans les derniers.
Cette sensation d'étouffement est renforcé par le caractère népotique de certaines personnes qui méprisent totalement les autres, par le culte de la personnalité autour de Wilford (la scène dans le wagon de classe en est un très bel exemple).
Adieu la démocratie et bonjour le régime autoritaire qui règne à bord du train, ou tu adores Wilford et le dis haut et fort ou bien tu péris ou te fais amputer d'un membre en guise de punition.
Si le film s'éclaire au cours de sa progression, il n'en reste pas moins que même à l'avant une vie ne vaut pas forcément grand chose.
La reconstitution du train est très bien faite et rend extrêmement bien à l'écran.
Il y a d'ailleurs une très belle scène de bagarre à un moment où le train est dans un virage, chaque adversaire essayant d'atteindre l'autre en brisant d'abord les vitres et en profitant du parallélisme du train.
Il faut également être attentif à chaque détail, ceux-ci ont une signification et une explication à la fin, la construction scénaristique est bien construite et le retournement final prend par surprise.


Le casting est lui aussi réussi, avec un Chris Evans dans le rôle de Curtis, le leader, un acteur que je ne connaissais pas jusqu'à présent ou alors auquel je n'avais pas fait attention, c'est avec plaisir que j'ai retrouvé Jamie Bell dans le rôle d'Edgar, un jeune chien fou prêt à mourir pour suivre Curtis dans sa quête de prise de possession de la machine, Tilda Swinton est méconnaissable en Mason et prouve, une fois de plus, toute l'étendue de son talent et de son jeu d'actrice, et sans oublier John Hurt et Ed Harris, tous deux méconnaissables.
Il y avait aussi d'autres acteurs que je ne connaissais pas, un coup de chapeau à Song Kang-Ho qui campe un Namgoong Minsoo, formidable inventeur du système de sécurité des portes du train et à Ko Asung dans le rôle de sa fille Yona.
Je ne parlerai pas de la musique, en toute honnêteté je n'y ai pas vraiment prêté attention tant j'étais prise par l'histoire.


Même si ce film a des qualités, il souffre aussi de quelques défauts, particulièrement d'incohérences qui viennent quelque peu gâcher sa réussite.
Certains points de l'histoire restent flous, j'ai trouvé cela dommage, et il arrive aussi assez souvent au cours du film qu'un personnage se retrouve avec un objet qu'il n'avait pas juste avant, on ne sait ni où ni quand ni pourquoi l'objet est venu en sa possession (par exemple les manteaux de fourrure à la fin).
J'ai trouvé que ce manque de vigilance entre les prises de scène étaient regrettables et même s'ils peuvent passer inaperçus ce n'est malheureusement pas le cas pour un œil curieux.
J'émettrai également une réserve sur la fin du film, trop floue à mon goût alors que tout le reste du scénario tenait la route.
Difficile de dire ce qu'il advient, il n'empêche que je suis ressortie de la séance avec un sentiment plus pessimiste qu'optimiste sur l'avenir, la faute au peu d'indices laissés par le réalisateur au spectateur pour que ce dernier se forge sa propre opinion.
Malgré ces quelques défauts, le film est vraiment intéressant et il ne faut pas s'y arrêter.


"Snowpiercer" de Bong Joon Ho est un très bon film d'anticipation et d'action pour lequel il ne faut pas s'arrêter à ses quelques défauts tant l'histoire et le scénario sont prenants, tout comme la mise en scène est réussie.
Une belle surprise cinématographique dont il me tarde désormais de lire la bande dessinée dont le scénario est tiré.







Le Hobbit : La désolation de Smaug de Peter Jackson




Les aventures de Bilbon Sacquet, paisible hobbit, qui sera entraîné, lui et une compagnie de Nains, par le magicien Gandalf pour récupérer le trésor détenu par le dragon Smaug. Au cours de ce périple, il mettra la main sur l'anneau de pouvoir que possédait Gollum... (AlloCiné)


Cette année encore, l'aventure est belle : des paysages à couper le souffle, un groupe d'amis sympathiques et soudés, des terrains quelques peu hostiles, de l'entraide et du partage, de la boisson qui coule à flot, de l'or, quelques créatures plus ou moins sympathiques comme des elfes ou des orques, de charmantes bêtes plus ou moins miniaturisées et des espèces en voie de disparition; vous l'avez compris : bienvenue dans la suite des aventures de Bilbon le Hobbit !


