mardi 30 juillet 2013

Top Ten Tuesday #7


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres qui vous ont pris le plus de temps à lire

Tout est relatif dans la notion "prendre plus de temps à lire", pour ma part c’est passer plus de 6/7 jours sur un même livre ou alors couper une lecture avec une autre.

1) "L’œuvre de Dieu, la part du Diable" de John Irving : pour être plus précise je l’ai commencé, puis laissé de côté et depuis novembre 2012 il faudrait que je le reprenne pour le terminer, mais j’ai du mal à trouver un intérêt pour le faire et je ne cesse de repousser le moment de terminer ce livre, cela est d’autant plus étrange que j’ai globalement aimé l’histoire jusqu’à présent ;
2) "Les racines du Yucca" de Koulsy Lamko : pour être honnête, si je n’avais pas eu à lire ce livre dans le cadre d’un prix littéraire je l’aurais abandonné sans regret et avec satisfaction, mais étant membre du jury je voulais donner un avis franc et pertinent, j’ai poursuivi sa lecture jusqu’à son terme mais c’était long car le roman ne se prêtait pas à de longues séances de lecture ;
3) "Les amoureux de Sylvia" d’Elizabeth Gaskell : je n’aurais sans doute pas dû commencer ma découverte de cette auteur par ce livre, j’ai trouvé l’histoire ennuyeuse et j’ai eu beaucoup de mal à avancer dedans ;
4) "Aldebaran - L’intégrale" de Léo : j’ai mis du temps à finir cette intégrale pour la simple et bonne raison que comme il ne me restait que quelques pages à lire j’ai voulu faire durer le plaisir, petit plaisir qui a duré 5 mois ;
5) "Le jeune homme, la mort et le temps" de Richard Matheson : je fais partie des rares personnes n’ayant pas aimé ce roman d’amour et de science-fiction, ce qui explique que j’ai patiné pendant ma lecture ;
6) "La vie à deux" de Dorothy Parker : encore une fois j’ai interrompu ma lecture de ce recueil de nouvelles pour lire d’autres livres plus urgents (i.e empruntés en bibliothèque), d’où un temps un peu plus long de lecture ;
7) "En chute libre" de Carl de Souza : comme pour "Les racines du yucca", j’ai fini ce livre parce que j’étais membre du jury mais l’histoire ne m’intéressait pas du tout et la lecture prenait plus de temps ;
8) "Madame Bovary" de Gustave Flaubert : je me suis ennuyée à la lecture de ce roman avec une héroïne peu charismatique à mes yeux, mais comme c’était dans le cadre scolaire il me fallait bien le terminer pour pouvoir en parler (et justifier mon ennui) ;
9) "La ballade de la mer salée" de Hugo Pratt : commencé i l ya plusieurs mois j’ai arrêté momentanément la lecture de cette bande dessinée, je suis en passe de battre de le record d’"Aldebaran" ;
10) "Le seigneur des anneaux – Trilogie" de JRR Tolkien : il faut un petit temps de lecture pour s’avaler cette trilogie littéraire, lue étant plus jeune je souhaiterais la relire aujourd’hui.

jeudi 25 juillet 2013

Il était une fois en France Tome 4 Aux armes, citoyens ! de Fabien Nury et Sylvain Vallée


Juillet 1944. Joseph Joanovici voit la ligne d’arrivée. Depuis le début de la guerre, il court, pour avoir toujours une longueur d’avance sur ses adversaires. Après les nazis, bientôt hors course, un autre camp est entré dans la partie, pas moins dangereux pour lui : la Résistance. Sa carte de la Gestapo l’a tiré de plus d’un mauvais pas, et ses amitiés l’ont rendu riche…
N’étant plus à un paradoxe près, il dénonce et sauve, ravale émotions et morale et finance la Résistance avec l’argent des nazis. Car la libération arrive, et avec elle, Joano le sait, la honte d’un peuple qui a aidé à commettre un génocide. Pour conjurer cette honte, il va falloir trouver des coupables. Et pour ne pas faire partie de ceux-là, Joano tombe dans un puits de noirceur, où le pardon sera impossible à retrouver.
Sans juger, sans condamner, les deux auteurs racontent l’extraordinaire destin d’un homme capable du pire et du meilleur. Une mise en scène à la maestria cinématographique, un dessin révélant sur les visages toutes les subtilités d’une humanité en souffrance, pour une série incontournable, saluée conjointement par critiques et lecteurs. (Glénat)

Dans ce quatrième volume d' "Il était une fois en France", Joseph Joanovici est plus que jamais amené à faire des choix et à continuer à mener un double jeu dangereux : résistant et collaborateur car il le dit lui-même : "On n'a pas le choix.".
Il se montre par moment un peu plus humain que précédemment, rongé par le doute, il est sur le point de flancher plusieurs fois : "C'est pas le moment de craquer, ou tu vas nous faire tuer tous les deux !".
Mais la rupture est aussi consommée avec sa famille, particulièrement sa femme qui, si elle l'aime encore, lui reproche la vie qu'il a choisie : "Mais tu seras toujours en danger. Et tes proches aussi. C'est le prix à payer pour la vie que tu as choisie. Tu ne seras jamais à l'abri ... jamais.".
Le scénario est toujours aussi prenant et les recherches documentaires ont été approfondies pour asseoir le scénario sur une crédibilité historique.
Il y a des passages très forts, notamment celui d'une Marseillaise lorsque des résistants sont assassinés et que dans le même temps les FFI se préparent à libérer Paris.
Quant aux dessins, ils sont toujours de belle facture et particulièrement réussis, notamment en ce qui concerne les traits des personnages.

"Aux armes, citoyens !" sonne la fin de la Guerre pour Joseph Joanovici et sans doute le début des ennuis pour lui.
Aujourd'hui reconnu comme résistant mais demain certainement dénoncé comme collaborateur, un quatrième volume réussi qui marque sans doute un tournant dans cette série.

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

mercredi 24 juillet 2013

Auschwitz et après- II Une connaissance inutile de Charlotte Delbo


Alors vous saurez 
qu'il ne faut pas parler avec la mort 
c'est une connaissance inutile 

Une connaissance inutile est le troisième ouvrage de Charlotte Delbo sur les camps de concentration. Après deux livres aussi différents par leur forme et leur écriture que Aucun de nous ne reviendra et Le Convoi du 24 janvier, c'est dans un autre ton qu'on lira ici Auschwitz et Ravensbrück On y lira plus encore une sensibilité qui se dévoile à travers les déchirements. Si les deux précédents pouvaient apparaître presque impersonnels par leur dépouillement, dans celui-ci elle parle d'elle. L'amour et le désespoir de l'amour – l'amour et la mort ; l'amitié et le désespoir de l'amitié – l'amitié et la mort ; les souffrances, la chaleur de la fraternité dans le froid mortel d'un univers qui se dépeuple jour à jour, les mouvements de l'espoir qui s'éteint et renaît, s'éteint encore et s'acharne... (Editions de Minuit)

Nettement plus personnel qu' "Aucun de nous ne reviendra", ce deuxième tome d' "Auschwitz et après" livre une Charlotte Delbo plus présente, plus sensible, plus ouverte à écrire son ressenti et à mettre des mots sur ce qu'elle a vécu.
Il n'y a pas le dépouillement du premier tome, Charlotte Delbo y évoque Auschwitz et Ravensbrück d'une manière très sensible et personnelle, n'hésitant pas à parler et à nommer certaines de ses compagnes d'infortune.
Elle livre également des réflexions très profondes sur sa déportation, permettant au lecteur d'entrapercevoir ce qu'a pu être Auschwitz pour des millions de personnes : "On peut faire d'un être humain un squelette où gargouille la diarrhée, lui ôter le temps de penser, la force de penser. L'imaginaire est le premier luxe du corps qui reçoit assez de nourriture, jouit d'une frange de temps libre, dispose de rudiments pour façonner ses rêves. A Auschwitz, on ne rêvait pas, on délirait.".
Il y est question d'amour, d'amitié, de désespoir, de la mort, de la souffrance, de la soif, mais aussi d'une fraternité entre déporté(e)s et  subrepticement entre les lignes d'espoir.
S'affranchissant des barrières temporelles, Charlotte Delbo passe de sa déportation à son emprisonnement, à la mort de son mari, à sa vie avant guerre, et ce qui pourrait apparaître comme un puzzle sans queue ni tête revêt finalement une certaine logique narrative qui ne perd à aucun moment le lecteur.
D'Auschwitz, il en est beaucoup question dans ce témoignage : "Pour ceux qui étaient à Auschwitz, l'attente était une course devant la mort.", mais si dans le premier volume Charlotte Delbo insistait sur le caractère de déshumanisation de l'endroit, ici il est aussi question d'entraide, même si la mort est omniprésente, tout comme la soif sur laquelle l'auteur revient longuement dans un chapitre particulièrement poignant.
L'utilisation du "je" est omniprésente et permet à l'auteur de se livrer comme elle n'avait pas pu le faire précédemment, d'exprimer son ressenti avec un certain recul, rendant encore plus vivant son récit : "Aucune larme ne m'est venue. Il y a longtemps, longtemps, que je n'ai plus de larmes.".
Et puis, Charlotte Delbo évoque aussi Ravensbrück après un transfert en train quasi surréaliste et un passage dans une ville de Berlin en partie en ruine.
Là aussi, les conditions d'internement sont très dures, mais Charlotte Delbo y parle aussi d'une forme d'entraide et de fraternité, avec une obsession : celle qu'au moins l'une d'elles revienne pour pouvoir témoigner.
C'est bouleversant mais aussi poétique car Charlotte Delbo n'hésite pas, lorsque le récit n'est plus possible, à utiliser la poésie.
Ainsi, il y a notamment un magnifique poème en hommage à son mari, résistant, fusillé au fort du Mont-Valérien en mai 1942.

