mercredi 30 avril 2014

Aux frontières de la soif de Kettly Mars


Haïti, janvier 2011. Fito Belmar est architecte-urbaniste et écrivain. Après le succès de son premier livre, il vit aujourd’hui de ses rentes et mène une existence rythmée par les soirées bien arrosées avec ses amis... Mais il cache aussi un lourd secret : certaines nuits, il se faufile dans le camp de Canaan et approche de toutes jeunes filles que la misère vend au plus offrant. Gigantesque camp de réfugiés créé juste après le séisme de janvier 2010, Canaan est devenu depuis un immense bidonville regroupant quelque 80 000 personnes vivant dans la précarité, la violence et le dénuement. Lorsqu’il accueille Tatsumi, une journaliste japonaise avec laquelle il n’a communiqué que par messagerie électronique, Fito doit jouer l’hôte parfait. Il n’est pas insensible au charme gracile de la Japonaise et un rapprochement amoureux semble possible… Tatsumi saura-t-elle ramener Fito vers une existence plus lumineuse ? (Mercure de France)

Bienvenue en Haïti un an après le séisme de 2010 qui a laissé des milliers d'orphelins et de personnes sans abri, le dépaysement s'arrête là car pour la suite, c'est en quelque sorte "circulez, il n'y a rien à voir".
Je me suis demandée dès le début où l'auteur voulait en venir, car il faut bien dire ce qu'il est : le personnage de Fito Belmar est non seulement pas charismatique mais il n'est pas attachant, et l'auteur a tôt fait de le prouver puisque cet homme n'a rien trouvé de mieux pour regagner sa virilité que de te toucher, coucher et profiter de petites filles dans le camp de Canaan, peuplé de réfugié(e)s de tous âges du séisme.
"Finalement, ils n'étaient qu'une bande dépravés, alcooliques fonctionnels comme lui, aimant la chair fraîche et sauvant leurs dernières illusions entre les cuisses de fausses écolières ou de demi-vierges qu'on trouvait treize à la douzaine dans les rues de la ville.", voilà une phrase qui résume à elle seule le personnage de Fito Belmar.
Certes, l'histoire est centrée partiellement sur sa rencontre avec Tatsumi, une journaliste japonaise, qui va provoquer le réveil de ses sens, il n'empêche que j'ai eu une réaction épidermique à la lecture des premières pages et que j'ai achevé ce livre uniquement parce que j'ai une conscience de lectrice membre d'un jury.
Qu'un tel personnage fasse l'objet d'un roman, je peux tout à fait le comprendre, mais ce qui m'a sans doute le plus chiffonnée ici c'est que l'auteur non seulement le présente tel qu'il est mais excuse son comportement, le tout écrit dans un ton sans relief.
Ainsi après les fillettes il veut une vierge pour retrouver sa pureté : "Celle qui coûtait plus cher mais qui devait le laver de toutes ses souillures.", mais Fito refuse de consulter un psychologue par peur d'être jugé, pas étonnant, car il a un sacré problème le garçon !
J'ai franchement été marquée par ce détachement malvenu et j'ai trouvé les personnages creux, à l'image de l'histoire de ce roman d'ailleurs, car au final, je n'ai pas bien compris quel était le but de ce roman ni l'idée qu'avait cherché à développer l'auteur.
Proposer une vision post-apocalyptique d'Haïti ? D'une confrontation de deux mondes : "Comment une même terre pouvait-elle engendrer tant de frontières ?" ? Le tout sous le regard d'une étrangère ?
Je n'ai pas été convaincue du tout et je n'ai absolument pas été emportée par l'histoire, ce roman ne vend pas du rêve bien au contraire, il dégoûterait presque de se rendre en Haïti tant la vision qu'il en donne est pessimiste et noire.

Il y avait sans doute une autre façon de faire pour écrire un roman à Haïti, en une forme d'hommage aux rescapé(e)s du tremblement de terre de 2010, que celle développée par Kettly Mars dans "Aux frontières de la soif", un livre qui m'a laissée sur le bord de la route et m'a profondément horripilée plutôt qu'enchantée.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans

mardi 29 avril 2014

Top Ten Tuesday #46


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 séries TV que vous aimeriez voir exister en format livre

1) Desperate Housewives : à la condition que le style mordant et ironique se retrouve à l'écrit;
2) Broadchurch : toutes les conditions sont réunies pour en faire de très bons polars anglais;
3) Downtown Abbey : jamais vu mais il me semble que l'ambiance se prêterait bien à un roman;
4) Borgen : jamais vu non plus mais le thème se prête bien à une adaptation littéraire;
5) Candice Renoir : série policière française qui pourrait donner lieu à des romans dans la veine de ceux de Janet Evanovich mettant en scène Stephanie Plum;
6) Un village français : bien que cette série existe en roman il ne s'agit que des retranscriptions des scénarios, à mon sens il serait possible d'en faire quelque chose de plus fouillé et de moins "scolaire" (dans le sens moins retranscription);
7) Les enquêtes de Murdoch : l'atmosphère se prête bien à des polars historiques;
8) Mad Men : jamais vu là non plus mais le thème se prête bien à une transposition en roman;
9) Once upon a time : il y a sans doute quelque chose d'intéressant à faire en réécrivant les mythes de Disney mais sans doute faudrait-il se détacher quelque peu du scénario pour arriver à un très bon résultat;
10) Lost, les disparus : parce qu'une explication sous forme de roman ne serait pas malvenue pour cette série qu'il est nécessaire de suivre en une seule fois.

dimanche 27 avril 2014

Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq


Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. Il se trouve que l’homme est noir. « C’est quoi, un Noir ? Et d’abord, c’est de quelle couleur ? » La question que pose Jean Genet dans Les Nègres, cette femme va y être confrontée comme par surprise. Et c’est quoi, l’Afrique ? Elle essaie de se renseigner. Elle lit, elle pose des questions. C’est la Solange du précédent roman de Marie Darrieussecq, Clèves, elle a fait du chemin depuis son village natal, dans sa « tribu » à elle, où tout le monde était blanc. 
L’homme qu’elle aime est habité par une grande idée : il veut tourner un film adapté d’Au cœur des ténèbres de Conrad, sur place, au Congo. Solange va le suivre dans cette aventure, jusqu’au bout du monde : à la frontière du Cameroun et de la Guinée Équatoriale, au bord du fleuve Ntem, dans une sorte de « je ntem moi non plus ». (P.O.L)

Comme le dit la chanson : "C'est une longue histoire/Un homme/Une femme/Ont forgé la trame du hasard.", sauf qu'ici le hasard a eu lieu dans une soirée aux Etats-Unis au cours de laquelle Solange, une française partie travailler à Los Angeles comme actrice, rencontre Kouhouesso, lui aussi acteur mais désireux d'adapter en film "Au cœur des ténèbres" de Conrad.
Solange est bouleversée, elle tombe amoureuse de cet homme : "Est-ce que je suis amoureuse de lui ? Est-ce que c'était ça l'amour, cette façon d'attendre et maintenant, de regarder bouger les belles lèvres sur les belles dents sans écouter ?", un sentiment qu'elle n'a plus éprouvé depuis longtemps; mais il est Noir et Solange s'interroge, sur l'Afrique, sur ce que c'est que d'être Noir : "Un vague tournis la prenait, comme devant ces nuanciers de papier peint qui ressemblent à de gros annuaires de couleurs, à se demander si noir c'est noir, et elle n'en savait rien.".
Jusqu'alors, Solange a vécu sûre d'elle et de ses pensées, mais cette relation la bouleverse, change le centre de gravité de son monde et change sa vision sur les rapports entre les Noirs et les Blancs : "Elle était née où elle était née, dans la peau qui était la sienne, entourée des mots qui l'entouraient. Elle découvrait ça, que sur les Noirs, ce n'est pas exactement que les Blancs n'ont rien à dire (ils n'arrêtent pas, ils n'arrêtaient pas depuis qu'elle était petite); non, c'est que sur les Noirs, les Blancs n'ont rien à dire aux Noirs. Même répéter, ils ne peuvent pas.".

