vendredi 28 juillet 2017

L'amant double de François Ozon

     
     
Chloé, une jeune femme fragile, tombe amoureuse de son psychothérapeute, Paul. Quelques mois plus tard, ils s’installent ensemble, mais elle découvre que son amant lui a caché une partie de son identité. (AlloCiné)


Chloé (Marine Vacth) est une jeune femme fragile souffrant de maux de ventre dont les médecins lui disent qu’ils sont psychologiques.
Elle se décide donc à aller consulter un psy, Paul (Jérémie Renier), et tombe amoureuse de ce dernier.
Ils emménagent ensemble, cessent les consultations, et tandis que les jours passent Chloé découvre que son amant lui cache une partie de son identité.
Elle se lance alors dans une quête de vérité qui pourrait ne pas être celle qu’elle croit.


Quelques mois après le superbe "Frantz", François Ozon revient sur les écrans avec son nouveau film : "L’amant double".
Après une présentation Cannoise, où le film est reparti bredouille (alors qu’un Prix d’interprétation pour Marine Vacth n’aurait sans doute pas été volé), il divise dès sa sortie la critique.
Normal, me direz-vous, c’est un film de François Ozon, et outre le fait qu’il soit un réalisateur prolifique, c’est aussi un cinéaste qui dérange en proposant des films à la fois très différents mais toujours avec une forte emprise psychologique et émotionnelle, par rapport à ses personnages mais aussi sur le spectateur, et avec des thèmes récurrents.
Je n’ai jamais caché que j’admire le travail de François Ozon, c’est un réalisateur que je suis depuis de nombreuses années et qui est à mes yeux l’un des plus intéressants de sa génération (mais pourquoi, pourquoi, ne vient-il jamais présenter ses films à mon cinéma ?).
Avec "L’amant double", François Ozon revient dans son domaine de prédilection : la sexo-psychologie.
Et propose, à mes yeux en tout cas, l’un de ses films les plus ambitieux dans la construction de ses plans et séquences.


C’est du François Ozon, donc c’est tordu.
Mais là, c’est du François Ozon de haut niveau, c’est donc particulièrement tordu.
La scène d’ouverture met déjà dans l’ambiance, par contre elle a soulevé une interrogation chez moi qui n’a toujours pas de réponse (alors que pour la majorité c’est la fin qui pose question) : pourquoi la coupe de cheveux ?
J’ai beau chercher, je ne trouve pas la symbolique.
Pour le reste, je dirai qu’il y a quelques surprises mais le twist final ne surprendra pas tout le monde.
Le film repose, de mon point de vue, sur deux aspects qui en font sa réussite : les acteurs et la mise en scène.
Le casting est excellent, mais au-delà de ce sans-faute j’ai été touchée par l’interprétation de Marine Vacth, une jeune actrice qui en impose ici face à la caméra sans concession à l’égard de son personnage de François Ozon.
Il n’y a pas à dire, elle dégage quelque chose et elle a su en prendre au jeu de son personnage particulièrement torturé.
Je n’avais pas vu Jérémie Renier à l’écran depuis un moment, lui aussi a été gâté par François Ozon pour son personnage et il tire son épingle du jeu à merveille.
Pour tout dire, je ne crois pas l’avoir vu dans un rôle de composition de cette envergure, ou alors c’était il y a des années.
Petit plaisir également de voir Jacqueline Bisset à l’écran.
Quant à la mise en scène, c’est en grande partie l’une des raisons pour lesquelles j’apprécie autant le travail de François Ozon.
Ici, il gâte le spectateur, certains diront peut-être qu’il use et abuse des techniques mais au moins il propose un film construit intelligemment et comme à son habitude n’hésite pas à prendre des risques.
J’ai particulièrement aimé les jeux de miroir auxquels il a recours ainsi que le contraste du Palais de Tokyo dans lequel il plante (littéralement) le personnage de Chloé.
Outre l’utilisation qu’il fait de la caméra il sait toujours choisir très justement les décors dans lesquels il fait évoluer ses personnages.
Non seulement François Ozon est productif, mais il sait se renouveler et proposer à chaque fois un cinéma différent, ce qui n’est pas dû à tout le monde.
Au risque de me répéter, voilà un réalisateur que j’apprécierai de rencontrer afin d’échanger autour de son travail.


"L’amant double" est un bon cru de François Ozon qui retrouve ici des personnages torturés comme il les affectionne et où il déploie toute sa palette de metteur en scène talentueux.








dimanche 2 juillet 2017

Challenge d'été 2017 - Destination PAL par Lili Galipette

Cet été encore, Lili Galipette est heureuse de nous convier à son bord pour une destination d'été vers note PAL.

PAL ?
Pile A Lire (les livres qui s'accumulent, s'accumulent, d'accumulent ...)

Le voyage commence le 1er juin jusqu'au 15 septembre.
Le but : dégommer sa PAL et surtout prendre plaisir à lire !

Cette année, comme en 2016, j'ai choisi de participer avec une PAL d'été, sélectionnée dans mes livres "papier" et numériques.
(Et la tête de linotte que je suis a laissé une partie de sa PAL écrite sur papier ailleurs, bref j'éditerai cette dernière dès que j'aurai remis la main dessus).

Ma PAL papier

La Storia d'Elsa Morante
Une vie entre deux océans de M. L. Stedman
Le bureau des jardins et des étangs de Didier Decoin
Enchantement d'Orson Scott Card
Juvénilia de Jane Austen
Un goût de cannelle et d'espoir de Sarah McCoy
Les douze pendules de Théodule d'Alfred Hitchcock
Les diables de la Jamaïque de Marc Flament
Fais-moi peur de Malika Ferdjoukh
Levius Tome 1 de Haruhisa Nakata
Diabolik Gli ochi nel buio d'Angela et Luciana Giussani
Diabolik Senza passato d'Angela et Luciana Giussani

Ma PAL numérique

L'italienne d'Adriana Trigiani
Les royaumes du nord de Philip Pullman
La métamorphose de Franz Kafka
Dolores Claiborne de Stephen King
La nuit des temps de René Barjavel
La perle et la coquille de Nadia Hashimi
Martin Eden de Jack London
Bellefleur de Joyce Carol Oates
Aquarium de David Vann
La mort est mon métier de Robert Merle
Prête à tout de Joyce Maynard
Ils vivent la nuit de Dennis Lehane
Au revoir là-haut de Pierre Lemaître
La passe-miroir Tome 1 Les fiancés de l'hiver de Christelle Dabos
Dans la forêt de Jean Hegland

Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une douce croisière !

samedi 1 juillet 2017

Le procès du siècle (Denial) de Mick Jackson

     
     

Deborah Lipstadt, historienne et auteure reconnue, défend farouchement la mémoire de l’Holocauste. Elle se voit confrontée à un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, David Irving, qui la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt, qui se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes ? (AlloCiné)


Après un silence de quatorze ans, Mick Jackson, réalisateur de "Bodyguard", revient à la réalisation en portant à l’écran le procès véridique intenté par David Irving sur l’historienne Deborah Lipstadt et sa maison d’édition, en la mettant au défi de prouver l’existence de la Shoah.
Pour se faire, le réalisateur s’est basé sur le livre de Deborah Lipstadt "Denial : Holocaust History on Trial" dans lequel elle retrace le procès en diffamation que lui a intenté David Irving.
(Les livres de Deborah Lipstadt ne sont apparemment pas encore traduits en Français)
Et le scénariste David Hare a fait un formidable travail de documentation en lisant toutes les minutes du procès afin d’être totalement crédible et ne pas se faire accuser de réécrire l’Histoire.
Les dialogues des séquences de prétoire sont d’ailleurs mot pour mot les échanges consignés dans les registres officiels.
Il a aussi travaillé avec la véritable Deborah Lipstadt.


Prouver l’existence de la Shoah, c’est à vomir de savoir que certaines personnes remettent en cause cette partie de l’Histoire, ça l’est encore plus quand on demande d’apporter des preuves matérielles et scientifiques, et que de simples photographies ne suffisent pas.
Photographiquement parlant, les seules preuves de l’extermination sont quatre photos prises en août 1944 par des membres du Sonderkommando dans le camp d’Auschwitz-Birkenau.
Et encore, elles ne sont pas à proprement parler des preuves de l’extermination. On y voit un groupe de femmes menées sans doute au Krematorium V, sur deux photos la crémation de cadavres dans une fosse d’incinération et la dernière représente des arbres à contre-jour.
Aucune photo, je dis bien aucune, n’a été prise dans les chambres à gaz durant les gazages.
Et pourtant, on sait ce qui s’y est passé et que cela a bien eu lieu.
Peu d’études scientifiques et chimiques ont été faites, alors comment démontrer que ces chambres servaient bien à gazer les personnes ?
Voilà l’un des propos les plus intéressants de ce film, et une source de frustration pour les avocats chargés de la défense de Deborah Lipstadt, d’autant plus qu’en droit Anglo-saxon c’est à eux d’apporter les preuves et non à David Irving.
Non seulement il ne vaut pas tripette en historien mais il est malin … .
Je n’avais jamais pensé à la Shoah sous cet aspect aussi matériel, il faut dire que ce n’est pas la première chose qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque cette période, d’un autre côté ce n’est pas non plus la préoccupation première qui me vient à l’esprit lorsque je m’intéresse à la Shoah.
Mais tout cela, c’est parce que je n’ai pas un esprit de négationniste, les personnes qui le sont ne reculent devant aucune bassesse pour propager leurs théories nauséabondes, voilà l’un des aspects les plus intéressants de ce film.


Sur le fond, la mise en forme est très classique et sans recherche, mais l’important du film réside bien dans son sujet et non dans sa mise en scène. Les scènes de prétoire rendent bien, je suis un peu plus partagée sur le pseudo-esthétisme voulu pour les scènes se passant à Auschwitz-Birkenau, les deux camps étant d’ailleurs allègrement mélangés, ce qui prête à confusion lorsque l’on ne connaît pas leur configuration exacte.
Les deux acteurs principaux, Rachel Weisz et Timothy Spall, livrent une prestation formidable, il est sans doute plus aisé d’être la femme droite dans ses bottes que le négationniste nauséabond, mais j’ai énormément apprécié leur prestation.
Le rythme n’est pas toujours égal, certaines parties sont plus longues que d’autres, il y a toutefois quelques beaux échangés entre Deborah et son avocat, particulièrement vers la fin.
Tout comme celles de Tom Wilkinson et Andrew Scott dans les avocats principaux de Deborah Lipstadt.
Pour retrouver l’intégralité du procès, des documents, je vous invite à consulter le site internet créé par Deborah Lipstadt et ses collègues : https://www.hdot.org/


"Le procès du siècle" est un film essentiel en cette époque de folie, de mensonge, d’excès et de violence, et où malheureusement le négationnisme existe encore.