dimanche 30 novembre 2014

Les Miller, une famille en herbe de Rawson Marshall Thurber



David Burke est un dealer à la petite semaine qui se contente de vendre sa marchandise à des chefs cuisiniers et des mamans accompagnant leurs fils au football, mais pas à des ados – car, au fond, il a quand même des principes ! Alors que tout devrait se passer au mieux pour lui, les ennuis s’accumulent… Préférant garder profil bas pour des raisons évidentes, David comprend, à son corps défendant, qu’on peut subir la pire injustice même lorsqu’on est animé des meilleures intentions : tentant de venir en aide à des jeunes du quartier, il se fait agresser par trois voyous qui lui volent sa marchandise et son argent. Il se retrouve dans une situation des plus délicates puisqu’il doit désormais rembourser son fournisseur, Brad. Afin d’éponger sa dette – et de rester en vie –, David n’a d’autre choix que de jouer dans la cour des grands en se rendant au Mexique pour ramener une importante cargaison de drogue à Brad. Réussissant à convaincre ses voisins – Rose, une strip-teaseuse cynique, Kenny, qui aimerait bien tester la marchandise et Casey, une ado débrouillarde couverte de tatouages et de piercings – de lui venir en aide, il met au point un plan censé être infaillible : avec ses complices qu’il fait passer pour sa femme et ses deux grands enfants, il met le cap sur le Mexique au volant d’un camping-car flambant neuf le jour de la fête nationale. Ce week-end risque bien d’être explosif… (AlloCiné)


David Burke ou Clark (Jason Sudeikis) n'est pas un mauvais bougre, à l'exception près qu'il est un dealer à la petite semaine pour gagner sa vie.
Le hic, c'est qu'en voulant aider des jeunes du quartier, il se fait piquer sa marchandise et son argent, et que désormais il n'a d'autre choix que d'accepter d'aller, pour son chef, récupérer de la marchandise au Mexique et la ramener sur le territoire américain.
Mais il a bien compris qu'un homme seul attirerait l'attention à la frontière, c'est pourquoi il décide d'y aller en camping-car et "en famille", en demandant à sa voisine streap-teaseuse (Jennifer Aniston) et pour laquelle il a le béguin de l'accompagner, et il se retrouve affublé de Kenny (Will Poulter), son jeune voisin délaissé par ses parents et en manque d'affection (et puceau) et de Casey (Emma Roberts), une adolescente débrouillarde livrée à elle-même.
Le cocktail est explosif : comment toutes ces personnes aux caractères si différents vont-elles réussir à cohabiter le temps d'un week-end ?
Et surtout quelles aventures les attendent encore au Mexique ?


J'avais entendu dire beaucoup de bien de ce film, notamment sur le jeu des acteurs, en particulier celui de Jennifer Aniston; et sur son côté comique avec des scènes à mourir de rire.
Et bien je n'ai pas été déçue car ce film comique tient toutes ses promesses !
L'histoire pourrait n'être que le prétexte à ce road-movie sous fond d'herbe, mais elle permet également de rajouter des rebondissements et de renchérir sur les situations comiques.
Outre le postulat de départ avec des personnes aussi différentes les unes que les autres qui ne cessent de se faire la guerre en interne et se montrer unies en public, il y a des interactions avec d'autres personnages, comme la vraie famille Fitzgerald croisée en cours de route, qui contribuent étrangement à les souder et génèrent des quiproquos hautement comiques.
J'ai franchement ri du début à la fin et certaines scènes frisent l'anthologie.
Voilà un film comique qui a su se doter d'un scénario qui tient la route et qui fait que ce n'est pas qu'une succession de gags sans lien les uns avec les autres.
Le casting était aussi très bien choisi, avec des acteurs pour la plupart que je ne connaissais pas.
J'ai pu découvrir une Jennifer Aniston différente de son rôle dans la série "Friends" dont je n'avais pas eu l'occasion jusque-là de voir son jeu d'actrice dans des films comiques.
Quant aux autres acteurs, ils sont ou naïfs ou touchants ou cyniques, mais ils forment à eux tous un beau melting pot de personnages.
Difficile d'en dire plus sur ce film sans en dévoiler les ficelles mais la fin est plutôt belle et réussie et conclut très bien cette comédie.
Ce film fait en tout cas partie des meilleures comédies américaines que j'ai pu voir ces dernières années.


Rawson Marshall Thurber  signe avec "Les Miller, une famille en herbe" une comédie fort sympathique qui garantit un bon moment de détente et de fous de rire dont il serait dommage de se priver.



samedi 29 novembre 2014

Charlotte de David Foenkinos


Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Exilée, elle entreprend la composition d'une œuvre picturale autobiographique d'une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : «C'est toute ma vie.» Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche. (Gallimard)

De Charlotte Salomon, je ne connaissais rien avant de lire ce livre.
Ai-je envie d'en connaître plus sur cette artiste peintre ?
Oui, mais ce n'est pas grâce à ce roman que j'ai trouvé plat et médiocre.
Il est bien gentil David Foenkinos d'avoir voulu faire un livre sur cette artiste peintre, mais il ne parle pas de sa peinture ni de son oeuvre majeure "Leben ? oder Theater ?".
Et il coupe son histoire de ses recherches, de sa quête, de ses impressions, et alors ?
Je n'ai pas aimé ce choix, d'autant plus que bien souvent cela coupe une partie intéressante de la vie de Charlotte.
Charlotte Salomon est issue d'une longue lignée de personnes suicidaires, à l'image de sa mère qui finira par se donner la mort quelques années après sa propre sœur, mais de façon plus "grandiose" : "Franziska estime qu'il y a une hiérarchie dans l'horreur. Un suicide quand on a un enfant est un suicide supérieur. Dans la tragédie familiale, elle pourrait occuper la première place. Qui contesterait la suprématie de son saccage ?".
Un père absent et absorbé par son travail, une nouvelle belle-mère avec qui elle s'entend à peu près bien et qui lui ouvre les portes de la scène culturelle allemande, et c'est le choc pour Charlotte qui découvre la peinture, et la vérité sur la folie familiale : "Est-ce ainsi qu'on devient artiste ? En s'accoutumant à la folie des autres ?".
Une artiste est née et a trouvé sa vocation, mais c'est sans compter sur l'arrivée en 1933 d'Hitler au pouvoir, et Charlotte pour qui jusque-là la religion n'avait aucun rôle dans sa vie va découvrir, à ses dépens, qu'elle est du mauvais côté de la barrière : "Le judaïsme n'a eu que peu d'importance dans la vie de Charlotte. On pourrait même dire : aucune. Son enfance repose sur une absence d'orientation juive.".
Peu après la nuit de Cristal, Charlotte quitte l'Allemagne pour rejoindre ses grand-parents dans le Sud de la France, elle ne reviendra plus dans ce pays.
C'est au cours de cette période, après la mort de sa grand-mère (qui s'est suicidée) et son incarcération avec son grand-père dans le camp de Gurs qu'elle se lance à corps perdu dans ce qui sera l'oeuvre de sa vie, "Leben ? oder Theater ?" : "Elle doit vivre pour créer. Peindre pour ne pas devenir folle.".
Cette urgence de création se ressent à la lecture, mais si peu alors que cela aurait dû être bien plus fort et surtout, l'apothéose de ce roman.
A la mort de son grand-père, Charlotte se retrouve presque seule, sans aucune nouvelle de sa famille, épouse un émigré Autrichien, et attend : "Est-ce que les américains vont débarquer ? Charlotte ne supporte plus les spéculations. Depuis 1933, on espère un avenir meilleur. Et c'est toujours le pire qui arrive. Elle veut bien croire en la Libération. Mais uniquement quand le drapeau américain sera planté ici.".
Charlotte, enceinte, et son mari sont arrêtés et déportés vers Auschwitz où Charlotte meurt peu de temps après son arrivée.
Voilà les fragments de la vie de Charlotte Salomon qui constituent ce court roman.

Je crois qu'au final David Foenkinos avait envie de faire un livre sur Charlotte Salomon mais qu'il ne savait pas trop comment faire, il a fini par le faire sans savoir où il voulait aller, bref en annotation dans la marge de son manuscrit j'inscrirai bien : "Les idées sont là mais manquent de structure et de cohésion".
Au passage, je suis surprise qu'une maison d'édition comme Gallimard décide de publier un brouillon et non un roman achevé, et qu'en prime ce brouillon remporte des prix littéraires, parce qu'à mes yeux c'est bel et bien un brouillon et pas du tout un récit abouti.
Je l'ai lu très rapidement mais je n'en garderai pas un souvenir impérissable.
Le style est d'une banalité affligeante, il y a quelques métaphores ampoulées pour faire genre, et comme pour "La délicatesse", je constate que son style est simple et facile à lire mais n'a pas une patte particulière qui permettrait de le distinguer d'autres auteurs.
Ça reste gentil et plein de bons sentiments.
Dommage car l'idée d'origine partait d'un bon sentiment, le résultat est décevant car ne rendant absolument pas hommage à Charlotte Salomon ni ne contribuant à mettre son oeuvre artistique en avant.
J'attendais plus sur la femme et l'artiste, je ressors de ma lecture frustrée car tout cela n'est qu'effleuré.
Les sujets ayant inspiré Charlotte Salomon pour ses tableaux ne sont qu'esquissés, sur cette période de sa vie l'auteur passe bien trop vite à mon sens.
Au fait, pourquoi ai-je rédigé ma chronique allant à la ligne à chaque phrase ?
Et bien parce que c'est ainsi que David Foenkinos a écrit son roman.
Comme s'il avait voulu écrire son roman sous forme de poème en prose, mais n'est pas Charles Baudelaire qui veut.