Le nom de Marie Darrieussecq ne m'était pas inconnu mais son style oui, cette lacune est désormais comblée.
J'ai beaucoup aimé ce texte qui se caractérise par une construction originale sous la forme d'un film, avec son générique, ses parties, sa fin et les bonus.
Cette mise en abîme dans la construction est intéressante d'autant plus qu'elle se retrouve également dans le récit mettant en scène un réalisateur aux prises avec les affres du montage financier de son projet et ensuite du tournage en Afrique.
Il est également difficile de rester insensible à Solange, une femme amoureuse qui se livre corps et âme à sa passion, quitte à se couper parfois du monde.
Pour l'homme qu'elle aime, elle est prête à tout : à le suivre au bout du monde, à peu voir sa famille restée en France; tandis que lui semble moins épris qu'elle, lui opposant son silence pendant plusieurs jours, moins prompt à rechercher son contact; pourtant tous les deux vont s'unir pour faire tomber les clichés et les barrières, l'espace de quelques mois tout du moins, le temps éphémère d'une passion et d'un film.
C'est avec curiosité et bonheur que j'ai suivi le déroulement de cette histoire d'amour, une trame qui aurait pu à elle seule faire l'objet d'un film, Solange étant une femme de passion qui l'assume et la vit jusqu'au bout, une héroïne forte et attachante.
Il ne faut pas se fier à la plume simpliste au premier abord de Marie Darrieussecq, elle est au contraire calibrée très justement et tape toujours dans le mille, avec un style beau, enlevé et addictif, un véritable plaisir à lire.
Quant au titre emprunté à une phrase de Marguerite Duras, il est le parfait reflet du cœur de ce roman et cette phrase est, à travers ce récit mais également dans la vie de tous les jours, ô combien vraie pour toute femme.

"Il faut beaucoup aimer les hommes" de Marie Darrieussecq est un livre qui m'a touchée, émue et séduite par son style narratif et sa construction.
Quant à savoir si je lirai d'autres romans de l'auteur, il semblerait que ce livre soit à part dans son œuvre, je vais donc choisir de rester sur cette belle impression et ne pas chercher à en découvrir plus par peur de tout gâcher et d'être déçue.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans

Kiki de Montparnasse de Catel Muller et José-Louis Bocquet


Kiki de Montparnasse, née Alice Prin au tout début du XXe siècle, fut l’une des figures les plus marquantes de la vie artistique parisienne de l’entre-deux guerres, lors des Années Folles. Égérie et amie de très nombreux artistes – Modigliani, Duchamp, Desnos, Picasso, Cocteau, Aragon, bon nombre des surréalistes –, Kiki fut la muse et l’inspiratrice de créateurs devenus depuis des signatures majeures de l’art moderne, comme Foujita et Man Ray. C’est cette existence hors norme, retracée à travers la plupart des épisodes-clés d’un parcours de vie trépidant, que racontent avec passion Catel et José-Louis Bocquet, dans un album ambitieux qui est autant l’évocation d’une époque que le magnifique portrait d’une femme libre. Plus de trois cent planches de création exigeante et généreuse, en hommage à l’art sous toutes ses formes. (Casterman)

Après la vie d'Olympe de Gouges par Catel Muller et José-Louis Bocquet, je découvre la vie d'Alice Prin plus connue sous le nom de Kiki de Montparnasse par les mêmes auteurs.
De Kiki, je ne connaissais pas grand chose, à part les clichés de Man Ray dont le célèbre "Violon d'Ingres", et je n'avais qu'une vague idée de qui avait dû être cette personne, hormis qu'elle avait été une figure importante de la vie parisienne des années 20/30.
Avec ce roman graphique assez conséquent, j'en sais désormais beaucoup plus sur cette femme et sa vie trépidante dans le Montparnasse des années folles et bohème.
Les auteurs retracent le parcours d'une femme aujourd'hui peu connue qui a pourtant côtoyé les plus grands et a été une de leurs sources d'inspiration : Man Ray, Kisling, Foujita, Cocteau, Utrillo, pour n'en citer que quelques uns.
Libre sentimentalement et sexuellement, Kiki a vécu une vie d'excès, se perdant de nombreuses fois dans l'alcool et la drogue pour finir dans la misère et le dénuement le plus complet, tout en étant avant l'heure une femme émancipée.
Pour comprendre le personnage de Kiki, il faut s'intéresser à la jeune Alice Prin et à son parcours : une mère peu aimante qui l'abandonne à sa grand-mère qui elle déborde d'amour pour elle et la met en garde sur la vie et les hommes : "Faut qu'tu saches ma princesse ... les princes charmants, ça existe que dans les contes. Dans la vraie vie, y'a que des crapauds.", puis une mère qui la fait venir à Paris et finit bien vite par la chasser, outrée que sa fille pose nue comme modèle.
Kiki s'est perdue, mais elle a aussi fait de belles rencontres qui lui ont permis de poser pour des peintres qui allaient devenir célèbres et marquer leur époque, elle a fini par accepter sa situation et ne plus la vivre comme quelque chose de dégradant : "Pour les gens, être modèle c'est encore plus bas que d'être putain ! Ils disent qu'au moins les putains, elles montrent pas leur cul à tout le monde !", elle a appris à faire avec et a trouvé sa voie pour connaître la consécration en étant sacrée Reine de Montparnasse : "Ce que je veux, moi, belle Kiki, c'est faire de toi une véritable étoile, la reine de Montparnasse ! C'est avec moi que tu deviendras un mythe !".
Difficile de parler de Kiki sans parler de ses amours et des hommes qui ont partagé sa vie, notamment Man Ray ou André Laroque avec sa forte ressemblance avec Jean Gabin.
Parce que Kiki et son attitude se définissent également par rapport aux rencontres de sa vie, aux hommes qui ont partagé son lit et son cœur, à ses amis d'un jour ou de toujours.
Au final, Kiki reste une femme plutôt malheureuse qui a vécu une vie trépidante à toute vitesse, dans les excès de l'alcool, de la cocaïne (le "çakébon"), qui a connu de grands amours et des amitiés sincères mais à qui il a sans doute toujours manqué quelque chose, c'est sous un jour humain que les auteurs ont choisi de la présenter et c'est un personnage pour qui j'ai éprouvé beaucoup de sentiments dominés par la tristesse car j'ai eu la sensation tout au long de ma lecture que c'était une femme qui a donné l'apparence et l'illusion de la joie alors qu'intérieurement ce n'était sans doute pas toujours le cas.
Kiki est une héroïne attachante dont l'histoire est construite ici par les dates les plus marquantes de sa vie.
Mais c'est aussi l'occasion de découvrir le Paris des années 20 à 50, une période riche culturellement avec l'apparition de nouveaux courants artistiques comme le surréalisme ou le dadaïsme, cela a été un vrai plaisir de se replonger dans cette atmosphère d'autant plus que ce roman est extrêmement bien documenté, il y a une bibliographie importante ainsi qu'une chronologie et une notice des personnages marquants en fin d'ouvrage qui viennent compléter cette excellente et enrichissante lecture.
Quant à la répartition des rôles, aux dessins c'est Catel Muller dont j'apprécie énormément le coup de crayon et le noir et blanc utilisés pour ses dessins; au scénario c'est José-Louis Bocquet dont j'apprécie la mise en forme de l'histoire et le déroulement du scénario.

