vendredi 28 février 2014

Le tour du monde en 80 jours d'après Jules Verne de Chrys Millien


Faire le tour du globe terrestre en quatre-vingts jours soit dix-neuf cent vingt heures ou quinze mille deux cents minutes c'est le pari fou que le gentleman anglais Phileas Fogg relève contre les membres de l'éminent Reform Club de Londres en l'année 1872. C'est dans une course effrénée qu'il entraîne de steamboat en railroad son valet de chambre, Passepartout mais aussi toutes les polices anglaises dont l'agent Fix, persuadées de voir en lui le fabuleux cambrioleur qui vient de dévaliser la Banque d'Angleterre. Une formidable aventure où se croise le destin d'une belle Indienne promise au bûcher, où s'effondrent les ponts, où se brûlent les navires, mais les dépenses mirobolantes du gentleman suffiront-elles à un retour au jour et à l'heure dits ? (Adonis BD)

Nouveau classique de la littérature adapté en bande dessinée, ici il s'agit du "Tour du monde en 80 jours" de Jules Verne.
Cette grande histoire d'aventure est alléchante : un gentleman anglais, Phileas Fogg, relève le pari des membres de son club de boucler le tour du monde en 80 jours voire moins : "Un bon anglais ne plaisante jamais quand il s'agit d'une chose aussi sérieuse qu'un pari ! Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le tour du monde en quatre-vingt jours ou moins, soit dix-neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents minutes !".
Il part, flanqué de son valet de chambre Passepartout, à la poursuite de ce record qui va l'emmener en Inde, à Hong Kong, aux Etats-Unis et autant dire que les aventures qui vont jalonner son chemin sont riches.
Phileas Fogg est un gentleman dans l'âme : non seulement il ne se départ à aucun moment de son flegme mais il est également chevaleresque : "Et si nous sauvions cette femme ?".
En effet, prenant le risque de mettre en péril son voyage et sa vie il intervient pour sauver la vie d'une jeune femme, Mrs Aouda, qui devait être brûlée vive avec le cadavre de son époux.
Mais la route est encore longue pour boucler ce tour du monde en 80 jours ou moins et les obstacles mis sur la route de Phileas Fogg sont encore nombreux et pourraient compromettre la réussite de son aventure.

Cette adaptation en bande dessinée de ce roman phare de Jules Verne est une réussite sur tous les plans.
Non seulement le scénario est bon, dans le sens où l'auteur a réussi à en extraire l'important, mais il a su retranscrire par les images le souffle de ce récit et l'enchaînement des pays dans cette course effrénée pour gagner un pari.
L'âme des personnages est elle aussi respectée : Phileas Fogg est à l'image que s'en fait le lecteur, tout comme Passepartout, son valet français, est son exact opposé enfin, Mrs Aouda est une représentation fidèle de cette femme distinguée d'une culture différente mais qui a su s'adapter aux personnes lui ayant sauvé la vie et a fait également sienne la quête de Phileas Fogg : "Mrs Aouda ne savait trop que penser, mais Passepartout lui avait un peu expliqué l'excentrique personnalité de son maître, il lui avait appris quelle gageure entraînait ce gentleman au tour du monde, Mrs Aouda avait souri; mais après tout elle lui devait la vie, et son sauveur ne pouvait perdre à ce qu'elle le vît à travers sa reconnaissance.".
Les dessins sont de grande qualité, les personnages sont bien représentés quant aux paysages ils sont de toute beauté et font voyager le lecteur en même temps que les personnages.
Ils retranscrivent à merveille l'esprit du livre ainsi que les situations rencontrées au cours de ce périple, d'autant plus que la palette de couleurs est large et contribue au dépaysement.

C'est avec grand plaisir que j'ai lu cette version en bande dessinée du roman "Le tour du monde en 80 jours" de Jules Verne.
Elle a su conserver l'essentiel et l'âme de ce grand roman d'aventure, un véritable plaisir pour les yeux et un très bon moment de détente et de lecture à mettre entre toutes les mains et qui donne envie de se replonger dans cette oeuvre de Jules Verne.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


mardi 25 février 2014

L'île au trésor d'après Robert Louis Stevenson de Christophe Lemoine et Jean-Marie Woehrel


Sur la côte anglaise, au 17e siècle, la vie du jeune Jim Hawkins, fils des tenanciers de l'auberge "L'Amiral Benbow", va se retrouver bouleversée par l'arrivée d'un hôte peu ordinaire : un vieux loup de mer répondant au nom de Capitaine Billy Bones. Jim s'aperçoit rapidement que ce grand voyageur, ivrogne et colérique, cache quelque mystérieux secret, qu'il plane sur lui une trouble et obscure menace. Et le jour où un effrayant aveugle lui apporte #la tache noire#, ultime avertissement dans le monde des pirates, Bones meurt, foudroyé par la terreur. Après la mort de son père malade, Jim, avec l'aide de sa mère, découvrira dans les affaires de Bones la carte d'un fabuleux trésor, le butin du légendaire forban Flint. S'engagera alors une folle aventure où Jim, accompagné du docteur Livesey et du chevalier Trelawney, partira à la recherche de ce trésor, poursuivi par l'ancien équipage de Flint. Ce sera pour lui l'occasion de faire la rencontre de l'homme le plus étrange qui soit : Long John Silver. Ce marin unijambiste et malicieux est-il un ami ou un ennemi ? Est-il un protecteur plein d'humour ou l'une des plus terribles fripouilles que la piraterie ait engendrée ? (Adonis BD)

"Quinze marins sur le bahut du mort, Yo-Ho-Ho et une bouteille de rhum !"
Cette ritournelle ne quittera plus de sa vie le jeune Jim Hawkins, tout comme elle a marqué l'esprit de milliers de lecteurs à travers le monde.
Ça et le perroquet Capitaine Flint criant : "Pièces de huit", ou encore le marin unijambiste répondant au nom de Long John Silver.
Inutile de chercher plus loin, je parle bien entendu de "L'île au trésor" de Robert Louis Stevenson, une histoire de pirates qui a bercé la jeunesse de bon nombre de lecteurs et qui continue à séduire autant des années après.

Le jeune Jim Hawkins, fils des tenanciers de l'auberge "L'Amiral Benbow", mène une vie paisible jusqu'à l'arrivée d'un marin scrutant à longueur de journée l'océan et veillant avec soin sur son coffre, qui lui confie la délicate mission de surveiller les arrivées :  "Et y aura un supplément, petit gars. Une pièce d'argent le premier de chaque mois si tu guettes pour moi l'arrivée d'un marin avec une jambe en moins.".
Point de marin avec une jambe de moins à l'horizon mais des ennuis oui, entre la mort de Billy Bones, le débarquement de pirates et l'appropriation par Jim de la carte que le vieux loup de mer gardait dans son coffre, le voilà lancé avec le châtelain Trelawney et le docteur Livesey sur la piste du trésor de Flint, un redoutable pirate : "Comparé à Flint Barbe-Noire n'était qu'un enfant.".
Mais voilà, Flint était certes cruel et sanguinaire mais il y avait une personne qu'il craignait plus que tout, un marin unijambiste répondant au nom de Long John Silver : "C'était Flint le capitaine, mais j'étais son quartier-maître. Et il me craignait comme le choléra !", et il se trouve qu'il a été engagé comme maître coq sur l'Hispaniola.
La guerre est déclarée entre pirates et honnêtes gens pour s'approprier le trésor du vieux Flint.

Le passage en format bande dessinée ne retire rien au souffle épique de cette grande aventure maritime.
Christophe Lemoine a réalisé un bon travail d'adaptation de l'histoire, réussissant à la faire tenir dans un format court, quant à Jean-Marie Woehrel il signe des dessins de grande qualité et beauté qui traduisent fidèlement l'esprit du récit.
J'ai retrouvé avec plaisir tous ces personnages qui ont bercé (ou presque) mon enfance et dont j'ai lu les aventures à de nombreuses reprises.
Le seul reproche que je ferai à cette bande dessinée est un récit parfois trop condensé qui passe trop vite sur certains passages de l'histoire, ce qui est dommage car cela retire partiellement au personnage de Long John Silver un caractère roublard et calculateur.
Ici, toute l'envergure de ce personnage n'a pas le temps de se mettre en place et c'est un peu dommage dans le sens où c'est son côté roublard qui lui attire, paradoxalement, la sympathie du lecteur, à tel point que celui-ci n'est pas surpris par la fin et venait même à l'espérer :"Un traître et un gredin de votre espèce peut se satisfaire d'être encore en vie.".
Oui, il est laissé à penser que Long John Silver s'en tire à bon compte, et alors ?
En l'espace de quelques centaines de pages ce personnage a marqué l'histoire littéraire en se transformant en personnification du pirate.
Cette dimension est un peu laissée de côté par le format de la bande dessinée, mais c'est bien le seul reproche que je lui ferai, car je l'ai lue avec beaucoup de plaisir, au même titre que j'ai été ravie de me replonger dans un classique de l'enfance si bien mis en images.
Pour une approche complète de cette oeuvre de Robert Louis Stevenson, je ne peux que vous inviter à voir l'excellente version télévisuelle de 1990 signée de Fraser Clarke Heston avec Charlton Heston dans le rôle de Silver (malheureusement cette version est toujours non disponible à ce jour en DVD).