"Charlotte" de David Foenkinos est un petit roman bien gentil et plein de bons sentiments mais sans autre grand intérêt.
M'est avis qu'il est plus intéressant d'aller voir les toiles de Charlotte Salomon à Amsterdam plutôt que d'essayer de découvrir cette artiste et sa complexité à travers ce roman.
Qui s'avère d'ailleurs être un non mérité et petit Prix Renaudot.
Idem pour le Goncourt des Lycéens.
Je crois bien que les romans de David Foenkinos et moi c'est fini.

Quelques œuvres de Charlotte Salomon :



jeudi 27 novembre 2014

Interstellar de Christopher Nolan



Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire. (AlloCiné)


Dans un futur certainement proche, la Terre est devenue hostile pour ses habitants : les récoltes y pourrissent les unes après les autres, des tempêtes de poussière asphyxient les poumons et les personnes, et le métier le plus important est désormais cultivateur afin de subvenir aux besoins alimentaires de toute la population.
Avant, Cooper (Matthew McConaughey) était un ingénieur aérospatial, aujourd'hui c'est un éleveur.
Parce que d'étranges phénomènes se produisent dans la chambre de sa fille Murph et que celle-ci croit avoir affaire à un fantôme, un code mystérieux les conduit vers un repère secret de la NASA.
Cooper y découvre alors que le programme spatial est loin d'être abandonné et qu'au contraire, on cherche désespérément à partir à la conquête d'une planète d'une autre galaxie susceptible d'accueillir les habitants de la Terre.
Cooper, accompagné notamment du docteur Brand (Anne Hathaway), s'engage dans un voyage interstellaire dont nul ne connaît l'issue.


Christopher Nolan est un petit prodige du cinéma, sans doute l'un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération, et après son époustouflante trilogie de "Batman" et le mystérieux "Inception", il était attendu au tournant, d'autant plus avec un film se revendiquant de la science-fiction et comparé à "2001 odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick.
Au final, qu'en dire tant les mots me manquent ?
Époustouflant et prodigieux sont deux qualificatifs allant très bien à ce film, j'ai été bluffée du début à la fin et j'ai suivi cette odyssée interstellaire avec beaucoup d'attention.
J'ai tout d'abord énormément apprécié la vision futuriste de la Terre qu'en donne Christopher Nolan : loin des aléas climatiques il choisit de montrer une Terre qui se rebelle en éliminant un à un les cultures constituant la base de l'alimentation humaine : le blé, le maïs etc., et puis il y a ces terribles tempêtes de poussière qui contribuent à rendre l'atmosphère irrespirable et engendre de nombreuses maladies pulmonaires chez les plus jeunes.
Oui, la Terre était un havre de paix mais à trop en abuser les Hommes en paient aujourd'hui le prix.
A cela quelles solutions existe-t-il ?
L'exil, le départ vers une autre planète en espérant qu'elle soit habitable, qu'elle corresponde à peu près aux caractéristiques terrestres, ou bien l’humanité sera vouée à disparaître.
Cooper n'est pas un héros, loin de là, il ne peut résister à l'appel de l'espace qu'il a déjà connu par le passé, et avec l'étendard de quitter la Terre pour sauver l'humanité il abandonne son beau-père et ses deux enfants, leur promettant de revenir un jour, mais quand ?
Décidément, les actes d'abnégation sont chose courante dans l'univers cinématographique de Christopher Nolan, les hommes obéissent souvent à leur instinct et n'hésitent pas à abandonner leur famille et à blesser les gens autour d'eux.
Ainsi, les hommes sont égoïstes tandis que les femmes sont altruistes et c'est par elle que vient la rédemption.
Car le cinéma de Chrisotpher Nolan est hautement philosophique et rien n'est jamais laissé au hasard.
Souvent en regardant ses films on se fait des nœuds au cerveau, et dans celui-ci, si les-dits nœuds interviennent tardivement il n'en demeure pas moins que le spectateur doit rester vigilant s'il veut comprendre quelque chose aux discours et aux termes scientifiques utilisés par les personnages.
Mais c'est sans doute aussi ce qui contribue à rendre les films de Christopher Nolan aussi réussis et aussi beaux.


Un scénario ciselé et minutieux ne serait rien sans le jeu des acteurs, et ici j'ai été bluffée par la performance de Matthew McConaughey que je regardais jusque là avec un certain dédain ou un manque d'intérêt.
Anne Hathaway avait pu me plaire par certains rôles, à d'autres je l'avais trouvée quelconque, mais ici elle a su donner une humanité au personnage féminin qu'elle incarne, une femme ingénieur hautement qualifiée qui croit aveuglément son père et qui sous couvert du bien de l'humanité s'inquiète de savoir ce qu'il est advenu de l'homme qu'elle aime, parti il y a des années pour explorer, comme d'autres volontaires, une planète d'une autre galaxie.
Jessica Chastain est toujours juste dans ses émotions et son jeu s'accorde très bien avec celui de la jeune Mackenzie Foy.
Et comme dans tous les films de Christopher Nolan, Michael Caine vient y faire sa traditionnelle apparition.
Outre les personnages qui ont tous leur caractère, les interactions entre ces derniers sont minutieusement décortiquées, à l'image de ces hommes et femmes partageant la vie dans un vaisseau spatial pendant plusieurs années.
Il y a la communication, l'entraide, l'humour, et au-delà des relations humaines les deux robots de l'histoire n'ont pas un rôle dépourvu de sens.
Je parlais juste au-dessus de vaisseau spatial, inutile de tourner autour du pot : j'ai été scotchée par la réalisation de Christopher Nolan.
J'ai trouvé le vaisseau et les voyages dans les galaxies absolument magnifiques à regarder et à suivre, c'est une véritable odyssée qui se suit avec peur et angoisse et là où je trouve que tout le talent du réalisateur éclate c'est qu'il aurait pu choisir d'avoir recours à la 3D pour rendre la chose encore plus attrayante, et bien que nenni !
Il se passe superbement et avec insolence de la 3D et le résultat n'en est que plus fabuleux !
Et que dire de la musique signée Hans Zimmer, elle colle parfaitement aux images et contribue à l'ambiance générale qui se dégage de ce film.
Non vraiment il n'y a pas à dire, je n'ai pas vu le temps passer pendant tout le film et j'ai été happée par l'écran du début à la fin, envahie par une sensation de pur bonheur comme cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti au cinéma, alors je dis merci monsieur Nolan pour cette  superbe leçon de cinéma !


"Interstellar" de Christopher Nolan est un film prodigieux sur bien des aspects et qui frôle la perfection tant la réalisation en est maîtrisée, à tel point que c'est le film qui m'a le plus bluffée cette année et que je mets sans hésiter en tête du classement des films vus en 2014 ainsi que ces dernières années.
Se priver d'un tel film serait vraiment dommage, voire même relèverait du péché.



mercredi 26 novembre 2014

Homesman de Glendon Swarthout


Au cœur des grandes plaines de l'Ouest, au milieu du XIXè siècle, Mary Bee Cuddy est une ancienne institutrice solitaire qui a appris à cultiver sa terre et à toujours laisser sa porte ouverte. Cette année-là, quatre femmes, brisées par l'hiver impitoyable et les conditions de vie extrêmes sur la Frontière, ont perdu la raison. Aux yeux de la communauté des colons, il n'y a qu'une seule solution : il faut rapatrier les démentes vers l'Est, vers leurs familles et leurs terres d'origine. Mary Bee accepte d'effectuer ce voyage de plusieurs semaines à travers le continent américain. Pour la seconder, Briggs, un bon à rien, voleur de concession voué à la pendaison, devra endosser le rôle de "homesman" et l'accompagner dans son périple. (Gallmeister)

En ce milieu du 19ème siècle, quelques pionniers sont partis s'installer au cœur des grandes plaines de l'Ouest, pour y cultiver la terre et y faire fortune.
Mais à la place de la richesse escomptée, c'est une vie rude qu'ils y ont découvert dans des conditions extrêmes : des hivers glacials, des loups hurlant à la porte des maisons, des maladies galopantes, à tel point que cet hiver-là, quatre femmes ont perdu la raison : "C'était une lamentation telle que ces terres silencieuses n'en avaient encore jamais entendu. C'était une complainte d'un tel désespoir qu'elle déchirait le cœur et enfonçait ses crocs au plus profond de l'âme.".
Pour les colons il n'y a qu'une seule solution, renvoyer ces femmes vers l'Est, dans leur famille ou à l'asile qu'importe, du moment que ces démentes soient éloignées de la communauté.
A cause du sort et de la lâcheté du mari d'une de ces femmes, Mary Bee Cuddy, une ancienne institutrice solitaire et vieille fille, se retrouve à devoir les escorter dans l'Est, et pour cela elle s'est attachée les services de George Briggs, un voleur de concession et bon à rien venant d'échapper de peu à la pendaison.