Le duo formé par Catel Muller et José-Louis Bocquet fonctionne toujours aussi bien et livre avec "Kiki de Montparnasse" un pavé biographique extrêmement intéressant à lire et à découvrir sur cette figure emblématique de Montparnasse et au-delà sur un personnage féminin au caractère bien trempé aujourd'hui malheureusement trop méconnu.
A quand la prochaine collaboration de ces deux auteurs et sur quel personnage historique que je pressens féminin ?


"Le violon d'Ingres", photographie de Man Ray avec pour modèle Kiki de Montparnasse


"Noire et blanche", photographie de Man Ray avec pour modèle Kiki de Montparnasse 

samedi 26 avril 2014

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? de Philippe de Chauveron



Claude et Marie Verneuil, issus de la grande bourgeoisie catholique provinciale sont des parents plutôt "vieille France". Mais ils se sont toujours obligés à faire preuve d'ouverture d'esprit...Les pilules furent cependant bien difficiles à avaler quand leur première fille épousa un musulman, leur seconde un juif et leur troisième un chinois. Leurs espoirs de voir enfin l'une d'elles se marier à l'église se cristallisent donc sur la cadette, qui, alléluia, vient de rencontrer un bon catholique. (AlloCiné)


Claude et Marie Verneuil sont les heureux parents de quatre filles : jeunes, belles, talentueuses.
Ils rêvaient pour elles de mariages dans la grande bourgeoisie catholique à laquelle ils appartiennent mais voilà, c'est un peu Fukushima dans la famille car l'aînée a épousé un musulman, la seconde un juif, la troisième un chinois et voilà que la petite dernière s'est amourachée d'un catholique, comblant enfin de joie les parents, jusqu'au moment où ils rencontrent leur futur gendre (voir image ci-dessous).


Si le pitch est assez prévisible tout comme le "happy end", il n'en reste pas moins que ce film est très drôle et que cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant ri au cinéma.
Le principe de base du scénario prête déjà à sourire et laisse une place importante aux gags, c'est très bien exploité et il n'y a aucun temps mort.
Les répliques humoristiques s'enchaînent les unes derrière les autres, un fou rire succède à un autre et il y a même quelques bons jeux de mots, c'est un véritable plaisir qui permet de détendre les zygomatiques et de reposer les neurones.
Certes, certains pourront dire que le message de tolérance et d'acceptation de l'autre sous-jacent n'est pas très subtile, mais après tout qu'importe puisque c'est fait de façon intelligente, jouant avec les clichés sans tomber dans l'excès et l'exagération.
J'ai passé un très bon moment de détente et c'est bien ce que je recherchais avec ce film.
A noter au passage que la bande annonce ne dévoile pas les seuls moments drôles du film, loin de là.
Il y a beaucoup de scènes qui resteront mémorables, comme celle dans l'église à la Messe de Minuit ou encore les dialogues entre Claude Verneuil et André Koffi, ces deux personnages apportant un réel plus au film tant ils sont proches l'un de l'autre et qu'ils vont finir par se découvrir l'un et l'autre.
Si les scènes entre les gendres sont drôles, celles entre les beaux-parents le sont encore plus et je me demande presque si ce ne sont pas celles-là que j'ai préférées.
Côté casting, le couple formé par Chantal Lauby et Christian Clavier fonctionne très bien, si je n'ai jamais douté du potentiel comique de la première le deuxième m'avait déçue depuis de nombreuses années, il retrouve ici un rôle qui lui convient bien et pour lequel il ne surjoue pas; quant aux filles et à leurs maris, les acteurs sont particulièrement bien choisis, petite mention à la talentueuse Frédérique Bel qui démontre une fois de plus qu'elle est une actrice à part entière, avec un fort potentiel comique et non uniquement la blonde de la regrettée Minute Blonde.


Au risque de me répéter, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant ri au cinéma, je ne peux donc que vous encourager à aller voir "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" afin de vous détendre et de passer un bon moment.
Vous ressortirez de là avec le sourire et avec le souvenir de quelques scènes et dialogues bien savoureux, alors que demander de plus au Bon Dieu ?

Le chant de Salomon de Toni Morrison


Héritier de la tradition orale et des légendes africaines, Le chant de Salomon est un retour aux sources de l'odyssée du peuple noir. Entre rêve et réalité, cette fresque retrace la quête mythique de Macon Mort, un adolescent désabusé parti dans le Sud profond chercher d'hypothétiques lingots d'or. Mais le véritable trésor qu'il découvrira sera le secret de ses origines. (10/18)

Si j'avais aimé "Home", ma première lecture de cette auteur, je trouve que ce roman rend encore plus justice et honneur au formidable style de Toni Morrsion.
Elle narre ici la quête de Macon Mort, un jeune homme noir américain quelque peu indolent dans son style de vie, qui sous couvert de chercher des lingots d'or trouvera dans le Sud la vérité sur ses origines.
Macon Mort n'est pas un personnage forcément attachant et sympathique, s'il arrive à l'être par moment il ne s'attire jamais vraiment l'empathie du lecteur, en tout cas il n'a pas eu la mienne mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas suivi avec beaucoup de curiosité et d'intérêt son histoire, portée que j'étais par le style narratif et les sublimes images données par les mots de Toni Morrison.
Il se laisse quelque peu porté par la vie, il n'écoute pas les autres personnes de son entourage, qu'il s'agisse de sa famille ou de ses amis : "Tu n'écoutes pas ce que disent les gens. Tu as des oreilles sur la tête mais elles ne sont pas reliées à ton cerveau.", il fait du mal autour de lui, il est égoïste et quand même on le lui dit ce n'est pas pour autant qu'il change sa ligne de vie : "Tu es un type pitoyable, triste, imbécile, égoïste, détestable. J'espère que ton petit boyau de cochon t'est d'un grand secours et que tu en prends bien soin, parce que tu n'as rien d'autre.".
La construction de l'histoire par Toni Morrison peut apparaître quelque peu décousue, elle reste au final complètement cohérente et même si cela m'a quelque peu déstabilisée la première fois par la suite je n'y ai même plus prêté attention.
Ce roman est à rapprocher du Cantique des Cantiques également appelé Cantique de Salomon.
Tout comme ce texte biblique, il s'attache à raconter une histoire d'amour : entre un homme et un femme, ici entre Agar et Macon, une histoire malheureuse qui finira dans le drame; mais également par une mise en abîme de Toni Morrison au peuple noir, à qui elle rend hommage à travers son récit.
Il y a de la souffrance, elle se ressent dans les mots et le style lyrique de l'auteur comme l'illustre si joliment cette phrase donnant vie à la douleur et à la folie d'Agar : "Une violence calculée de requin monta en elle, et comme toute sorcière qui enfourche son balai et traverse la nuit pour se rendre à une cérémonie d'infanticide, frémissant autant à cause du vers noir qu'à cause du manche à balai entre ses jambes; comme toute jeune mariée qui n'en peut plus et qui s'inquiète de la consistance de la bouillie de maïs qu'elle lance à son mari ainsi que de la force de la lessive qu'elle y a mêlée; et comme chaque reine et chaque courtisane qui est frappée par la beauté de sa bague d'émeraude à l'instant où elle en verse le poison dans le vin rouge, Agar était stimulée par les détails de sa mission."; mais il y a aussi de l'espoir.
Le caractère lyrique de ce récit renforce également son rapprochement avec le Cantique des Cantiques, suite de poèmes et de chants d'amour : le style s'apparente en effet à un très long chant, plaintif et lumineux, à l'image du Gospel.
Il a également un mélange bienvenu des genres entre le réel et le fantastique : certaines scènes voire certains personnages tiennent plus du mystique et du surnaturel que du réel, cela n'est pas sans rappeler le ton donné aux légendes et à leur transmission orale.
Au final, la somme de tout cela se résume en un énorme cri d'amour qui résonne encore longtemps après avoir refermé le livre.