"L'île au trésor" de Robert Louis Stevenson adaptée en bande dessinée se lit avec grand plaisir, ne serait-ce que pour retourner l'espace de quelques heures sur l'île à la recherche du trésor de Flint en compagnie du pirate unijambiste Long John Silver.
Une bonne adaptation qui permettra sans doute à des lecteurs plus jeunes une première approche de ce classique de la littérature.

Livre lu dans le cadre du Challenge La face cachée des Disney


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


Top Ten Tuesday #37


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 auteurs dont vous attendez avec impatience un nouveau livre (annoncé ou non)

1) François Bourgeon
2) Patrice Pellerin
3) Scholastique Mukasonga
4) Léonor de Recondo
5) Art Spiegelman
6) Julie Otsuka
7) Philippe Claudel
8) Kaye Gibbons
9) Mark Spragg
10) Clara Dupont-Monod

dimanche 23 février 2014

Impossible de grandir de Fatou Diome


Salie est invitée à dîner chez des amis. Une invitation apparemment anodine mais qui la plonge dans la plus grande angoisse. Pourquoi est-ce si « impossible » pour elle d'aller chez les autres, de répondre aux questions sur sa vie, sur ses parents ? Pour le savoir, Salie doit affronter ses souvenirs. Poussée par la Petite, son double enfant, elle entreprend un voyage intérieur, revisite son passé : la vie à Niodior, les grands-parents maternels, tuteurs tant aimés, mais aussi la difficulté d'être une enfant dite illégitime, le combat pour tenir debout face au jugement des autres et l'impossibilité de faire confiance aux adultes. À partir de souvenirs personnels, intimes, Fatou Diome nous raconte, tantôt avec rage, tantôt avec douceur et humour, l'histoire d'une enfant qui a grandi trop vite et peine à s'ajuster au monde des adultes. Mais n'est-ce pas en apprivoisant ses vieux démons qu'on s'en libère ? « Oser se retourner et faire face aux loups », c'est dompter l'enfance, enfin. (Flammarion)

Salie est en panique : invitée à dîner par Marie-Odile, cette situation la plonge dans une grande angoisse, car elle ne supporte pas d'aller chez les autres et pour connaître la cause de cette phobie, il lui faut replonger dans ses souvenirs d'enfance.
Pour se faire, Salie fait face à la Petite, son double enfant qui la pousse dans ses moindres retranchements pour faire surgir la vérité : "Une petite fille me poursuit, me harcèle, m'assiège; après tant d'années de lutte, je ne peux toujours rien contre ses assauts; parfois, croyant agir à ma guise, je découvre avec stupeur que je ne fais que succomber à ses humeurs : grandir semble impossible !".
Élevée par ses grands-parents, Salie est une enfant illégitime à qui l'on fait payer cette situation : elle est celle qui ne mérite rien, qui doit être sans cesse traînée dans la boue et dont on cherche à se débarrasser telle une disgracieuse verrue plantée sur le nez, en somme celle qui ne mérite pas de vivre.
Entre deux crises d'angoisse, Salie écoute de la musique et se laisse bercer par les mots et la musique : "Yo sólo quiero caminar, tada-tada-tadadan".

Salie est un personnage très complexe : elle a un côté sauvage et aime sa solitude : "Est-ce moi qui suis trop sauvage où ce sont les gens qui se sont habitués à harceler les autres, à les attrouper, afin de ne jamais se retrouver seuls, confrontés à eux-mêmes ?", d'un autre elle ne refuse pas non plus le contact avec tout individu et prend plaisir à entretenir des relations amicales.
Non, ce que n'aime pas Salie, c'est que l'on cherche à lui imposer un désir qui n'est pas le sien : "Agir en adulte, est-ce devenir assez hypocrite pour se plier à toute injonction, surseoir à toute volonté personnelle, pour assouvir les désirs des autres au détriment des siens ?".
Salie est un personnage entre deux eaux : elle est une femme évoluant dans le monde adulte de par son âge mais coincée dans les limbes de l'enfance de par son passé.
Elle porte un regard parfois juste sur les relations avec autrui : "Les êtres les plus coriaces à gérer dans la vie sociale, ce ne sont pas les éventuels ennemis; ceux-là, il est aisé de vivre avec, car il suffit de se soustraire à leur présence pour ne pas souffrir leur vindicte. Le vrai supplice vient de tous ces gens qui, sans être des amis proches, vous affligent du bien qu'ils disent vous souhaiter, un bien défini exactement selon leurs propres critères, parfois si contraires aux vôtres.", mais cela n'a malheureusement pas suffi à me la rendre sympathique.
Je suis restée très détachée de ce personnage et plus généralement de l'histoire, même si j'admets que certains passages, notamment ceux concernant les souvenirs d'enfance, ont une certaine beauté et alternent entre la gravité et l'humour, tout comme la réconciliation finale avec la Petite marque une grande avancée pour la narratrice : "Cette Petite, même si elle m'incommode parfois, je l'aime quand, révoltée et déterminée, elle décide de vivre, de réagir au lieu de seulement subir, c'est ainsi qu'elle a toujours sauvé ma vie.".
L'autre point qui m'a dérangée est celui de cette narration à la première personne du singulier, le roman est clairement une autofiction, dans le cas présent que je ne pense pas que cette forme était la plus appropriée pour raconter cette histoire : ou l'auteur assumait et rédigeait une autobiographie, ou elle partait complètement dans la fiction.
Cette frontière trop mince entre réalité et fiction m'a gênée dans ma lecture, je ne savais jamais sur quel pied danser, me demandant sans cesse si la rancœur sous-jacente et omni-présente venait de Salie ou de Fatou Diome.
La plume de Fatou Diome est belle mais exigeante, c'est à mes yeux ce qui sauve ce livre car l'auteur a un véritable style et donne du rythme à son récit, créant une musicalité mêlant harmonieusement les mots jetés sur papier et les musiques écoutées par Salie.

"Yo sólo quiero caminar, tada-tada-tadadan".
Mon impression sur "Impossible de grandir" est à l'image de cette sempiternelle ritournelle qui vient ponctuer le récit parfois à bon escient souvent comme un cheveu sur la soupe : parfois charmée, souvent détachée, une lecture en demi-teinte donc.
Le style est beau mais la forme ne m'a pas séduite : la psychanalyse par l'écriture n'est pas une recette qui fonctionne à tous les coups et ce livre en est la parfaite illustration.

Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2014 - Catégorie Verbe GRANDIR


Livre lu dans le cadre du Prix Océans

jeudi 20 février 2014

Juillet 42 Les enfants aussi de Claude Izner


Eté 42, Dinah et Tauba, sa petite sœur, étouffent dans leur étroit appartement parisien. Depuis quelques temps, les enfants juifs, comme elles, ne peuvent plus sortir librement et doivent porter une étoile jaune. Au lendemain du 14 juillet, bravant les interdits, elles vont au cinéma sans l’étoile. Cette fugue va leur sauver la vie.

Sous le pseudonyme de Claude Izner se cache deux soeurs : Liliane Korb et Laurence Lefèvre, que je connaissais pour leurs enquêtes de Victor Legris dans le Paris de la fin du 19ème siècle.
Ici, cet ouvrage s'adresse à un public plus jeune, la cible visée étant les élèves de quatrième/troisième, et aborde la Rafle du Vel d'Hiv des 16 et 17 juillet 1942.