"Une connaissance inutile", dans un style différent d' "Aucun de nous ne reviendra", est un livre fort et un bouleversant témoignage d'une rescapée d'Auschwitz et de Ravensbrück qui trouvât le moyen de faire résonner les mots de Molière au milieu de l'Enfer.
Une formidable leçon de vie et d'humilité.

Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

Moi, Président ma vie quotidienne à l'Elysée de Faro et Marie-Eve Malouines


Cet album présente avec humour les vrai-fausses coulisses de l’entrée en fonction du « nouveau » président en exercice François Hollande ! Il croit pouvoir mettre en pratique ses idéaux, mais la confrontation aux limites du pouvoir est rude. Elles le renvoient constamment à l’enthousiasme de ces années passées. Avec bienveillance, tout en se montrant hautain et parfois cynique, le fantôme de François Mitterrand aiguillonne les premiers pas du président Hollande, épaulé par celui de Pierre Bérégovoy, plus anxieux. Tout en découvrant de l’intérieur les temps forts de la première année de François Hollande à l’Élysée, le lecteur plonge dans les années de formation de jeunes ambitieux des années 70, aux tempéraments très différents. De la passation de pouvoir, à ses rapports à l’ancien président, en passant par ses relations à ses plus proches collaborateurs vous saurez tout et plus encore ! (Jungle !)

"La politique c'est être ambitieux pour son pays."
François Hollande, Président depuis mai 2012, n’a pas grand-chose en commun avec son prédécesseur et, à première vue, se prêterait moins à la fiction, notamment dans l’univers de la bande dessinée politique.
Ici, il s’agit de montrer les vraies-fausses coulisses de son ascension au pouvoir et de son quotidien à l’Elysée : "A l'Elysée tu es tout seul. Ca ne sera pas comme tu l'as rêvé, je te préviens !".
A partir d'événements réels, Marie-Eve Malouines, chef politique à France Info, se met dans la peau de François Hollande et imagine ses pensées, des dialogues politiques, avec la réelle innovation qu’est la présence quasi-constante des deux anges gardiens du Président : Pierre Bérégovoy et François Mitterand, représentant sa bonne et sa mauvaise consciences et cherchant à le guider et à le conseiller dans ses nouvelles fonctions.
C’est la bonne idée de cette bande dessinée et celle qui offre les moments les plus drôles, car les dialogues entre les deux sont assez savoureux et parfois loufoques, donnant une tonalité légère à l’ensemble.
Pour le reste, il n’y a rien de très original mais l’humour est présent, d’autant que les auteurs ont choisi d’aborder le scénario de façon décalée et sans respecter la temporalité, proposant également des retours dans la jeunesse de François Hollande, notamment sa rencontre avec Ségolène Royal et ses amis de l’ENA.
Le trait est assez féroce parfois, ainsi les femmes de François Hollande ne sont pas épargnées : Ségolène Royal est dite raide, tandis que Valérie Trierweiler est jalouse comme pas possible et tweet, au grand dam de son compagnon (et au passage lui fait peur en étant présente dans la voiture lors de la remontée des Champs Elysées le 15 mai 2012).
Les hommes ne sont pas non plus en reste, ainsi François Hollande apparaît bien souvent désemparé et ne sachant trop que faire : "Je dois me méfier, tant de gens veulent ma perte maintenant ... Je suis le président de la République.", alors que même Dominique Strauss-Khan croise sa route et pas forcément en toute innocence.
Même les français y mettent du leur et souhaiteraient enfin voir le gouvernement agir et prendre des décisions : "C'est vrai qu'ils feraient mieux de se mettre au boulot. Ben ouais ... parce que lui et ses potes, on les a élus pour ça, pas vrai ?". 
Quant aux dessins de Faro, ils caricaturent les hommes politiques d’aujourd’hui (Arnaud Montebourg et son pull marinière notamment) et quelques uns d’hier.
J’ai aimé son trait de crayon qui va de pair avec l’objectif de cette bande dessinée pourvue à la fin d’un carnet récapitulatif des femmes et hommes politiques croisés au cours de l’histoire.

Légèrement pamphlétaire sur les bords, "Moi, Président ma vie quotidienne à l'Elysée" dresse avec un humour intellectuel et féroce la caricature d’un homme politique peu populaire quelques mois après son élection et tâtonnant encore pour trouver ses marques dans l'ombre d'un autre François opposée à celle d'un homme somme toute assez sympathique.
Une bande dessinée politique qui permet de passer un bon moment de détente littéraire.

Je remercie Babelio et les éditions Jungle pour l'envoi de cette bande dessinée dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Un jour, une histoire : 24 juillet 1967 #8

En ce 24 juillet 1967, le Général de Gaulle est en visite dans la Belle Province, à savoir le Québec.
Il effectue le trajet de Québec à Montréal par le "Chemin du Roy" et est acclamé tout le long du chemin par des "Vive le Canada français" ou "Québec libre ! ".
Reçu par le maire Jean Drapeau à l’Hôtel de Ville, il termine son discours par une phrase qui restera dans l’histoire : "Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec … libre ! Vive le Canada français et vive la France ! ".

Ni une ni deux, c’est clairement un encouragement à la revendication d’autonomie du Québec, autonomie défendue notamment par l’Union Nationale du Premier ministre québécois Daniel Johnson (au passage, à l’origine de l’invitation du Général à venir au Québec).

Quant aux Canadiens anglophones, ils y voient là un appui au mouvement indépendantiste de René Lévesque qui d’ailleurs échouera à faire triompher le référendum sur l’indépendance en 1980. 

mardi 23 juillet 2013

Les vacances d'Hercule Poirot d'Agatha Christie


Hercule Poirot aimerait bien passer des vacances tranquilles. Une petite île, un hôtel agréable, une cuisine soignée, des pensionnaires charmants : tout irait pour le mieux si, parmi les estivants, ne rôdait une de ces femmes fatales qui font faire bien des bêtises aux hommes… (Le Livre de Poche)

Arlena Stuart, de son nom de scène, est belle, trop belle à tel point qu’elle ne laisse personne indifférent : les femmes la détestent et les hommes sont fous d’elle, ce qui tombe bien car elle n'aime que la compagnie de ces derniers : "Enfermée seule, mon cher ami, Arlena Marshall aurait cessé d'exister. Elle ne pouvait vivre qu'entourée d'une cour d'admirateurs.".
Archétype de la femme fatale, elle est auréolée dès le début de l’histoire d’un nuage noir annonçant le drame à venir : "J'ai entendu raconter sur elle beaucoup de choses. Des ragots, colportés principalement par des femmes. Mais, si vous voulez mon avis, mon opinion sincère, c'est que cette femme-là était surtout une sotte.".
Si victime il devait y avoir, ce ne pourrait être qu’elle : elle collectionne les amants, brise des mariages, papillonne d’un homme à l’autre sans se soucier des conséquences ou du mal qu’elle peut faire.
Mais il y a une petite nuance à cet archétype : tout laisserait à penser que c’est elle qui exploite les hommes, or c’est l’inverse qui se produit.
C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont poussé Kenneth Marshall à l’épouser.
Il faut dire que ce dernier a une tendance à aimer voler au secours des causes désespérées : sa première femme et mère de sa fille a été acquittée mais le doute plane sur sa culpabilité ou non, et là c’est une actrice de théâtre qu’il a épousé.