Ce roman s'attache à écrire à rebrousse-poil la légende de l'Ouest américain en y racontant le périple d'une femme courageuse accompagnée d'un mauvais bougre qui rapatrie dans des endroits plus civilisés quatre femmes que quelques années de vie dans le Territoire ont fait basculer dans la folie.
Il est donc bien loin le temps des promesses de richesse, de vie d'aventure dans un territoire presque vierge de présence humaine, un jardin d'Eden en quelque sorte.
La réalité est toute autre : les conditions de vie y sont extrêmes, même l'âme la mieux accrochée finit par y perdre la raison et les événements qui ont conduit ces femmes à devenir folles sont d'une violence rare.
Toutefois, ces scènes m'ont paru moins choquantes à lire que lorsque je les ai vues, mais peut-être est-ce lié au fait que je connaissais déjà l'histoire de ces femmes.
Dans le roman, comme dans le film qui se révèle très fidèle à celui-ci, le rôle des femmes y est magnifié, à commencer par celui de Mary Bee Cuddy,et les hommes y apparaissent comme des êtres vils obéissant à leurs instincts primaires, notamment celui d'avoir une femme pour la seule raison qu'ils ont des besoins naturels à assouvir, à l'image de ce voisin de Mary Bee Cuddy qui refuse sa demande en mariage, préférant aller chercher une belle fille de l'Est pour la ramener à l'Ouest et sans doute lui réserver le même sort qu'à ces quatre femmes.
Car dans le Territoire, les femmes sont une denrée rare : "Les filles à marier étaient plus rares que les huîtres dans le Territoire, où les hommes étaient huit fois plus nombreux que les femmes.", et ne sont que des objets dans les mains des hommes, sauf Mary Bee Cuddy qui refuse de se laisser manipuler et montre une force de caractère bien plus impressionnante que celle de la plupart de ces pionniers.
Même le personnage masculin de George Briggs n'est pas épargné, s'il part en traînant des pieds et qu'il semble évoluer au fur et à mesure du voyage, le lecteur découvre finalement que ce n'était qu'un court moment de grâce car cet homme ne fera que demeurer fidèle à lui-même.
Ce périple prend la forme d'une révélation pour Mary Bee Cuddy : "Elle comprit brutalement qu'elle était dans la même situation, tirée par un chariot et des femmes devenues folles, et par un des époux qui refusait de faire son devoir, et par son propre cœur irraisonné qui s'était précipité sur un chemin que même les anges craignaient d'arpenter. Une nouvelle expérience, oui, mais pas vraiment mortifiante. Terrifiante était le mot.", c'est une figure féminine très intéressante dans la littérature et j'ai suivi son évolution avec beaucoup d'intérêt tout comme celle de l'étrange relation qui la lie à George Briggs.
Le style de Glendon Swarthout est tout simplement admirable et cette nouvelle traduction le lui rend bien.
Il évoque avec beaucoup de justesse et des mots bien choisis le quotidien de ces colons, les difficultés rencontrées, et je ne peux que louer son énorme travail de fouille minutieuse pour mettre à jour ce pan complètement occulté de la conquête de l'Ouest américain.
Car oui, tous les hivers des femmes perdaient la raison et étaient emmenées au printemps en catimini dans des asiles dans l'Est, parce qu'il fallait à tout prix les éloigner et se voiler la face, mettre hors de portée et d'écoute ces femmes devenues démentes d'avoir côtoyé la nature à l'état brut et sauvage, une nature indomptable qui a eu raison d'elles, comme cela est le cas pour les cinq femmes de ce roman.
J'y inclus volontairement Mary Bee Cuddy, car si elle fait partie de ces femmes exceptionnelles grâce à qui l'Amérique a pu se construire elle n'est pas indemne de la vie qu'elle a passé dans cette contrée sauvage.
Je ne pense pas être ressortie indemne de cette lecture, tout comme je suis ressortie secouée de la salle de cinéma, car le fond du récit interpelle et si la narration donne une sensation de détachement ce n'est qu'une impression car c'est plutôt bien tout le contraire qui se dégage de l'ensemble.

Ni tout à fait western ni tout à fait récit épique, "Homesman" de Glendon Swarthout est un roman à l'image du Nebraska de cette époque : rude et violent, et qui, à travers le portrait de Mary Bee Cuddy et de son odyssée en terre hostile, rend un bel hommage à toutes ces femmes qui ont contribué à bâtir l'Amérique.
Un livre et un auteur à découvrir de toute urgence, et ensuite un film à voir, les deux étant parfaitement complémentaires.

mardi 25 novembre 2014

Top Ten Tuesday #76


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 manies, habitudes littéraires que vous avez

1) Regarder la couverture du livre et la quatrième de couverture;
2) Ouvrir un vieux livre pour le feuilleter et sentir les pages;
3) Ne pas corner une page ou la couverture d'un livre;
4) Ne pas écrire dans un livre;
5) Ne pas abîmer la tranche d'un livre;
6) Ranger mes livres dans ma bibliothèque selon une certaine logique propre à moi;
7) M'installer confortablement pour lire et ne rien faire d'autre (pas de boisson ni de nourriture);
8) M'arrêter à la fin d'un chapitre ou d'un paragraphe ou d'une page se terminant sur un point;
9) Protéger mon livre dans mon sac à main;
10) Regarder la tranche d'un livre, le grain de feuille, la taille et la police d'écriture.

lundi 24 novembre 2014

Sin City Tome 2 J'ai tué pour elle de Frank Miller


Un rapace tourne lentement au-dessus de Sin City, la ville du péché. Il choisit ses proies et les dévore dans un corps à corps brûlant. En ce moment même, il rôde à la recherche de sa prochaine victime ... (Rackham)

Bienvenue à Sin City, la ville du péché et du vice, où les âmes pures sont rares et où les instincts les plus noirs de l'âme humaine s'en donnent à cœur joie.
A Sin City, il y a les beaux quartiers, ceux qui sont fréquentables, et la vieille ville, là où les désirs les plus noirs peuvent se réaliser : "La vieille ville tant qu'on a juste envie de se rincer l'oeil, les beautés de l'endroit sont bon marché. Mais quand on est prêt à payer, on peut avoir tout ce qu'on n'a jamais osé imaginer.".
La vieille ville, le narrateur la connaît bien, il y a fréquenté quelques femmes et va d'ailleurs y trouver refuge, mais ce qui occupe toutes ses pensées, c'est une femme, une qu'il a aimée il y a quelques années et qui l'a quitté pour un beau mariage et une belle maison dans les quartiers huppés de la ville.
Elle s'appelle Ava, elle a la beauté, la sensualité et l'intelligence du diable : "Son baiser est comme une promesse de paradis.", et pour une femme comme ça, on tuerait.
Lui est un homme revenu de tout cela, qui lutte pour oublier et ne jamais retomber dans ses démons : "Je pense à toutes les occasions que j'ai fait foirer, à tout ce que je donnerais pour pouvoir tout effacer. Pour me sortir de l'enfer gris et glacé que j'ai fait de ma vie. Je donnerais n'importe quoi.", mais voilà qu'Ava le recontacte : "Elle est en retard, comme toujours. Et elle vaut toujours autant la peine qu'on l'attende.", ils se revoient et c'est le début de la descente aux enfers.

Il y a un côté roman noir type Dashiell Hammett revendiqué haut et fort dans cette oeuvre.
Les hommes y sont à la fois forts mais également faibles face aux femmes qui sont présentées comme de véritables vamps, à l'image de la belle, douce et fragile Ava, en apparence car celle-ci se révèle redoutable, calculatrice et manipulatrice : "Il existe un mot pour ce que je suis. Mais personne ne l'utilise plus. Les gens refusent de voir la vérité. S'ils le faisaient, ils élimineraient les êtres comme moi. Mais ils ne le font pas. Ils ferment les yeux, font de grands discours imbéciles sur la psychologie et se rassurent en affirmant que personne n'est fondamentalement mauvais. C'est pourquoi j'ai gagné. C'est pourquoi je gagne toujours.".
Si Ava représente le péché à l'état pur, la femme pour qui n'importe quel homme serait prêt à tuer, d'où le titre du roman graphique et le cœur de l'intrigue, il y a quelques femmes qui incarnent à leur façon la pureté, à l'image de Nancy, la danseuse sur laquelle tous les hommes fantasment mais qu'aucun n'ose toucher : "Elle a beau exhiber jusqu'aux moindres recoins de son anatomie aux alcooliques en rut qui fréquentent la boîte, Nancy est la fille la mieux protégée du monde. Il n'y en a pas un qui se permettrait d'avoir la main baladeuse, ils savent tous que ça leur coûterait très cher de s'oublier.", ce qui pourrait laisser penser que tout n'est pas pourri jusqu'à la moelle à Sin City.
L'univers est toujours assez sombre et la mort est omniprésente, d'ailleurs il n'est pas possible de s'y tromper puisque Frank Miller a volontairement créé sa bande dessinée en noir et blanc.
L'histoire, les personnages, mais surtout l'ambiance qui se dégage de cette série tentent à la rendre vraiment addictive et extrêmement bien faite.
J'ai pris énormément de plaisir à suivre cette intrigue, avec cette femme qui brouille les pistes et les hommes en les entraînant dans la folie.
Le graphisme est tout simplement merveilleux, j'aime la mise en lumière (assez paradoxal quand on sait que cette bande dessinée est faite uniquement en noir et blanc) faite autour des femmes, de la sensualité qui se dégage du moindre de leurs gestes, et face à elles de la virilité et de la violence qui se dégagent des hommes.
Il me tarde désormais de voir l'adaptation cinématographique qui en a été faite.