Narrée du point de vue de Dinah, l'aînée, l'histoire commence le 14 juillet 1942 dans un Paris en plein été, mais dans un Paris en guerre où les premières lois anti-juives ont été promulguées depuis quelques mois, obligeant les Juifs au port de l'étoile jaune, limitant leur accès au rationnement alimentaire et les empêchant d'exercer leur profession, ce qui est le cas du père des deux fillettes : "Alors là, je n'ai pas compris. Notre institutrice nous avait justement appris que la France est une terre d'asile et de liberté, le pays des droits de l'homme. Cette loi qui privait papa de son gagne-pain, elle était promulguée par les Français, pas par les Allemands !".
Cette petite fille en âge de réfléchir ne comprend plus, la France était une terre d'asile aujourd'hui elle est devenue dangereuse et l'individu ne se définit plus que rapport à ses papiers d'identité : "C'est curieux, on vient au monde, on respire, on rêve, on aime, mais si l'on est dépourvu de papiers on est incomplet, puisque sur cette terre - l'homme se compose de trois parties : le corps, l'âme et le passeport !".
En mettant des mots simples dans la bouche de Dinah, les auteurs réussissent à expliquer à de jeunes enfants la complexité de la situation et les sentiments que pouvaient ressentir les Juifs à cette époque.
De plus, il était intéressant de placer le point de vue au niveau d'une fillette d'une dizaine d'année, cela permet au jeune lecteur de ressentir de l'empathie pour elle et de suivre avec intérêt son histoire.
Dinah est certes réaliste mais elle possède encore une forme d'innocence propre à la jeunesse qui lui permet de rêver à un monde meilleur, en tout cas d'y croire : "Si les gens comprenaient vraiment que nous n'avons pas d'autre maison que cette petite planète qui roule dans l'espace, se feraient-ils encore la guerre ?".
Par un hasard de circonstances, Dinah se retrouve coincée avec sa sœur dans un cinéma le soir du 15 juillet, c'est ce qui leur sauvera la vie mais elles ne le savaient pas : "Je me souviens des paroles de papa. "Quoi qu'il arrive, restez ensemble. Vous êtes l'une pour l'autre l'être le plus proche, le même sang coule en vous, celui de maman et le mien. Ne l'oubliez jamais.".".
Pour évoquer la Rafle, les auteurs ont choisi de ne pas mettre les deux fillettes en spectatrice directe mais plus de décrire les sensations perçues par Dinah des événements qui se jouent dès le petit matin dans tout Paris.
Ce court livre s'adressant à un jeune public, il est inutile de raconter toute l'horreur de cette Rafle à de jeunes enfants, ils l'apprendront bien assez en grandissant.
Néanmoins, les auteurs ont choisi de l'évoquer avec des images fortes et parlantes, ainsi Dinah assiste au départ de familles entières dans des autobus : "Sur les trottoirs, sur la chaussée, des familles entières arrachées à leurs foyers se serrent les unes contre les autres. Une majorité de femmes, de vieillards, d'enfants. Dans l'affolement de l'arrestation ils ont rassemblé à la hâte des couvertures, des ustensiles de cuisine, un peu de nourriture - deux jours de vivres, ont conseillé les policiers. Des valises mal ficelées s'entassent autour d'eux.".
Tout de suite, ce sont des images qui viennent à l'esprit et qui rendent le récit vivant.
C'est la désorganisation, Dinah et sa sœur échapperont à la Rafle grâce à des voisins qui les cacheront dès leur retour chez elle et les garderont jusqu'à ce que les événements se tassent, mais cela ne les empêchera pas d'avoir vu ce qui se passait et d'en garder souvenir à jamais : "Je les verrai toujours, ces enfants, ces bouts de nez collés aux carreaux dans les autobus, ces petites mains qui font "au revoir". Il fait beau, c'est le mois de juillet. Sur le boulevard, les arbres sont verts, et Paris est plein d'oiseaux.".

"Juillet 42 Les enfants aussi" est un roman qui aborde de façon intelligente et sensible la Rafle du Vel d'Hiv et qui conviendra très bien à de jeunes lecteurs pour une première approche de cette tâche dans l'histoire de la France, la notice historique en fin de volume constitue également un bon complément à cette lecture.

mardi 18 février 2014

Comment sauver un vampire amoureux de Beth Fantaskey


La découverte de son appartenance à une famille de vampires avait laissé Jessica Packwood un peu ébranlée l’an dernier. Et ce n’était que le début. À présent mariée au prince Lucius Vladescu, elle doit s’imposer en tant que souveraine devant une famille de vampires aux dents longues qui ne demandent qu’à l’écarter du trône. Autant dire que sa complète ignorance de la langue roumaine, des us et coutumes de la cour vampire et la terreur que lui inspire sa belle-famille ne l’aident pas. Quand on retrouve le corps d’un des Anciens, assassiné avec le pieu de Lucius, tout accuse le prince-vampire. Emprisonné dans le château, affaibli par le manque de sang, il dépérit peu à peu, laissant Jessica seule face à son destin. Bien décidé à sauver son mari, elle demande l’aide de ses seuls alliés : sa meilleure amie Mindy, venue des États-Unis, et le cousin de Lucius, Raniero Lovatu. Mais a-t-elle raison de leur accorder sa confiance ? Quels secrets cachent-ils ? Alors qu’elle est sur le point de perdre tout ce qui lui est cher, Jessica doit trouver un moyen de vaincre ses opposants et de s’affirmer en tant que souveraine. Imprégnée de romance, de mystère et de danger, la suite de Comment se débarrasser d’un vampire amoureux est la preuve que certaines princesses doivent mériter leur happy end avec un pieu bien aiguisé. (Le Masque)

J'avais envie de me détendre l'esprit avec un livre qui ne prenait pas la tête, j'ai donc décidé d'ouvrir le tome 2 des aventures de Jessica Packwood-Vladescu, jeune américaine élevée par des végétariens écologistes qui apprend qu'elle est en fait une princesse, vampire de surcroît, destinée à épouser Lucius, un autre vampire, afin de réunifier les deux clans.
Après moult péripéties, nos deux vampires se sont unis pour le pire et pour le pire, pardon, pour le meilleur et pour le pire (enfin le meilleur il faut bien le chercher, la situation est des plus délicates), direction un château dans les Carpates sauf que le bonheur fut de courte durée et que Lucius se trouve accusé du meurtre d'un Aïeul tandis que Jessica doit faire face à son destin et à son statut de princesse-future reine et sortir son époux du cachot.

Quand je dis que ça ne prend pas la tête, c'est la vérité et finalement ça n'est pas plus mal car ce livre m'a permis de passer un bon moment et de me vider le cerveau.
J'ai retrouvé avec plaisir les personnages du premier tome : Jessica alias Antanasia de son vrai prénom, en jeune mariée complètement paumée dans un château trop grand pour elle et une place qu'elle ne se sent pas capable d'assumer :  "Je trébuchai pour quitter ma place, incapable de regarder Lucius et les Aïeux, qui se forgeaient sans doute une opinion à mon sujet : la petite Américaine, élevée par un couple de végétariens, se prenait les pieds dans sa longue robe.", Lucius le beau, ténébreux et dangereux vampire, la pétillante Mindy qui résout les problèmes dans la vie grâce à Cosmo, et Raniero, un nouveau venu dans cet univers, en sa qualité de cousin et quasi frère de Lucius.
Si la pauvre Jessica est bien mal en point pendant une partie du roman, elle finit par arrêter de s'apitoyer sur son sort, relève la tête : "Je préférais être détruite avec lui plutôt que de me soumettre d'une quelconque façon à sa condamnation. Je défierais l'autorité des Aïeux au mépris de nos lois les plus fondamentales, et serais moi-même exécutée pour trahison s'il le fallait.", et prend son courage à deux mains pour affronter la situation : "Je ne reculerais plus et n'hésiterais pas à asséner le coup de grâce pour conquérir ce qui m'appartenait.".
C'est le personnage qui évolue le plus dans le roman et qui prend de l'ampleur, à tel point que je ne vois pas comment une suite pourrait être envisageable : "C'est dans une atmosphère tendue, nerveuse et fébrile que je pénétrai dans le tribunal. Et c'était bien ainsi qu'une princesse, ou même une reine, se devait d'être accueillie.".
Mindy évolue elle aussi mais dans une autre mesure et réussit à ne pas tomber dans le piège de la fille uniquement préoccupée par son physique et passant son temps à lire des magasines féminins.
Ce personnage permet d'apporter une touche d'humour à l'histoire, ne serait-ce qu'avec son arrivée fracassante dans le château, et j'ai apprécié que l'auteur conserve ce côté plus léger au récit.
J'ai également apprécié l'alternance des points de vue entre Antanasia, Mindy, Raniero, Lucius, cela permet d'apporter plusieurs regards sur l'histoire et est un petit plus par rapport au premier tome.
Niveau intrigue, pas de réelle surprise, il est facile de devenir rapidement qui est derrière le meurtre.
Dommage également que le couple Jessica/Lucius n'ait pas été plus exploité, ça reste trop gentil, même les scènes un peu intimes sont bien trop sages et ne cadrent pas avec le caractère de ces personnages.
A l'inverse, si j'avais reproché une fin bâclée au premier tome je reconnais que celle-ci est beaucoup mieux et n'expédie pas le devenir des personnages en deux temps trois mouvements.