Cet hôtel de luxe sur la côté du Devon dans une petite île est un cadre enchanteur pour l’histoire, Agatha Christie sachant particulièrement mettre en valeur l’Angleterre et ses charmes.
L’intrigue utilise le ressort classique mari-épouse-maîtresse, et comme à son habitude, Agatha Christie offre au lecteur une panoplie de suspects.
Evidemment et en premier lieu le mari : Kenneth Marshall, mais ça serait bien trop facile et bien mal connaître l’auteur.
Et après tous les autres touristes de l’hôtel, dont certains se détachent du lot comme le peu charismatique révérend Lane, l’antipathique et ennuyant Horace Blatt, le couple Redfern si bien assorti en apparence.
Même les femmes peuvent être suspectes, en particulier Emily Brewster, une femme avec beaucoup d’aspects masculins.
Je n’ai pas vraiment cherché au cours de ma lecture à dénicher le suspect, sachant à l’avance que j’allais de toute façon être menée en bateau par Agatha Christie, mais j’ai fini par avoir un petit doute à force de déductions.
J’ai apprécié cette galerie de personnages divers et variés comme aime les écrire Agatha Christie, avec pour chef d’orchestre un Hercule Poirot très inspiré, en ce qui concerne l'enquête tout du moins, car pour les plaisirs de la plage il en va différemment : "Aujourd'hui tout est "standard", même l'amour ... Et tous ces corps exposés me font songer à la morgue ...".
J’avoue avoir éprouvé une certaine tendresse envers le personnage de Rosamund Darnley, cette femme qui a créé son entreprise et qui apparaît comme résolument moderne parmi toutes les autres : elle n’est pas mariée, elle a réussi dans la vie et son entreprise est florissante.
Elle contraste par rapport aux autres femmes rencontrées dans le roman.
Je remarque que c'est souvent le cas dans les romans d'Agatha Christie, une femme se détache toujours et montre un côté moderne et non conformiste, reflétant sans doute en partie comment était Agatha Christie elle-même dans la vie.

"Les vacances d'Hercule Poirot" est une enquête policière agréable que j'ai pris plaisir à relire et qui ne se démode pas, la présence d'Hercule Poirot y étant sans doute pour quelque chose.
Une bonne façon d'entamer les vacances littéraires à venir et qui donne envie de s'asseoir sur la plage avec un bon bouquin à dévorer.

Livre lu dans le cadre du challenge Agatha Christie

Top Ten Tuesday #6


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.


Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 thèmes ou mots du titre qui ne vous font surtout pas acheter le livre

1) Des témoignages à la limite racoleurs sur des sujets graves qui ont, pour la plupart, été écrits par une tierce personne mais qui se vendent sur le nom de l’auteur ou sur un évènement (par exemple les livres qui ont fleuri autour de l’affaire Grégory, la mort d’un enfant est bien assez tragique comme cela sans que chacun y aille de sa version pour accuser untel ou untel ou donner sa version des faits) ;
2) Une couverture (ou un quatrième de couverture) mettant en avant des commentaires élogieux d’autres écrivains et/ou de journaux sur le thème développé dans le livre ;
3) La (pseudo) littérature érotique ayant actuellement le vent en poupe (non seulement je n’achète pas mais je n’emprunte même pas en bibliothèque) ;
4) La pédophilie : ce sujet ne m’attire pas du tout en littérature ;
5) Un titre équivalant à (ou comportant) une insulte, clairement je passe mon chemin sans même chercher à savoir de quoi parle le livre ;
6) Le football : déjà que ça me gave dans les journaux, à la télévision et dans les discussions à la machine à café, ce n’est certainement pas pour lire un livre ayant ce sport pour thème central ou secondaire ;
7) Des témoignages de sportifs : sincèrement, je n’en ai pas grand-chose à faire de leur vie et de leurs "mémoires" ;
8) Des témoignages de personnes dites people : là non plus, ça ne m’intéresse pas du tout et je n’en ai pas grand-chose à faire de leur vie ;
9) Un mot dans le titre inventé, ça ne m’inciterait pas forcément à regarder ce qui se cache derrière ;
10) Un titre à forte connotation histoire à l’eau de rose avec de l’amour dégoulinant à toutes les pages : ça n’est pas trop ma tasse de thé en littérature, j’ai tendance à me méfier des titres trop sentimentaux.

vendredi 19 juillet 2013

Un jour, une histoire : 19 juillet 64 #7

Rome brûle-t-il ?


Parti d’une boutique située près du Circus Maximus, au pied du Palatin, un incendie va ravager Rome pendant six jours, détruisant la plus grande partie de la ville, y compris des monuments dont le palais impérial, et faire plusieurs milliers de victimes.

La rumeur voudrait que ce soit Néron, alors empereur, qui a lui-même déclenché l’incendie (et il paraît même qu’il aurait composé des vers tout en regardant l’incendie).
Rendons à Néron ce qui lui appartient : il a au contraire hâté la reconstruction de Rome et a amélioré les constructions et l’insalubrité des rues.

Mais pour se défendre, Néron a laissé accuser les Chrétiens d’en être à l’origine et c’est le début des premières persécutions chrétiennes.

jeudi 18 juillet 2013

Mildred Pierce de James M. Cain


Mildred Pierce, petite femme aux cheveux blonds mousseux et aux yeux bleus limpides, décide de se séparer de son mari ; c'est, dit-elle, parce qu'il court après une certaine Mrs. Biederhof, mais surtout parce que, victime de la crise de 1929, il est sans travail et en prend trop aisément son parti. Elle doit pourtant gagner sa vie, et celle de ses filles, alors, pour s'en sortir, elle vend les «pies» fait maison, et travaille comme serveuse dans un restaurant. Mais cela ne suffit pas, du moins pas aux yeux de sa fille aînée, Véda, alors Mildred se lance dans les affaires et ouvre son propre restaurant «Mildred Pierce, Poulet – Gaufres – Pies», suivi d'un deuxième, puis d'un troisième. Elle fait aussi la connaissance de Monty Beragon, un jeune et élégant oisif, devient sa maîtresse, puis, lorsqu'il est ruiné, l'entretient. Or, pendant ces années de lutte, Véda grandit et devient une rivale redoutable au caractère orgueilleux, cupide et méprisant, et Mildred, rejetée et bafouée, se retrouve, après un drame affreux provoqué par sa propre fille, pauvre et vieillie... (Gallimard)

Mildred Pierce, femme au foyer et mère de famille de la classe moyenne dans le Los Angeles des années 30, décide de mettre à la porte son mari Bert, lassée de ses infidélités et des dettes qui s’accumulent.
La voilà propulsée dans le dur monde des femmes célibataires avec enfants à charge, elle qui ne sait au début mettre son orgueil dans sa poche finit, à force de travail, à créer sa propre entreprise et à passer de serveuse à gérante d’un, puis deux et enfin trois restaurants : "Ce n'était pas à elle qu'on pouvait raconter qu'on n'arrivait pas à s'en sortir, même avec cette Crise, quand on avait un peu de cran.". 
Car Mildred Pierce n’a pas que des jambes affolantes, elle a aussi du courage et de la ténacité à revendre, outre le fait d’être une cuisinière hors pair et de maîtriser l’art délicat des pies.

Figure féminine du "self made man", cette femme a qui tout semble réussir a pourtant un obstacle dans sa vie, et de taille : sa fille Véda : "Elle avait peur de Véda, de son snobisme, de son mépris, de son orgueil invincible. Et elle avait peur d'autre chose qui semblait toujours être aux aguets sous l'élocution caressante, affectée de Véda : un désir froid, cruel, grossier de torturer sa mère, de l'humilier, et, par-dessus toutes choses, de la blesser.".
Véda n'est pas un cadeau, loin de là, c'est même un personnage fortement antipathique qui finira par causer la perte de sa mère, qui l'aime d'un amour fou et aveugle, et la fera choir de son piédestal. 
Pourtant, des personnes ont essayé de mettre en garde Mildred : "Non, l'enfant ne vaut rien, moins que rien. C'est une garce.", mais Mildred avant d'être une femme est avant tout une mère qui se refuse à croire à la méchanceté profonde et à l'ingratitude solidement ancrée de sa fille : "Mildred se persuadait elle-même qu'elle faisait une gentillesse à Véda, mais Véda n'était pas de celles qui laissent un geste profiter à quelqu'un d'autre.".
Mais il n'y aura pas que Véda dans les mauvaises relations de Mildred, il faut aussi compter sur Monty Beragon, un dandy sans le sou qui croisera sa route, qu'elle aimera, qu'elle entretiendra, qu'elle épousera et qui la laissera criblée de dettes.
Ce roman illustre parfaitement le rêve américain, avec une mère qui cherche à donner le meilleur à sa fille et qui réussira dans la vie à force de ténacité, de courage et de travail.
A travers le personnage de Mildred Pierce, l'auteur traite de l'émancipation féminine et plus largement de l'émancipation d'une certaine classe sociale dans ces Etats-Unis d'avant guerre et d'après le krach boursier, mais une fois cette lecture achevée, j'ai la désagréable mais néanmoins légère sensation qu'il prouve aussi par-là qu'une femme ne peut totalement réussir et que l’univers est, une fois de plus, régi par les hommes.
Au final, ce sont les hommes qui gagnent plus que Mildred qui aura, au contraire, accumulée les erreurs de comportement et de jugement, en premier lieu envers sa fille : "Il ne lui vint pas à l'esprit qu'elle agissait beaucoup moins comme une mère que comme un amant qui, à l'improviste, découvre une preuve d'infidélité, et se venge.".
Belle histoire d'un amour cruel que nous raconte James M. Cain et ce, de façon sublime et attachante.
Car Mildred Pierce est un petit bout de femme attachant et il est très difficile de lâcher son histoire une fois commencée.
J'ai découvert ce personnage à travers le téléfilm où Kate Winslet campait une Mildred Pierce plus vraie que nature, ce qui m'avait donné envie de lire le roman.
Je dois dire que le téléfilm est extrêmement fidèle au livre et il me reste désormais à regarder la version cinématographique de Michael Curtiz avec Joan Crawford dans le rôle titre fournie avec le livre.