"J'ai tué pour elle" est parfaitement représentatif de l'univers de Sin City créé par Frank Miller et mérite pleinement tous les éloges qui sont faits sur cette série.
A découvrir de toute urgence.

samedi 22 novembre 2014

Le choeur des femmes de Martin Winckler


Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de «Médecine de La Femme», dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste ! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il va m'enseigner mon métier ? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas – et je ne veux pas – perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre. (Folio)

Jean Atwood est un pur produit de l'université de médecine, mieux que ça même : elle est sortie major de toutes les promotions.
Aussi vit-elle très mal le fait de ne pas avoir eu l'affectation qu'elle désirait pour pratiquer de la chirurgie gynécologique et de se retrouver au service de "médecine de la femme" de l'unité 77 du centre hospitalier de Tourmens : "J'imagine que Karma m'a imposé de passer une semaine entre ses murs pour me convaincre de rester, que je peux me rendre utile et qu'il a des choses à m'apprendre, mais tout le mal que je me suis donné depuis quatre ans pour devenir ce que je veux, tout ce que j'ai appris, tout ce que je sais faire, et faire mieux que bien, mieux que la plupart des autres chirs, c'est beaucoup trop bien pour le gâcher en écoutant des nanas qui se plaignent d'avoir mal aux seins ou qui flippent parce qu'elles ont peut-être un polichinelle dans le tiroir ! Tu comprends, quand je ne prends pas mon pied à les opérer, les bonnes femmes, moi, je m'en passe très bien.".
Jean arrive complètement arrogante dans ce service, à la limite d'être odieuse avec Karma, son assistante et les patientes qui défilent, mais Karma, le médecin responsable de l'unité, va vite lui apprendre l'humilité, mais à sa manière : "Major ou majorette ou pas, tout ce que vous avez appris par cœur pour passer vos examens est daté, partial, insuffisant ou faux. Et souvent les quatre à la fois. Dans les foutues facultés françaises, on déforme des médecins au point qu'ils s'imaginent, une fois leur diplôme en poche, qu'ils savent tout et n'ont plus rien à apprendre.".
Auprès de Karma, Jean va découvrir une nouvelle médecine, plus proche du patient, qui prend le temps de l'écouter, ne lui impose pas d'examens inutiles, ne lui pose pas de questions superflues et surtout, ne porte jamais aucune jugement sur les motivations de la visite : "Un soignant, ça n'est pas un inquisiteur.".

Si j'ai trouvé que ce livre était en dents de scie, avec une début prometteur, un soufflé qui retombe, une reprise de souffle et finalement une fin d'une banalité affligeante, je lui reconnais le mérite de soulever de bonnes et de vraies questions autour de la médecine et plus particulièrement de la gynécologie, et de faire s'interroger le lecteur.
Si l'histoire en elle-même ne révolutionne pas, les propos sous-jacents eux si, et je me sens nettement mieux armée désormais pour affronter un médecin qui outrepasserait sa fonction.
En tant que femme on a toutes vécu au moins une visite chez un(e) gynécologue, je crois que pour personne ce n'est une partie de plaisir et que l'on a beaucoup à redire sur les méthodes pratiquées voire même les questions qu'il nous arrive d'entendre (si, si, je confirme qu'au 21ème siècle pour certain(e)s gynécologues un contraceptif est une hérésie ...).
En ça, ce roman, écrit par un médecin, a le mérite de nous faire nous interroger et d'en parler autour de nous et pose quelques principes de base que l'on a oublié depuis longtemps voire même auxquels on a jamais songé car si les médecins sont formatés les patients le sont tout autant : "Une femme qui demande la pilule n'est pas malade, elle veut se protéger. Si elle n'a pas déjà de rapports sexuels, c'est qu'elle a l'intention d'en avoir et veut éviter d'être enceinte. En quoi le fait de l'interroger sur ses rapports sexuels est-il pertinent ?".
Sur le fond ce roman a donc le mérite de soulever de nombreux débats qui seront, à n'en pas douter, animés.
Je tiens à préciser que je m'interroge quand même dans quelle mesure le propos de Martin Winckler n'est pas exagéré sur la façon d'être de certains médecins.
Sur la forme par contre j'ai beaucoup plus à redire.
Les personnages sont complètement stéréotypés : le médecin d'un certain âge encore séduisant, compréhensif, à l'écoute de ses patientes, d'une patience d'ange; et en face de lui la jeune interne très brillante avec des dents qui rayent le parquet et qui sait déjà tout sur tout.
Quant à l'intrigue, elle est téléphonée du début à la fin et ne ménage aucun suspens tant elle est prévisible.
C'en est même un peu trop gros sur la fin où tout s'enchaîne à une vitesse folle qui frise l'absurdité.
C'est dommage car ce livre commençait bien, puis très vite le lecteur devine ce qui va advenir et la fin est une calamité et un dégoulinement de guimauve rose bonbon.
A côté de ça, il y a quelques histoires particulièrement touchantes et un auteur qui sait piquer de curiosité le lecteur, en tout cas la lectrice, et quasi l'obliger à aller faire un tour sur son site.
Je précise bien que ce livre n'est pas réservé exclusivement à un public féminin car le titre pourrait laisser penser le contraire.

"Le chœur des femmes" de Martin Winckler ne fera pas partie de mes lectures marquantes car sur la forme ce livre souffre de faiblesses et de concours de circonstances manquant cruellement de subtilité, par contre l'intérêt de le lire peut sans doute résider sur le fond; en tout cas c'est un livre qui ne peut laisser personne indifférent.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2014


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL


jeudi 20 novembre 2014

Mots rumeurs, mots cutter de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini


Je me suis levée, les mains tremblantes. J’entendais des chuchotements, des rires dans mon dos. J’ai pris le morceau de craie, regardé les chiffres inscrits sur le tableau. Des fractions qui auraient dû être faciles, des fractions qui se délitaient devant moi, des chiffres bizarres, monstrueux, qui me frappaient comme les insultes et les ricanements, comme la vérité qui me sautait au visage... (Gulf Stream)

En ce début d'année, Léa traîne avec ses amies, elle se moque de ceux qui sont différents et elle tombe amoureuse et finit par sortir avec Mattéo, un redoublant de sa classe que toutes ses amies lui envient.
En somme c'est une jeune fille tout ce qu'il y a de plus ordinaire : "J'étais heureuse, j'avais l'impression de flotter.".
Mais Léa ne voit pas la jalousie de certaines filles qui se disent son amie, et c'est en toute innocence qu'elle accepte l'invitation d'une amie pour passer la nuit chez elle un samedi, en compagnie d'autres filles de leur groupe : "Six filles dans cet appartement trop grand, trop vide, avec des jeux stupides et la tête sens dessus dessous.".
En l’occurrence, le jeu stupide c'est "action ou vérité", et lorsque Léa choisit "action" et qu'on lui demande de faire un striptease elle s'exécute : "Au milieu d'elles, je me sentais euphorique, libérée. [..] J'étais trop partie pour m'apercevoir qu'on me photographiait.".
A partir de cette photographie, sa vie va devenir un enfer : tout le collège la verra les seins nus, elle deviendra la risée de tous, pire que ça : leur souffre-douleur, celle à qui on fait du mal verbalement et physiquement en toute impunité.
Et Léa s'enferme dans son silence : "Les mots restaient coincés dans ma gorge. Une grosse boule de honte et de douleur qui me coupait le souffle, m'empêchait de parler.", devenant l'ombre d'elle-même et la carpette sur laquelle tous ses petits camarades se défoulent,

