mardi 4 avril 2017
Couleur de peau : miel Tome 3 de Jung
Jung clôt ce voyage intérieur par l'évocation de ses années de jeunesse, étudiant à l'Institut Saint-Luc, amateur de jolies filles et de dessins. Il évoque aussi ce récent voyage en Corée effectué en 2011 pour le tournage de l'adaptation audiovisuelle de la série. Soulagement, sentiment d'appartenance retrouvé ou acculturation définitive ? Ses sentiments sont complexes et troublants. Et son récit toujours bourré d'humour et d'émotions. (Quadrants)
Dans ce troisième tome, Jung a bien grandi.
Désormais marié et père de famille, après ses années d'étudiant, il va enfin boucler la boucle en allant, pour la première fois de sa vie, en Corée, le pays où il est né mais aussi où il a été abandonné.
Ce n'est pas seul qu'il y va mais accompagné d'une équipe pour le filmer : "Dire que j'avais prévu de faire ce voyage en famille avec ma femme et ma fille ! Mais la réalité nous joue parfois des tours : cette autobiographie va être adaptée au cinéma ! La production m'a convaincu de filmer mon premier retour au pays, évidemment.".
"Quand le fil de la vie a été interrompu, il faut le reconstruire. Et la reconstruction de soi passe inévitablement par l'acceptation de ce qu'on est, de ses origines, de ses racines.", c'est ce qu'aura mis plusieurs années à comprendre Jung, et sans doute que le fait de raconter son histoire en bande dessinée y est aussi pour quelque chose : "Le dessin m'a permis de vivre une relation avec une maman qui n'existe finalement que dans mon imaginaire. Il est peut être temps pour moi de grandir, de faire le deuil ... tourner la page.".
Plutôt que des années sur le canapé d'un psychothérapeute, c'est par le dessin que Jung va exorciser les démons de son enfance, grandir : "Je suis parti depuis bien trop longtemps. Enfant, puis adolescent je vois ai détestés ... J'étais en colère car je ne comprenais pas pourquoi la Corée abandonnait ses enfants. J'avais honte. Aujourd'hui, je ne suis évidemment plus en colère. Je peux vous regarder en face. Je veux découvrir ce qui se cache derrière le masque.", et enfin accepter qui il est : un enfant né en Corée mais élevé et ayant fait sa vie en Belgique.
Jung continue à présenter une autre face de l'adoption, une beaucoup plus sombre dont on parle bien peu souvent : l'autodestruction de personnes qui n'arrivent pas à trouver leurs racines : "Quand j'étais petit, je me disais souvent que j'avais dû être drôlement mauvais puisqu'on m'avait abandonné. A l'adolescence, perdant l'insouciance de l'enfance, ce sentiment de disgrâce, de rejet, celui de ne pas avoir été désiré, s'est transformé en colère. Je suis devenu un démon pour moi-même, entamant un processus d'autodestruction. Guérir le mal par le mal, jusqu'à disparaître, ne plus exister. Certains adoptés inscrits dans cette logique de destruction ont choisi de se donner la mort.".
J'avoue avoir été particulièrement choquée par cet aspect que non seulement je ne connaissais pas mais dont on ne parle pas, alors que Jung en présente plusieurs cas.
Il y a une symbolique très forte qui constitue la trame de ce tome : les racines.
Jung en parle beaucoup, il arrive à se réconcilier avec les siennes, et nombre de ses dessins sont soit des arbres soit des personnes dont les pieds se sont transformées en racines et qui avancent ainsi.
Il est illusoire d'attendre une fin complètement heureuse, non le miracle n'a pas eu lieu, Jung n'a pas retrouvé la trace de ses parents biologiques.
Bien qu'il ait emprunté le même parcours que d'autres adoptés, nombreux sont ceux qui sont repartis sans vraiment plus d'éléments qu'au départ.
Mais c'est un accomplissement personnel que Jung a réalisé, sans doute l'oeuvre de sa vie et dont il est peut être fier.
Il n'est d'ailleurs pas surprenant qu'il ait tenu à le partager avec un public plus large.
C'est sans doute le tome de cette série qui m'aura le plus marquée, et même si je n'apprécie que moyennement le trait de crayon de Jung il a mis ici beaucoup de personnel, d'éléments intimes ainsi que des symboliques fortes qui, j'en suis sûre, doivent parler à beaucoup d'adopté(e)s ainsi qu'aux adoptants.
"Couleur de peau : miel" est un roman graphique portant une réflexion juste et troublante sur l'adoption et les répercussions de celle-ci à la fois sur les enfants mais aussi sur les parents et les autres membres de la famille.
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