"Mildred Pierce" est un magnifique portrait de femme comme j'aime les lire et décrit avec justesse par un James M. Cain particulièrement inspiré qui signe-là un roman émouvant, attachant, drôle et triste qui fera date dans mes lectures et à qui je réserve une place toute particulière dans ma bibliothèque.

Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

mardi 16 juillet 2013

Suite française d'Irène Némirovsky


Ecrit dans le feu de l'Histoire, Suite française dépeint presque en direct l'Exode de juin 1940, qui brassa dans un désordre tragique des familles françaises de toute sorte, des plus huppées aux plus modestes. 
Avec bonheur, Irène Némirovsky traque les innombrables petites lâchetés et les fragiles élans de solidarité d'une population en déroute. Cocottes larguées par leur amant, grands bourgeois dégoûtés par la populace, blessés abandonnés dans des fermes engorgent les routes de France bombardées au hasard... 
Peu à peu l'ennemi prend possession d'un pays inerte et apeuré. Comme tant d'autres, le village de Bussy est pays alors contraint d'accueillir des troupes allemandes. Exacerbées par la présence de l'occupant, les tensions sociales et frustrations des habitants se réveillent... 
Roman bouleversant, intimiste, implacable, dévoilant avec une extraordinaire lucidité l'âme de chaque Français pendant l'Occupation (enrichi des notes et de la correspondance d'Irène Némirovsky), Suite française ressuscite d'une plume brillante et intuitive un pan à vif de notre mémoire. (Denoël)

Irène Némirovsky avait conçu "Suite française" comme une série composée de cinq romans.
Arrêtée, déportée à Auschwitz et morte en 1942, l’auteur n’aura eu le temps d’écrire que les deux premiers et d’esquisser les grandes lignes du troisième, dans des cahiers précieusement conservés par ses filles qui ne les liront qu’en 1998.
Ils seront alors publiés à titre posthume en 2004 en un seul roman qui recevra le Prix Renaudot la même année, propulsant ce roman et cette auteur sur le devant de la littérature française.

Le premier roman, "Tempête en juin", se situe en juin 1940, lorsque les allemands ont envahi le Nord de la France et se dirigent vers la capitale, Paris.
L’histoire s’attache à suivre quelques groupes de personnages qui fuient avec pertes et fracas Paris pour trouver refuge à la campagne.
Mais au même moment, l’armée française est en déroute, les transports ne fonctionnent plus, le ravitaillement est coupé et les routes, les lignes ferroviaires et les villes sont régulièrement bombardées.
C’est dans ce chaos que les Péricand cherchent à rejoindre Nîmes, au passage Charlotte Péricand en oubliera son beau-père tandis que son fils cadet Hubert s’échappera pour rejoindre l’armée dans un idéal de jeunesse et de patriotisme ; que l’insupportable écrivain Gabriel Corte gagne Vichy en compagnie de sa maîtresse ; que Charles Langelet part vers la Loire et dépouille au passage d’essence un couple rencontré sur la route ; que Maurice et Jeanne Michaud cherchent à gagner Tours où l’activité de la banque pour laquelle ils travaillent s’est délocalisée alors qu’ils sont sans nouvelle de leur fils unique Jean-Marie, que le lecteur découvrira gravement blessé et soigné chez des fermiers dans le village de Bussy.
Ici, le chaos n’est pas que sur les routes mais également dans les familles et dans les personnalités de chaque individu.
Irène Némirovsky a la plume féroce : "Elle disait "nous" à cause de ce sentiment de pudeur qui nous fait, vis-à-vis d'un malheur, feindre des maux semblables aux siens (mais l'égoïsme déforme si naïvement nos meilleures intentions que nous disons en toute innocence à un tuberculeux au dernier degré : "Je vous plains, je sais ce que c'est, j'ai un rhume dont je n'arrive pas à me débarrasser depuis trois semaines").", et croque sans vergogne des personnages aux caractères exacerbés par cette situation : égoïstes, voleurs, coléreux, où l’ordre des puissances est renversé : "La charité chrétienne, la mansuétude des siècles de civilisation tombaient d'elle comme de vains ornements révélant son âme aride et nue. Ils étaient seuls dans un monde hostile, ses enfants et elle. Il lui fallait nourrir et abriter ses petits. Le reste ne comptait plus." ; retraçant avec justesse des épisodes qui ont sans nul doute eu lieu sur les routes de France et des personnages qui devaient se rencontrer un peu partout.
Au milieu de tout ce fatras, il y a le couple Michaud qui est épargné et est bien l’un des seuls à maintenir son intégrité dans tout ce chaos et cette occupation qui commence, le rendant ainsi extrêmement attachant pour le lecteur.
L’auteur y esquisse aussi les balbutiements d’une résistance qui ne dit pas encore son nom, qui n’est même pas consciente qu’elle existe et du rôle qu’elle va pouvoir jouer, à travers le personnage de Hubert : "Maman, je pars. Je ne peux pas rester là ... Je mourrai, je me tuerai si je dois rester là, inutile, les bras croisés pendant que ... et vous ne comprenez pas que les Allemands vont arriver et enrôler tous les garçons de force, les obliger à se battre pour eux. Je ne veux pas ! Laissez-moi partir.", mais également ce qui adviendra par la suite de la France.
Aurait-elle eu une boule de cristal qu’elle n’aurait sans doute pas pu prévoir avec autant de justesse et de discernement ce que l’avenir réservait à l’Europe entière.

Le second roman, "Dolce", se passe quelques mois après le premier et a pour cadre le village de Bussy évoqué précédemment.
Si le premier roman s’attachait à montrer le chaos humain, celui-ci s’attache plutôt à l’occupation allemande et aux relations qui se nouent entre les français et les soldats allemands.
Ainsi, il y a Benoît qui revient dans la ferme de ses parents après s’être évadé et qui finit par épouser Madeleine, celle-là même qui avait soigné Jean-Marie Michaud.
Pour lui, l’allemand est un ennemi à abattre, jaloux comme un pou, en particulier de cet interprète allemand qui loge chez eux et qu’il soupçonne de tourner autour de sa femme, il va commettre l’irréparable, menaçant la vie de tous les habitants de Bussy et l’obligeant à se cacher et à fuir.
Et il y a la tendre Lucile Angellier dont le mari est absent, en plus d’être infidèle et ce bien avant la guerre, et dont les relations avec sa belle-mère sont tendues, celle-ci lui reprochant de ne pas pleurer plus que cela l’absence de son mari et de ne pas apparaître éplorée aux yeux de tous, et surtout, de chercher à se lier avec le jeune commandant allemand Bruno von Falk logé chez eux.
Lucile et Bruno se cherchent, se tournent autour, se découvrent des points communs : la culture et la musique, et finissent par ressentir l’un envers l’autre un tendre sentiment, jusqu’à la chute : le départ des soldats allemands au Front de l’Est.
Une histoire qui ne dit jamais son nom mais qui éblouit par sa beauté et sa discrétion : "Pas un aveu, pas un baiser, le silence ... puis des conversations fiévreuses et passionnées où ils parlaient de leurs pays respectifs, de leurs familles, de musique, de livres ... L'étrange bonheur qu'ils éprouvaient ... une hâte d'amant qui est déjà un don, le premier, le don de l'âme avant celui du corps.".
Les envahisseurs, perçus comme la peste, ne sont au final pas si différents des français qu’ils côtoient quotidiennement, bien qu’ils subsistent des différences entre eux : "La guerre ... oui, on sait bien ce que c'est. Mais l'occupation en un sens, c'est plus terrible, parce qu'on s'habitue aux gens; on se dit : "Ils sont comme nous autres après tout", et pas du tout, ce n'est pas vrai. On est deux espèces différentes, irréconciliables, à jamais ennemis.", c’est en tout cas ce que s’attache à démontrer ce roman.
Ceci est d’autant plus remarquable qu’il a été écrit pendant la période dont il est question, démontrant une fois de plus la clairvoyance d’Irène Némirovsky à dépeindre l’âme humaine.
L’ombre du "Silence de la mer" de Vercors plane sur ce second roman et il est difficile de ne pas faire de parallèle entre ce roman et cette nouvelle écrits sensiblement à la même période.