Pour ce deuxième volet, les petits plats ont été mis dans les grands : cette fois-ci l'histoire est bien plantée aussi peut-elle démarrer tout de suite, tout comme les personnages qu'il n'est plus besoin de présenter.
L'avantage de cette série, c'est qu'à chaque fois on a l'impression de se retrouver chez soi, de revenir en terre connue et de retrouver les personnages comme si on les avait laissés hier.
Il faut dire que depuis le temps, tout le monde s'est attaché aux personnages, qu'ils soient hobbits, nains ou elfes.
Certes, certaines personnes voient d'un mauvais œil l'invention de Tauriel, une elfe capitaine des gardes qui trouble Legolas et dont le cœur penche vers un nain.
Finalement, cette petite touche féminine n'est pas superflue à l'histoire, elle est même plutôt bienvenue car elle introduit, à mon sens, des questions assez intéressantes, notamment une sur les relations entre nains et elfes qui sera développée dans la trilogie du "Seigneur des anneaux".
Peter Jackson se permet d'ailleurs quelques clins d’œil à sa trilogie, ne serait-ce qu'avec Legolas contemplant avec dégoût un portrait de Gimli enfant, difficile de le lui reprocher, cela représente tellement d'années de sa vie et d'investissement personnel qu'il peut bien se permettre quelques fantaisies.


Ce deuxième volet est moins contemplatif que le premier et plus dans l'action.
Finis ou presque les paysages qui font rêver et les longues marches, place ici à des endroits hostiles envahis par la noirceur d'un ennemi qui fini par se révéler à Gandalf et dont le spectateur soupçonnait la présence.
Même les elfes sylvestres ont un caractère dangereux et sont peu accueillants, c'est un aspect particulièrement intéressant car les elfes avaient, jusque là, tendance à être sacralisés et présentés comme des êtres parfaits, réfléchis, posés.
Ici, le spectateur les découvre dans une forme d'égoïsme, principalement occupés à défendre leur forêt et bien décidés à ne surtout pas se mêler à la population humaine en danger ni même à la quête des nains que ces elfes désapprouvent, sans doute à juste titre quand on voit l'évolution du personnage de Thorin.
Ce personnage est particulièrement fascinant dans ce deuxième volet à plus d'un titre : déjà il n'est plus le seul nain à être mis en valeur mais il est en interaction avec d'autres qui prennent de l'importance et c'est une bonne chose car il avait été jusque là présenté comme un héros, ce qu'il n'est pas forcément ou tout du moins pas dans le sens classique donné à ce mot; ensuite il évolue et tombe dans une sorte de noirceur à mesure que la troupe s'approche de la Montagne et de l'ancien royaume des nains sous la montagne, désormais devenu la propriété exclusive de Smaug le dragon.
Il est attiré par le pouvoir et par l'or, il dupe Bilbon et le manipule, en bref, il utilise le Hobbit tout comme il utilise les habitants de Bourg-du-Lac (ou Lacville), en leur faisant miroiter la richesse sans leur parler du danger.
Mais il faut bien avouer que dans cette aventure, mon coup de cœur va au personnage de Kili, j'ai beaucoup aimé le développement de ce personnage et ses interactions avec les autres.
L'une de mes scènes préférées est celle de la fuite dans les tonneaux, je me demandais comment le réalisateur allait la transcrire à l'écran, je ne suis absolument pas déçue par le rendu, c'est très vivant et à l'image de ce qu'a écrit J.R.R Tolkien dans son roman.