Toni Morrison signe avec "Le chant de Salomon" une grande fresque historique sur le peuple noir qui pourrait rebuter le lecteur vu la grosseur du texte et qui au final le prend, l'emmène, le captive et ne le lâche qu'à la fin, encore sonné par le texte qui vient de vivre sous ses yeux.
Une grande oeuvre à découvrir.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines


Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2014 - Prénom : Salomon


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger


mardi 22 avril 2014

Top Ten Tuesday #45


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 personnages qui ... (à vous de choisir : m'énervent, seraient mes meilleurs amis, m'ont brisé le cœur, m'ont fait voir la vie différemment etc.)

Les 10 personnages littéraires pour lesquels je pourrai tomber amoureuse (littérairement parlant)

1) Yann Kermeur alias L'épervier - "L'épervier" de Patrice Pellerin
2) Nicolas Le Floch - Série "Les enquêtes de Nicolas Le Floch" de Jean-François Parot
3) Angelo Pardi - "Le hussard sur le toit" de Jean Giono
4) Mark Darcy - "Orgueil et préjugés" de Jane Austen ou "Le journal de Bridget Jones" de Helen Fielding
5) Edward Rochester - "Jane Eyre" de Charlotte Brontë
6) Heathcliff - "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë
7) Sir Richard Grenvile - "Le général du roi" de Daphné du Maurier
8) Rhett Butler - "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell
9) George Emerson - "Avec vue sur l'Arno" d'E. M Forster
10) Jacques Thibault - "Les Thibault" de Roger Martin du Gard

jeudi 17 avril 2014

Lune et l'ombre Tome 1 Fuir Malco de Charlotte Bousquet


Lune a treize ans. 
Lune voit le monde en noir et blanc. 
Lune souffre d’une maladie dont nul ne connaît l’origine... 
Jusqu’au jour où, chez le médecin, l’affiche d’une exposition attire son attention. Pour la première fois depuis longtemps, Lune perçoit de nouveau les couleurs ! Convaincue que le remède à son mal se trouve au musée, la jeune fille décide d’y aller. Mais une ombre malveillante la suit, prête à tout pour l’arrêter. Commence alors pour Lune un voyage étrange. De tableau en tableau, l’adolescente découvrira ses pouvoirs et le secret de son passé... (Gulf Stream)

Lune a treize ans, elle vivait heureuse avec sa mère jusqu'à ce que celle-ci lui présente le nouvel homme de sa vie : Malco : "Il y avait maman et moi, le dessin, les livres. On vivait dans notre bulle, hors du monde. Cela me suffisait.", et depuis plus rien ne va puisque Lune ressent Malco comme le diable, d'ailleurs à son contact elle a perdu les couleurs et ne voit plus qu'en gris : "Du gris avec des nuances : gris-blanc, gris clair, gris souris, gris-noir. Du gris quand même, fade et froid.", elle commence désormais à perdre l'odorat et le goût.
Lune n'aime pas Malco, elle voit en lui le Mal d'autant plus qu'il est perpétuellement entouré d'ombres qu'elle est apparemment la seule à percevoir : "Je n'aime pas Malco. Il me fait peur. Il est osseux, velu, avec de grandes mains, des doigts larges aux bouts carrés, des sourcils broussailleux, une peau blafarde, des iris charbonneux et une voix râpeuse, toujours menaçante, même quand il s'efforce de paraître gentil.".
Tout bascule le jour où face à une affiche représentant le tableau "La Llamada" elle revoit des couleurs, Lune se lance alors dans une quête qui la conduira au musée Marmottan Monet, au cœur d'une exposition de peinture dans laquelle elle va se découvrir des talents insoupçonnés.

Ce roman n'est ici que le premier tome d'une trilogie mais il a le mérite de poser les bases de ce que sera l'histoire, et de façon plutôt convaincante.
Le rythme du récit est soutenu, il n'y a pas un instant de répit pour la jeune Lune dont les jours sont comptés, et c'est avec plaisir que le lecteur la suit dans ses aventures qui la mèneront à Paris puis de tableau en tableau grâce à son étrange don.
L'histoire met en avant la lutte éternelle entre le bien et le mal, le premier prenant les traits de Lune et le second ceux de Malco.
Si Lune apparaît complètement désemparée pendant une bonne partie du récit, Malco reste puissant et menaçant : "Il lui suffit d'une pensée pour voir par leurs yeux et se projeter en elles pour nous suivre.", la fin donnant assez bien l'idée du ton qui sera donné aux deux volets suivants.
La plume de Charlotte Bousquet est agréable à lire, elle a su donner du rythme à son récit et du corps à ses personnages, elle propose également au lecteur une visite divertissante d’œuvres d'art et d'artistes méconnus, la petite note en fin d'ouvrage étant des plus intéressantes pour approfondir cette lecture.
Mais pour être tout à fait honnête, à 13/14 ans j'aurais adoré cette lecture sans en voir les petits défauts, étant un peu plus âgée ils sont passés moins inaperçus.
Ainsi, je trouve quelque peu étrange que Lune soit accompagnée dans sa quête par un compagnon issu d'un tableau qui non seulement ne s'offusque pas de son histoire mais comprend son langage et utilise le même qu'elle.
Certes, il s'agit de petits anachronismes mais j'ai trouvé qu'ils auraient pu apporter un peu de piment à l'histoire plutôt que de passer outre et de faire comme s'ils n'existaient pas, ou si peu.

Gulf Stream est une maison d'édition axée jeunesse/adolescence que j'aime beaucoup et cette nouvelle trilogie publiée est dans la droite ligne de leur catalogue : un ouvrage prenant, bien écrit, avec des personnages attachants, en somme tous les ingrédients sont réunis pour passer un bon moment et donner le goût de la lecture à de plus jeunes lecteurs voire même à de moins jeunes car je suis bien curieuse de connaître la fin de cette histoire.