J’ai longtemps rêvé d’une adaptation cinématographique de cette œuvre que j’ai redécouvert récemment et qui demeure aussi sublime après relecture, de savoir que c’est un Britannique qui va le faire rend la pastille un peu difficile à avaler.
Par chauvinisme littéraire, je dirais que ce qui a été créé et se passe en France reste en France.
L’auteur signe pourtant là une œuvre remarquablement et typiquement française, légère ironie du sort quand on sait qu’Irène Némirovsky a souhaité devenir française mais que cela lui a toujours été refusé, qui dépeint avec une clairvoyance remarquable les différents caractères, façons d’agir et situations qui se rencontraient dans cette époque agitée qui fut fatale à l’auteur et à des millions d’autres personnes, connues ou inconnues.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices

Top Ten Tuesday #5


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.


Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 auteurs qui mériteraient plus d’attention

Il va falloir fouiller dans les auteurs peu connus et/ou peu médiatisés, pas très évident mais thème intéressant.
Désolée de ne pas avoir respecté la parité homme/femme, j’ai pourtant essayé.

1) Carole Zalberg : j’ai découvert cette auteur un peu par hasard et j’ai eu un gros coup de cœur pour sa plume et son style, elle reste à mon goût trop méconnue et mérite bien un peu plus d’attention ;
2) Richard Yates : romancier américain, ce n’est que des années après sa mort que ses œuvres traversent l’Atlantique et commencent à être traduites, regrettable car cela fait partie de ce que j’ai pu lire de meilleur sur la vie de la classe moyenne américaine au 20ème siècle ;
3) Yoko Ogawa : auteur relativement médiatisée aujourd’hui elle gagne à être connue et à avoir un peu plus d’attention portée sur elle et sur ses écrits ;
4) Clara Dupont-Monod : elle n’est pas que journaliste littéraire mais aussi écrivain et ma foi, sa plume est fort jolie et n’attire pas assez l’attention à mon goût ;
5) Scholastique Mukasonga : je vais finir par m’user les doigts et la voix à force de dire à quel point j’ai adoré Notre Dame du Nil, et malgré le prix Renaudot et le prix Océans je persiste et je signe : cette auteur n’attire pas encore assez l’attention à mon goût, faites du bruit pour elle !
6) Léonor de Recondo : auteur très peu médiatisée, j’ai pourtant été bouleversée par son magnifique Rêves oubliés, manier habilement l’archet serait donc synonyme de manier la plume avec autant de dextérité ?
7) Mariama Bâ : elle n’a écrit que trois romans avant de mourir mais elle gagne à être connue et lue ;
8) Archibald Joseph Cronin : même si plusieurs de ses ouvrages sont considérés comme des chefs d’œuvre, j’ai l’impression que cet auteur est tombé dans l’oubli ou presque et j’aimerai ré-attirer l’attention sur lui ;
9) Philippe Claudel : avec un premier roman publié en 1999 il s’est imposé comme une plume française sûre et diversifiée (roman, théâtre, nouvelle, scénario et même réalisateur) mais discrète malgré les Prix reçus pour certaines de ses œuvres ;
10) Bastien Vivès : auteur de bande dessinée qui commence à être bien connu et à se faire une (bonne) réputation, et pour attirer aussi l’attention sur la bande dessinée en général.

dimanche 14 juillet 2013

Un jour, une histoire : 14 juillet 1789 #6


"Ah ! Ca ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne
Ah ! Ca ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra !"

(Petit anachronisme, car ce couplet n’a été chanté qu’après le 14 juillet 1790.)
(En France, on aime les chants menaçants : entre ça et "La Marseillaise" …)

Peuple affamé, peuple en colère …

Quarante jours plus tôt, les Etats Généraux se sont réunis à Versailles et ont décidé d’écrire une nouvelle Constitution (en France, on aime remettre tout à plat et recommencer), et le 9 juillet l’assemblée à Versailles s’est proclamée Assemblée Nationale Constituante (en France, on aime donner des noms pompeux aux institutions).

A Paris, la rumeur se répand le 13 juillet que les troupes royales vont entrer en force dans la capitale pour mettre les députés aux arrêts (le Roi, il n’a pas franchement aimé l’Assemblée Nationale Constituante et la veille il a renvoyé Necker, son contrôle général des finances, banquier populaire par-dessus le marché).

Au matin du 14 juillet, des émeutiers (artisans et commerçants) se rendent à l’hôtel des Invalides, en quête d’armes, et le gouverneur cède en leur ouvrant les portes.
C’est désormais armés que les émeutiers décident de se rendre à la Bastille, où la rumeur prétend que la poudre aurait été entreposée (en France, on réagit très vite à la rumeur), et il faut dire que le peuple avait aussi un compte à régler avec ce bâtiment.


Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, tente de garder le contrôle de la situation en s’engageant à ne pas tirer sous réserve que les émeutiers ne cherchent pas à entrer dans la Bastille, et essaye de gagner du temps en retenant trois délégués des émeutiers à déjeuner (en France, manger c’est important).
Mais une explosion se fait entendre, la foule crie à la trahison et pénètre dans l’enceinte de la Bastille, de Launay perd son sang froid et ouvre le feu, c’est un carnage.
Arrivent deux détachements de gardes françaises qui décident de se rallier aux émeutiers.
Ils ont de l’expérience, de Launay décide de faire sauter les magasins de poudre et d’ouvrir le feu à outrance, mais la garnison de la Bastille décide de parlementer et les émeutiers prennent alors la Bastille, déçus de n’y trouver que quelques prisonniers de peu d’importance.


Le marquis de Launay tente de se suicider, se rate, est traîné dans les rues de Paris avant d’être décapité par un boucher et sa tête promenée sur une pique.
C’est le basculement de la Révolution dans la violence car désormais cela deviendra une habitude d’exhiber au bout d’une pique les têtes des personnes assassinées.
Le soir du 14 juillet, Palloy réunit 800 ouvriers et s’attache à démolir la forteresse.
A Versailles, Louis XIV indique "Rien" dans son journal à cette date, mais il ne s’agit que du résultat de sa chasse.


Le 14 juillet 1790 deviendra la Fête de la Fédération et en 1880 le 14 juillet deviendra la Fête Nationale de la France.

jeudi 11 juillet 2013

Beignets de tomates vertes de Fannie Flagg


Au sud de l'Amérique profonde, en Alabama, un café au bord d'une voie ferrée... Ninny, quatre-vingt-six ans, se souvient et raconte à Evelyn les histoires incroyables de Whistle Stop. Et Evelyn, qui vit très mal l'approche de la cinquantaine et sa condition de femme rangée, découvre un autre monde. Grâce à l'adorable vieille dame, elle peut enfin se révéler, s'affirmer... Une chronique nostalgique et tendre, généreuse et colorée, pleine de saveur et d'humour. Un baume au coeur, chaud et sucré. (J'ai Lu)

Evelyn Couch est une femme approchant de la cinquantaine qui ne sait pas trop ce qu’elle a fait de sa vie, hormis de se marier et de faire deux enfants parce qu’il le fallait, et sait encore moins ce qu’elle va faire des années lui restant : "Oh ! Mrs. Threadgoode, je suis trop jeune pour être vieille et trop vielle pour être jeune. Je n’ai de place nulle part. J’aimerais me suicider mais je n’en ai pas le courage.", jusqu’au jour où elle rencontre Ninny Threadgoode dans une maison de retraite.
La vieille femme n’a pas été épargnée par la vie mais elle a su garder un bonheur et une joie de vivre qu’elle va communiquer à Evelyn en lui racontant les histoires de sa jeunesse à Whistle Stop, petite bourgade de l’Alabama.