Le sujet de ce roman graphique porte aujourd'hui un nom : harcèlement en milieu scolaire.
Je dis bien aujourd'hui car pendant très longtemps ce phénomène a été occulté et passé sous silence, laissant les personnes qui en étaient victimes dans le plus grand désarroi, en doute avec elles-mêmes et finissant par assimiler pour elles toutes les horreurs qu'on leur balançait à la figure, un harcèlement que bien souvent les professeurs alimentent ou refusent de voir.
Je parle en connaissance de cause, j'en ai été victime pendant deux ans au lycée, et à cette époque qui n'est pas si lointaine que cela on n'en parlait pas et si on le faisait on se heurtait à des murs sourds et aveugles.
Le "cyberharcèlement", dont il est aussi question dans ce livre, a sans doute contribué à libérer la parole des victimes : cela va plus loin que les agressions physiques ou les moqueries verbales puisque la personne se retrouve, à son insu, affichée sur internet, c'est-à-dire visible par tous de façon permanente (ou quasi-permanente).
Ce roman graphique a le mérite de poser toutes les bases du problème et de sensibiliser un jeune public aux dangers de ce harcèlement.
Car si le stress est considéré comme le mal du siècle dans le monde du travail, celui du harcèlement physique et/ou verbal doit sans doute l'être dans le milieu scolaire.
L'histoire est simple, le style fait très jeune et ressemble à celui d'un journal intime, la police est d'ailleurs bien choisie et très agréable à lire.
La descente aux enfers et le mal-être de Léa se ressent bien au fil de la lecture, le titre n'est d'ailleurs pas choisi innocemment car ce type de rumeur peut déboucher sur le suicide des jeunes qui en sont victimes ou les blesser profondément dans leur chair, tel un cutter.
Le seul petit reproche que je pourrai faire à ce livre c'est de ne pas aborder l'importance d'en parler, notamment à des adultes.
Léa se retrouve incapable d'en parler à ses parents et le roman se termine de telle façon que le lecteur est dans l'expectative de ce qui va se passer par la suite.
C'est un peu dommage car cela aurait permis de traiter ce problème dans sa globalité et non pas de s'arrêter avant la fin.
Certes, il n'y a pas une recette miracle universelle mais j'ai trouvé que de ce point de vue, le propos du livre était un peu léger, si Léa reste seule avec son mal-être comme cela est bien souvent le cas il me semble que la dimension pédagogique du sujet traité nécessitait d'aller plus loin.
Au-delà de cet aspect, les graphismes sont beaux et, à l'image du texte, jeunes, j'ai pris du plaisir à découvrir cette histoire que j'ai lu d'une seule traite.
Gulf Stream demeure décidément une maison d'éditions particulièrement intéressante dans la publication de livres à destination d'un public jeune et/ou adolescent, je prends toujours autant de plaisir à lire des livres issus de leur catalogue riche et varié.

"Mots rumeurs, mots cutter" de Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini a l'énorme mérite de parler de façon claire et intelligente d'un problème de société de plus en plus courant : le harcèlement en milieu scolaire.
Outre la qualité des dessins et du texte, ce roman pédagogique mérite, à ce titre, d'être découvert par les plus jeunes, pour les sensibiliser, mais également par les moins jeunes, pour leur faire ouvrir les yeux et reconnaître les premiers signes de mal-être chez un adolescent victime de harcèlement à l'école.

Je remercie Babelio et les Editions Gulf Stream pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération Masse Critique

mercredi 19 novembre 2014

Walking Dead Tome 8 Une vie de souffrance de Robert Kirkman et Charlie Adlard


Après une brève accalmie, l'horreur frappe à nouveau. Retranchés derrière les grilles de leur pénitencier, Rick et ses compagnons assistent incrédules au retour du Gouverneur, laissé pour mort lors de leur évasion de Woodbury. Rares sont ceux qui réchapperont de la lutte qui s'engage. Rick, Michonne, Tyreese, Andrea... Si vous aviez un personnage préféré, préparez-vous au pire car après cet affrontement, plus rien ne sera jamais comme avant ! Oeuvre fondatrice du genre en bande dessinée, Walking Dead s'impose par sa qualité d'écriture et son attention portée aux relations entre les personnages de cette incroyable aventure humaine. En effet, au-delà des scènes où apparaît la menace des morts-vivants, les auteurs nous entraînent dans un récit où la survie est l'affaire de tous les instants, et où la moindre erreur peut s'avérer fatale... (Delcourt)

Ne sachant plus trop où j'en étais dans cette série il semblerait que j'ai sauté deux tomes, l'un dans l'autre ce n'est pas très grave car ça n'a pas nui à ma compréhension de l'histoire.
Rick et les siens sont toujours réfugiés dans la prison, mais leur escapade à Woodbury et leur rencontre avec l'ignoble Gouverneur leur a malheureusement porté préjudice, ce dernier ne cherche qu'à se venger d'eux, en particulier de Michonne qui lui a joliment réglé son compte, et est bien décidé à obtenir pour lui cette magnifique prison.
Ce nouveau tome s'ouvre donc sur le Gouverneur et son discours pétri de mensonges qu'il sert à la population de Woodbury pour justifier l'attaque de la prison.
Le seul hic, c'est qu'ils ne sont pas très bien organisés et qu'ils sont accueillis comme il se doit à la prison et finissent par repartir la queue entre les jambes ... pour mieux revenir par la suite : "Ils reviendront ... et ils commenceront par abattre les tours avec leur tank de mes deux. Ils ne s'attendaient sans doute pas à ce qu'on réplique ... La prochaine fois, ils seront prêts.".
Rick, l'homme à tout faire de la situation et qui se pose en leader pour les autres habitants de la prison : "Il essaie de faire ce qu'il pense être juste ... même s'il doit en souffrir.", est blessé et pendant ce temps Dale convainc Andrea de partir avec tous ceux qui le voudront et particulièrement les enfants avant que la situation ne vire au carnage et Michonne convainc Tyreese de l'accompagner dans une mission commando pour surprendre les gens de Woodbury et les massacrer une bonne fois pour toute.
Ce volume se finit dans un véritable bain de sang, il y a des scènes extrêmement violentes dont les auteurs ne nous épargnent pas le moindre détail, c'est gore à souhait et, heureusement ai-je envie de dire, c'est en noir et blanc car imaginez si c'était en couleur !
Je ne sais pas ce qui est le plus horrible dans ce volume, les morts choquantes et atroces de deux des personnages principaux ou la folie sanguinaire du Gouverneur ou de le voir embrasser à pleine bouche une petite fille devenue zombie ou de découvrir un Carl encore jeune mais pour qui la mort est devenue une banalité et fait partie du quotidien : "Les gens meurent, p'pa. Ça arrive tout le temps." ou bien un mélange de tout cela.
Ce qui est sûr, c'est que rien ne sera jamais pareil à avant, et si le lecteur en doutait encore il n'est désormais plus possible pour lui de ne pas s'en rendre compte.
Et au milieu de tout ce joyeux (!) carnage, il y a toujours les zombies qui se promènent à l'affût du moindre morceau de chair humaine fraîche mais à ça, le lecteur n'y fait même plus attention tant c'est devenu banal.
Car le cœur de l'intrigue de ce comics ne réside pas dans la lutte contre les morts-vivants mais bien dans celle des vivants contre les vivants, et c'est en cela que le point de vue proposé rend cette série aussi intéressante à suivre.
Les relations entre les personnages sont extrêmement bien fouillées, les luttes de clan et d'ego sont omniprésentes et la survie et l'attention de chaque instant sont essentiels pour les personnages s'ils veulent rester en vie.
Quant aux dessins, ils sont toujours de grande qualité et le recours au noir et blanc sert à merveille cette histoire glauque au possible.

"Une vie de souffrance" est un huitième volume riche en scènes de violence qui ouvre une nouvelle ère dans la série "Walking Dead" qui est toujours aussi passionnante à suivre et s'impose comme une série désormais incontournable de l'univers des comics américains.

mardi 18 novembre 2014

Top Ten Tuesday #75


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 suites de séries que vous attendez impatiemment

1) "L'épervier" de Patrice Pellerin
2) "Namibia" de Léo, Rodolphe et Marchal
3) "Anomalies quantiques" de Léo
4) "Nicolas le Floch" de Jean-François Parot
5) "Silex and the City" de Jul
6) "Mattéo" de Jean-Pierre Gibrat
7) Les enquêtes de Stephanie Plum de Janet Evanovich
8) "Cassio" de Stephen Desberg et Henri Reculé
9) "Les gens honnêtes" de Christian Durieux et Jean-Pierre Gibrat
10) "Antarès" de Léo

dimanche 16 novembre 2014

Le chant du cygne Tome 1 Déjà morts demain de Cédric Babouche, Xavier Dorison et Emmanuel Herzet


Le lieutenant Katz et ses soldats ne sont pas des lâches. Combattants aguerris, ils ont souvent surgi de leur tranchée pour charger sous la mitraille. Mais aujourd'hui, ils en ont assez. L'incompétence criminelle de leurs officiers menace une fois de plus de les emmener au désastre. Ils décident de déserter. Pas pour fuir, pas pour se cacher. Ils se rendront ensemble à Paris pour déposer une pétition au parlement au nom de leurs frères de bataille. Commence alors le plus beau et le plus désespéré des périples... (Le Lombard)

En 1917, l'armée Française est enlisée depuis trois ans dans la Première Guerre Mondiale, la vie dans les tranchées est infernale, les assauts sont violents et laissent derrière eux des dizaines de morts à chaque fois, les décisions du haut commandement sont toutes plus absurdes les unes que les autres et plus personne ne sait vraiment ce qu'il fait ici et ce qu'il a à y faire, hormis sauver sa peau : "Ça fait trois ans que personne sait ce qu'il fait.".
Le lieutenant Katz et ses soldats font partie des bons petits soldats qui exécutent les ordres sans rechigner, jusqu'à ce jour où un document étrange parvient aux soldats : "C'est la pétition de la côte 108, les gars. La seule et unique pétition de la côte 108.".
La pétition de la côte 108, c'est un mythe qui devient réalité, toute une liste de signatures de milliers de poilus qui veulent mettre fin à cette guerre et aux boucheries, voire renverser le gouvernement.
Mais le haut commandement ne l'entend par de cette oreille : "La pétition de la côte 108 repose sur un mensonge. Un faux destiné à tromper de braves soldats comme vous.", et lorsque les hommes de Katz se rendent compte qu'ils se sont faits berner une fois de plus ils décident de traverser la France pour porter cette pétition à l'Assemblée Nationale : "Les menteurs, c'est fini ! On monte sur Paris, on trouve Morin, et on lui donne la pétition !".