Je remercie Babelio et les éditions Gulf Stream pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

La grâce des brigands de Véronique Ovaldé


Quand Maria Cristina Väätonen reçoit un appel téléphonique de sa mère, dont elle est sans nouvelles depuis des années, l'ordre qu'elle avait cru installer dans sa vie s'en trouve bouleversé. Celle-ci lui demande instamment de venir chercher pour l'adopter Peeleete, le fils de sa soeur. Nous sommes en juin 1989, Maria Cristina vit avec son amie Joanne à Santa Monica (Los Angeles). Cela fait vingt ans qu’elle a quitté Lapérouse, et son univers archaïque pour la lumière de la ville et l'esprit libertaire de la Californie des années 70. Elle n'est plus la jeune fille contrainte de résister au silence taciturne d'un père, à la folie d'une mère et à la jalousie d'une sœur. Elle n'est plus non plus l'amante de Rafael Claramunt, un écrivain/mentor qu'elle voit de temps à autre et qui est toujours escorté par un homme au nom d'emprunt, Judy Garland. Encouragée par le succès de son premier roman, elle est déterminée à placer l'écriture au cœur de son existence, être une écrivaine et une femme libre. Quitte à composer avec la grâce des brigands. (Les Editions de l'Olivier)

Dommage qu'il faille attendre la dernière phrase de ce roman pour comprendre pleinement son titre, et par la même occasion dommage pour le choix de cette couverture sans rapport aucun avec le contenu de ce roman.
Il y a  également quelque chose de déroutant dans cet itinéraire atypique de Maria Cristina Väätonen née dans une petite ville du Grand Nord : Lapérouse, et venue à l'âge de 16 ans habiter et étudier à Santa Monica, dans la Cité des Anges.
Maria Cristina est en quelque sorte un ange, en tout cas c'est ainsi que Véronique Ovaldé la représente, une jeune fille pure qui va découvrir les vices de la grande ville moderne et tenter d'y résister : "Il y avait en revanche dans Los Angeles et sa désinvolture, son format si fondamentalement horizontal, son climat étrange, séduisant et donc suspect, un climat qui paraissait avoir été en tout point siliconé, il y avait dans ce Pacifique grisouille, ce soleil brouillé, ces plages colonisées, ces palmiers aussi indifférents, supérieurs et exotiques que des putes de luxe, ces banlieues qui s'étendaient sans fin et sans clôture, ces voitures bicolores décapotables qui tanguaient mollement sur les boulevards, quelque chose d'une langueur décadente.".
Maria Cristina va vouloir sa part de rêve américain en devenant une écrivain de renom et ce, dès son premier roman, en suivant les conseils de Joanne, son amie hippie : "Enfile les mules à paillettes sans te préoccuper de qui les a fabriquées et de l'état du talon. Porte-les tant que tu peux les porter.", sous la houlette de Rafael Claramunt, ex-écrivain célèbre, premier amant de la demoiselle et son mentor dans le domaine de l'édition.
Maria Cristina est un être étrange, elle aime sa solitude et s'est bâtie ainsi sa vie : "Maria Cristina n'écrirait jamais cela, il lui manquerait toujours cette possibilité du pluriel, elle ne pourrait jamais être autre chose qu'un être dignement solitaire.", mais elle n'hésite pas non plus à retourner à Lapérouse chercher Peeleete, le fils de sa sœur, pour l'emmener avec elle.
Maria Cristina a su peupler sa vie et son vide par la modernité et les apparences : "L'existence de Maria Cristina Väätonen est une existence moderne, une existence qui aime le simulacre de l'occupation maximale et de la saturation ordinaire.", mais l'arrivée de Peeleete dans sa vie va être l'élément catalyseur qui va enfin lui donner une toute autre envergure et lui permettre de se détacher de l'influence somme toute néfaste de Claramunt pour découvrir la paix auprès de Judy Garland, homme-taxi au nom d'emprunt de Claramunt et d'autres personnalités connues.
Je parlais d'un côté déroutant, il est tout simple : malgré ce parcours semé d'embûches je n'ai fait que le regarder de haut, le suivre en spectateur tout au long de ma lecture, une expérience quelque peu étrange car à aucun moment je n'ai ressenti de réelle empathie pour le personnage de Maria Cristina.
A noter que je ne l'ai pas non plus particulièrement détesté, il m'a juste laissée neutre, sans opinion dans un sens ou dans l'autre.
Je n'ai pas bien compris l'intérêt de placer cette histoire à Los Angeles, ni l'importance réelle que pouvait avoir cette époque tant cette histoire est transposable un peu partout et un peu n’importe quand.
Je n'ai pas non plus été subjuguée par le style de l'auteur, somme toute assez terne, à l'image de ce livre et des personnages.
Quant à la fin, je ne l'ai pas franchement appréciée tant son côté est expéditif et trop simpliste vis-à-vis du personnage de Maria Cristina.

"La grâce des brigands" est un roman que je n'ai ni aimé ni détesté, je l'ai juste contemplé en tant que lectrice et ai quelque peu regretté que les thèmes abordés ne soient pas plus creusés et que l'héroïne ne soit pas plus charismatique.
Une première rencontre avec cette auteur en demi-teinte.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


mardi 15 avril 2014

Top Ten Tuesday #44


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres que vous avez achetés dès leur sortie mais que vous n'avez pas encore lus

1) "Le sillage de l'oubli" de Bruce Machart
2) "Olivia Joules and the overactive imagination" de Helen Fielding
3) "The Host" de Stephenie Meyer
4) "Le chant des sorcières" Tomes 2 et 3 de Mireille Calmel
5) "La reine de lumière" Tomes 1 et 2 de Mireille Calmel
6) "Les demoiselles de Provence" de Patrick de Carolis
7) "Le rapport de Brodeck" de Philippe Claudel
8) "Le cortège de la mort" d'Elizabeth George
9) "La forêt des mânes" de Jean-Christophe Grangé
10) "Les bienveillantes" de Jonathan Littell

dimanche 13 avril 2014

Nebraska d'Alexander Payne



Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain, à pied puisqu'il ne peut plus conduire. Un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville perdue du Nebraska qui s'avère être le lieu où le père a grandi. C'est ici que tout dérape. Rassurez-vous, c’est une comédie ! (AlloCiné)