Ce roman est construit selon différents points de vue : la gazette de Dot Weems, les souvenirs de Ninny Threadgoode, un narrateur jamais expressément nommé.
Inutile de chercher une chronologie dans le récit, il n’y en a pas.
La narration se joue du temps et passe d’une époque à l’autre sans complexe et surtout sans perdre le lecteur.
Quant aux personnages, ils sont souvent construits comme un miroir, l’un étant l’exact opposé de l’autre.
Ainsi, Idgie est un véritable garçon manqué libre comme l’air au contraire d’Evelyn qui vit de façon étriquée, mais Evelyn va finir par casser son joug et se libérer, dans un premier temps dans l’excès en se créant un alter ego : Towanda, avant de s’apaiser et d’appréhender sa vie de façon harmonieuse.
A travers cette histoire, de nombreux aspects sont abordés, comme le racisme : "Quand on pense que ces crétins sont terrifiés à l’idée de manger à côté d’un Noir et qu’ils gobent des œufs crus sortis tout droit du cul d’une poule !", la montée en puissance du Ku Klux Klan, la crise financière de 1929 et ses conséquences.
Mais c’est également un roman très féministe : "On n’insultait plus ni les Noirs, ni les Japonais, ni les Italiens, les Polonais ou les Irlandais, en tout cas en public. Seules les femmes continuaient de faire l’objet de lazzis et d’injures. Pourquoi ? Ce n’était pas juste.", qui permettra à toute lectrice de se retrouver au moins dans un des personnages féminins : Idgie la sauvageonne, Ruth toute en beauté et en grâce, Ninny la spectatrice des aventures d’Idgie et sa bande, Evelyn la femme (désespérée) au foyer.
L’auteur y aborde également, et ce de façon très pudique et jamais dérangeante, l’homosexualité au travers des personnages d’Idgie et de Ruth qui s’aiment et se le disent dans une relation très forte d’amour-amitié.
Rien ou presque n’est explicite, mais quelques mots et phrases sont semés de-ci de-là et ne permettent pas au lecteur d’avoir le moindre doute.
C’est l’un des aspects le plus touchant du livre, avec une Idgie qui sort son amie d’un mariage malheureux pour ensuite élever toutes les deux Buddy Jr surnommé Stump, le fils biologique de Ruth mais également spirituel d’Idgie.
Je retiens de cette lecture une belle histoire étalée sur près de cinquante ans avec des sujets abordés toujours en douceur et pudiquement, des moments forts avec de belles phrases qui ne sonnent pas creux : "Ceux qui souffrent le plus en disent toujours le moins.", des moments où j’ai souri voire ri, d’autres où les larmes me sont montées aux yeux, où la vie bat son plein et le bonheur n’est jamais loin, une profusion de beaux et bons sentiments et où la méchanceté n’a pas sa place, ou alors pas pour longtemps.
J’ai vibré avec ce livre qui a su faire jouer des cordes plutôt restées silencieuses au cours de mes dernières lectures et qui a secoué de sa léthargie la lectrice que je suis et qui depuis quelques temps ne trouvait plus ce petit quelque chose dans les histoires parcourues.

La lecture de "Beignets de tomates vertes" m’a furieusement donné envie de revoir le très beau film qui en a été tiré et les recettes présentes à la fin de l’ouvrage de me mettre en cuisine pour essayer et tester les fameux beignets de tomates vertes, entre autres.
Mais par-dessus tout, ce livre est un pur moment de bonheur qui adoucit la vie quotidienne et redonne le sourire et la joie de vivre, foi de Towanda !  

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

Il était une fois en France Tome 3 Honneur et Police de Fabien Nury et Sylvain Vallée


Joseph Joanovici au plus fort de ses mystères et de ses contradictions. Le troisième épisode d'une grande saga d'Histoire et d'Aventure mais pas seulement, unanimement saluée par la critique et les lecteurs.
En cette période noire de l'Occupation, le ferrailleur félon Joseph Joanovici a un gros problème : il a trop d'argent... Un argent pas toujours très propre. Un argent obtenu à force de compromissions avec les allemands. Mais qu'il pourrait être assez facile de blanchir efficacement. En l'investissant dans la Résistance, par exemple... Inspirée de faits réels passés au crible de l'imagination de Fabien Nury et de sa formidable rigueur documentaire, Il était une fois en France poursuit son décryptage de la collaboration et de la complexité de l'âme humaine à travers le destin d'un salaud ordinaire se révélant parfois homme ou ami exemplaire... Toujours campé par Sylvain Vallée, Joseph Joanovici est de ces personnages à l'épaisseur rare et toujours aussi dérangeante... Une série incontournable, saluée conjointement par critiques et lecteurs. (Glénat)

"Salaud ou héros ? ", telle est la question centrale de ce troisième tome de la série s’attachant à retracer la vie et le parcours de Joseph Joanovici, ferrailleur roumain immigré et illettré devenu immensément riche durant la Seconde Guerre Mondiale.
Salaud tout d’abord, car il n’hésite pas à collaborer avec les nazis et à s’enrichir.
Mais ce trop d’argent finit par lui poser problème : "Je viens de te le dire, on fait trop d'argent. Il y a trop de gens qui savent qu'on se goinfre. Et on a trop d'amis chez les allemands.", et il se transforme alors en héros de la Résistance, utilisant une partie de son argent pour alimenter le réseau Honneur et Police et faisant jouer ses connaissances pour libérer des résistants.
Joseph Joanovici est illettré mais ce n’est pas pour autant qu’il est idiot : "J'essaye de survivre, tu comprends ? D'avoir toujours un coup d'avance ... de ne jamais m'embarrasser de sentiments ou de morale ... je ne peux pas faiblir, je ne peux pas ralentir ...", il sent bien le vent tourner et sait pertinemment que la fin du régime nazi est proche, aussi ses arrangements commencent à sentir le roussi et il a besoin de se tailler une réputation et d’être vu comme membre actif de la Résistance pour espérer échapper aux purges d’après-guerre qu’il pressent.
Je n’éprouve franchement aucune sympathie pour ce personnage qui a vendu son âme au diable : "Vous êtes au service du Reich ... pour le meilleur, et pour le pire." , mais il est intéressant à suivre.
J’aime assez le traitement qu’en font les auteurs, ils arrivent à montrer un personnage dual et à mettre en évidence comment il était possible à cette époque d’être collabo un jour et héros l’autre, sans doute comme l’ont fait d’autres personnes.
Il n’y a pas de parti pris ni de sentiments personnels, Fabien Nury a fait un travail de recherches important et se contente de livrer des faits dont une partie est romancée, quant à Sylvain Vallée, il illustre tout cela avec une retranscription fidèle des habits et coiffures de l’époque sans chercher à créer de beaux personnages, je trouve même qu’ils sont peu gâtés et qu’aucun n’a eu un traitement de faveur.
L’avantage c’est que même en prenant cette série en cours, les traits et expressions du visage permettent au lecteur de déterminer les caractères de chacun.

Ce troisième tome n’est que le milieu de la série, j’ai quelques craintes quant à la suite étant donné que nous sommes déjà en 1944 mais je compte sur les auteurs pour savoir rebondir et poursuivre la narration de la vie de Joseph Joanovici, homme complexe et salaud ordinaire dans une époque trouble.

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

Il était une fois en France Tome 2 Le vol noir des corbeaux de Fabien Nury et Sylvain Vallée


En temps de guerre tous les clients sont bons à prendre. Y compris les nazis. Le second tome de la grande saga de Fabien Nury et Sylvain Vallée, unanimement saluée par la critique et les lecteurs. 1940. La guerre secoue le monde. L'ascension sociale de Joseph Joanovici le ferrailleur pourrait en être contrariée. Si ce n'est que les armées, pour fabriquer leur matériel de mort, se révèlent grandes consommatrices de métaux. Et que des métaux de toutes sortes, Joseph en a des tonnes à revendre. Très cher. Car les nazis, au moins en affaires, sont des gens très fréquentables. Même si pendant ce temps l'ombre des rafles commence à s'étendre sur la femme et les filles de Joseph l'émigré roumain... Inspirée de faits réels passés au crible de Fabien Nury et de sa formidable rigueur documentaire, Il était une fois en France dresse un tableau sans concession de la collaboration et de la complexité de l'âme humaine. Toujours admirablement dessiné par Sylvain Vallée, Joseph Joanovici est de ces personnages à l'épaisseur rare et toujours aussi dérangeante... Une série déjà incontournable ! (Glénat)