Ce deuxième volet offre également beaucoup plus de noirceur, ne serait-ce qu'avec les si gentilles (doux euphémisme) araignées géantes de la forêt de Mirkwood.
Personnes sensibles aux araignées, abstenez-vous !
Le personnage de Beorn est également intéressant par sa dualité : à la fois homme sage et bête plus irréfléchie, il est imprévisible et le dernier représentant d'une espèce en voie de disparition.
Il y a toujours beaucoup d'orcs, tous plus beaux les uns que les autres (re-doux euphémisme), mais la grande star de cet opus, c'est Smaug le dragon (le magnifique, le merveilleux, le grandissime, bref mieux vaut le flatter dans le sens des écailles sous peine de s'attirer ses foudres).
Bilbon est lâché par les nains sans trop d'explications à la recherche de l'Arkenstone, avec juste comme précision qu'il est possible qu'un dragon soit endormi et que mieux vaut ne pas le réveiller.
Si j'ai trouvé à Smaug un petit air de ressemblance avec la dragonne de Shrek (éviter de le lui répéter, ça lui froisserait les écailles), je dois reconnaître qu'il est particulièrement bien réussi et que cette longue scène avec Bilbon est sans doute la plus belle et la plus forte du film.
Certes, j'ai bien cru à un moment que Bilbon et Smaug allaient jouer aux énigmes (comme avec Gollum), mais cette confrontation est absolument magnifique et magique, d'autant plus qu'elle permet au film de s'achever sur une note plutôt pessimiste et donne très envie de voir le dernier volet (un peu moins d'un an à patienter désormais).


S'il faut parler des images, les paysages sont tout simplement magnifiques et les effets visuels très réussis.
D'un autre côté, c'est Peter Jackson, ça ne peut être que gage de réussite.
La mise en scène est irréprochable, tout comme le scénario est assez fidèle au livre, outre les ajouts qui ont été faits pour "grossir" l'histoire et lui permettre d'être développée en trois films.
Je mettrai un petit bémol sur la musique, certes belle mais qui depuis la trilogie du "Seigneur des anneaux" n'a pas réellement évolué.
Le compositeur se contente de reprendre les airs et de les arranger légèrement, j'attendais un peu plus de nouveautés dans la musique.
Il serait aussi possible de reprocher quelques incohérences au film comme le fait que les elfes ont toujours à disposition des flèches et ne sont jamais en rupture, inutile de chipoter là-dessus, ce sont que des détails qui prêtent à sourire lorsqu'on en parle mais qui ne marquent pas plus que cela.


"La désolation de Smaug" est une très belle réussite et un magnifique deuxième volet des aventures de Bilbon, notre cher Hobbit qu'il me tarde désormais de retrouver en fin d'année pour la fin de ses aventures et de son voyage extraordinaire.
Un film maîtrisé du début à la fin, offrant des paysages à couper le souffle et des scènes d'action haletantes, il serait dommage de bouder cette très belle réalisation pleine de magie et de passer à côté de cette nouvelle trilogie issue de la non moins sublime oeuvre de J.R.R Tolkien.


samedi 18 janvier 2014

Les vestiges du jour de Kazuo Ishiguro


"Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C'est, je l'ai dit, une question de "dignité"." 
Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l'influent Lord Darlington puis d'un riche Américain. Les temps ont changé et il n'est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu'à ce qu'il parte en voyage vers Miss Kenton, l'ancienne gouvernante qu'il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés... (Folio)