A l'image du personnage levant les bras au ciel, je m’exclame : "Mais pourquoi, pourquoi donc suis-je allée voir ce film ?".
Je me souviens maintenant : j'avais souri à une réplique de la bande annonce, et Bruce Dern a eu la Prix d'interprétation à Cannes, d'ailleurs je me suis demandée si Bruce Dern avait un lien de parenté ou non avec l'actrice Laura Dern (souvenez-vous, la scientifique blonde qui essayait d'échapper au T-Rex et aux vélociraptors - les dinosaures intelligents qui ont compris comment fonctionne une poignée de porte pour ceux ayant fermé les yeux à quelques passages du film - dans Jurassic Park) (et oui j'avais raison, c'est sa fille); bref tout cela n'aurait pas dû faire une bonne raison d'aller voir ce film.
Les paysages du Nebraska étaient très beaux.
Avec cette seule phrase cela veut tout dire de mon ressenti du film : il n'y a sans doute rien de pire que de dire d'un film qu'il avait de beaux paysages.
A part les paysages du Nebraska (des champs à perte de vue, c'est la campagne, les moissons venaient d'être faites), la musique était sympa.
Sinon pour le reste, je me suis plutôt ennuyée, j'ai souri à quelques moments pour de trop rares répliques savoureuses, j'ai légèrement piqué du nez également avec en toile sonore un pseudo dialogue qui m'a donné l'impression de ne pas manquer grand chose à l'image, l'histoire ne m'a pas emballé plus que ça, bref c'était gentil mais ça ne restera pas dans mes annales du cinéma.
Je n'ai rien à redire sur le jeu des acteurs, Bruce Dern y est assez bon, je n'irai toutefois pas jusqu'à crier au génie, quant aux autres acteurs ils étaient inconnu(e)s au bataillon mais bons aussi dans leur prestation, mais le scénario était trop simpliste.
Le postulat de départ est trop basique, tout est dit dans le pitch et il ne se passe plus grand chose par la suite, ce qui est quelque peu regrettable.
J'attendais aussi un peu plus d'humour, des répliques plus cinglantes, finalement c'est trop gentil dans la relation père-fils et ça manque un tantinet de caractère de chien pour être franchement drôle.
Si le réalisateur a cherché à montrer l'immobilisme d'une petite ville du Nebraska et son côté vieillot c'est réussi avec le noir et blanc et une histoire où il ne se passe rien.
Voilà, le scénario est à l'image des paysages : de grands champs à perte de vue avec de temps à autre une meule de foin.
Pas de quoi en faire un foin film.


Pour la route de l'ennui d'une Amérique qui s'enracine, suivez le chemin du Nebraska tracé par Alexander Payne dans son nouveau film, sinon passez sans hésitation votre chemin.
Un film plat, morne, sans relief, en un mot et un seul : une déception.




Her de Spike Jonze



Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux… (AlloCiné)


Furieuse envie de légèrement parodier la nouvelle chanson d'Emmanuelle Seigner avec ce film : "Virtual lover / Where have you been ? / I need you right here / In front of me".
Theodore Twombly est un homme en procédure de divorce, sensible mais seul, terriblement seul, jusqu'au jour où il acquiert un nouvel OS - Operating System, et qu'il choisit de lui attribuer une voix féminine, qui s'auto-nomme Samantha et qui va très vite lui devenir indispensable.
Samantha est intelligente, programmée pour répondre aux attentes de Theodore, elle est intuitive, drôle, sexy et en perpétuelle évolution.
Les besoins et les envies de Samantha évoluent, tout comme ceux de Theodore, et ce qui devait arriver arrivât : ils tombent amoureux l'un de l'autre.
Original de tomber amoureux d'un OS, non ?
Pourtant, au visionnage de ce film, c'est à se demander dans quelle limite le réalisateur n'a pas été inspiré par l'actualité et a placé son histoire dans un futur proche qui pourrait méchamment ressembler à ce qui nous attend.
L'histoire se déroule dans un Los Angeles légèrement futuriste, peuplé d'immenses tours dans lesquelles soit on se loge soit on travaille, il n'y a plus de voitures mais des espaces verts et de grands sentiers de promenade inspirés de la Coulée Verte à Paris ou de la Highline à New York.
Il n'y a pas que l'absence de véhicules qui frappe dans ce film, mais également la présence d'enfants plutôt rare et l'absence totale d'animaux.
Tout est devenu virtuel ou presque, même les relations humaines et le téléphone rose a repris du service dans une scène à hurler de rire.
Chacun prend les transports avec l'oreillette rivée à l'oreille, consultant ainsi les nouvelles, la météo, ou dialoguant avec des OS, les personnes n'ont plus vraiment le temps de rien, ou en tout cas plus de temps à se consacrer à eux-mêmes puisque même les courriers sont rédigés par une société spécialisée, c'est d'ailleurs ce en quoi consiste le travail de Theodore.


Si c'est cela l'ultra moderne solitude, autant dire que l'avenir n'est pas des plus gais, c'est d'ailleurs le postulat de ce film.
L'étrange histoire d'amour qui se noue entre Samantha et Theodore est touchante, à la fois parce que c'est la rencontre de deux solitudes mais aussi parce que pendant un certain temps elle semble idéale puisqu'ils ne vivent que les bons côtés d'une relation et ne connaissent pas vraiment les mauvais.
Mais comme déjà dit, Samantha évolue, se pose des questions, tandis que Theodore se voit jeter à la figure le fait qu'il est incapable d'assumer le réel et ses congénères et qu'il se réfugie alors dans le virtuel.
Ce n'est pas totalement faux et cette première crise du couple marque également un tournant décisif dans leur relation.
Après un rapide retour de flamme, Samantha disparaît, réapparaît, est de moins en moins joignable, de plus en plus distante, rencontre d'autres OS, échange avec eux, avec une soif toujours plus grande de curiosité et d'envies jusqu'à disparaître définitivement de la vie de Theodore, comme d'autres OS le font avec des humains auxquels ils s'étaient attachés.
Et quand Samantha disparaît, il ne reste que du vide et l'absence, celle de sa voix si particulière et à laquelle le spectateur a fini par s'attacher sans être à aucun moment gêné de ne jamais voir physiquement ce personnage.


Si ce film est triste dans le fond, il est particulièrement réussi du point de vue esthétique.
Certes, l'histoire se place dans un cadre futuriste, mais pour autant l'ambiance générale qui s'en dégage à un goût rétro des années 30 follement envoûtant, à l'image de la construction des flashbacks dans l'histoire de Theodore.
L'autre aspect frappant, c'est l'absence de recours à des effets visuels, tout ou presque est filmé en lumière naturelle.
Durant tout le film, j'ai eu la sensation que cette façon de filmer et que, d'une certaine façon la trame de fond de l'histoire, pouvaient tout à fait coller avec l'ambiance de "Fahrenheit 451", les images du film de François Truffaut ne m'ont d'ailleurs jamais quittée tout au long de la séance.
Le personnage de Theodore porte en lui la mélancolie et la quête désespérée d'un Guy Montag, comme dans l'univers de Ray Bradbury ou de François Truffaut, le virtuel a aussi pris le pas sur le réel par le biais d'écrans géants qui diffusent dans l'appartement l'histoire d'une famille virtuelle.
Ici, Theodore a Samantha et son amie Amy, créatrice de jeux vidéos, mais au milieu de toute cette tristesse il y a beaucoup d'humour et certaines scènes sont franchement très drôles, ce qui contrebalance bien le fond du scénario.
Et que dire du casting qui est une réussite sur toute la ligne : Joaquin Phoenix est particulièrement inspiré et donne toute l'étendue de son talent à travers le personnage de Theodore, les femmes qui l'entourent, qu'il s'agisse d'Amy Adamas ou de Rooney Mara ou d'Olivia Wilde ont de la présence, mais la performance qui envoûte le plus est sans nul doute celle de Scarlett Johansson, prêtant sa voix à Samantha et encore plus présente et charismatique que si elle apparaissait à l'écran.
Quant à la musique signée Arcade Fire, elle est particulièrement soignée et colle parfaitement avec l'ambiance qui se dégage du film.