"Comment sauver un vampire amoureux" est une bonne suite au premier roman de Beth Fantaskey et permet de passer une lecture agréable qui ne prend pas la tête, d'autant que l'image du vampire proposée par l'auteur est un peu originale et réussit à ne pas tomber dans les clichés sur ce genre littéraire.
Pour autant, ce roman ne restera pas non plus gravé dans ma mémoire indéfiniment, disons qu'il a bien rempli son rôle de passe-temps et de lecture sans prise de tête.

Top Ten Tuesday #36


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres que tout le monde a aimé sauf vous

Je ne suis pas la seule à ne pas avoir aimé les livres cités, disons qu'à chaque fois je me suis trouvée en minorité ou presque.

1) "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" de Jonas Jonasson : soit-disant très drôle, son côté loufoque m'a plus agacée que séduite;
2) "Entre ciel et terre" de Jon Kalman Stefansson : lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2013 je suis passée à côté, sans doute car je l'ai lu dans une période peu favorable pour l'apprécier;
3) "Madame Bovary" de Gustave Flaubert : je me suis pas mal ennuyée au cours de cette lecture, Madame Bovary a plus tendance à m'insupporter qu'à attirer ma pitié;
4) "La malédiction des colombes" de Louise Erdrich : j'entendais beaucoup de bien sur cette auteur, je n'ai pas accroché à son style et à sa construction narrative;
5) "La dernière valse de Mathilda" de Tamara McKinley : beaucoup de bruit et de compliments pour ... pas grand chose au final, même pas une sous Colleen McCullough;
6) "Avant d'aller dormir" de S. J Watson : beaucoup d'avis positifs sur ce policier/thriller, une belle déception pour ma part;
7) "La délicatesse" de David Foenkinos : beaucoup d'éloges sur l'histoire et l'auteur, pour ma part une lecture très facile, trop gentille et trop mièvre;
8) "Les visages" de Jesse Kellerman : beaucoup d'éloges sur ce roman policier, je n'ai pas accroché et j'ai même trouvé la publicité mensongère;
9) "Le jeune homme, la mort et le temps" de Richard Matheson : là aussi, j'ai sans doute raté un rendez-vous mais j'ai eu énormément de mal à rentrer dans cette histoire d'amour dans le milieu de la science-fiction, une chose plutôt rare pourtant;
10) "Bal de givre à New York" de Fabrice Colin : à force de lire des avis positifs j'ai lu ce roman à la couverture attirante, c'est bien gentil mais ça ne casse pas trois pattes à un canard comme on dit.

lundi 17 février 2014

12 Years a Slave de Steve McQueen (II)





Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie… (AlloCiné)


Âmes sensibles s'abstenir, ce film est certes très beau mais il est également très dur.
Mieux vaut oublier Quentin Tarentino avec son "Django Unchained" d'il y a un an, car si dans celui-ci le spectateur avait la certitude que tout se terminerait bien et que les bains de sang et les scènes de bagarre appartenaient à l'univers kitsch de Quentin Tarentino, ici il n'en est rien puisque l'histoire racontée est tirée de faits réels : Solomon Northup, homme noir libre vivant dans l'état de New York a bel et bien été drogué et kidnappé pour être vendu comme esclave dans les états du Sud et ce, pendant 12 ans avant que son chemin ne croise celui d'un abolitionniste canadien qui va réussir à le faire libérer. 


Construit par flashbacks, le film s'attache à retracer le parcours de cet homme : de son mariage heureux et de sa vie de famille à son kidnapping et à l'enfer de l'esclavage après avoir travaillé dans plusieurs plantations, jusqu'à sa rencontre avec un abolitionniste qui accepte d'écouter son histoire, le croit et met tout en oeuvre pour qu'il retrouve sa vie d'avant.
Cette histoire est particulièrement intéressante car c'est l'un des rares cas de kidnapping où la personne a pu retrouver la liberté.
Elle est aussi cruelle à plus d'un sens : non seulement les conditions de vie, ou plutôt de survie, en tant qu'esclave étaient très dures mais même après il n'a pas obtenu justice puisqu'un homme noir n'avait pas le droit de déposer contre un blanc, ses kidnappeurs s'en sont donc sortis les cuisses propres comme on dit et sans être gênés outre mesure, ce qui laisse à penser qu'ils ont bien entendu récidiver voire même qu'ils avaient l'habitude d'agir ainsi.
Certaines scènes sont particulièrement violentes et soulèvent le cœur du spectateur, qu'il s'agisse des coups de fouet ou de batte pour soumettre cet homme à la volonté de son geôlier et lui faire perdre toute humanité ou encore du sort réservé aux femmes.
D'un degré de cruauté encore autre que pour les hommes, certaines étaient séparées de leurs enfants, mais comme le dit la si charmante propriétaire de la première maison où a travaillé Solomon Northup : "un bon repas, du repos et vos enfants seront vite oubliés"; quant à d'autres elles s'attiraient la jalousie de la femme de leur maître tout simplement parce qu'elles avaient les bonnes grâces de celui-ci enfin, comprenez par là qu'il se permettait de coucher avec, point d'histoire sentimentale à l'eau de rose dans tout ça.
Et point d'espoir dans cet enfer, la mort apparaîtrait même comme douce pour certaines qui n'hésitent pas à la demander ou à la rechercher. 


Très fidèle d'un point de vue historique et particulièrement bien reconstitué, ce film se démarque par une mise en scène contemplative par moment, jouant sur de longs plans filmés pour faire passer les sentiments du personnage principal.
Du point de vue de la mise en scène, ce film est très beau esthétiquement et parfaitement bien réussi.
Les extérieurs sont particulièrement bien mis en valeur, le réalisateur a su les exploiter au maximum et en tirer le meilleur.
Il y a donc de très belles scènes, comme celle où le contremaître explique aux esclaves nouvellement arrivés et restant stoïques la coupe de la canne à sucre, où encore celle du contremaître qui part dans une chanson pour leur décrire les sévices qui les attendent s'ils sont pris à voler ou à s'enfuir (et au passage si le travail est mal fait).
Le gospel est évoqué dans le film à travers quelques chansons et rend ainsi très bien à l'écran l'atmosphère de cette époque dans ces contrées sudistes des Etats-Unis.
Par contre, et c'est le seul bémol que j'apporterais à ce film, cette mise en scène se fait au détriment de l'étude de certains personnages.
Hormis celui de Solomon Northup le spectateur ne connaît pas les autres plus que cela, comme s'ils n'étaient pas importants or ils ont tous joué un rôle dans la vie de cette personne.
Les personnalités humaines étaient moins mises en valeur, légèrement dommage pour un film qui mise beaucoup sur l'humain, au même titre que certains dialogues étaient plutôt convenus et plats.
Les images sont en tout cas plus mises en valeur que les mots.


Mais la révélation de ce film, c'est sans nul doute l'excellente performance livrée par Chiwetel Ejiofor, acteur inconnu jusqu'alors et qui interprète avec brio le personnage de Solomon Northup, une belle performance d'autant plus que ce personnage est présent dans toutes les scènes.
Benedict Cumberbatch joue très bien son rôle de propriétaire avec un petit cœur dans le sens où lorsque les ennuis arrivent il préfère éloigner la source du conflit plutôt que de s'engager.
Quant à Michael Fassbender il a un rôle de salaud, pas toujours facile à porter mais il s'en sort très bien.
J'ai également beaucoup apprécié le jeu de Lupita Nyong'O dans le rôle de Patsey, une jeune femme dont la détresse est très touchante et ne peut laisser personne indifférent.
Quant à la musique de Hans Zimmer, elle est comme d'habitude très belle et sert parfaitement les images. 


Que "12 Years a Slave" soit en tête de liste pour rafler les récompenses aux Oscars n'est qu'à moitié surprenant, ce film est vraiment très beau et réussi dans une mise en scène impeccable au niveau des images et servi par d'excellents comédiens, une non récompense à cette cérémonie serait même surprenante tant les ingrédients qui plaisent aux jurés sont réunis dans ce film, malgré un sujet encore sensible aux Etats-Unis de nos jours.
Cette histoire est particulièrement touchante et il serait fort dommage de passer à côté, un film à voir si ce n'est déjà fait. 







samedi 15 février 2014

Noël à la bibliothèque en février


La très mauvaise nouvelle de la journée, c'est que la bibliothèque municipale que je fréquente est fermée à partir de mardi 18 février pour travaux, ré-ouverture estimée : mi-mai, avec une fin officielle des travaux en septembre.
La bibliothèque municipale, c'est un peu ma deuxième maison, autant dire que je n'ai pas encore réalisé que je ne pourrais plus aller y flâner le samedi après-midi dans les mois à venir, par contre j'ai bien pris conscience que ça chamboulait quelque peu mes projets de lectures par rapport aux challenges auxquels je participe (j'étais large, j'avais le temps pour prendre tel bouquin).
Tel un écureuil, j'ai donc décidé de faire du stock et ça tombait bien, car la très bonne nouvelle de la journée, c'est qu'étant donné la fermeture temporaire la bibliothèque a fait sauter le plafond de 8 livres à emprunter par carte tout comme la durée de prêt de 3 semaines à mi-mai ("mais c'est avec grand plaisir qu'on va vous aider à avoir moins de livres à mettre dans les cartons !")
Il n'a pas fallu me le dire deux fois, j'ai fait un tour de la bibliothèque pour faire du stock avec les idées que j'avais en tête à ce moment-là.
Le bémol c'est que je n'avais pas prévu de liste et depuis des noms sont revenus à mon bon souvenir, je n'ai plus qu'à ronger mon frein désormais.