Voilà une histoire plutôt originale sur la Première Guerre Mondiale, écrite sous forme d'un road movie de soldats qui n'en peuvent plus de trois années d'horreur et qui n'aspirent qu'à retourner chez eux, entiers si possible.
Le postulat de départ est assez atypique pour être signalé et c'est sans doute ce qui explique que j'ai mis autant de temps à rédiger cette chronique, parce que si j'ai aimé cette bande dessinée je ne savais pas vraiment par quel bout la prendre tant il y a de choses à en dire.
Il y a une grande et belle galerie de personnages hauts en couleur, à tel point que j'ai eu un temps d'adaptation pour les reconnaître, mais les hommes du lieutenant Katz finissent par devenir attachants et forment un drôle de groupe d'hommes décidés à en découdre avec le gouvernement pour mettre fin à la guerre.
De ce que l'on sait de cette époque et des révoltes de soldats qui ont vraiment eu lieu dans les tranchées, cette histoire originale signée Xavier Dorison et Emmanuel Herzet n'est pas surprenante outre mesure.
Elle a l'énorme avantage d'être très humaine au milieu de la barbarie, d'ailleurs les scènes de combats sont d'un réalisme étonnant et l'entraide entre les hommes ressort bien au milieu des dialogues savoureux où les personnalités de tous se frottent les unes aux autres.
Le lecteur passe ainsi de l'horreur au rire face aux échanges entre les hommes et à la forme de bonne entente qui règne entre eux.
Les dessins de Cédric Babouche font partie des points forts de ce roman : les scènes et les paysages de désolation sont réalistes au point de glacer d'effroi le lecteur, certains personnages sont hideux d'avoir été défigurés par la guerre au point de faire peur, il y a une urgence par moment dans le trait du dessin qui fait ressortir tout le danger de cette période tandis qu'à d'autres il y a une certaine douceur.
J'ai eu un léger temps d'adaptation car chaque planche est relativement bien fournie en détails et il ne faut pas hésiter à prendre son temps pour découvrir et savourer chaque image.
Les dessins sont à peu de choses près des aquarelles et la mise en couleur a été particulièrement bien faite avec des tons sombres et des dégradés de marron et jaune pour les scènes dans les tranchées, et des tons plus clairs pour le périple champêtre vers Paris que ces soldats ont choisi de faire, car quitte à mourir, autant le faire pour une raison qu'ils connaissent, qu'ils acceptent et qu'ils trouvent juste.

Ce premier tome du "Chant du cygne" permet de découvrir une histoire de poilus originale dans ce contexte de commémoration des 100 ans de la Première Guerre Mondiale qui, en plus d'être signée par trois grands noms de la bande dessinée, gagne à être connue et à devenir l'une des bandes dessinées incontournables de la collection Signé des éditions Le Lombard.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Le Lombard pour l'envoi de cette bande dessinée.

Livre lu dans le cadre du Club des Chroniqueurs Signé

La délicatesse de David et Stéphane Foenkinos



Nathalie a tout pour être heureuse. Elle est jeune, belle, et file le parfait amour. La mort accidentelle de son mari va couper son élan. Pendant des années, elle va s'investir dans son travail, se sentir en parenthèse de sa vie sensuelle. Mais subitement, sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi, elle embrasse un de ses collègues. Markus, un homme très atypique. S'ensuit alors la valse sentimentale de ce couple hautement improbable qui va susciter interrogation et agressivité au sein de l'entreprise. Choisit-on vraiment par quel moyen on renaît à la vie ? Nathalie et Markus vont finir par fuir pour vivre leur histoire et leur émerveillement à l'abri de tout. Cette histoire de renaissance est aussi celle de l'étrangeté amoureuse. (AlloCiné)


"La délicatesse", j'avais lu le livre de David Foenkinos et, en toute honnêteté, je n'en gardais pas un souvenir ému mais plus une lecture facile de détente un peu mièvre sur les bords.
Il faut dire qu'elle collectionne Nathalie : elle a beau être jeune et avoir une belle carrière, elle est déjà veuve, elle a perdu il y a quelques années l'homme de sa vie et depuis elle s'est plongée dans le travail comme une forcenée.
Et puis un beau jour, voilà-t'y pas qu'elle roule une pelle à un collègue venu lui poser une question.
Comme ça, pour la beauté du geste, parce que l'instant s'y prêtait bien.
Ce collègue il est Suédois, pas franchement beau, plutôt renfermé sur lui-même, bref tout le monde se demande ce que Nathalie peut bien lui trouver, pourquoi elle perd son temps avec lui alors qu'elle pourrait avoir tellement mieux, qu'elle a eu déjà tellement mieux.
Sauf que l'amour ça ne se commande pas et ça s'explique encore moins, Nathalie et Markus vont devoir apprendre à composer pour vivre leur histoire et ne plus se soucier de l'avis des autres pour savourer la beauté de cette rencontre.


Le pitch du film est identique à lui du livre, mais étrangement, à l'écran cette histoire fait moins tarte à la crème saupoudrée de bons sentiments.
Disons que l'équilibre entre drame et romance ressort mieux à l'écran, notamment grâce au jeu des acteurs, que dans le roman.
Le rôle de cette jeune femme touchée par un drame et qui va redécouvrir l'amour va particulièrement bien à Audrey Tautou, elle arrive à passer de l'insouciance au drame en passant par la froideur sans jamais surjouer mais en étant toujours juste dans les sentiments qu'elle exprime.
François Damiens est presque une révélation, il a un rôle plutôt ingrat, celui de Markus, l'homme invisible, insignifiant, sans aucun charme et légèrement étrange; et il s'en sort remarquablement bien.
Il arrive à très bien exprimer la stupeur de cet homme qui ne comprend rien à ce qui lui arrive, qui ne connaît rien de cette femme et de son passé et qui va, petit à petit, s'attacher à elle et développer des sentiments à son égard.
Il a su capter l'essence même de ce personnage et la délicatesse qu'il met dans ses sentiments, ce qui va séduire Audrey Tautou.
L'ellipse est utilisée dans la première partie du film, celle qui raconte le passé de Nathalie, de la rencontre avec l'homme qui allait devenir son mari à leur vie de couple marié jusqu'au jour du drame.
Le scénario évolue ensuite en temps réel jusqu'à cette fin très belle où Nathalie emmène Markus voir sa grand-mère, où le passé se mêle au présent et au futur, où Markus imagine une Nathalie petite fille, puis adolescente, puis femme, puis amoureuse, puis triste, puis de nouveau amoureuse.
En fait, à la réflexion, l'histoire va très bien avec le scénario d'un film mais pas avec la trame narrative d'un roman.
Je n'ai pas eu à reprocher au film ce que j'avais reproché au livre, comme quoi ce genre de sentiments passe bien mieux par les images que par les mots.
Mais surtout, l'atout incontestable de ce film et qui en fait toute sa beauté, c'est la musique et les chansons signées par Emilie Simon.
Emilie Simon a créé son album "Franky Knight" en hommage à son compagnon décédé quelques mois auparavant, il s'avère que sa création musicale, ses chansons et la portée des mots collent parfaitement au film et au personnage de Nathalie.
Avec les images, son album prend une toute autre dimension, et si Emilie Simon avait déjà signé la très belle bande originale de "La marche de l'empereur" elle s'est ici à mon avis surpassée et a contribué à créer un pur moment de bonheur qui donne au film une toute autre dimension.