"Her" de Spike Jonze fait partie de ces belles surprises cinématographiques de ce début d'année 2014, non seulement ce film se regarde avec grand plaisir mais il distille un message auquel il faut prêter attention sous peine de courir le risque de se retrouver d'ici quelques années à l'image des personnages.
Le virtuel c'est bien et ça peut être utile, mais le réel c'est bien mieux et rien ne pourra le remplacer.





samedi 12 avril 2014

Les entremetteurs et autres nouvelles d'Edith Wharton


Témoin attentif d'un monde baignant dans le luxe et la futilité, Edith Wharton recrée dans ces huit nouvelles l'atmosphère savoureuse de ses grands romans. Émaillant ses histoires de souvenirs personnels, elle dépeint avec une lucidité toute féminine les ridicules et les excès de l'Amérique de la Belle Époque, celle où les cabs côtoyaient encore les voitures à moteur. Dans un style incisif et riche, elle alterne avec aisance humour, analyse psychologique et satire de la haute société. Elle nous conduit sur la Cinquième Avenue, dans les jardins de Newport et jusqu'en Europe pour nous faire partager les interrogations de personnages à la fois maladroits et touchants : jeunes filles ingénues sur le point de se marier ou d'écrire un roman ; femmes d'âge plus mûr à l'idéal broyé à force de concessions ; couples que la vie quotidienne a lentement séparés ; artistes qui, en plus d'être suffisants, ont le vice d'être à la mode. L'ironie de son regard n'est cependant jamais cruelle et, dans la complicité qu'elle établit avec le lecteur, Wharton invite celui-ci à porter un regard neuf sur ses contemporains. (La Découverte)

D'Edith Wharton, je connaissais quelques romans mais je n'avais pas encore eu l'occasion de découvrir sa plume à travers des nouvelles.
Avec ce recueil en contenant huit, c'est chose faite.
Une chose est indéniable : Edith Wharton maîtrise à merveille l'art de la nouvelle et réussit dans de courts récits à ne pas se départir de sa plume habituelle, à en garder toute l'ironie mordante et son côté incisif.
Ici, il est question de jeunes filles ingénues, sur le point ou non de se marier, de réaliser ou non leur rêve en publiant un roman d'amour à la mode, genre décrié par l'entourage : "Il n'est pas bon que la jeunesse se repaisse de cette camelote sentimentale, c'est comme le gaz d'égout; ça n'a pas d'odeur mais ça contamine l'organisme sans qu'on s'en rende compte."; mais aussi de femmes d'âge mûr engluées dans leur vie quotidienne et cherchant à empêcher les plus jeunes de commettre les mêmes erreurs qu'elle, de couples séparés par la routine quotidienne, de mères profondément attachées à leur progéniture : "Tout ce que j'avais à faire était de le regarder de profil pour ne voir de lui que ce qui m'appartenait vraiment.".
Il est bien aussi souvent question d'aveuglement, de personnages incapables de voir ce qui leur crève les yeux, à l'image des deux entremetteurs de la première nouvelle qui donne son nom au recueil. Tout à leurs manigances et bercés par l'illusion qu'ils n'ont pas de destin en commun : "Oh, mais vous et moi n'avons pas été faits pour danser le cotillon ensemble, ou faire quoi que ce soit ensemble, si ce n'est conspirer au lever du soleil pour l'avancement matériel de chacun.", ils en arrivent à passer à côté de quelque chose mais il est difficile d'en saisir véritablement la raison : la pression sociale ou bien la peur de la pauvreté ?
Les femmes sont sans nul doute les grandes héroïnes de ces nouvelles d'Edith Wharton, toujours au cœur des récits elles sont parfois bien malmenées, à l'image de cette infirmière aspirante écrivain qui finit par n'être la coqueluche des soldats blessés que grâce à sa photo en tenue d'infirmière et non de son texte : "Vous étiez fâchée à l'instant parce que je n'admirais pas votre récit; et vous êtes, à présent, plus fâchée encore parce que j'admire votre portrait. Etes-vous étonnée que la femme soit, pour nous autres romanciers, un sujet aussi inépuisable ?".
A travers cette phrase prononcée par un homme, j'ai retrouvé toute l'ironie de l'auteur et surtout son regard extrêmement juste sur la société de son époque, réussissant par la même occasion à faire dire par un autre la raison de cette ultra présence féminine dans ces nouvelles : les femmes sont un sujet inépuisable pour tout écrivain, mais elles ne sont jamais mieux transcrites que par une plume féminine.
Mais Edith Wharton s'est aussi beaucoup inspirée de son époque et du regard qu'elle portait sur ses contemporains, n'hésitant pas à critiquer la bourgeoisie et décrivant avec précision les excès de l'Amérique de la  Belle Epoque, particulièrement à travers l'utilisation de la ville de New York comme cadre de ses récits.
Au passage, elle égratigne aussi sévèrement le style littéraire en vogue à cette époque et évoque également la Première Guerre Mondiale en Europe.
La note de présentation est intéressante à plus titre car elle permet d'offrir un autre angle de lecture de ces nouvelles, indiquant notamment tous les aspects biographiques qu'Edith Wharton a distillé dans ce recueil ainsi que des allusions à la littérature.

"Les entremetteurs et autres nouvelles" est un recueil fort intéressant de la talentueuse Edith Wharton dans lequel elle excelle dans son art du maniement d'une plume ironique et incisive qui croque avec justesse toute une galerie de personnages aussi divers qu'attachants.
Une vision à vif de l'Amérique des années 20 et un témoignage littéraire qui traverse les générations.

Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines


Livre lu dans le cadre du Challenge Edith Wharton


Livre lu dans le cadre du Challenge New York 


vendredi 11 avril 2014

Io capisco italiano ma non lo parlo bene ...


Ou l'angoisse de la fille qui part dans trois semaines en Italie pour une semaine dans la bellissima Roma sans franchement parler italien, ou alors juste les basiques (bref, totalement incapable de tenir une discussion de plus de trois phrases et donc encore moins un long discours).

Dans mon malheur, l'italien je le comprends assez bien et j'arrive à la lire, je maîtrise donc les 3/4 des basiques (grosso modo).
Et entre nous, je n'ai aucun souci avec l'anglais, je devrais donc être détendue, épanouie à l'idée de partir à Rome et uniquement concentrée sur mon planning pour ces 8 jours dans la capitale italienne.
Mon énormissime souci (j'ai décidé de faire dans l'exagération, comme en Italie), c'est que j'ai cru au miracle (miracolo !), à savoir que j'allais me réveiller un beau matin et que la grammaire et la conjugaison italiennes n'auraient plus aucun secret pour moi après des mois sans en avoir fait.
Comme la vie est faite d'injustice, le miracle n'a jamais eu lieu et je me retrouve à trouver des solutions pour rattraper en moins d'un mois le retard accumulé pendant plusieurs mois.
J'ai décidé de faire des coupes franches dans l'apprentissage : exit le passé, le passé composé, le passé simple, limite le futur, je vais me contenter de parler au présent, ça limite déjà les temps de conjugaison à apprendre; ensuite pour les phrases de tous les jours, comme je sais déjà dire "bonjour", "merci", "au revoir", demander mon chemin ou le quai de mon train (je vais revenir sur ce détail un peu plus tard) ou un billet d'entrée, je vais me focaliser sur les phrases à connaître pour aller au commissariat ou à l'ambassade (je suis de nature prévoyante), les différentes appellations et cuissons de la viande, du poisson, des pasta, des desserts.
J'oublie complètement les douanes, vive l'Europe et merci l'espace Schengen, pas de souci de prise de courant ni quoi que ce soit, bref, j'ai bon espoir qu'en m'en tenant au basique j'y arrive à peu près (ah c'est beau d'être optimiste !).