Je suis donc repartie avec :
- "Tout Simenon" Tome 11 : le roman qui m'intéresse dans ce recueil est "Le train", à l'origine je passais à la bibliothèque pour le récupérer, résultat j'ai 7 autres romans de Georges Simenon avec;
- "Un été à Cold Spring" de Richard Yates;
- "Nouvelles du New Yorker" d'Ann Beattie;
- "Manhattan Transfer" de John Dos Passos;
- "Un ciel radieux" de Jirô Taniguchi;
- "Les entremetteurs et autres nouvelles" d'Edith Wharton;
- "Le canapé rouge" de Michèle Lesbre;
- "Un jour mes princes sont venus" de Jeanne Benameur;
- "Le dernier été de mon enfance" de Shin Takahashi;
- "Le temps des poisons" Tomes 1 et 2 de Juliette Benzoni

J'aurais certes pu repartir avec beaucoup plus, encore aurait-il fallu que je dresse une liste de romans pour avoir de nouvelles idées une fois sur place et surtout, je suis prévoyante avec des sacs sur moi mais je n'avais plus trop de place pour mettre d'autres livres.

Je précise que la semaine dernière j'avais emprunté également 3 livres qui viennent donc s'ajouter à ceux-ci et enfin, la bibliothèque pratiquant le principe du "livre libre-service" dans des caisses, je suis repartie avec "Les limites de la nuit" d'Eduardo Antonio Parra qui vient s'ajouter à ma PAL, je me suis dit que Zulma était une valeur sûre de l'édition (et notez que j'arrive à faire augmenter ma PAL sans dépenser un euro, un véritable modèle économique).

Concrètement en images, ça donne ça :

Des hommes en devenir de Bruce Machart


Qu'ils se retrouvent en train d'arpenter les terres fertiles du Sud, de conduire leur pick-ups fenêtres ouvertes dans la chaleur suffocante du périphérique de Houston, d'actionner l'écorceuse pour transformer des grumes en feuilles de papier, les hommes de ce recueil découvrent tous, en un instant, la faille en eux. Être hanté depuis toujours par un enfant, un parent, une femme, un voisin, un copain disparus, interrompre enfin le mouvement continu et regarder une vie en face. La question soudain serait de savoir ce que devenir un homme signifie. Ici, certains ont été largués. Là, un enfant n'est jamais né. Une mère a été assassinée. Des maris ont découché. Des chiens sont morts. Bien des bières ont été descendues, et des rires échangés entre frères, amis, amants. (Gallmeister)

J'avais repéré Bruce Machart lors de la sortie de son premier roman "Le sillage de l'oubli", livre qui attend toujours d'être lu dans ma bibliothèque, c'est donc par son deuxième roman que j'ai commencé ma découverte de cet auteur.

Ici, point de roman mais un recueil de nouvelles qui ont toutes plusieurs points en commun.
Elles mettent toutes en scène des hommes qui sont soit sur la route, soit à travailler et qui soudain découvrent une faille en eux.
Pour l'un c'est de s'apercevoir que sa femme n'est finalement pas heureuse : "Vous remontez dans votre pick-up, et le diable vous emporte, mais toutes ces années, vous aviez pourtant cru qu'elle avait toujours eu ce dont elle avait besoin. L'avion épandeur fait un dernier passage avant de s'éloigner vers l'horizon en feu, le diable vous emporte.", pour un autre que l'enfant mort né manque à son couple, ou encore pour un autre d'apprendre à vivre avec son enfant depuis la mort de sa femme, ou encore celui qui est assailli par la culpabilité de ne pas avoir profité de la vie avant son accident : "Il entre maintenant sur l'autoroute et, comme s'il voulait distancer le sentiment de culpabilité qu'il sent déjà se rapprocher discrètement dans son sillage, il enfonce la pédale d'accélérateur.".
Il est aussi question d'apprentissage, du sens de ce qu'est "devenir un homme", notion très bien illustrée dans la nouvelle "On ne parle pas comme ça au Texas" où un jeune garçon dont le père est mort avant sa naissance fait la rencontre de son grand-père durant les vacances d'été, ce dernier lui apprenant le parler au Texas : "Tu ne peux pas t'excuser d'avoir tué, mon garçon, ni d'être mort d'ailleurs. Ca rime à rien. Ou bien t'es trop mort pour prononcer les mots ou t'es trop mort pour les entendre.", et l'attitude à avoir en toute circonstance au Texas.
Ces nouvelles mettent donc toutes en scène des hommes qui se cherchent, qui ne se trouvent pas toujours, qui hésitent, qui tâtonnent, et dont la morale de la dernière nouvelle conclut ce récit en toute beauté : "Vous ne sentiriez pas les flots de lumière qui le pénètrent et le soulèvent de telle manière qu'il se met à flotter dans les airs, en direction de l'écoutille ouverte au-dessus de lui, s'élevant dans la clarté qui le trouvera, dans quelques minutes à peine, non pas sur le pont d'une plate-forme de forage, mais dehors, dans son allée, une boîte isotherme à la main, dehors, dans un monde lumineux peuplé de gens comme Randi Stimmons, John Dalton, Sarah Kneeland Whiteside, Quatre-vingt-deux, et vous, vous tous qui languissez après ce qui vous fait défaut, ce que vous avez perdu quelque part, sur le chemin qui vous a menés à aujourd'hui, le jour où Dean Covin s'avance parmi vous en traînant la jambe, pose sur vous un œil empreint de douceur et de bonté, mais incontrôlable, vous tend une main agitée de spasmes, sachant, malgré ses blessures, ou peut-être à cause d'elles, qu'être un homme, un homme accompli, c'est faire en permanence l'expérience du manque.".
Au-delà de ces hommes en devenir, toutes ces nouvelles mettent également en scène la mort à un moment donné et c'est un aspect qui m'a parfois gênée au cours de ma lecture tant l'auteur ne fait pas dans la dentelle pour l'évoquer.
Bruce Machart n'épargne rien à son lecteur des circonstances de la naissance d'un enfant mort-né, du traitement pour soigner des patients gravement brûlés, d'une agression pour vol, d'un animal ou d'un enfant percuté par une voiture.
La mort est omniprésente et peut surgir à n’importe quel moment, le côté cru dans l'écriture peut mettre mal à l'aise, ce qui m'est arrivé parfois au cours de ma lecture et surtout dans la nouvelle "La seule chose agréable que j'ai entendue".
Tous les récits sont également fortement ancrés dans le terroir américain, particulièrement dans les états du Sud et l'écriture de Bruce Machart est très évocatrice et entraîne le lecteur avec elle.
Quant à son style, il est tout simplement éblouissant et m'a bluffée du début à la fin, il possède une plume absolument magnifique qui fait passer les émotions et insuffle de la vie au récit, la lecture n'en est que plus haletante.
Pour preuve, je me suis à chaque fois très vite attachée aux personnages, ce qui est une chose plutôt rare dans l'univers des nouvelles.
Et le fait que l'auteur s'adresse très souvent au lecteur par le biais de ses personnages et l'utilisation du "vous" suivi d'un verbe n'est sans doute pas non plus étranger à cette forme de vie que contient l'ensemble de l'oeuvre.

"Des hommes en devenir" est un magnifique recueil de nouvelles de Bruce Machart qui signe-là son deuxième roman et possède déjà tout d'un très grand auteur de la littérature américaine, un nom à retenir qui va faire parler de lui dans les années à venir, c'est une certitude; publié par les formidables éditions Gallmeister qui ne m'ont jamais déçue jusqu'à présent et qui possèdent un catalogue passionnant que je vous invite à découvrir.
Tout comme il faut bien entendu se précipiter pour découvrir Bruce Machart.

Je remercie Babelio et les Editions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

mercredi 12 février 2014

Interview pour les Toiles Enchantées et Price Minister

En publiant cette mini-interview sur mon blog, PriceMinister - Rakuten s’engage à faire un don de 15 € aux Toiles Enchantées qui offre gratuitement aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés les films à l'affiche sur grand écran, comme au cinéma ! 


- Quel est votre premier souvenir du cinéma ?