"La délicatesse" de David et Stéphane Foenkinos est un film sensible sur la perte d'un être cher, l'enfermement dans le travail jusqu'à la renaissance et la redécouverte de l'amour, de façon inattendue.
Il est assez rare de le dire mais ce film vaut plus le détour que le roman éponyme dont il est tiré et sa bande originale justifie à elle seule de le voir, ne serait-ce qu'une fois.



samedi 15 novembre 2014

Tête-bêche de LIU Yichang


L’oeuvre de Liu Yichang a profondément marqué le cinéaste Wong Kar-wai, qui s’est nourri de l’âme de son roman pour réaliser le film In the mood for love. «Tête-bêche, dit-il, est un terme français utilisé en philatélie pour désigner deux timbres reliés entre eux et imprimés en sens inverse l’un de l’autre. Pour moi, tête-bêche, c’est aussi l’intersection des temps.» Un homme, une femme. Il est vieux, elle est jeune. Ils parcourent les mêmes lieux, croisent les mêmes personnes, sans jamais se rencontrer. Lui est habité par le passé, ses souvenirs heureux à Shanghai. Elle est une jeune écervelée qui s’éveille à la sensualité, aspire à être regardée, adulée. Hong-Kong est leur miroir. Ce Hong-Kong des années soixante, en pleine mutation, jungle de gratte-ciel où règne l’insécurité. (Philippe Picquier)

Avant de commencer à parler de ce roman, il faut absolument faire abstraction de la couverture et oublier "In the mood for love" ainsi que sa musique lancinante, car ce roman n'a fait qu'inspirer Wong Kar-wai qui a su en retirer l'âme pour la transposer dans une histoire d'amour entre un homme et une femme qui ne cessent de se croiser tous les jours.
Ici, il y a bien un homme et une femme mais sans chabadabada, car lui est vieux (la soixantaine voire un peu plus) tandis qu'elle est jeune (15 ou 16 printemps).
Par contre, ils ne cessent de se croiser dans un Hong-Kong en pleine mutation, jusqu'à se trouver côte-à-côte au cinéma.
Lui vit dans le passé : sa famille, sa jeunesse à Shangai, les postes qu'il a occupés, les femmes qu'il a aimées, les lieux où il a été; tandis qu'elle ne vit pas tout à fait dans le présent mais plus dans un futur onirique : "Elle, dont les rêves étaient le stimulant préféré et qui vivait dans l'illusion, n'était pas prête à écouter les conseils de sa mère.", bercée par l'envie (et l'illusion) de trouver un homme regroupant tous les critères de beauté des acteurs qu'elle adule, et surtout riche pour lui permettre de vivre confortablement et sans avoir à travailler.
Leur seul point commun est d'aimer le cinéma, c'est d'ailleurs à cette unique occasion qu'ils seront plus proches que jamais.
Le titre "Tête-bêche" est particulièrement bien trouvé car ces deux personnages sont en sens inverse l'un de l'autre : si lui a fait sa vie elle n'a pas encore commencé à travailler, si lui a aimé des femmes et eu un enfant elle n'en est qu'à fantasmer des baisers et des scènes d'amour torrides, si lui est à la fin de sa vie et profite de la sagesse que son âge et ses expériences lui ont permis d'acquérir elle commence la sienne et est dans toute l'insolence de son jeune âge en refusant de se salir les mains pour rapporter de l'argent chez elle.
Pourtant, ces deux-là ne sont finalement pas si différents l'un de l'autre.
Et l'un comme l'autre n'hésitent pas à sortir de chez eux pour prendre le pouls de cette ville qui ne cesse de s'étoffer et où le danger rôde partout, à l'inverse d'autres personnages qui, s'ils le pouvaient, resteraient chez eux : "Tu parles d'une vie ! Soit on reste cloîtré chez soi, soit on se livre en pâture aux voyous !".
Ils n'ont pas le même âge mais ils ont choisi de vivre, ce qui est tout à leur honneur.
L'auteur a choisi d'alterne les points de vue, reprenant à chaque fois le fil de la narration sur un même lieu ou une même pensée ou l'écoute d'une même chanson.
D'ailleurs, j'ai trouvé le style très musical et certaines phrases, y compris les répétitions des noms à la suite des acteurs appréciés de la jeune fille, ne m'ont absolument pas gênée au cours de ma lecture.
Ce qui m'a particulièrement frappée dans ce livre, outre la vision ogresque de Hong-Kong, c'est l'atmosphère qui s'en dégage.
Hong-Kong est omniprésente, dans ses odeurs, dans ses bruits, dans sa population, dans tout ce qui la caractérise, comme si Hong-Kong était plus qu'une ville, une personne bien en vie et dont le cœur bat à cent à l'heure : "Ainsi était la vie, absurde et pourtant si proche de ce qui hante nos rêves. Des sons enivrants encore et encore. Des sons langoureux qui faisaient partie intégrante de la vie. Toujours là présents à vos oreilles, que vous ayez ou non envie de les entendre.".
A la lecture de ce roman, il se dégage une explosion sensorielle à travers les cinq sens, ou presque.
Entre cet homme qui se remémore son passé et cette jeune fille dont le corps s'éveille à la sexualité il y a une multitude d'impressions qui frappe de plein fouet le lecteur, comme bien souvent avec la littérature Asiatique où l'éveil des sens et du désir n'est jamais loin.

"Tête-bêche" de LIU Yichang est un roman qui se vit autant qu'il se lit, une expérience intense qui m'a transportée le temps de ma lecture dans un Hong-Kong où la sensation de toucher les étoiles n'est jamais bien loin de celle de se faire tirer son sac par un voleur, un livre d'atmosphère à découvrir de toute urgence.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL


vendredi 14 novembre 2014

Le train de Pierre Granier-Deferre



En mai 1940, Julien Maroyeur, modeste réparateur de postes de radio dans un village du Nord de la France, décide de fuir avec sa femme Monique, enceinte, et leur petite fille. Dans le train bondé, ils sont séparés. Les hommes sont parqués dans les wagons à bestiaux. Séparé de sa femme, Julien fait la connaissance d'Anna, une jeune Allemande qui fuit ses compatriotes car elle est d'origine juive. (AlloCiné)



Pierre Granier-Deferre n'est pas à son coup d'essai dans l'adaptation d'un livre de Georges Simenon, quelques années avant de réaliser "Le train" il a porté à l'écran "Le chat" et "La veuve Couderc".
Nous sommes en mai 1940, la peur de l'invasion allemande est grande et c'est l'Exode.
Julien Maroyeur habite le Nord de la France avec sa femme enceinte de leur deuxième enfant et leur fille.
Dans le civil, c'est un homme terne, modeste réparateur de postes de radio, qui va décider de fuir avec sa famille par le train.
Mais tout le monde a eu la même idée, et si sa femme et sa fille sont dans un wagon de première classe, lui se retrouve à l'arrière dans un wagon à bestiaux.
Le train part, il ralentit, il s'arrête, il repart, il s'arrête de nouveau, plusieurs heures passent, le trafic est ralenti, des wagons sont détachés, d'autres sont attachés, tant et si bien qu'il finit par être séparé de sa femme et de sa fille.
C'est alors qu'il remarque Anna, une jeune femme qui ne bavarde pas, et qui finit par s'ouvrir à lui : elle est allemande mais elle fuit son pays, car elle est juive.
Et dans la promiscuité de ce wagon, des histoires naissent : amitié, amour, coup d'un soir, plus personne ne sait vraiment qui il est et chacun est libre de devenir un autre, de se découvrir autrement, une expérience sur plusieurs jours que va vivre Julien, entamant une relation charnelle avec Anna et découvrant sans doute l'Amour pour la première fois.


Ayant beaucoup aimé le livre de Georges Simenon je n'ai pu qu'aimer l'adaptation cinématographique qui en a été faite car, à quelques détails près (notamment la fin), elle est très fidèle au roman.
L'atmosphère de 1940 est extrêmement bien rendue à l'image : le désordre, le chaos, les gens qui fuient, les trains qui ont du mal à circuler, chacun qui cherche sa chacune, c'est très bien rendu à l'image.
Et puis au beau milieu de tout ce chaos, il y a la rencontre, celle de Julien et d'Anna, une histoire belle et émouvante, avec un homme qui découvre pour la première fois de sa vie le plaisir charnel, le désir, des sentiments qu'il ne connaît pas avec sa femme.
Anna est une femme auréolée de mystère, elle demeure ainsi pendant tout le film même si elle se dévoile par petit bout.
Les acteurs ont été choisis à la perfection : Jean-Louis Trintignant campe de façon formidable un homme simple, dépassé par les événements et qui apprend à se lâcher et à profiter du moment présent; Romy Schneider est formidable (pléonasme, Romy Schneider, par définition, est formidable) dans cette femme allemande fuyant son pays et les persécutions car juive, elle est touchante, pleine de mystère, sensuelle, et le couple qu'elle forme à l'écran avec Jean-Louis Trintignant est magique; quant aux rôles secondaires les acteurs ont tous été bien choisis et correspondaient bien à l'image que je me faisais d'eux, notamment cette femme dans le train qui s'offre un soir à un homme, puis le lendemain à un autre (avant de juger remettez l'histoire et les personnages dans le contexte).
Le voyage semble long mais au bout il y a la délivrance et quelques jours de bonheur à La Rochelle, j'ai vraiment vécu à l'image ce voyage comme je l'avais imaginé en lisant le roman.
La fin est quelque peu différente de celle du livre, mais essentiellement parce que cette dernière ne se prêtait pas à être adaptée au cinéma, j'ai trouvé celle proposée par le réalisateur tout aussi bien; quant au reste, c'est avec joie que j'ai retrouvé les émotions et le cheminement des personnages qui m'avaient habitée au cours de ma lecture.
La mise en scène est excellente, la musique est très belle, c'est un film auquel je n'ai rien à reprocher et qui n'a pas excessivement vieilli, il se suit avec plaisir et la beauté des images vaut largement le splendide jeu des acteurs.


"Le train" de Pierre Granier-Deferre fait partie de ses bijoux cinématographiques tombés dans l'oubli, un film de toute beauté à découvrir de tout urgence, servi par deux grands acteurs du cinéma français; et au-delà du film, je ne peux qu'inciter à découvrir le roman éponyme de Georges Simenon, bien loin de l'univers des Maigret et appartenant à ses "romans durs", qui est lui aussi un petit bijou littéraire.


mercredi 12 novembre 2014

American Tragedy L'histoire de Sacco et Vanzetti de Florent Calvez


Suite à la montée du syndicalisme dans les années 1920, les États-Unis sont marqués par de violents soulèvements donnant lieu à une vague d'attentats anarchistes dans plusieurs villes, comme Boston. C'est dans ce climat d'instabilité que Sacco et Vanzetti, deux immigrés italiens, sont condamnés à la chaise électrique, malgré un manque de preuves formelles et une mobilisation internationale intense. (Delcourt)

Battery Park, à New York, un grand-père joue aux dames avec son petit-fils et lui annonce qu'en ce 27 août, il commémore la mort de Sacco et Vanzetti, et raconte alors au garçon qui étaient ces deux personnes qu'il a connu dans sa jeunesse, dans les années 20.
Il faut se remettre dans le contexte, les années 20 sont difficiles aux Etats-Unis : "A l'époque, il y avait pas mal de vols, de braquages d'usines. Les flics étaient sur les dents.", avec des mouvements de grève qui dégénèrent violemment et des attentats anarchistes en 1925.
En 1920, deux braquages ont lieu dans la Massachussetts, les soupçons de la police se portent sur les anarchistes italiens et c'est en voulant appréhender un suspect qu'ils arrêtent Sacco et Vanzetti, les emprisonnant pour détention d'armes à feu.
Le procès a lieu, à charge contre les deux hommes qui se retrouvent inculpés de crimes dont ils ne sont pas responsables, et qu'importe si les témoins ou pseudo-témoins sont manipulés : "Les contradictions des témoins, et le temps qui avait passé ... Tout ça, balayé ! Certains commençaient à entrevoir des coupables sur l'estrade en face d'eux.".
Sacco et Vanzetti ont été des victimes du système : "Parfois ça dérape, comme avec Sacco et Vanzetti. Là, tout le monde a vu ce que ces gens-là voulaient, c'était trop voyant, quoi. Alors, les Rockfeller ont profité de ce que chacun a une vie à mener, pour que ce genre d'affaire tombe peu à peu dans l'oubli. Quitte à ce que les jeunes comme toi n'imaginent même pas qu'il y a eu un jour dans ce pays des grèves. Juste de méchants anarchistes poseurs de bombes !", Sacco étant sans doute un peu plus innocent que Vanzetti.
Florent Calvez se contente ici de raconter les faits, d'émettre quelques hypothèses mais sans jamais prendre position.
L'histoire est partagée entre Boston et New York, dans une période de disette, de pauvreté et de misère, dans le milieu des immigrés Italiens venus chercher fortune aux Etats-Unis.
Cela aurait pu être un roman noir avec pour toile de fond les années 20, mais c'est au contraire des faits bien réels qui se sont passés et qui ont contribué, avec l'affaire des époux Rosenberg, à renforcer l'antiaméricanisme en France.
La qualité du graphisme est excellente, j'ai pris énormément de plaisir à revivre ce pan de l'Histoire, je reprocherai juste le choix de la police du texte qui n'est pas toujours facile à lire.
Je finirai par cette très belle phrase de Sacco prononcée juste avant sa mort : "C'est tout le Massachussetts qui portera dans l'avenir la honte de ce temps. Qu'une école remplace enfin cette maison, que des rires d'enfants effacent les prisons.".

Florent Calvez retrace à travers le roman graphique "American Tragedy L'histoire de Sacco et Vanzetti" une page de l'histoire Américaine reléguée au second plan, parce que si Sacco et Vanzetti n'étaient pas forcément des anges, ils n'étaient pas coupables des crimes qu'on leur a imputés.
Une bande dessinée intéressante à découvrir.

mardi 11 novembre 2014

Une nouvelle amie de François Ozon



À la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie. (AlloCiné)


Un film de François Ozon, c'est un peu comme ceux de Woody Allen, tous les ans on l'attend parce que, aussi immuables que les hirondelles, il revient chaque fois avec une nouvelle idée, une nouvelle surprise.
Car un film de François Ozon, c'est avant tout une surprise, comme un cadeau de Noël avant l'heure : on ne sait jamais bien ce que l'on va trouver dans le paquet.
Et donc cette année, il s'agit de l'histoire de Claire, une jeune femme qui vient de perdre sa meilleure amie et qui sombre dans une dépression, jusqu'au jour où elle va découvrir le surprenant secret du mari de son ami qui, par ce biais va lui redonner goût à la vie.
Et je vais m'arrêter là ! (et ne pas faire comme la journaliste à la télévision que j'aurai piler pour avoir annoncé le fameux secret en question).


Je n'ai jamais caché que j'adorais les films de François Ozon, à peu de choses près j'ai dû tous les voir et j'ai rarement été déçue.
En fait, je n'ai jamais été déçue mais il y en a qui ont plus ma préférence que d'autres.
François Ozon, c'est le réalisateur un peu génial de la nouvelle génération, beaucoup touche à tout et qui ose, qui ose ... pour le plus grand bonheur du spectateur enfin, quand celui-ci aime car un film de François Ozon a la grande qualité de ne jamais laisser indifférent, dans le mauvais sens comme dans le bon.
François Ozon c'est celui-ci qui, la première fois qu'il a rencontré Charlotte Rampling, lui a dit : "J'aimerais vous filmer en train de passer l'aspirateur", avec ça tout est dit.
Donc, pour en revenir à nos moutons (je m'égare, je m'égare ...), ici le film commence de façon morbide par la mise en bière de Laura, le tout sous fond musical de mariage.
Le ton est donné, en quelques images le réalisateur revient sur la rencontre et la naissance de l'amitié entre Claire et Laura, puis enchaîne sur la reconstruction de Claire, sa dépression et la découverte du secret de David.
J'aime énormément la bande annonce car elle reste mystérieuse et laisse le spectateur deviner lui-même de quoi il en retourne.

Je m'en excuse par avance mais il va m'être difficile de ne pas révéler l'un des éléments clés du film, si vous ne souhaitez pas être spoilé vous pouvez aller directement à la conclusion.

Et là, c'est le tour de force du jeu d'acteur de Romain Duris qui campe David, un veuf élevant seul sa fille, mais qui aime s'habiller en femme et devient, avec la complicité de Claire, Virginia.
Claire au début ne comprend pas, elle est choquée voire même dégoûtée de découvrir cet aspect de David mais elle finit par se prêter au jeu et ne peut bientôt plus se passer de Virginia.
C'est le côté pervers du film, elle aime cette nouvelle amie alors qu'elle n'était pas proche de David, le spectateur ne sait plus sur quel pied danser et imagine toutes les fins possibles, sauf celle qui l'est vraiment.
J'ai aimé cet aspect du film car il oblige en quelque sorte le spectateur à réfléchir et à se mettre à la place de Claire, et le sujet traité ne tombe jamais dans le côté provoquant ou grossier, c'est toujours sensible et jamais méchant, une belle réussite car ce n'était pas évident.
Il faut dire que le sujet retenu était plutôt dangereux : parler d'un homme complètement hétérosexuel qui aime s'habiller en femme, le pari était osé.
Je suis d'ailleurs curieuse de découvrir la nouvelle de Ruth Rendell dont le réalisateur s'est inspiré pour écrire son scénario.
Malgré le tragique de l'histoire, il y a aussi des situations drôles et cela contribue à dédramatiser la situation.
J'ai découvert l'excellente Anaïs Demoustier, très juste dans le rôle de cette jeune femme touchée par un drame et qui finit par retrouver le bonheur; Romain Duris est à couper le souffle et s'il a fait de nombreux efforts pour le rôle il peut être fier de sa prestation.
Côté découverte, j'ai également remarqué, enfin devrai-je dire car ce n'était pas la première fois que je le voyais à l'écran mais ça ne m'avait pas marquée, Raphaël Personnaz qui campe de façon convaincante un second rôle qui n'était pas non plus forcément facile à tenir.
Et puis, comme tout film de François Ozon qui se respecte, la mise en scène et la musique sont toujours très soignées.


"Une nouvelle amie" est un film surprenant et étonnant jusqu'à son ultime rebondissement, l'un des meilleurs films de cet automne qu'il serait dommage de manquer et sans doute l'un des meilleurs films de François Ozon, l'un des prodiges du cinéma français d'aujourd'hui.

PS : Il serait sans doute judicieux de modifier le message d'avertissement pour ce film et de remplacer le traditionnel par " des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité de Madame Boutin et ses électeurs".





Top Ten Tuesday #74


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres que vous aimeriez relire un jour

1) "Jane Eyre" de Charlotte Brontë
2) "Avec vue sur l'Arno" d'E.M Forster
3) "Le seigneur des anneaux" de J.R.R Tolkien
4) La saga "Harry Potter" de J.K Rowling
5) "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell
6) "A défaut d'Amérique" de Carole Zalberg (après avoir lu les 2 livres le précédant)
7) "Le hussard sur le toit" de Jean Giono
8) "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë
9) "Maus" d'Art Spiegelman
10) "Sur la route" de Jack Kerouac