Éclaircissons un dernier point dans mon pseudo apprentissage de l'italien (apprendre une langue par soi-même n'est pas toujours une riche idée), je me souviendrai à vie de 2 choses en italien :
1) le verbe "sentire" est un faux ami et ne veut pas forcément dire "sentir" mais aussi "s'entendre" (un jour je vous raconterai comment j'ai appris ça);
2) le quai dans une gare se dit vraisemblablement "binario". Je suis devenue fortiche à ça depuis 2 ans lorsque je me suis trouvée à prendre le Circumvesuviana (l'équivalent du RER parisien sauf qu'il roule dans les superbes paysages du sud de l'Italie pour relier Naples à Sorrente par exemple) à Oplontis pour me rendre à Pompéi et que je me suis plantée de quai tout ça parce que je n'avais pas vu où étaient affichés les quais en fonction des destinations (franchement, sur un morceau de papier A4 collé au mur on fait mieux, déjà que j'avais acheté mon billet au guichet, enfin au kiosque à journaux qui tenait lieu de guichet) et que la dame à qui je l'avais demandé m'avait bien indiqué Pompéi mais la ville (Pompéi Città) et non les fouilles (Pompéi Scavi). Bref j'avais dû le redemander à un charmant jeune homme qui a bien souri quand il m'a indiqué que mon train était celui qui venait d'entrer en gare ... et évidemment pas au quai sur lequel j'attendais. Bref, tout ça pour dire que depuis j'ai bien retenu la leçon : je scrute les murs dans toutes les gares à la recherche de l'affichage des quais, et je maîtrise comme une chef la phrase pour demander mon quai au cas où.

Pour finir, je vais vous présenter quelques uns de mes nouveaux meilleurs amis pour les semaines à venir :







Sinon la prochaine fois je vous parlerai de mon futur apprentissage des basiques en allemand, langue qui m'est totalement inconnue, de grands moments en perspective !

mardi 8 avril 2014

Top Ten Tuesday #43


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres les plus uniques, incomparables

1) "Jane Eyre" de Charlotte Brontë;
2) "Les hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë
3) "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell
4) "A défaut d'Amérique" de Carole Zalberg
5) La trilogie "Auschwitz et après" de Charlotte Delbo
6) "Une si longue lettre" de Mariama Bâ
7) "Le journal d'Anne Frank" d'Anne Frank
8) "Journal" de Hélène Berr
9) "La ferme africaine" de Karen Blixen
10) "Seul dans Berlin" de Hans Fallada

dimanche 6 avril 2014

Rien que du bonheur de Laurie Colwin


Dans une prose minimaliste, Laurie Colwin décrit le quotidien des New-Yorkais branchés et ce qu'il advient d'eux lorsqu'un grain de sable vient faire légèrement grincer la mécanique. Entre un mari esseulé découvrant en l'absence de sa femme la magie de la télévision, des gâteaux surgelés et des petites secrétaires, ou un petit ami anxieux donnant à tous les objets le nom de celui qu'il prend pour l'amant de celle qu'il aime, Laurie Colwin jette un regard ironique et subtil sur les relations humaines. (Le Livre de Poche)

C'est à travers ces huit nouvelles que j'ai découvert le style et la plume de Laurie Colwin, dans un livre acheté un peu par hasard sur trois critères : écrit par une romancière américaine, un titre qui sent l'ironie à plein nez, et dont la couverture m'a plu.
Une fois ma lecture achevée, j'ai la sensation de ne pas avoir commencé ma découverte de cette auteur par le bon livre.
Ces nouvelles sont loin d'être inintéressantes, mais il y manque quelque chose, comme un fil conducteur entre elles que j'aurais sans doute trouvé dans un roman.
Elles ne sont pas sans point commun les unes avec les autres mais elles sont inégales et si j'ai beaucoup aimé certaines d'autres m'ont laissée sur ma faim.
Dans toutes ces nouvelles, les hommes sont les victimes malheureuses des femmes, ils sont sous leur emprise et dominés par celles-ci, qu'il s'agisse d'un mari profitant de l'absence de sa femme pour découvrir la télévision ou les gâteaux surgelés ou encore d'un jeune homme persuadé que sa fiancée le trompe.
Quant aux femmes, elles ont soit un caractère fort et exigeant : "Toi, ça ne te suffit pas d'être aimée.", soit elles sont sûres d'elle et imposent une forme de dictature aux autres : "Sans le moindre effort, elle avait l'art de renvoyer à ses parents des exemples de ces valeurs qu'ils lui avaient inculquées, comme le dicton selon lequel l'amour comptait plus que le charme. Se sachant adorable, elle ne se donnait pas beaucoup de mal pour être aimable.", soit elles sont bridées et en quête de liberté : "Fondamentalement, elle était d'humeur joyeuse, et connue pour son dynamisme. Elle aurait voulu que ses journées se succèdent comme les perles de verre d'un collier multicolore.".
Mais tout le mordant et l'ironie de ces nouvelles ne résident pas soit dans les personnages masculins soit dans ceux féminins mais dans les relations humaines entre tous ces personnages.
Ainsi, les hommes ne peuvent pas vivre sans les femmes mais la réciproque est vraie également.
Toutefois, si j'ai aimé certains personnages comme l'héroïne de "Quelque part en Indiana" qui écoute sans cesse le même disque d'un chanteur et ne vit plus que dans l'attente des moments où elle va se retrouver seule pou pouvoir l'écouter, d'autres m'ont agacée comme celle de "La femme la plus intelligente d'Amérique" dont la chute est d'ailleurs ratée.
A propos de chutes, il est vrai que certaines sont quelque peu ratées, preuve s'il en était besoin que la nouvelle est un art à part entière.
Quant aux propos de fond de ces nouvelles, il faut reconnaître que les problèmes évoqués restent assez bourgeois et il leur manque un petit quelque chose pour les rendre attrayants pour le lecteur.
La vision de la vie présentée par l'auteur est également plutôt pessimiste : les personnages n'arrivent pas à vivre la vie qu'ils veulent, ils cherchent désespérément à atteindre un idéal mais en vain, ils courent après la reconnaissance et transpirent l'insatisfaction permanente, si cette quête désespérée cadre bien avec la ville de New York elle finit par lasser le lecteur tant elle est dite et redite tout au long de ces nouvelles d'une façon qui la rend répulsive plutôt qu'attractive sans jamais réussir à s'attacher l'empathie du lecteur.
Une légère déception, d'autant plus que le titre laissait présager d'une ironie follement jouissive.

"Rien que du bonheur" est un recueil de nouvelles qui sans être inintéressant souffre de quelques défaut l'empêchant de le rendre complètement intéressant et d'être un coup de cœur.
Il laisse deviner la plume ironique et incisive de Laurie Colwin mais n'est sans doute pas la meilleure porte d'entrée pour pénétrer l'univers de cette auteur, c'est pourquoi je lirai d'autres livres de Laurie Colwin pour me forger une opinion plus précise.

Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines


Livre lu dans le cadre du Challenge New York


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger