A lire le résumé de cette Katherine (Florence Pugh), femme menant une vie malheureuse dans un mariage sans amour avec un mari deux fois plus âgé qu’elle et découvrant l’amour dans les bras de Sebastian (Cosmo Jarvis), le palefrenier, on se dit que l’on va voir une nouvelle variation de L’amant de Lady Chatterley.
Et comme cela se passe dans l’Angleterre rurale du dix-neuvième siècle, peut-être que c’est une "Lady Chatterley" mâtinée des "Hauts de Hurlevent", avec un tel prénom (à une lettre différente) le raccourci est simple.
Et bien que nenni !
Oubliez Lady Chatterley et son homme des bois, oubliez Katherine hurlant après son Heathcliff dans la lande, car cette Lady, mesdames et messieurs, elle va vous laisser sur les fesses, sans vilain jeu de mots.
Le film s’ouvre sur la scène du mariage à l’église.
Oh, quelle oie blanche, se dit-on.
Puis vient la nuit nuptiale, avec un mari aux mœurs quelques peu étranges dans la chambre conjugale.
Pauvre oie blanche, se dit-on.
Vient ensuite les repas de famille, sinistres, entre son mari dont le comportement ne s’arrange pas et son beau-père qui la rabaisse en permanence.
Décidément, pauvre petite oie blanche toute fragile, se dit-on.
Le mari part, le beau-père aussi, Katherine se retrouve seule à passer les après-midis assise dans un canapé, ses jupons étalés, jusqu’à ce qu’elle intervienne dans les écuries, suite à une mauvaise plaisanterie à l’égard de sa servante, pesée tel un cochon, et qu’elle découvre l’existence de Sebastian, le nouveau palefrenier.
Là, on commence à se dire que la petite oie blanche s’émoustille.
Très vite elle relève ses jupons et découvre le plaisir charnel.
Et là, le spectateur découvre un tout nouveau visage à cette oie blanche, qui au final est loin d’être blanche, et surtout ange.
Car la Lady, pour pouvoir vivre son histoire d’amour tranquille, elle va basculer dans le meurtre : son beau-père, son mari, et je n’en dirai pas plus.
De femme soumise elle se transforme en femme dominatrice, et perverse, jusqu’à la moelle.
Comment dire … je ne m’attendais tellement pas à cela.
Je me doutais bien que je n’allais pas voir qu’une Lady Chatterley, disons que le message d’avertissement y contribue, mais j’étais loin, bien loin d’imaginer jusqu’à quel degré de perversité et de manipulation j’allais tomber.
Enfin, pas moi personnellement, mais cette fameuse Young Lady.
Pour tout dire, je crois bien ne pas être la seule à avoir été surprise, preuve en sont les petits rires nerveux lors de certaines scènes par d’autres spectateurs.
Parce que c’est tellement horrible, parce que l’on se demande jusqu’où elle va bien pouvoir aller, et que l’on a l’espoir secret qu’elle va finir par s’arrêter à un moment donné, qu’elle a bien un cœur, une âme.
Autant vous dire que l’oie blanche a littéralement explosé en plein vol, si tant est qu’il y ait eu un jour une oie blanche.
A voir la mise en scène, il est aisé de deviner que le réalisateur vient du milieu du théâtre.
La quasi intégralité de l’action se situe en milieu clos : la maison ; tout est parfaitement millimétré et cadré, notamment les nombreuses scènes où Katherine est assise au beau milieu d’un canapé.
La mise en scène est un véritable régal et est l’un des atouts majeurs de ce film. Outre une théâtralité dans le cadrage, les scènes le sont également, avec une femme qui va passer de dominée à dominatrice et reproduire les actes de son mari à l’égard de ses domestiques pour s’en faire obéir et asseoir son pouvoir.
Belle réflexion sur la condition des femmes au dix-neuvième siècle, au passage. L’autre aspect qui m’a fortement marquée, et séduite, c’est la quasi absence de musique, rien à part des sons naturels, et autant vous dire qu’un générique final sans un son est assez impressionnant et en parfaite continuité avec l’atmosphère du film.
Mais la révélation, le talent incontestable de ce film, c’est l’actrice Florence Pugh incarnant Katherine.
Elle est jeune, mais quel jeu ! Quelle prestance ! Quelle présence !
Elle illumine le film par son jeu qui est impressionnant et saisissant de justesse.
Et dire qu’elle est encore toute jeune dans la profession, et bien je lui promets un bel avenir, elle m’a bluffée et laissée sans voix (et pour ceux qui me connaissent, ce n’est pas si aisé).
Tout cela m’a rendue fort curieuse de lire l’œuvre dont est tiré ce film : "Lady Macbeth du district de Mtsenk" de Nikolaï Leskov.
"The Young Lady" est un film saisissant jouissant d’une mise en scène remarquable et d’une actrice éblouissante, l’un des films les plus forts de ce printemps 2017.