jeudi 6 novembre 2014

Seule Venise de Claudie Gallay


A quarante ans, quittée par son compagnon, elle vide son compte en banque et part à Venise, pour ne pas sombrer. C’est l’hiver, les touristes ont déserté la ville et seuls les locataires de la pension où elle loge l’arrachent à sa solitude. Il y a là un aristocrate russe en fauteuil roulant, une jeune danseuse et son amant. Il y a aussi, dans la ville, un libraire amoureux des mots et de sa cité qui, peu à peu, fera renaître en elle l’attente du désir et de l’autre. Dans une langue ajustée aux émotions et à la détresse de son personnage, Claudie Gallay dépeint la transformation intérieure d’une femme à la recherche d’un nouveau souffle de vie. Et médite, dans le décor d’une Venise troublante et révélatrice, sur l’enjeu de la création et sur la force du sentiment amoureux. (Babel)

Elle, à défaut de connaître son prénom, a quarante ans et vient d'être quittée par son compagnon, un homme qui a partagé sa vie pendant un peu plus d'un an et qu'elle a aimé avec son cœur et ses tripes : "Trevor, je l'ai aimé à m'en pourrir le ventre. Plus d'un an. Un an et vingt-sept jours exactement. Et le soir du vingt-septième jour, j'ai cru avaler la mort.".
Elle vide alors son compte en banque, prend sa valise, le train et part pour Venise.
Venise pourrait être triste en plein hiver, vidée de ses amoureux et de ses touristes, mais c'est sans doute une Venise comme il lui faut et à l'image de son ressenti.
Dans la pension où elle loge, il y a un vieux prince russe dans un fauteuil roulant, venu à Venise on ne sait trop pourquoi, sans doute pour y chercher quelque chose ou quelqu'un, ou alors pour atténuer les douleurs du passé et y attendre la mort : "Parce que seule Venise me console de ce que je suis vraiment."; et un jeune couple d'amoureux dont la femme est danseuse.
"Venise, c'est un labyrinthe maudit.", mais un labyrinthe qu'elle va arpenter en tout sens, pour y découvrir les hauts lieux touristiques mais également les petites ruelles qui restent cachées pour les touristes lambda, les galeries exposant des peintres vénitiens modernes ou encore cette libraire tenue par un amoureux des mots, de Venise et de l'Art qui va faire chavirer le cœur de cette femme et lui redonner le goût de l'attente de l'autre et du désir.

J'ai aimé ce livre, à la fois pour la découverte de l'auteur et de son style, mais également pour la promenade insolite qu'il propose dans Venise, une Venise loin des clichés et des lieux touristiques fréquentés, une Venise sans doute plus authentique et qui donne une envie puissante de tout laisser tomber pour prendre le train et s'y rendre, c'est en tout cas ce que j'ai ressenti tout au long de ma lecture, à la fois pour des raisons personnelles mais aussi portée par les mots de Claudie Gallay et, par ricochet, par les pensées de cette femme.
A l'heure actuelle je suis, mais pas pour les mêmes raisons, dans le même état d'esprit que cette femme.
Oui je serai capable de tout quitter comme ça, de partir avec ma valise m'installer dans une ville pour m'apaiser le cœur, faire un point sur ma vie et repartir sur de nouvelles bases.
La lecture ne peut pas être considérée comme une forme entière de psychanalyse, mais j'ai particulièrement réussi à percevoir le ressenti de cette femme et les pensées qui l'agitent.
Dans son cas, l'amour a été violent, sans doute trop à tel point que je parlerai de passion plutôt que d'amour, et c'est à Venise, endroit plutôt original, qu'elle est venue chercher des pansements pour poser sur son cœur blessé.
J'ai trouvé qu'il y avait des phrases assez belles et assez justes sur la vie et les émotions, à l'image de celle-ci sur l'amour :  "L'amour est la chose la plus brutale qui soit. Tellement soudaine. Il faudrait pouvoir s'en protéger, n'est-ce pas ?".
Ce récit aurait pu être plat et sans relief mais même si l'histoire est simple elle n'en demeure pas moins vraie et joliment écrite.
Le style de Claudie Gallay est d'ailleurs intéressant : récit écrit dans une forme d'urgence, il traduit les pensées de cette femme par des phrases courtes, des bribes du passé qui reviennent à la surface et qui la surprennent n'importe quand et n'importe où.
Ce style colle à la réalité de ce qui peut se passer dans la tête d'une personne, c'est appréciable au cours de la lecture d'autant que cela permet au lecteur de ressentir au plus près les émotions de cette femme.
Et puis il y a Venise, présentée dans une perspective intéressante et offrant un cadre à une réflexion plus générale sur l'amour : un parallèle intéressant est d'ailleurs fait entre cette femme se relevant d'une rupture et celle de la danseuse vivant une relation passionnée qui est en train de se tarir ; mais également sur l'Art et sur la création.
La création qui pourrait ne pas être qu'artistique, car en quelque sorte cette femme se reconstruit à Venise, voire se recrée.

"Seule Venise" est une belle ballade littéraire dans une Venise propice à la méditation qui permet à une femme de se réconcilier avec l'amour après une douloureuse rupture.
Et si j'hésitais encore pour ma prochaine destination de voyage, après cette lecture Venise est en tête de ma liste.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio

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