Le premier souvenir traumatisant : "Bambi" !
J'en suis encore triste aujourd'hui quand je repense à Bambi, la mort de ses parents, l'incendie de la forêt, même Panpan ou le patinage sur glace de Bambi ne réussissent à arrêter mes larmes.


Un autre souvenir de cinéma est "Le dernier des Mohicans" de Michael Mann vu en avant-première.
J'avais été marquée par l'histoire et particulièrement les personnages, notamment lorsque Alice Munro meurt (une différence avec le roman), ainsi que par les paysages.


- Quel est selon vous le meilleur film pour enfants de tous les temps ?

"Le roi lion", j'ai énormément aimé ce dessin animé qui est à mes yeux le plus réussi de toute la série des Walt Disney.
Il conjugue une histoire forte avec de l'émotion et de l'humour, des dessins de toute beauté, des personnages charismatiques et une belle morale, ce dessin animé est une belle leçon de vie qui se regarde avec plaisir à tout âge.


- Une machine à voyager dans les films vient d’être inventée. Vous avez la possibilité de vivre les aventures d’un de vos héros cinématographiques d’enfance, dites nous qui ? (ex : Elliott dans E.T…)  

Jeune j'ai très souvent regardé "Autant en emporte le vent" et "Docteur Jivago", j'aimais les grandes aventures de ces films, j'ai vite compris également qu'elles étaient dramatiques, c'est pourquoi je ne tiens pas forcément à être à la place des personnages.



C'est pourquoi j'ai aussi regardé du plus joyeux avec "Mary Poppins" mais si je devais vivre les aventures cinématographiques d'un personnage de mon enfance, ça serait Elliott dans "E.T" de Steven Spielberg (voire même E.T en fait), pour la simple et bonne raison qu'E.T et moi c'est une histoire qui dure depuis 31 ans maintenant, mon papa ayant été voir le film qui venait de sortir la veille de ma naissance (bon, pour l'anecdote il a craint un instant que je ne ressemble à E.T après avoir vu le film, il a été rassuré le lendemain ... enfin je pense ... j'espère ...).


- Dites nous en une phrase pourquoi vous aimez les Toiles Enchantées !

Le rêve ne doit pas avoir de barrière ou de frontière et l'association les Toiles Enchantées le permet en apportant à des jeunes malades ou handicapés un moment d'évasion grâce au cinéma, une très belle initiative à soutenir.

Vous aussi participez à la chaîne de solidarité en participants à #1Blog1Séance ou en faisant directement un don si vous n’avez pas de blog.

Les Toiles Enchantées en quelques mots 

Depuis 17 ans, l’association Les Toiles Enchantées sillonne les routes de France pour offrir gracieusement aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés des séances de cinéma dans leur établissement, en projetant les films dont tout le monde parle, au moment même leur sortie en salle, voire parfois en avant-première, en présence des comédiens ou des réalisateurs !

mardi 11 février 2014

Top Ten Tuesday #35


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres de votre PAL à lire absolument en 2014

C'est pris au petit bonheur la chance ... .

1) "Quand le requin dort" de Milena Agus
2) "Au pays" de Tahar Ben Jelloun
3) "Noire lagune" de Charlotte Bousquet
4) "Testament à l'anglaise" de Jonathan Coe
5) "Les ignorants" d'Etienne Davodeau
6) "Monteriano" d'E. M Forster
7) "Les années douces" de Hiromi Kawakami
8) "Le choix de Sophie" de William Styron
9) "Rouge Brésil" de Jean-Christophe Ruffin
10) "Le sillage de l'oubli" de Bruce Machart

dimanche 9 février 2014

De là, on voit la mer de Philippe Besson


Une villa en Italie, le soleil trop fort, des ferries qui font la traversée vers les îles, une romancière qui peine à finir un livre, un jeune officier de l’Académie navale, un accident de voiture à des centaines de kilomètres, l’enchaînement des circonstances, la réalité qui rejoint la fiction, la fin d’un amour, le commencement d’un autre peut-être. 
Dans ce roman plus personnel qu’il n’y paraît, l’auteur de L’Arrière-Saison dresse le portrait d’une femme puissante et de deux hommes fragiles, en proie à des hésitations sentimentales. (Julliard)

Ce roman de Philippe Besson a un faux air de la chanson "Voyage en Italie" mais en solo plutôt qu'en duo.
En effet, Louise part dans la maison d'une amie, à Livourne, pour s'isoler et écrire son nouveau roman : "Elle est sans amarres. L'unique attache est au livre en train de s'écrire.", loin de son mari resté en France et avec pour seule compagnie Graziella, une femme lui faisant le ménage et la cuisine.
Mais dans cette villa isolée d'où l'on voit la mer, son chemin va très vite croiser celui de Luca, le fils de Graziella, avec ses vingt ans, sa beauté et l'insolence de sa jeunesse, il se passe alors ce qui devait arriver : "Accident inattendu. Accident délicieux néanmoins, et qui ne lui arrache pas un remords, ne provoque pas chez elle le moindre sentiment de culpabilité. Bien entendu, la chose la déconcerte mais elle ne lui accorde pas le statut - exigeant - de faute. Le péché, tout de même, ce serait autre chose.".

Que Philippe Besson aime le film "Les choses de la vie" de Claude Sautet est une chose, mais j'avoue ne pas avoir bien saisi le parallèle avec son histoire, d'autant plus que je ne m'imagine pas Louise sous les traits de Romy Schneider.
Pourtant, je reconnais à son roman une dimension cinématographique, qu'il s'agisse de la relation "printemps/hiver" entre Louise et Luca, de l'accident qui se joue dans le même temps à Paris pour François, le mari de Louise, ou encore des sublimes paysages de l'Italie dans un été qui joue les prolongations et un automne qui tarde à venir.
Sans aller jusqu'à le qualifier de roman initiatique, "De là, on voit la mer" avec son semblant d'histoire d'amour permet surtout à Louise de se redécouvrir, de sortir d'un mariage qui ne lui convenait plus forcément et de casser sa routine d'écrivain dans laquelle elle s'est enfermée depuis plusieurs années : "Luca lui a révélé qu'elle était encore vivante, encore capable d'emballement, de ferveur, de fièvre, de lâcher-prise. Et quand on a fait pareille découverte, comment continuer à vivre dans la torpeur, la facilité ? Ce n'est même pas une question de courage. C'est juste une question de respect de soi.".
Louise est une femme forte avec du caractère, elle sait ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas dans sa vie, elle assume ses choix et ses positions qui pour certains apparaissent comme égoïstes mais elle se fiche bien de ce que les autres pensent d'elle : "C'est à raison que les bonnes gens lui reprocheraient son égoïsme. De toute façon, les bonnes gens ont toujours raison. Toutefois, elle s'en moque.".
C'est à la fois une qualité et un défaut, car il faut bien reconnaître que si le personnage de Louise m'a séduit pendant un temps il a aussi fini par m'agacer avec son côté froid, insouciant du mal causé à autrui, qui profite de son histoire charnelle avec un homme plus jeune qu'elle sans se poser de question ni se remettre en cause : "Elle a la légèreté des femmes coupables ayant occulté leur culpabilité.".
Ou alors aime-t-elle comme un homme, et cela venant de la part d'une femme serait dérangeant ?
Car autour de cette Louise si forte ce sont deux hommes faibles qui gravitent, irrémédiablement attirés par elle mais qui en sa présence deviennent des chiffons dont elle fait ce qu'elle veut ou presque.
Je pense qu'au fond Louise est égoïste, en plus d'être aveugle au point de ne pas se rendre compte qu'elle vit ce qu'elle écrit, que la fiction rejoint la réalité, en tout cas pour le roman qu'elle est en train de concevoir : "Elle persiste à ne pas vouloir voir que les histoires qu'elle invente sont plus proches de la réalité que la vérité elle-même.".
Cette mise en abîme du roman dans le roman est intéressante et c'est cet aspect du récit qui m'a le plus séduite, outre le fait que l'intrigue se passe en grande partie en Italie.
J'aime beaucoup le style de Philippe Besson, avec des chapitres courts il arrive à donner un rythme à son récit et il est difficile de s'arrêter une fois lancé dans la lecture, le dépouillement de son écriture ne me gênant pas, au contraire.
Mais à l'inverse de ma précédente lecture de cet auteur avec "Une bonne raison de se tuer", je me suis moins attachée aux personnages, particulièrement à l'héroïne féminine, ce qui fait que j'ai fini par prendre du recul par rapport à l'histoire, voire à m'en détacher quelque peu.

"De là, on voit la mer" permet de s'évader en Italie le temps d'une lecture, de suivre les tribulations d'un trio amoureux, d'assister à la fin d'un amour et à la naissance d'un autre, enfin peut-être, car la fenêtre se referme et laisse le lecteur imaginer ce qu'il veut dans la naissance du printemps italien qui s'annonce.
Et quitte à citer un film de Claude Sautet avec Romy Schneider, après cette lecture c'est plus "César et Rosalie" que j'ai à l'esprit que "Les choses de la vie", ne serait-ce que pour le trio amoureux de deux hommes gravitant autour de la même femme.
En conclusion, lire Philippe Besson c'est bien, regarder les films de Claude Sautet aussi, comme ça tout le monde est content.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio

samedi 8 février 2014

Mourir, la belle affaire d'Alfredo Noriega


Équateur, Quito, 2850 mètres d’altitude. Une Subaru est percutée par une Cherokee. Dans la Subaru, deux morts et une survivante, María del Carmen. A l’arrivée de la police, la jeune fille, encore sous le choc, promet à l’inspecteur Heriberto Gonzaga de l’épouser s’il retrouve les coupables. Mais à Quito, les accidents de la route sont légions et l’affaire est vite classée. Quelques mois plus tard, rongée par la culpabilité d’avoir survécu, María del Carmen se jette du haut d’une falaise. En découvrant son corps, Heriberto se souvient de sa promesse et reprend l’affaire. Il découvre que le dossier a été étouffé… 
Tout en maniant le scalpel, Arturo Fernandez, observateur mélancolique et subtil, raconte l’histoire de María del Carmen et Heriberto, mais aussi celle des habitants anonymes d’une cité entourée de volcans, fragilement bâtie sur des collines sillonnées de ravins. L’enquête et tous ces récits peu à peu s’entrecroisent et construisent le tableau d’une ville violente, indifférente, passive devant l’injustice sociale, le destin et l’acharnement de la nature. Un lieu où la mort est quotidienne et sans autres conséquences qu’intimes pour ceux qu’elle frappe. (Ombres Noires)

L'Equateur ne sera pas ma prochaine destination de vacances, c'est une certitude après la lecture de ce roman noir tel un café bien serré.
La mort est non seulement habituelle dans les quartiers de Quito, mais elle est aussi banale et personne ne s'émeut des crimes et des morts restés impunis : "L'accident, tout comme la mort de Julio, restera en suspens dans les limbes de la loi où sont englouties la plupart des affaires du même genre dans ce pays. Des milliers de morts impunies, des milliers de blessés qui ne sauront jamais pourquoi ils se sont retrouvés dans l'état où ils se sont retrouvés.".
Le narrateur, Arturo Fernandez, est médecin légiste, autant dire que des morts il en voit passer sous ses scalpels tous les jours, c'est avec mélancolie et une forme de désillusion qu'il observe la foule anonyme de Quito et raconte son quotidien : "Par moments, j'ai l'impression que la ville entière finira entre mes mains; par moments, j'ai l'impression que ce mouvement perpétuel est une preuve supplémentaire de l'irréalité qui enveloppe tout destin, et tout ça pour quoi ? A quoi bon ?".
Ce qui surprend dans ce roman équatorien, c'est l'absence de trame narrative et de construction dans l'intrigue.
Le lecteur, tout comme le narrateur, y croise des personnes, sans rapport les unes avec les autres mais le premier abord est trompeur et au final tous ces destins finiront par se croiser pour former une vérité.
La surprise passée, cette construction ne m'a pas dérangée, bien au contraire, car elle se démarque des constructions habituelles pour ce genre de roman et ce n'est pas plus mal de surprendre ainsi le lecteur.
Elle m'a par contre rappelé tout au long de ma lecture le très beau film "Collision" de Paul Haggis construit sur ce même principe de suivre le destin de plusieurs personnes qui n'ont a priori rien en commun les unes avec les autres et qui finalement sont liées sans le savoir.
Il se dégage aussi de ces lignes une ambiance à l'opposé des clichés que l'on peut avoir de l'Equateur et des pays d'Amérique du Sud plus généralement.
L'intrigue est basée à Quito mais ce n'est pas une image glamour invitant au voyage que l'auteur livre de cette ville, plutôt celle d'une capitale où le danger rôde dans chaque quartier, où la mort est affaire courante, où l'autorité ne s'exerce plus depuis des années et où ce désintéressement est entré dans les us et coutumes.
Outre le danger immédiat venant des habitants, il y a aussi celui du volcan, de la Terre avec ses glissements de terrain qui engloutissent des personnes.
Quito serait donc tel un ogre à manger petits et grands pour n'en recracher que des cadavres, mais elle est aussi un personnage à part entière du roman et connaît des moments de grâce et d'apaisement : "Ses mouvements et ses bruits ont cessé d'être perceptibles; elle est ainsi, elle a la pudeur de s'éloigner, de se retirer s'il le faut.".

"Mourir, la belle affaire", premier roman traduit en français d'Alfredo Noriega, est un roman noir fortement imprégné d'une ambiance sud-américaine qui peut surprendre à la lecture mais ne laisse pas indifférent, une belle découverte littéraire.

Je remercie Babelio et les Editions Ombres Noires pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.

mardi 4 février 2014

Top Ten Tuesday #34


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 résumés (4ème de couverture) qui vous ont donné envie de découvrir le livre

Livres piochés dans ma PAL et/ou dans mes lectures, qui n'ont d'ailleurs pas été forcément des coups de cœur.

1) "Filles de lune" de Jetta Carleton
2) "Le sillage de l'oubli" de Bruce Machart
3) "Les feux de l'automne" d'Irène Némirovsky
4) "L'ombre du vent" de Carlos Ruiz Zafon
5) "A défaut d'Amérique" de Carole Zalberg
6) "Laver les ombres" de Jeanne Benameur
7) "Au cœur du mal" de Chelsea Cain
8) "Photo de groupe au bord du fleuve" d'Emmanuel Dongala
9) "L'insomnie des étoiles" de Marc Dugain
10) "Etoiles" de Simonetta Greggio

lundi 3 février 2014

Ava préfère se battre de Maïté Bernard


Ava est de retour sur Jersey où elle doit assister à sa première assemblée de fantômes. Mais ce moment tant attendu tourne à la catastrophe car tous les fantômes ne veulent pas accepter comme consolateur une jeune Française de moins de quinze ans. Menaces, agressions, intimidations en tous genres... Difficile pour Ava de rester stoïque, surtout lors de ses rendez-vous avec Marco, un garçon terriblement attirant et bien vivant, qui ignore tout de son don ! Heureusement son ami Harald, un Viking vieux de huit cents ans, expert dans l'art de la guerre, est là pour la conseiller. Et Ava va bientôt montrer à tous de quoi elle est capable. (Syros Jeunesse)

"Être consolé signifie faire la paix avec le fait qu'il faut partir, et ce n'est pas toujours une joie.", mais être un consolateur est loin aussi d'être évident, tout comme se faire accepter par la communauté de fantômes, et c'est ce qu'Ava va découvrir à l'occasion de sa venue sur l'île de Jersey pour l'été.
Ava est une jeune fille pleine de bonne volonté et presque ordinaire, à ceci près qu'elle voit les fantômes depuis l'âge de trois ans et qu'elle vient d'apprendre qu'elle était en réalité un consolateur, c'est-à-dire une personne humaine chargée de consoler un fantôme pour le libérer de son état et lui permettre d'accéder sereinement et de façon définitive à la mort.
Mais certains fantômes de Jersey et des îles anglo-normandes ne voient pas d'un très bon œil la venue de cette humaine, française qui plus est.
D'ailleurs, quatre fantômes de marins ont décidé de lui mener la vie dure, pour ne pas dire y mettre fin tout bonnement : "Si tu restes sur Jersey, on va faire de ta vie un enfer. Lentement. Jusqu'à ce que tu craques. Jusqu'à ce que tu ne puisses plus nous ignorer.".
Etant sur une île Anglo-normande, l'été s'annonce peut-être chaud mais avec au moins une averse chaque matin mais également dangereux pour Ava et son amie Cecilia, en charge de la former pour prendre sa succession.

Ava est une adolescente de quinze ans, elle n'est pas nunuche ou en pleine crise et c'est ce qui la rend si agréable pour le lecteur.
Elle a des soucis un peu plus d'adultes mais également ceux d'une jeune fille de son âge, à commencer par ses premiers émois amoureux avec Marco, un jeune habitant de l'île dont le père tient une pizzeria.
Elle doit réussir à mener une vie aux apparences normales et s'imposer en tant que consolateur et pour cela, elle ne manque pas d'idées puisqu'elle décide de se lancer dans un recensement de tous les fantômes des îles Anglo-normandes et de créer des groupes de soutien et d'écoute afin que les fantômes se libèrent entre eux : "Je ne vais jamais y arriver toute seule. Je ne pourrai jamais tous vous voir et tous vous écouter, et même si j'y arrivais, je ne saurais pas quoi dire pour aider ceux qui le veulent à trouver le véritable repos.".
Ava a le mérite d'être consciente de l'étendue de sa tâche et qu'elle ne sera pas capable de la gérer toute seule.
Maïté Bernard a su faire évoluer Ava dans ce deuxième volume en la mettant face à ses responsabilités et à ses décisions, en la laissant s'empêtrer parfois dans ses idées mais c'est ainsi qu'elle évoluera et qu'elle apprendra, et surtout cela permet de placer son héroïne proche du lecteur.
Contrairement au précédent volume, l'histoire se met en place rapidement car les personnages et les lieux sont déjà connus.
La plume de Maïté Bernard est toujours aussi agréable dans le sens où même si elle s'adresse à un public jeune elle n'est pas niaise pour autant et finalement peut se lire à tout âge, l'écriture est soignée et de qualité.
Par contre, il n'y a pas vraiment d'intrigue policière et c'est un peu le reproche que je ferai à ce tome : une intrigue trop esquissée qui manque de corps et se finit en queue de poisson.
Il est clairement centré sur le personnage d'Ava, son évolution et ses rapports avec les fantômes et si cela est très intéressant une intrigue secondaire aurait à mon avis donné plus de corps au récit.
J'ai toutefois été très contente de retrouver cette héroïne accompagnée de Harald, un viking fantôme qui ne parle qu'à la jeune fille car celle-ci répond à ses questions sur l'évolution du monde et la place des vikings dans l'univers.
Ce personnage masculin, bien que sous la forme d'un fantôme, aide aussi beaucoup Ava à évoluer.
Il ne lui apporte pas les mêmes conseils que Cecilia, mais avec ces deux personnes Ava se pose des questions et finit par progresser par elle-même.
Au même titre que Harald n'est pas comparable à Marco, l'autre personnage masculin du récit, mais il se pose tout de même comme une forme de pendant masculin d'une autre époque avec une autre façon de penser.
La relation entre Ava et Harald est en tout cas riche et évoluera, je l'espère dans un troisième volume, car elle pimente de façon plaisante le récit.
Il y a toujours des touches d'humour très britannique, les réunions avec les fantômes sont sans doute les moments les plus savoureux du récit, mais il y a également une forme de gravité qui n'est pas inintéressante.
Les fantômes ne sont pas que des êtres morts à la recherche de la paix, ils éprouvent encore des sentiments humains et pour certains sont désespérés par leur état : "La mort avait cela de cruel sur la vie qu'on pouvait décliner, descendre, mais on ne s'écroulait jamais, on ne disparaissait pas, aucun néant ne s'ouvrait dans lequel s'abîmer enfin avec ses peines.".
Voilà une prise de position qui n'est pas neutre de sens et qui permet au récit de se positionner autrement que comme une énième histoire de fantômes pour jeunes lecteurs/trices.

C'est avec regret que j'ai dû m'arrêter dans ma découverte d'Ava, ma bibliothèque ne disposant pour l'instant que des deux premiers tomes, mais c'est avec plaisir que je la continuerai.
"Ava préfère se battre" est un très bon deuxième volume qui comporte les mêmes ingrédients que le premier tout en y apportant une petite touche qui rend le récit plus savoureux et addictif.
Une histoire, une héroïne et une auteur à découvrir !

samedi 1 février 2014

Bilan de lectures - Janvier 2014


Pour cette année 2014, j'ai décidé de faire un bilan mensuel de lectures, le bal est ouvert.

En janvier, j'ai lu 15 livres qui se répartissent ainsi :

Prix Océans :
"Jeune fille vue de dos" de Céline Nannini
"Les fourmis rouges" d'Edith Serotte
"Le peintre d'éventail" de Hubert Haddad

Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL :
"Pour seul cortège" de Laurent Gaudé
"Au pays" de Tahar Ben Jelloun
"Instinct primaire" de Pia Petersen
"Reflets dans un œil d'or" de Carson McCullers

Emprunté à la bibliothèque municipale : 
"Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro
"Cesare" de Fuyumi Soryo - Synthèse
"Cesare Tome 1" de Fuyumi Soryo
"Cesare Tome 2" de Fuyumi Soryo
"Cesare Tome 3" de Fuyumi Soryo
"Cesare Tome 4" de Fuyumi Soryo
"Cesare Tome 5" de Fuyumi Soryo
"Ava préfère les fantômes" de Maïté Bernard

Bazar : 
"Walking Dead Tome 5 Monstrueux" de Robert Kirkman et Charlie Adlard

J'ai donc tenu et même dépassé mon engagement dans le Plan Orsec 2014 pour PAL en danger, j'ai fait baisser ma PAL de 4 livres, j'ai également complété deux challenges : Romancières américaines, que j'organise, et Il Viaggio.
Parmi toutes ces lectures, il y a eu de très belles surprises comme "Reflets dans un œil d'or" ou encore le roman pour adolescent "Ava préfère les fantômes", une belle lecture aux teintes du Japon avec "Le peintre d'éventail" et également quelques déceptions où des livres qui n'ont pas su me toucher.

Un bilan positif pour ce mois de janvier 2014 !

Cesare de Fuyumi Soryo


Borgia, ce seul nom suffit à faire trembler quiconque l'entend et ravive tout un tas d'images et de mots : famille, puissance, luxure, dévergondage, décadence, inceste, complot.
La rumeur a fini par donner une dimension d'ogre à cette famille, une légende exagérée forgée par leurs ennemis politiques pour les faire chuter.
La famille Borgia est originaire du royaume de Valence, en Espagne.
D'Espagne, cette famille est allée s'implanter en Italie où elle a eu une grande importance politique au 15ème siècle, en s'illustrant avec deux papes et quelques autres personnages qui ont acquis une fâcheuse réputation. 


"Cesare" est une série en plusieurs volumes créée en 2004 par Fuyumi Soryo et publiée en France depuis janvier 2013 par les éditions Ki-Oon.
Ce manga historique bénéficie d'une belle publicité amplement méritée, notamment dans Télérama ou encore Historia.
L'auteur aurait pu se contenter de brosser un énième portrait de Cesare Borgia en s'appuyant sur la légende colportée depuis plusieurs siècles.
C'est sans doute l'image qu'elle avait en tête au début : un homme sombre, violent, incestueux; tout comme le lecteur part aussi avec cette image en tête.
Mais Fuyumi Soryo a fait énormément de recherches historiques, utilisant une bibliographie impressionnante pour retracer le parcours de Cesare Borgia, un jeune homme dans l'âge de l'adolescence mais qui brille déjà par son intelligence et qui parfait son éducation à l'université de Pise.
La Renaissance est une période riche, l'auteur l'a utilisée à la fois dans la richesse de ses dessins mais également dans le contexte historique dans lequel elle fait évoluer le personnage de Cesare : il croise bien évidemment les puissants Médicis, mais également Christophe Colomb ou encore Léonard de Vinci.


Pour faire vivre ce personnage, la mangaka a décidé de mêler réalité et fiction dans un savant mélange, en apportant le regard et la fascination du jeune Angelo Da Canossa sur Cesare Borgia.
Angelo est un roturier ayant accédé à la prestigieuse université de Pise uniquement parce qu'il a été repéré par Lorenzo de Médicis qui a vu en lui quelque chose.
Il est plein de bonne volonté mais maladroit, il ne connaît rien aux codes de la société et accumule les maladresses, mettant en péril l'honneur du clan de la Fiorentina auquel il appartient, sa vie mais également celle de Cesare Borgia.
Il apporte au récit innocence et fraîcheur et permet de mieux cerner le personnage de Cesare.  
Au-delà des personnages, il y a également une reconstitution très fidèle de l'Italie de la Renaissance, qu'il s'agisse de Pise, lieu principal de l'action, ou de Florence, ainsi qu'aux habits portés par les différents protagonistes, tout comme un volume est consacré en toile de fond à Dante Alighieri.
Cette série est non seulement bien écrite, bien documentée, bien dessinée, mais elle est également fortement addictive et se lit avec grand plaisir.



Qui a dit que le manga n'était qu'un sous-genre de la littérature ? 
Cette série est la preuve que le manga s'intéresse à tout type d'histoires et de personnages et qu'il peut permettre de s'instruire tout en lisant, grâce à la note documentaire présentée à la fin de chaque volume.
La mangaka Fuyumi Soryo signe avec "Cesare" une série remarquable, fidèle reconstitution historique de l'Italie sous la Renaissance et très beau portrait de Cesare Borgia, sans doute la personne la plus énigmatique de cette grande famille qui a marqué l'Histoire de l'Italie de son empreinte.





Série lue dans le cadre d'Un samedi par mois, c'est manga ! - Février 2014