S’il avait été possible d’éprouver un peu de compassion à l’égard de Joseph Joanovici, elle fond ici comme neige au soleil.
Il est peu courant en littérature qu’un personnage aussi peu sympathique fasse office de personnage principal, ici c’est pourtant le cas mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il provoque une réaction épidermique.
Son passé permet d’expliquer partiellement pourquoi il est ainsi, mais n’excuse pas sa conduite envers sa famille : il délaisse sa femme et ses filles et vit ouvertement avec sa secrétaire Lucie, la bien-nommée Lucie-Fer, il charge son frère de veiller sur sa famille pendant qu’il négocie des affaires avec les allemands et s’enrichit, énormément, toujours plus sûr de lui et plus revanchard sur la vie : "Je nous ai construit une vie dans ce pays. J'ai fait fortune dans ce pays. Et maintenant tu veux me voir fuir comme les autres ? Non, pas question ... pas moi.".
Il n’empêche que l’occupant sait bien lui rappeler son statut de juif : "Vois-tu, Joseph pour moi tu n'es qu'un sale youpin !", ce qui ne démonte pas pour autant l'assurance de Joseph Joanivici : "Combien ça coûte de ne plus l'être ?", et la scène finale où il obtient son certificat d’aryanisation est violente d’un point de vue psychologique.
C’est là que réside toute la complexité du personnage : il gère ses affaires mais il protège aussi sa famille en la mettant à l’abri du besoin et des rafles qui deviennent plus nombreuses tout en se montrant généreux avec d'autres personnes : "Je le connais comme honnête homme, serviable et grand travailleur. L'argent qu'il gagne, il le donne en partie à ceux qui sont plus malheureux que lui et je ne crois pas que ce soit dans les habitudes d'un juif.".
Difficile de cerner ce personnage, mais malgré le peu d’attrait qu’il exerce sur moi je prends plaisir à lire son histoire racontée par Fabien Nury et mise en image par Sylvain Vallée.
Encore une fois, je reconnais un gros travail de recherches pour bâtir le scénario, l’ambiance de l’époque est bien reconstituée et les dessins de Sylvain Vallée servent bien l’histoire.
Je trouve que les personnages sont expressifs et que cela reflète leurs caractères.
Ainsi, Eva, la femme de Joseph, a le visage taillé à coup de serpe, une bouche dure et des traits crispés, il faut dire qu’elle est agacée par l’attitude de son mari et que je ne peux que lui donner raison ; Lucie est d’une certaine beauté mais ses yeux reflètent qu’il vaut mieux se méfier d’elle ; Joseph sous son aspect rond n’en est pas pour autant jovial ; quant aux allemands ils sont peu sympathiques sans que cela tombe toutefois dans le cliché.

Nettement moins brouillon que le précédent opus, "Le Vol Noir des Corbeaux" dresse une France sombre dans l’époque tourmentée de la Seconde Guerre Mondiale à travers le personnage tout aussi sombre et complexe qu’était Joseph Joanovici.
Une belle saga littéraire a vu le jour.

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

John l'Enfer de Didier Decoin


Trois destins se croisent dans New York l'orgueilleuse, New York dont seul John l'Enfer pressent l'agonie. Trois amours se font et se défont dans ce roman de l'attirance et de la répulsion, de l'opulence et du dénuement. Abraham de Brooklyn chantait la naissance de New York. Avec John l'Enfer, voici venu le temps de l'apocalypse. (Points)

John l’Enfer est un indien Cheyenne, il travaille à New York, comme laveur de carreaux sur les gratte-ciel.
Son chemin va croiser celui de Dorothy Kayne, une jeune femme momentanément aveugle suite à un accident, et d’Ashton Mysha, un loup de mer polonais expatrié.
Dorothy Kayne a besoin d’aide mais pas de pitié, c’est tout ce qu’a à lui offrir John l’Enfer qui tombe amoureux de cette jeune femme dont la couleur des yeux restera un mystère jusqu’à la fin.
Dorothy Kayne tombe sans doute aussi amoureuse de John l’Enfer, mais elle ne le voit pas forcément et c’est à Ashton Mysha qu’elle s’offre toutes les nuits, pas toujours entièrement consentante ce qui en fait une relation déroutante, alors que ce dernier sait pertinemment que John aime Dorothy et vice-versa, en attendant il profite de la pseudo-domination qu’il a sur le Cheyenne : "Elle dépend de vous, pire qu'un chien. Mais je n'appelle pas ça de l'amour. N'attendez rien de l'hiver, John, vous seriez déçu.".

Ces trois destins vont se croiser pour ne faire qu’un l’espace d’un temps dans une ville de New York qui se désagrège petit à petit.
Mais seul John l’Enfer perçoit la fin de la ville, repère et interprète les signes sur les bâtiments ou encore ces chiens qui se rassemblent : "Le Cheyenne a toujours eu l'impression d'être le spectateur privilégié de cette ville à la surface de laquelle il ne prend pied que pour fermer les yeux.".
Il y a beaucoup de symboliques dans ce roman : un univers indien avec ses croyances toujours sous-jacent, une aveugle qui ne voit pas au sens propre comme au figuré, cette meute de chiens qui ne cesse de grandir en périphérie de New York prête à attaquer la ville, cette étrange maladie comme une lèpre qui toucherait la pierre pour la rendre friable et faire s’écrouler les bâtiments.
L’apocalypse n’est pas forcément là où on l’attend : elle aurait pu prendre la forme d’un virus mortel, l’auteur a choisi de la symboliser par les maisons et surtout les gratte-ciel, emblèmes de New York, qui menacent de s’effondrer.
Ne faudrait-il pas y voir aussi le déclin de la race humaine ?
D’ailleurs, même les indiens réputés pour ne pas souffrir du vertige se mettent à tomber des gratte-ciel tandis qu’ils lavent leurs vitres.
Alors que la ville menace de s’écrouler, il y a un trio amoureux qui se cherche, parfois se trouve mais se trompe de personne : "A New York, on ne s'aime plus que le temps d'une défaillance.", un tourbillon qui tourne et emporte le lecteur au fil de ses pérégrinations.
Mais il n’y a pas que New York qui dépérit, Ashton Mysha en a assez de la vie : "Il faut se méfier des villes, ça vous assassine mine de rien.", quant à Dorothy elle est retournée au stade enfant depuis qu’elle est aveugle, seul John l’Enfer est et reste un roc, une personne sur qui compter et à qui s’accrocher.
Ce roman est aussi la confrontation des contraires : le New York opulent qui se heurte au New York pauvre, l’argent à la misère, l’amour au désespoir.
Et puis, il y a New York, ville aux multiples facettes que j’ai pris plaisir à re-parcourir à travers ce roman mettant en avant des lieux ultra-connus et d’autres plus secrets.

Il m’est difficile de parler de cette lecture, elle se ressent plus qu’elle ne se raconte mais le style de Didier Decoin m’a transportée à New York et m’a fait suivre les pas de John l’Enfer à travers cette histoire que j’imagine très bien transcrite à l’écran par le cinéma.
Une belle lecture et un coup de cœur littéraire comme cela ne m’était plus arrivée depuis quelques mois.

Prix Goncourt 1977

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

Livre lu dans le cadre du challenge New York en littérature 2013


Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

mercredi 10 juillet 2013

Un jour, une histoire : 10 juillet 1940 #5

En ce 10 juillet 1940, dans le casino de la ville d’eaux de Vichy, la Chambre élue en 1936 sous les couleurs du Front Populaire vote les pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain.


Celui-ci méprisant les députés n’a pas voulu se déplacer et c’est dans une lettre lue par Pierre Laval, vice-président du Conseil, qu’il demande, et obtient, les pleins pouvoirs en vue de préparer une nouvelle constitution.
Mais à peine le vote terminé, la Chambre est dissoute et le maréchal Pétain s’accorde les pleins pouvoirs, devenant ainsi dictateur, pendant qu’un culte autour de sa personnalité se développe, celui-ci étant perçu par une partie de la population comme le vainqueur de Verdun et donc pleinement capable de redresser la France.


C’est la fin de la IIIè République et le début du Régime de Vichy.

mardi 9 juillet 2013

Il était une fois en France Tome 1 L'Empire de Monsieur Joseph de Fabien Nury et Sylvain Vallée


Personnage ambigu, Joseph Joanovici fut pour certains un criminel, pour d’autres un héros. Fabien Nury et Sylvain Vallée décrivent sans fards ni parti pris ces heures sombres de notre Histoire… Il était une fois en France conte l’histoire de JOSEPH JOANOVICI, juif roumain devenu l’homme le plus riche de France pendant l’occupation. Ferrailleur, collabo, résistant, il fut pour certain un criminel, pour d’autres un héros. C’est le cheminement de ce personnage ambigu baptisé le “roi de Paris” par ceux qui ont croisé sa route, que relate avec justesse cette saga au thème délicat. “Monsieur JOSEPH” se confie sur son lit de mort aux côtés de LUCIE-FER, celle qui fut sa plus fidèle compagne. Intelligence avec l’ennemi, corruption de fonctionnaires, contrebande, enrichissement personnel et même meurtre seront reprochés à la Libération à celui qui possédait pendant l’occupation un appartement en plein coeur de la préfecture de police. Portant fièrement la rosette de la résistance, JOSEPH reçoit les plus huppés du Tout-Paris, alors que de sombres nuages annoncent la fin de son règne… (Glénat)

Cette bande dessinée, constituée de six volumes, retrace sous forme de fiction la vie de Joseph Joanovici, ferrailleur juif roumain illettré devenu l’un des hommes les plus riches de France et qui a entretenu durant la Seconde Guerre Mondiale des rapports proches à la fois avec la Gestapo et avec la Résistance.
Un avertissement en début de chaque volume rappelle que cette histoire s’inspire de faits historiques mais mêle aussi de la fiction.

Avant de commencer cette série, Joseph Joanovici m’était totalement inconnu : "Je suis un petit ferrailleur. J'ai des camions, des entrepôts ... et un casier vierge.".
Je ne dirai pas que je le connais mieux après cette lecture, car ce personnage était tellement énigmatique qu’il est bien difficile de démêler le vrai du faux.
C’est pourquoi son histoire se prête bien à la fiction, et son adaptation sous forme de série dont le titre est sans équivoque emprunté à un film de Sergio Leone.
Je qualifierai ce premier tome d’extrêmement brouillon, il y a de quoi se perdre facilement tant les sauts dans le temps sont importants.
Si la suite était du même acabit j’aurais décroché avant la fin.
Ce premier tome manque de structure narrative et de cohérence, j’ai eu l’impression que les auteurs cherchaient à donner le plus possible d’informations au lecteur, ce qui a pour conséquence de le dérouter.
Je reconnais à Fabien Nury des recherches approfondies sur la personne de Joseph Joanovici pour construire son histoire, mais ici elles manquent de cohésion et donnent l’impression d’un cheval fou lancé au galop.
Fabien Nury ne m’était pas inconnu puisque j’ai notamment croisé sa route au cours de la série W.E.S.T.
Les dessins de Sylvain Vallée sont quant à eux beaux et collent assez à la réalité, notamment si l’on compare une photographie de Joseph Joanovici avec son portrait en bande dessinée.
Quant au personnage en lui-même, difficile de ne pas éprouver de la compassion à son égard, mais cette compassion finira par disparaître quand le lecteur se rend compte de l’ambigüité du personnage : "D'accord, il a fait des affaires avec les boches ... et ils les a bien roulés ! D'accord, il a fait croire à des collabos qu'il était leur copain ... il fallait bien qu'il survive ! Nom de dieu, rien qu'avec sa religion, s'en tirer comme ça ... ça devrait vous forcer le respect !" et sa dureté : "Mon pays, c'est ma famille. Les autres peuvent crever.".


"L’Empire de Monsieur Joseph" n’ouvre pas forcément sous les meilleurs auspices cette nouvelle série en bande dessinée mais il ne faut pas s’arrêter à ce premier tome un peu trop brouillon, la suite m’a heureusement prouvé que ce défaut avait été corrigé et que l’histoire était plus organisée.

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL

Auschwitz et après - I Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo


Charlotte Delbo était une des 230 femmes qui, dans Le Convoi du 24 janvier, partirent en 1943 de Compiègne pour Auschwitz.
Aucun de nous ne reviendra est, plus qu'un récit, une suite de moments restitués. Ils se détachent sur le fond d'une réalité impossible à imaginer pour ceux qui ne l'ont pas vécue. Charlotte Delbo évoque les souffrances subies et parvient à les porter à un degré d'intensité au-delà duquel il ne reste que l'inconscience ou la mort. Elle n'a pas voulu raconter son histoire, non plus que celle de ses compagnes ; à peine parfois des prénoms. Car il n'est plus de place en ces lieux pour l'individu. (Editions de Minuit)

Charlotte Delbo avait 30 ans lorsqu’elle est arrivée à Auschwitz.
Arrêtée en mars 1942, elle était entrée dans la Résistance en 1941 et faisait partie du groupe Politzer.
Incarcérée à la Santé, à Paris, elle est transférée au fort de Romainville en août 1942 avant de passer par le camp de Compiègne où elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943, un convoi de 230 femmes dont 49 seulement seront rescapées.
Avant la guerre, de 1937 à 1941, elle avait été l’assistante de Louis Jouvet au théâtre de l’Athénée.
Elle retravaillera avec lui de 1945 à 1947.

Ecrit en 1946, "Aucun de nous ne reviendra", titre emprunté d’un vers du poème La maison des morts de Guillaume Apollinaire, est le premier volume d’une trilogie consacrée à la déportation, brossant ici des moments du quotidien à Auschwitz.
C’est dans un style épuré, pudique et fortement poétique, que Charlotte Delbo évoque des moments à Auschwitz : le matin, la nuit, le jour, l’appel, le soir.
Ou encore l’arrivée en train, la gare qui n’en est pas vraiment une : "Mais il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent une gare où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. C'est la plus grande gare du monde.", cette destination qui n’en est pas non plus vraiment une : "Ils ignoraient qu'on prît le train pour l'enfer mais puisqu'ils y sont ils s'arment et se sentent prêts à l'affronter avec les enfants les femmes les vieux parents avec les souvenirs de famille et les papiers de famille.", l'ignorance des arrivants : "Ils ne savent pas qu'à cette gare-là on n'arrive pas.", et la vérité qui éclate devant leurs yeux : "La gare n'est pas une gare. C'est la fin d'un rail. Ils regardent et ils sont éprouvés par la désolation autour d'eux.".
Ce récit n’est absolument pas centré sur elle, pas plus que sur ses compagnes dont seulement quelques prénoms sont évoqués.
A Auschwitz, l’Homme n’était plus Homme, c’était une usine de la mort et de la déshumanisation où la seule identité d’un individu était son numéro tatoué sur le bras.
Comme le bétail.
Mais même le bétail, on ne lui fait pas endurer ce que j’ai lu dans ces lignes.
J’aurais pu me pincer pour croire à ce que je lisais, mais cela n’aurait pas suffi.
Plusieurs fois, j’ai relu le passage que je venais de lire.
Une première fois, puis une deuxième, et une troisième.
Charlotte Delbo va très loin dans son récit, porté par son style à nul autre pareil.
Elle évoque les coups, les humiliations, la faim, le froid, la peur, la soif.
C’est sans doute ce chapitre consacré à la soif qui m’a le plus marquée, avec lequel j’ai le plus souffert : "La raison est terrassée par la soif. La raison résiste à tout, elle cède à la soif.", et où j’ai le plus ressenti cette sensation d’irréalité ; l’autre moment étant celui où Charlotte Delbo, couverte par une compagne, se laisse aller à pleurer.
Car ce qui est écrit dans ce livre est irréel sur bien des aspects pour quiconque n’a pas connu Auschwitz, et il n’y avait que deux issues possibles : sombrer dans l’inconscience ou la mort, un aspect que Charlotte Delbo a particulièrement bien mis en valeur.
La peur prend la forme du Block 25, celui dans lequel étaient mises les femmes trop faibles ou mourantes avant d’être emmenées dans les chambres à gaz.
Quant à la description de l’appel du matin (à 3 heures, il fait donc encore nuit), elle est tout simplement saisissante et inimaginable : "Il faudra rester des heures immobiles dans le froid et dans le vent. Nous ne parlons pas. Les paroles glacent sur nos lèvres. Le froid frappe de stupeur tout un peuple de femmes qui restent debout immobiles. Dans la nuit. Dans le froid. Dans le vent." Et Charlotte Delbo a su avec justesse mettre des mots sur son ressenti : "Tout à l'heure je cédais à la mort. A chaque aube, la tentation. Quand passe la civière, je me raidis. Je veux mourir mais pas passer sur la petite civière. Pas passer sur la petite civière avec les jambes qui pendent et la tête qui pend, nue sous la couverture en loques. Je ne veux pas passer sur la petite civière.". 
Et puis au-delà de la barbarie, il y avait la beauté qui était détruite, à l’image de cette compagne de Charlotte Delbo qui ne comprend pas comment sa petite sœur a pu être emmenée directement à la chambre à gaz alors qu’elle était si belle, ses bourreaux n’ont pas dû voir sa beauté : "Elle était belle, ma petite soeur. Vous ne pouvez pas vous représenter comme elle était belle. Ils n'ont pas dû la regarder. S'ils l'avaient regardée, ils ne l'auraient pas tuée. Ils n'auraient pas pu.".
En guise de conclusion et en réponse au titre : "Aucun de nous n'aurait dû revenir.", pourtant certains sont revenus et ont choisi, comme Charlotte Delbo, de témoigner.
Je ne peux que les en remercier.

"Aucun de nous ne reviendra" de Charlotte Delbo est à ce jour l’un des récits les plus forts que j’ai pu lire sur la déportation, et l’un des plus beaux par la poésie qui s’en dégage.
Il n’est pas sans rappeler le film "Nuit et brouillard" d’Alain Resnais et se distingue par une puissance narrative rarement atteinte dans les témoignages écrits sur la Shoah.

Livre lu dans le cadre du challenge Destination PAL