Ici, point de badinage.
Mr. Stevens est un majordome de la vieille école, c'est-à-dire qu'il croit à son métier et qu'il ne vit que pour lui, il le sacralise et dévoue son corps, son âme et ses actes pour le glorifier : "Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. [...] C'est, je l'ai dit, une question de "dignité".".
Aujourd'hui quelque peu dépassé et enfermé dans sa quête de perfection du majordome, Mr. Stevens est au service d'un riche américain qui amène avec lui une forme de modernité et de décontraction qu'il ne connaît pas.
Il faut dire que pendant très longtemps à Darlington Hall, Mr; Stevens a été le majordome de Lord Darlington, un personnage ayant joué un rôle dans l'Europe des années 20/30 en recevant chez lui le gratin européen dans une volonté d'empêcher une nouvelle guerre.
Mr. Stevens a vécu le paroxysme de sa carrière durant ces années : "En jetant sur ma carrière un regard rétrospectif, je tire ma plus grande satisfaction de ce que j'ai accompli au long de ces années, et aujourd'hui, je ne ressens que fierté et gratitude à l'idée d'avoir bénéficié d'un tel privilège.", et c'est avec nostalgie qu'il s'en souvient et qu'il se remémore tous les événements auxquels il a assisté à Darlington Hall.
Mais ce n'est pas parce qu'il est vieillissant et nostalgique du passé que tout cela lui revient en mémoire, c'est en allant rendre visite à Miss Kenton, l'ancienne gouvernante de Darlington Hall, qu'il se rappelle son passé et les moments vécus avec elle.
Depuis, elle s'est mariée, elle est partie loin de Darlington Hall et elle n'a plus donné de nouvelles que de façon épisodique et épistolaire.
Mr. Stevens se rend-il compte à un moment donné qu"il est complètement passé à côté de cette femme et des sentiments qu'elle avait pour lui ?
Non, et c'est là toute la cruauté de cette histoire, lui restant prisonnier de son carcan de majordome et la haute estime qu'il a de ce métier : "Un majordome d'une certaine qualité doit, aux yeux du monde, habiter son rôle, pleinement, absolument; on ne peut le voir s'en dépouiller à un moment donné pour le revêtir à nouveau l'instant d'après, comme si ce n'était qu'un costume d'opérette.", uniquement focalisé sur le bon déroulement de son travail et des employés sous sa responsabilité, est finalement passé à côté d'un pan de sa vie; quant à Miss Kenton, lassée de cet homme aveuglé par son métier qui se réfugie derrière pour annihiler tout sentiment : "Pourquoi, Mr. Stevens, pourquoi, mais pourquoi faut-il toujours que vous fassiez semblant ?", elle a fini par partir et choisir une vie médiocre dans laquelle elle n'est finalement pas heureuse et où les années s'écoulent lentement mais inexorablement.
Porté par un style maîtrisé et une narration très anglaise, c'est avec bonheur que le lecteur se glisse entre les lignes et assiste, impuissant, à la perdition de ces deux personnages qui n'ont jamais su se parler franchement et se trouver.
Tout comme il regarde Mr. Stevens empêtré dans sa vision de majordome, incapable de se débarrasser de sa rigueur et de s'ouvrir aux autres par une autre forme de communication que celle de relations de travail, mal à l'aise dès qu'il sort de sa fonction et, en quelque sorte, impatient de retrouver son costume.
Mais au-delà de ces deux personnages forts, c'est aussi toute une partie de l'histoire de l'Europe qui est décrite en toile de fond avec un beau renversement de situation entre l'Angleterre et les Etats-Unis.
En effet, lors d'une réunion dans les années 20/30, un américain avait fustigé l'attitude de Lord Darlington en signifiant qu'il n'était pas à la hauteur du rôle qu'il essayait de tenir et avait été mis de côté par tous pour ses propos, aujourd'hui c'est un américain qui est propriétaire de Darlington Hall.
Kazuo Ishigiro a sans conteste une très belle plume et fait partie de la nouvelle génération d'auteurs anglais qui portent haut les couleurs de la littérature anglaise, un écrivain que je relirai avec plaisir.
Désormais, il ne me reste qu'à voir l'adaptation cinématographique de ce livre par James Ivory dont le seul nom laisse présager une réussite.

"Les vestiges du jour" est un roman au charme typiquement britannique qui brille par ses non-dits et ses secrets, dans lequel il faut voir au-delà des phrases la vérité qui s'y cache, le tout sous la très belle plume de Kazuo Ishiguro.
Une très belle lecture empreinte de nostalgie qui n'a pourtant rien de vieillotte et de démodée.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices